Méditation avec Le Traité de l'Amour de Dieu de St François de Sales
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Neuvaine de l'Assomption du 6 (7) au 14 (15)août
CHAPITRE XII
De la souveraine louange que Dieu se donne à soi-même,
et de l'exercice de bienveillance que nous faisons en icelle.
Toutes les actions humaines de notre Sauveur sont infinies eu valeur et mérite, à raison de la personne qui les produit, qui est un même Dieu avec le Père et le Saint-Esprit. Mais elles ne sont pas pourtant de nature et essence infinie.
Car tout ainsi qu'étant en une chambre nous ne recevons pas la lumière selon la grandeur de la clarté du soleil qui la répand, mais selon la grandeur de la fenêtre par laquelle il la communique; de même les actions humaines du Sauveur ne sont pas infinies, bien qu'elles soient dinfinie valeur; d'autant qu'encore que la personne divine les fasse, elle ne les fait pas toutefois selon l'étendue de son infinité, mais selon la grandeur finie de son humanité par laquelle elle les fait.
De sorte que comme les actions humaines de notre doux Sauveur sont infinies en comparaison des nôtres, aussi sont-elles finies en comparaison de l'essentielle infinité de la Divinité; elles sont d'infinie valeur, estime et dignité, parce qu'elles procèdent d'une personne qui est Dieu; mais elles sont d'essence et nature finie, parce que Dieu les fait selon sa nature et substance humaine, qui est finie.
La louange donc qui part du Sauveur, en tant qu'il est homme, n'étant pas de tout point infinie, elle ne peut correspondre de toutes parts à la grandeur infinie de la Divinité à laquelle elle est destinée.
C'est pourquoi après le premier ravissement d'admiration qui nous saisit quand nous avons rencontré une louange si glorieuse, comme est celle que le Sauveur donne à son Père, nous ne laissons pas de reconnaît que la Divinité est encore infiniment plus louable, qu'elle ne peut être louée ni par toutes les créatures, ni par l'humanité même du Fils éternel.
Si quelqu'un louait le soleil à cause de sa lumière, plus il s'élèverait vers icelui pour le louer, plus il le trouverait louable, parce qu'il y verrait toujours plus de splendeur.
Que si c'est cette beauté de la lumière qui provoque les alouettes à chanter, comme il est fort probable, ce n'est pas merveille si elles chantent plus clairement à mesure qu'elles volent plus hautement, s'élevant également en chant et en vol jusqu'à tant que ne pouvant presque plus chanter, elles commencent à descendre de ton et de corps, rabaissant petit à petit leur vol comme leur voix.
Ainsi, mon Théotime, à mesure que nous montons par bienveillance vers la Divinité pour entonner et ouïr ses louanges, nous voyons qu'il est toujours au-dessus de toute louange; et finalement nous connaissons qu'il ne peut être loué selon qu'il mérite, sinon par lui-même qui seul peut dignement égaler sa souveraine bonté par une souveraine louange.
Alors nous exclamons : Gloire soit au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit! Et afin qu'on sache que ce n'est pas la gloire des louanges créées que nous souhaitons à Dieu par cet élan, aine la gloire essentielle et éternelle qu'il a en lui-même, par lui-même, de lui-même, et qui est lui-même, nous ajoutons : Ainsi qu'il lavait au commencement, et maintenant et toujours ès siècles des siècles. Amen.
Comme si nous disions par souhait:
Qu'à jamais Dieu soit glorifié de la gloire qu'il avait avant toute créature en son infinie éternité et éternelle infinité! Pour cela nous ajoutons ce verset de gloire à chaque psaume et cantique, selon la coutume ancienne de l'Eglise orientale que le grand saint Jérôme supplia saint Damase pape de vouloir établir de deçà en Occident, pour protester que toutes les louanges humaines et angéliques sont trop basses pour dignement louer la divine bonté, et qu'afin quelle soit dignement louée, il faut quelle soit sa gloire, sa louange et sa bénédiction elle-même.
Source : Livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde
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CHAPITRE XII
De la souveraine louange que Dieu se donne à soi-même, et de l'exercice de bienveillance que nous faisons en icelle.
Dieu, quelle complaisance, quelle joie à l'âme qui aime, de voir son désir assouvi, puisque son bien-aimé se loue, bénit et magnifie infiniment soi-même !
Mais en cette complaisance naît derechef un nouveau désir de louer; car le coeur voudrait louer cette si digne louange que Dieu se donne à soi-même, l'en remerciant profondément, et rappelant derechef toutes choses à son secours pour venir avec lui glorifier la gloire de Dieu, bénir sa bénédiction infinie, et louer sa louange éternelle, si que par ce retour et répétition de louange sur louange il s'engage entre la complaisance et la bienveillance en un très heureux labyrinthe d'amour, tout abîmé en cette immense douceur, louant souverainement la Divinité de quoi elle ne peut être assez louée que par elle-même.
Et bien qu'au commencement l'âme amoureuse eût eu quelque sorte de désir de pouvoir assez louer son Dieu, si est-ce que revenant à soi elle proteste qu'elle ne voudrait pas le pouvoir assez louer, ains demeure en une très humble complaisance de voir que la divine bonté est si très infiniment louable, qu'elle ne peut être suffisamment louée que par sa propre infinité. En cet endroit, le coeur ravi en admiration chante le cantique du silence sacré:
A votre divine excellence
On dédie dans Sion
L'Hymne d'admiration,
Qui ne se chante qu'en silence.
Car ainsi les séraphins d'Isaïe adorant Dieu et le louant, voilent leurs faces et leurs pieds pour confesser qu'ils n'ont nulle suffisance de le bien considérer ni de re bien servir; car les pieds sur lesquels on va, représentent le service; mais pourtant ils volent de deux ailes par le continuel mouvement de la complaisance et de la bienveillance, et leur amour prend son repos en cette douce inquiétude.
Le coeur de l'homme n'est jamais tant inquiété que quand on empêche le mouvement par lequel il s'étend et resserre continuellement, et jamais si tranquille que quand il a ses mouvements libres; de sorte que sa tranquillité est en son mouvement.
Or, c'en est de même de l'amour de tous les séraphins et de tous les hommes séraphiques, car il eu son repos en son continuel mouvement de complaisance par lequel il tire Dieu en soi, comme le resserrant, et de bienveillance par lequel il s'étend et jette tout en Dieu.
Cet amour donc voudrait bien voir les merveilles de l'infinie bonté de Dieu, mais il replie les ailes de ce désir sur son visage, confessant qu'il n'y peut réussir. Il voudrait aussi rendre quelque digne service, mais il replie le désir sur ses pieds, avouant qu'il n'en a pas le pouvoir, et ne lui reste que les deux ailes de complaisance et bienveillance avec lesquelles il vole et s'élance vers Dieu.
FIN DU LIVRE CINQUIÈME
LIVRE VI
CHAPITRE PREMIER.
Description de la théologie mystique, qui n'est autre chose que l'oraison.
Nous avons deux principaux exercices de notre amour envers Dieu: l'un affectif, et l'autre effectif, ou, comme dit saint Bernard, actif.
Source : Livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde
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LIVRE VI
CHAPITRE PREMIER.
Description de la théologie mystique, qui n'est autre chose que l'oraison.
Par celui-là nous affectionnons Dieu, et ce qu'il affectionne ; par celui-ci nous servons Dieu, et faisons ce qu'il ordonne.
Celui-là nous joint à la bonté de Dieu ; celui-ci nous fait exécuter ses volontés. L'un nous remplit de complaisance, de bienveillance, d'élans, de souhaits, de soupirs et d'ardeurs spirituelles, nous taisant pratiquer les sacrées infusions et mélanges de notre esprit avec celui de Dieu; l'autre répand en nous la solide résolution, la fermeté de courage et l'inviolable obéissance requise pour effectuer les ordonnances de la volonté de Dieu, et pour souffrir, agréer, approuver et embrasser tout ce qui provient de son bon plaisir.
L'un nous fait plaire en Dieu, l'autre nous fait plaire à Dieu. Par l'un nous concevons, par l'autre nous produisons. Par l'un nous mettons Dieu sur notre coeur, comme un étendard d'amour auquel toutes nos affections se rangent; par l'autre nous le mettons sur nos bras, comme une épée de dilection par laquelle nous faisons tous les exploits des vertus.
Or, le premier exercice consiste principalement en l'oraison, en laquelle se passent tant de divers mouvements intérieurs, qu'il est impossible de les exprimer tous, non seulement à cause de leur quantité. Mais aussi à raison de leur nature et qualité, laquelle étant spirituelle ne peut être que grandement déliée et presque imperceptible à nos entendements.
Les chiens les plus sages et mieux dressés tombent souvent en défaut, perdant la piste et le sentiment pour la variété des ruses dont les cerfs usent, faisant les horvaris (Ce mot, qui désigne certain cri des chasseurs pour ramener les chiens en défaut, se dit, par extension, des ruses des animaux chassés.), donnant le change et pratiquant mille malices pour s'échapper devant la meute, et nous perdons souvent de vue et de connaissance notre propre coeur en linfinie diversité des mouvements par lesquels il se tourne en tant de façons et avec une si grande promptitude qu'on ne peut discerner ses erres (errements, détours).
Dieu seul est celui qui, par son infinie science, voit, sonde et pénètre tous les tours et contours de nos esprits ; il entend nos pensées de loin, il trouve tous nos sentiers, faufilans et détours :
sa science est admirable, elle prévaut au-dessus de notre capacité, et nous n'y pouvons atteindre. Certes, si nos esprits voulaient faire retour sur eux-mêmes par les réfléchissements (réfexions) et replis de leurs actions, ils entreraient en des labyrinthes esquels ils perdraient sans doute lissue, et ce serait une attention insupportable de penser quelles sont nos pensées, considérer nos considérations, voir toutes nos vues spirituelles, discerner que nous discernons, nous ressouvenir que nous nous ressouvenons :
ce seraient des entortillements que nous ne pourrions défaire. Ce traité est donc difficile, surtout à qui n'est pas homme de grande oraison.
Nous ne prenons pas ici le mot d'oraison pour la seule prière ou demande de quelque bien, répandue devant Dieu par les fidèles, comme saint Basile la nomme, mais comme saint Bonaventure, quand il dit que l'oraison, à parler généralement, comprend tous les actes de contemplation ; ou comme saint Grégoire Nyssène (De Nysse), quand il enseignait que L'oraison est un entretien et conversation de l'âme avec Dieu ; ou bien comme saint Chrysostome, quand il assure que l'oraison est un devis avec la divine majesté; ou enfin comme saint Augustin et saint Damascène, quand ils disent que l'oraison est une montée on élèvement de l'esprit en Dieu.
Que si l'oraison est un colloque, un devis, ou une conversation de l'âme avec Dieu, par icelle donc nous parlons à Dieu, et Dieu réciproquement parle à nous; nous aspirons à lui et respirons en lui; et mutuellement il inspire en nous et respire sur nous.
Source : Livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde
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LIVRE VI
CHAPITRE PREMIER.
Description de la théologie mystique, qui n'est autre chose que l'oraison.
Mais de quoi devisons-nous en l'oraison? quel est le sujet de notre entretien ? Théotime, on n'y parle que de Dieu; car de qui pourrait deviser et s'entretenir l'amour, que du bien-aimé?
Et pour cela l'oraison et la théologie mystique ne sont qu'une même chose. Elle s'appelle théologie, parce que comme la théologie spéculative a Dieu pour son objet, celle-ci aussi ne parle que de Dieu, avec trois différences :
car, 1° celle-là traite de Dieu en tant qu'il est Dieu, et celle-ci en parle en tant quil est souverainement aimable, c'est-à-dire, celle-là regarde la divinité de la suprême bonté, et celle-ci la suprême bonté de la divinité;
2° la spéculative traite de Dieu avec les hommes et entre les hommes, la mystique parle de Dieu avec Dieu et en Dieu même;
3° la spéculative tend à la connaissance de Dieu, et la mystique à l'amour de Dieu, de sorte que celle-là rend ses écoliers savants, doctes et théologiens; mais celle-ci rend les siens ardents, affectionnés, amateurs de Dieu, et Philothées ou Théophiles.
Or, elle s'appelle mystique, parce que la conversation y est toute secrète, et ne se dit rien en icelle entre Dieu et l'âme que de coeur à coeur par une communication incommunicable à tout autre qu'à ceux qui la font.
Le langage des amants est si particulier que nul ne l'entend qu'eux-mêmes. Je dors, disait l'amante sacrée, et mon coeur veille, eh ! voilà que mon bien-aimé me parle.
Qui eût pu deviner que cette épouse étant endormie eût néanmoins devisé avec son époux? Mais où l'amour règne, on n'a point besoin du bruit des paroles extérieures, ni de l'usage des sens pour s'entretenir et s'entrouïr l'un lautre.
En somme l'oraison et théologie mystique n'est autre chose qu'une conversation par laquelle l'âme s'entretient amoureusement avec Dieu de sa très aimable bonté, pour s'unir et joindre à icelle.
L'oraison est une manne, pour l'infinité des goûts amoureux et des précieuses suavités qu'elle donne à ceux qui en usent; mais elle est secrète, parce qu'elle tombe avant la clarté d'aucune science, en la solitude mentale où l'âme traite seule à seule avec son Dieu.
Qui est celle-ci, peut-on dire d'elle, qui monte par le désert comme une nuée de parfums, de myrrhe, d'encens, et de toutes les poudres du parfumeur ? Aussi le désir du secret l'avait incitée de faire cette supplication à son époux :
Venez, mon bien-aimé, sortons aux champs, séjournons és villages; pour cela l'amante céleste est appelée tourterelle, oiseau qui se plait ès lieux ombrageux et solitaires, esquels elle ne se sert de son ramage que pour son unique patron, ou le flattant tandis qu'il est en vie, ou le regrettant après sa mort.
Pour cela au Cantique l'époux divin et l'épouse céleste représentent leurs amours par un continuel devis, que si leurs amis et amies parlent parfois emmi leur entretien, ce n'est qu'à la dérobée, et de sorte qu'ils ne troublent point le colloque.
Pour cela la bienheureuse mère Térèse de Jésus trouvait plus de profit au commencement ès mystères où notre Seigneur fut plus seul, comme au jardin des Olives, et lorsqu'il fut attendant la Samaritaine, car il lui était advis qu'étant seul il la devait plus tôt admettre auprès de lui.
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Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde
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LIVRE VI
CHAPITRE PREMIER.
Description de la théologie mystique, qui n'est autre chose que l'oraison.
L'amour désire le secret, et quoique les amants n'aient rien à dire de secret, ils se plaisent toutefois à le dire secrètement, et c'est en partie, si je ne me trompe, parce qu'ils ne veulent parler que pour eux-mêmes, et disant quelque chose à haute voix, il leur est advis que ce n'est plus pour eux seuls, partie (en partie), parce qu'ils ne disent pas les choses communes à la façon commune, ainsi avec des traits particuliers et qui ressentent la spéciale affection avec laquelle ils parlent.
Le langage de l'amour est commun quant aux paroles; mais quant à la manière et prononciation, il est si particulier que nul ne l'entend, sinon les amants.
Le nom d'ami, étant dit en commun, n'est pas grandchose, mais étant dit à part, en secret, à l'oreille, il veut dire merveille, et à mesure qu'il est dit plus secrètement, sa signification en est plus aimable.
O Dieu! quelle différence entre le langage de ces anciens amateurs de la divinité, Ignace, Cyprien, Chrysostome, Augustin, Hilaire, Ephrem, Grégoire, Bernard, et celui des théologiens moins amoureux!
Nous usons de leurs mêmes mots, mais entre eux c'étaient des mots pleins de chaleur et de la suavité des parfums amoureux : parmi nous ils sont froids et sans aucune senteur.
L'amour ne parle pas seulement par la langue, mais par les yeux, les soupirs et contenances. Oui même le silence et la taciturnité lui tiennent lieu de parole.
Mon coeur vous la dit, ô Seigneur, ma face vous a cherché; ô Seigneur, je chercherai votre face. Mes yeux ont défailli, disant:
Quand me consolerez-vous ! Exaucez ma prière, ô Seigneur, et déprécation: écoutez de vos oreilles mes larmes.
Que la prunelle de ton oeil ne se taise point, disait le coeur désolé des habitants de Jérusalem à leur propre ville. Voyez-vous, Théotime, que le silence des amants affligés parle de la prunelle des yeux et par les larmes.
Certes, en la théologie mystique, c'est le principal exercice de parler à Dieu et d'ouïr parler Dieu au fond du coeur, et parce que ce devis se fait par de très secrètes aspirations et inspirations, nous l'appelons colloque de silence : les yeux parlent aux yeux, et le coeur au coeur, et nul nentend ce qui se dit que les amants sacrés qui parlent.
CHAPITRE II
De la méditation, premier degré de l'oraison ou théologie mystique.
Ce mot est grandement en usage dans les saintes Écritures, et ne veut dire autre chose qu'une attentive et réitérée pensée propre à produire des affections ou bonnes ou mauvaises. Au premier psaume, l'homme est dit bienheureux qui sa volonté en la loi du Seigneur, et qui méditera en la loi dicelui jour et nuit.
Mais au second psaume : Pourquoi ont frémi les nations et les peuples? Pourquoi ont-ils médité des choses vaines?
La méditation donc se fait pour le bien et pour le mal. Toutefois d'autant qu'en l'Écriture sainte le mot de méditation est employé ordinairement pour l'attention que l'on a aux choses divines afin de s'exciter à les aimer, il a été, par manière de dire, canonisé du commun consentement des théologiens, aussi bien que le nom dange et de zèle; comme au contraire celui de dol et de démon a été diffamé, si que maintenant, quand on nomme la méditation, on entend parler de celle qui est sainte, et par laquelle on commence la théologie mystique.
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Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde
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LIVRE VI
CHAPITRE II
De la méditation, premier degré de l'oraison ou théologie mystique.
Or, toute méditation est une pensée, mais toute pensée n'est pas une méditation. Maintes fois nous avons des pensées auxquelles notre esprit s'attache sans dessein ni prétention quelconque, par manière de simple amusement, ainsi que nous voyons, les mouches comme voler çà et là sur les fleurs sans en tirer chose aucune, et cette espèce de pensée, pour attentive qu'elle soit, ne peut porter le nom de méditation, ains doit être simplement appelée pensée.
Quelquefois nous pensons attentivement à quelque chose pour apprendre ses causes, ses effets, ses qualités, et cette pensée s'appelle étude, en laquelle l'esprit fait comme les hannetons qui volettent sur les fleurs et les feuilles indistinctement, pour les manger et s'en nourrir.
Mais quand nous pensons aux choses divines, non pour apprendre, mais pour nous affectionner à elles, cela s'appelle méditer, et cet exercice, méditation, auquel notre esprit, non comme une mouche par simple amusement, ni comme un hanneton pour manger et se remplir, mais comme une sacrée avette, va çà et là sur les fleurs des saints mystères pour en extraire le miel du divin amour.
Ainsi plusieurs sont toujours songeants et attachés à certaines pensées inutiles, sans savoir presque à quoi ils pensent: et ce qui est admirable, ils n'y sont attentifs que par inadvertance, et voudraient ne point avoir telles cogitations; témoin celui qui disait :
Mes pensées se sont dissipées tourmentant mon coeur. Plusieurs aussi étudient, et par une occupation très laborieuse se remplissent de vanité, ne pouvant résister à la curiosité; mais il y en a peu qui s'emploient à méditer pour échauffer leur coeur au saint amour céleste.
En somme la pensée et l'étude se font de toutes sortes de choses; mais la méditation, ainsi que nous en parlons maintenant, ne regarde que les objets; la considération desquels nous peut rendre bons et dévots.
Si que la méditation n'est autre chose qu'une pensée attentive, réitérée ou entretenue volontairement en l'esprit afin d'exciter la volonté à des saintes et salutaires affections et résolutions. La sainte parole explique certes admirablement en quoi consiste la sainte méditation par une excellente similitude.
Ezéchias voulant exprimer eu son cantique l'attentive considération qu'il fait de son mal : Je crierai, dit-il, comme un poussin d'hirondelle, et je méditerai comme une colombe.
Car, mon cher Théotime, si jamais vous y avez pris garde, les petits des hirondelles ouvrent grandement leur bec quand ils font leur piallement (piaillement, cri plaintif), et au contraire les colombes entre tous les oiseaux font leur grommellement à bec clos et enfermé, roulant leur voix dans le gosier et poitrine sans que rien en sorte que par manière de retentisse-nient et résonnement, et ce petit grommellement leur sert également pour exprimer leurs douleurs comme pour déclarer leurs joies.
Ezéchias donc, pour montrer qu'emmi son ennui il faisait plusieurs oraisons vocales : Je crierai, dit-il, comme le poussin de l'hirondelle, ouvrant ma bouche pour pousser, devant Dieu, plusieurs voit lamentables; et pour témoigner d'autre part qu'il employait aussi la sainte oraison mentale:
Je méditerai, ajoute-t-il, sommé la colombe, roulant et contournant mes pensées dedans mon coeur par une attentive considération, afin de m'exciter à bénir et louer la souveraine Miséricorde de mon Dieu, qui ma retiré des portes de la mort, ayant compassion de ma misère.
Ainsi, dit Isaïe, nous rugirons ou bruirons comme des ours, et gémirons méditant comme des colombes; le bruit des ours se rapportant aux exclamations par lesquelles on s'écrie en raison vocale, et les gémissements des colombes à la sainte méditation.
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LIVRE VI
CHAPITRE II
De la méditation, premier degré de l'oraison ou théologie mystique.
Mais afin qu'on sache que les colombes ne font pas leur grunement (petit grognement, roucoulement) seulement ès occasions de tristesse, ains encore en celles de la joie, l'époux sacré décrivant le printemps naturel pour exprimer les grâces du printemps spirituel :
La voix, dit-il, de la tourterelle a été ouie en notre terre, parce qu'au printemps la tourterelle commence à s'échauffer, ce qu'elle témoigne par son ramage qu'elle répand plus fréquemment; et tôt après :
Ma colombe, montre-moi ta face; que ta voix résonne à mes oreilles; car ta voix est douce, et ta face très bienséante et gracieuse. Il veut dire, Théotime, que l'âme dévote lui est très agréable, quand elle se présente devant lui, et qu'elle médite comme la colombe, pour s'échauffer au saint amour spirituel.
Ains celui qui avait dit : Je méditerai comme la colombe, exprimant sa conception d'une autre sorte : Je repenserai, dit-il, devant vous, ô mon Dieu, toutes mes années en l'amertume de mon âme; car méditer et repenser pour exciter les affections n'est qu'une même chose.
Dont Moïse avertissant le peuple de repenser les faveurs reçues de Dieu, il ajoute cette raison. Afin, dit-il, que tu observes ses commandements, et que tu chemines en ses voies, et que tu le craignes.
Et notre Seigneur même fait ce commandement à Josué : Tu méditeras au livre de la loi jour et nuit, afin que tu gardes et fasses ce qui est écrit en icelui . Ce qu'en l'un des passages est exprimé par le mot de méditer, est déclaré en l'autre par celui de repenser.
Et pour montrer que la pensée réitérée et la méditation tend à nous émouvoir aux affections, résolutions et actions, il est dit, en l'un et l'autre passage, qu'il faut repenser et méditer en la loi pour l'observer et pratiquer.
En ce sens l'Apôtre nous exhorte en cette sorte : Repensez d'icelui qui a reçu une telle contradiction des pécheurs afin que vous ne vous lassiez, manquant de courage.
Quand il dit: repensez, c'est autant comme s'il disait : Méditez. Mais pourquoi veut-il que nous méditions la sainte Passion?
Non, certes, afin que nous devenions savants, mais afin que nous devenions patients et courageux au chemin du ciel. O comme j'ai chéri votre loi, mon Seigneur! dit David, c'est tout le jour ma méditation. Il médite en la loi, parce qu'il la chérit; et il la chérit, parce qu'il la inédite.
La méditation n'est autre chose que le ruminement mystique requis pour n'être point immonde, auquel une des dévotes bergères qui suivaient la sacrée Sulamite nous invite; car elle assure que la sainte doctrine est comme un vin précieux, digne non seulement d'être bu par les pasteurs et docteurs, mais d'être soigneusement savouré, et, par manière de dire, mâché et ruminé.
Ton gosier, dit-elle, dans lequel se forment les paroles saintes, est un vin très bon, digne de mon bien-aimé, pour être bu de ses lèvres, et de ses dents pour être ruminé.
Ainsi le bienheureux Isaac, comme un agneau net et pur, sortait devers le soir aux champs pour se retirer, conférer et exercer son esprit avec Dieu, c'est-à-dire, prier et méditer.
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LIVRE VI
CHAPITRE II
De la méditation, premier degré de l'oraison ou théologie mystique.
L'avette va voletant çà et là au printemps sur les fleurs, non à l'aventure, mais à dessein; non pour se récréer seulement à voir la gaie diaprure (variété) du paysage, mais pour chercher le miel, lequel ayant trouvé, elle le suce et s'en charge; puis le portant dans sa ruche, elle l'accommode artistement en séparant la cire, et d'icelle faisant le bornai (ruche, gâteau de cire) dans lequel elle réserve le miel pour l'hiver suivant.
Or, telle est l'âme dévote en méditation: elle va de mystère en mystère, non point à la volée, ni pour se consoler seulement à voir l'admirable beauté de ces divins objets.
Mais destinément et à dessein, pour trouver des motifs d'amour onde quelque céleste affection; et les ayant trouvés, elle les tire à soi, elle les savoure, elle s'en charge; et les ayant réduits et colloqués dedans son coeur, elle met à part ce quelle voit de plus propre pour son avancement, faisant enfin des résolutions convenables pour le temps de la tentation.
Ainsi la céleste amante, comme une abeille mystique, va voletant au Cantique des cantiques, tantôt sur les yeux, tantôt sur les lèvres, sur les joues, sur la chevelure de son bien-aimé, pour en tirer la suavité de mille affections amoureuses, remarquant par le menu tout ce qu'elle trouve de rare pour cela; de sorte que tout ardente de la sacrée dilection, elle parle avec lui, elle l'interroge, elle l'écoute, elle soupire, elle aspire, elle l'admire; comme lui de son côté la comble de contentement, l'inspirant, lui touchant et ouvrant le coeur, puis répandant en icelui des clartés, des lumières, des douceurs sans fin, mais d'une façon si secrète que l'on peut bien parler de cette sainte conversation de l'âme avec Dieu comme le sacré texte dit de celle de Dieu avec Moïse:
Que Moïse étant seul sur le coupeau (sommet) de la montagne, il parlait à Dieu, et Dieu lui répondait.
CHAPITRE III
Description de la contemplation, et de la première différence qu'il y a entre icelle et la méditation.
Théotime, la contemplation n'est autre chose qu'une amoureuse, simple et permanente attention de l'esprit, aux choses divines; ce que vous entendrez aisément par la comparaison de la méditation avec elle.
Les petits mouchons (petites mouches) des abeilles s'appellent nymphes ou schadons (en grec sxadon, larve des abeille) jusqu'à ce qu'ils fassent le miel, et lors on les appelle avettes ou abeilles. De même l'oraison s'appelle méditation jusqu'à ce qu'elle ait produit le miel de la dévotion :
après cela elle se convertit eu contemplation. Car comme les avettes parcourent le paysage de leur contrée pour le picorer çà et là et recueillir le miel, lequel ayant amassé, elles travaillent sur icelui pour le plaisir qu'elles prennent en sa douceur : ainsi nous méditons pour recueillir l'amour de Dieu, mais l'ayant recueilli, nous contemplons Dieu et sommes attentifs à sa bonté pour la suavité que l'amour nous y fait trouver.
Le désir d'obtenir l'amour divin nous fait méditer, mais l'amour obtenu nous fait contempler; car l'amour nous fait trouver une suavité si agréable en la chose aimée, que nous ne pouvons assouvir nos esprits de la voir et considérer.
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CHAPITRE III
Description de la contemplation, et de la première différence qu'il y a entre icelle et la méditation.
Voyez la reine de Saba, Théotime, comme considérant par le menu la sagesse de Salomon en ses réponses, en la beauté de sa maison, en la magnificence de sa table, ès logis de ses serviteurs, en l'ordre que tous ceux de sa cour tenaient pour l'exercice de leurs charges, en leurs vêtements et maintiens, en la multitude des holocaustes qu'ils offraient en la maison du Seigneur, elle demeura tout éprise d'un ardent amour, qui convertit sa méditation en contemplation, par laquelle étant toute ravie hors de soi-même, elle dit plusieurs paroles d'extrême contentement.
La vue de tant de merveilles engendra dans son coeur un extrême amour, et cet amour produisit un nouveau désir de voir toujours plus et jouir de la présence de celui auquel elle les avait vues, dont elle s'écrie : Hé ! que bienheureux sont les serviteurs qui sont toujours autour de vous et oyent votre sapience (sagesse, conversation savante)
Ainsi nous commençons quelquefois à manger pour exciter notre appétit, mais l'appétit étant réveillé, nous poursuivons à manger pour contenter l'appétit; et nous considérons au commencement la bonté de Dieu pour exciter notre volonté à l'aimer ; mais l'amour étant formé dans nos coeurs, nous considérons cette même bonté pour contenter notre amour qui ne se peut assouvir de toujours voir ce quil aime.
Et en somme, la méditation est mère de l'amour, mais la contemplation est sa fille : c'est pourquoi j'ai dit que la contemplation était une attention amoureuse, car on appelle les enfants du nom de leurs pères, et non pas les pères du nom de leurs enfants.
Il est vrai, Théotime, que comme l'ancien Joseph fut la couronne et la gloire de son père, lui donna un grand accroissement d'honneurs et de contentement, et le fit rajeunir en sa vieillesse; ainsi la contemplation couronne son père qui est l'amour, le perfectionne, et lui donne le comble d'excellence.
Car l'amour ayant excité en nous l'attention contemplative, cette attention fait naître réciproquement un plus grand et fervent amour, lequel enfin est couronné de perfection lorsqu'il jouit de ce qu'il aime. L'amour nous fait plaire en la vue de notre bien-aimé, et la vue du bien-aimé nous fait plaire en son divin amour; en sorte que par ce mutuel mouvement de l'amour à la vue, et de la vue à l'amour, comme l'amour rend plus belle la beauté de la chose aimée, aussi la vue d'icelle rend l'amour plus amoureux et délectable.
L'amour, par une imperceptible faculté, fait paraître la beauté que l'on aime plus belle; et la vue pareillement affine l'amour pour lui faire trouver la beauté plus aimable : l'amour presse les yeux de regarder toujours plus attentivement la beauté bien-aimée, et la vue force le coeur de l'aimer toujours plus ardemment.
CHAPITRE IV
Qu'en ce monde l'amour prend sa naissance, mais non pas son excellence, de la connaissance de Dieu.
Mais qui a plus de force, je vous prie, ou l'amour pour faire regarder le bien-aimé, ou la vue pour le faire aimer? Théotime, la connaissance est requise à la production de l'amour: car jamais nous ne saurions aimer ce que nous ne connaissons pas; et à mesure que la connaissance attentive du bien s'augmente, l'amour aussi prend d'avantage de croissance, pourvu qu'il n'y ait rien qui empêche son mouvement.
Mais néanmoins il arrive maintes fois que la connaissance ayant produit l'amour sacré, l'amour ne s'arrêtant pas dans les bornes de la connaissance qui est en l'entendement, passe outre et s'avance bien fort au delà d'icell.
Si qu'en cette vie mortelle nous pouvons avoir plus d'amour que de connaissance de Dieu, dont le grand saint Thomas assure que souvent les plus simples et les femmes abondent en dévotion, et sont ordinairement plus capables de l'amour divin que les habiles gens et savants.
Source : Livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde
Re: Méditation avec Le Traité de l'Amour de Dieu de St François de Sales
CHAPITRE IV
Qu'en ce monde l'amour prend sa naissance, mais non pas son excellence, de la connaissance de Dieu.
Le fameux abbé de Saint-André de Verceil, Maître de saint Antoine de Padoue, en ses commentaires sur saint Denis, répète plusieurs fois que l'amour pénètre où la science extérieure ne saurait atteindre, et dit que plusieurs évêques ont jadis pénétré le mystère de la Trinité, quoiqu'ils ne fussent pas doctes, admirant sur ce propos son disciple saint Antoine de Padoue, qui, sans science mondaine, avait une si profonde théologie mystique, que comme un autre saint Jean-Baptiste on le pouvait nommer une lampe luisante et ardente.
Le bienheureux frère Gilles, des premiers compagnons de saint François, dit un jour à saint Bonaventure : O que vous êtes heureux, vous autres doctes car vous savez maintes choses par lesquelles vous louez Dieu.
Mais nous autres idiots, que ferons-nous? et saint Bonaventure répondit La grâce de pouvoir aimer Dieu suffit. Mais, mon père, répliqua frère Gilles, un ignorant peut-il aimer Dieu autant qu'un lettré ?
Il le peut, dit saint Bonaventure; ains je vous dis qu'une pauvre simple femme peut autant aimer Dieu qu'un docteur en théologie.
Lors frère Gilles entrant en ferveur, s'écria: O pauvre et simple femme, aime ton Sauveur, et tu pourras être autant que frère Bonaventure, et là-dessus il demeura trois heures en ravissement.
La volonté, certes, ne s'aperçoit du bien que par l'entremise de l'entendement; mais l'ayant une fois aperçu, elle n'a plus besoin de l'entendement pour pratiquer l'amour:
car la force du plaisir qu'elle sent ou prétend sentir de l'union à son objet, l'attire puissamment à l'amour et au désir de la jouissance d'icelui, si que la connaissance du bien donne la naissance à l'amour, mais non pas la mesure, comme nous voyons que la connaissance d'une injure émeut la colère, laquelle, si elle n'est soudain étouffée, devient presque toujours plus grande que le sujet ne requiert.
Les passions ne suivant pas la connaissance qui les émeut, mais la laissant bien souvent en arrière, elles s'avancent sans mesure ni limite quelconque devers leur objet.
Or, cela arrive encore plus fortement en l'amour sacré, d'autant que notre volonté n'y est pas appliquée par une connaissance naturelle, mais par la lumière de la foi :
laquelle nous assurant de l'infinité du bien qui est en Dieu, nous donne assez de sujet de l'aimer de tout notre pouvoir.
Nous fouissons la terre pour trouver l'or et l'argent, employant une peine présente pour un bien qui n'est encore qu'espéré:
de sorte que la connaissance incertaine nous met en un travail présent et réel. Puis à mesure que nous découvrons la veine de la minière, nous en cherchons toujours davantage et plus ardemment.
Un bien petit sentiment (fumet) échauffe la meute à la quête:
ainsi, cher Théotime, une connaissance obscure environnée de beaucoup de nuages, comme est celle de la foi, nous affectionne infiniment à l'amour de la bonté qu'elle nous fait apercevoir.
Or, combien est-il vrai, selon que saint Augustin s'écriait, que les idiots ravissent les cieux, tandis que plusieurs savants s'abîment ès enfers!
Source : Livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde
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