LA PREDILECTION ET LA MISSION DE LA FRANCE
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LA PREDILECTION ET LA MISSION DE LA FRANCE
La prédilection et la mission de la France
1. L’Evangélisation de la Gaule par les disciples du Christ
Voici en introduction l’excellente synthèse présentée au chapitre 2 intitulé « Marie envoie les Amis de dilection de son Fils évangéliser la Gaule » de l’ouvrage « La Vierge Marie dans l’histoire de France », pages 17 à 22 :
« Les premiers témoignages de la munificence de Marie envers notre pays... sont antérieurs à la Royauté française puisqu'ils remontent à l'ère évangélique. Ne pouvant venir Elle-même, Elle se hâta d'envoyer des apôtres à nos aïeux pour leur annoncer l'arrivée de l'heure de la Rédemption, si ardemment attendue, et les initier à son amour en même temps qu'à celui de Jésus, leur députait les plus éminents et les plus chers disciples du Sauveur, tous les membres de la famille privilégiée de Béthanie, où elle avait, ainsi que son divin Fils, reçu la plus aimable et la plus respectueuse hospitalité; Lazare sur la tombe duquel il avait pleuré au moment même où, pour l'arracher des bras de la mort, il allait trahir sa divinité en opérant le plus saisissant de tous ses miracles" (1). Lazare, préfiguration de la résurrection de la France, Marthe et Madeleine; Madeleine, la grande pécheresse, mais l'âme au grand repentir et au grand amour qui est à l'avance l'image de notre France pécheresse d'aujourd'hui, repentante et amoureuse de demain. A ses plus tendres amis, elle adjoint sa propre famille: Marie Jacobé, mère de Saint Jacques le Majeur et de Saint Jean l'Evangéliste, le bien-aimé qui reposa sur le coeur de Jésus; et Marie Salomé, deux fervents disciples: Maximin et Sidoine, l'aveugle guéri par Notre Seigneur, lui aussi préfiguration de l'aveuglement de notre pays et de son retour miraculeux à la lumière de la foi; enfin Sara et Marcelle, les fidèles servantes des Saintes Femmes. A ce moment, la haine du peuple déicide, voulant faire disparaître les témoins les plus gênants de la vie et des miracles de Jésus, servit les desseins de Dieu et de Marie: "Les mettre à mort eut été trop compromettant. On se contenta de les embarquer sur un petit navire sans voile, sans rame, sans pilote, sans provisions de bouche, et de les exposer ainsi, soit à un naufrage certain, soit à la mort angoissante de la faim." (2). Mais les Juifs comptaient sans la Vierge: "Marie, la douce étoile des mers, les guida, les fit aborder sur les rives de la France, où ils élevèrent de suite un autel à Jésus-Christ, sous le nom et l'invocation de sa sainte Mère, de la Vierge encore vivante "VIRGINI VIVENTI". (3) C'est là (4) que va être plantée la première croix, là que va être célébrée la première messe sur la terre des Gaules. C'est de là que va partir l'étincelle qui portera la lumière de l'Evangile à la Provence (les deux Narbonnaises) d'abord, ensuit au reste de la France...En même temps, jaillit miraculeusement une source d'eau douce comme pour inviter les Saintes Maries à fixer leur demeure en ce lieu.
Les saintes proscrites se séparèrent bientôt, après avoir construit et dédié à la Mère de Dieu un modeste oratoire, qui fut probablement le premier temple chrétien élevé sur la terre des Gaules. Sainte Marthe va évangéliser la région de Tarascon et Avignon. Lazare, Marie-Madeleine, Maximin et Sidoine prennent la route de Marseille...De Marseille, Maximin et Sidoine montent à Aix, où ils établissent le siège épiscopal qu'ils occupent l'un après l'autre. Madeleine reste quelques temps à Marseille avec son frère Lazare, qui devient le premier Evêque de cette ville et qui y meurt martyr. Elle va ensuite rejoindre Maximin et Sidoine, dont elle partage l'apostolat, puis elle se retire au désert où elle vit les trente dernières années de sa vie dans une grotte connue depuis sous le nom de Sainte Baume.
Quant à Marie Jacobé et Marie Salomé, elles fixèrent leur résidence, avec Sara leur servante à côté du petit oratoire (5)", et convertirent les pêcheurs des bords de la mer, les bergers et les cultivateurs de la Camargue. C'est là qu'elles moururent et furent enterrées.
Il y a lieu de souligner, que l'arrivée en Gaule des plus tendres amis et de la propre Famille de Marie et de Son Divin Fils eut lieu le 2 Février de l'an 43, au début même de cette année qui allait voir le Prince et le Chef des Apôtres, Saint-Pierre, s'installer à Rome; comme si Dieu avait voulu marquer nettement, dès l'origine, le lien indissoluble qui unit la France à l'Eglise et motrer ainsi qu'elles doivent, dans la suite des Ages, être toujours unies dans la douleur comme dans les triomphes et jouir toutes deux de la perennité promise par le Christ à l'Eglise et qu'un pape assura à la France parce qu'elle était le Royume de Marie.
Là ne s'arrêtèrent pas les tendresses de Marie pour notre patrie: Une tradition de l'Eglise de Rennes, confirmée par Saint-Epiphane au 5 ième siècle (Haer-51), assure que Saint Luc, si bien nommé l'évangéliste de la Sainte Vierge, traversa toute la Gaule méridionale et précha aux environs de Rennes. "Après l'Assomption dans les demeures célestes de la très Sainte Mère du Sauveur, écrit Robert de Torigny abbé du Mont-Saint-Michel, Amadour averti par Elle passa dans les Gaules" (6) avec son épouse Véronique. Tous deux avaient été "au service de Marie et de Jésus, service tout d'amour et de désintéressement. Véronique n'est autre à la fois que l'hémorrhoïsse qui fut guérie par l'attouchement de la robe de Jésus et la femme généreuse de la 6 ième station du chemin de la Croix qui fut récompensée de son courage et de sa charité par l'impression sur son voile de l'auguste Face du Seigneur " (7).
Après avoir aidé Saint Martial dans son apostolat, Véronique (8) mourut à Soulac auprès d'une chapelle dédiée à Notre Dame. Après sa mort, Amadour vint en Quercy où il éleva un oratoire consacré par Saint Martial à la Mère de Dieu. Il y fut enterré et donna son nom à l'un des plus célèbres pèlerinages français de la Vierge. Rocamadour. Marie trouve qu'Elle n'avait pas encore assez fait: A son lit de mort, se trouvait Saint Denys de l'Aréopage, à ce moment Evêque d'Athènes; Elle l'envoya en Gaule et lui donna sa suprême bénédiction pour le pays qu'il allait évangéliser. Il vint à Rome. "Quel spectacle, écrit le chanoine Vidieu, l'illustre Denys se prosterne lui-même devant le "docteur des docteurs". Saint Clément qui vient d'envoyer Julien à Evreux et Claire à Nantes, donne pleins pouvoirs à Denys pour toute la Gaule. L'Aréopagite visite les églises qu'il traverse et arrive à Lutèce. Il s'y installe et y érige un oratoire sous le vocable de Notre Dame des Champs. Il inculque à ses disciples l'amour de Jésus et de Marie et les envoie évangéliser tout le nord de la Loire (9) fonde le premier monastère près d'Evreux, va encourager les efforts de touts, passe en Espagne puis revient à Paris recevoir la couronne du martyre, à Montmartre (le mont des Martyrs) sur cette colline où a été élevée la basilique du Sacré-Coeur. Son sang sera le batpême de la future capitale de la France (10). Enfin, pour mettre le comble à ses tendresses, Marie voulut confier à notre sol le corps de Sainte Anne, sa mère bien-aimée, et le remit aux Saintes Maries lors de leur départ de Palestine. A leur arrivée en Gaule, saint Auspice en devint le gardien et emmena l'insigne relique - précieuse entre toutes - à Apt, où avant son martyre, il la cacha dans un souterrain, découvert par Charlemagne à Pâque 792 (11). Ainsi, non seulement le Christ et Marie envoyèrent à notre pays les membres de leur famille et leurs amis les plus chers pour l'évangéliser et lui porter le meilleur de leur coeur; mais pour consacrer le culte dû aux morts, Ils voulurent que le corps de Sainte Anne y reposât, confiant ainsi à notre terre de France - comme étant la plus digne de le recevoir - ce qu'Ils avaient de plus cher au monde dans leurs affections intimes, le corps de la Mère de la Très Sainte Vierge, afin que ces restes sacrés fussent entourés du respect et de la vénération du peuple qui était le plus capable de les remplacer dans l'accomplissement de ce devoir, et qu'Ils avaient élu pour être leur Royaume de prédilection. Quel pays compta à lui seul tant de faveurs divines et mariales à l'origine de son évangélisation? Aucun. "O miséricordieuses délicatesses de la Providence, s'écrie Monseigneur Rumeau. C'est ainsi que le Ciel préludait à la mission de la France et posait les bases de sa prédestination" (12).
Notes de l’auteur :
(1) : « Abbé Duhaut - Marie protectrice de la France, page 24 ».
(2) : « Chanoine Chapelle - Les Saintes Maries de la Mer, page 29 ».
(3) : « Abbé Duhaut - op. cit. page 25. Un morceau de cet autel est conservé à Arles ».
(4) : « Aux Saintes Maries de la Mer, dans la Camargue, en Provence ».
(5) : « Chanoine Chapelle - op. cit., pages 30 à 33 ».
(6) : « Chanoine Albe - N.-D. de Rocamadour, page 32 ».
(7) : « Chanoine Albe, page 34. - Voir également les Acta Sanctorum des Bollandistes. - Véronique était gauloise, originaire de Bazas; quant à Amadour une Bulle de Martin V en 1427 et la tradition disent qu'il n'était autre que le publicain Zachée, le converti de Jéricho ».
(8): « La Primatiale de Bordeaux conserve des reliques de la Sainte Vierge apportées, dit la tradition, par Saint Martial et Sainte Véronique. - Voir chanoine Lopez: L'Eglise Métropolitaine Saint-André de Bordeaux - Hamon: op. cit. page 6 ».
(9) : « Lucien à Beauvais, Sanctin à Meaux puis à Verdun, Yon à Monthéry, Chiron à Chartres, Taurin à Evreux, Nicaise à Rouen, etc... »
(10): « Le chanoine Vidieu dans son important ouvrage sur "Saint Denys l'Aréopagite, patron de la France" a victorieusement refuté tous le détracteurs de nos origines religieuses et prouve que l'Aréopagite fut bien le premier évêque de Paris (pages 30 à 67). L'apostolicité des Eglises des Gaules est certaine: "Saint Paul, après avoir échappé aux fers de Néron, était allé jeter les bases de l'organisation de nos églises, établissant Trophime à Arles, Paul à Narbonne, Crescent à Vienne, Pierre avait envoyé Austremoine chez les Arvernes, Ursin chez les Bituriges, Savinien et Potentien à Sens, Memmius à Châlons, Sinice à Soissons, Sixte à Reims, Clément à Metz, Euchaire et Valère à Trèves. A cette mission se rattachent entre autres les prédications de saint Front à Périgueux, de Saint Georges au Velay, de saint Eutrope à Orange et de saint Altin à Orléans" (id. page 188) sans oublier saint Martial à Limoges et saint Saturnin à Toulouse auxquels il y a lieu d'ajourter, Maximius à Rennes, un disciple de Saint Philippe et de Saint Luc, qui dédia le temple de Thétis à la Sainte Vierge, et un disciple de Joseph d'Arimathie, qui ensevelit Notre-Seigneur, Dremulus, près de Lannion qui fonda sous le vocable de Marie, la première église de la contrée qui devint le pèlerinage de N.-D. de Kozgeodek. Un auteur ancien Papirius Masso dans sa "Notitia episcopatum Galliae" compte dix-neuf églises fondées en France par les envoyés immédiats des apôtres. Il est peu d'événements de notre Histoire auxquels le souvenir de saint Denys ne soit mêlé. Rappelons notamment que sainte Geneviève fit construire une église en son honneur, que Dagobert fonda la célèbre abbaye où sont enterrés tous nos Rois et où furent sacré Pépin et couronnées plusieurs Reines de France; que "les reliques de saint Denys attachent la victoire au drapeau de la France et sont pour l'Etat un gage de prospérité et de grandeur", et que notre Jeanne d'Arc tint à y déposer son armure ».
(11) : « L'authenticité du corps de sainte Anne est reconnue et affirmée par plusieurs Bulles Pontificales, notamment par celles d'Adrien, de Benôit XII et de Clément VII. Ce dernier recommanda par Lettre du 30 Octobre 1533 la restaurantion de l'Eglise Sainte Anne d'Apt "où reposent les corps de plusieurs saints et notamment celui de sainte Anne Mère de la glorieuse Vierge Marie". Les saints dont il s'agit sont: Saint Auspice, Saint Castor, Sainte Marguerite, Saint Elzéar de Sabran et Sainte Dauphine de Signe son épouse. Le souterrain, qui conserva pendant plus de sept siècles le corps de sainte Anne, est la seconde crypte de la basilique actuelle. La Reine Anne d'Autriche envoya à Apt une solennelle députation en pèlerinage pour obtenir un héritier pour la couronne. Elle y vint elle-même en pèlerinage avec une suite nombreuse, ordonna huit mille livres pour construire une chapelle plus digne des précieuses reliques, une statue de sainte Anne en or et différents objets ornés de pierres préciesuses. Ajoutons que les actes pontificaux relatent de très nombreux miracles. Le culte de sainte Anne est très répandu en France, notamment en Bretagne où le pèlerinage de sainte Anne d'Auray est célèbre. Il complète très logiquement celui de la Vierge Immaculée.
(12) : « Le livre d'or de Notre-Dame des Miracles - Rennes - 1925 - Discours de Monseigneur Rumeau, Evêque d'Angers, le 25 Mars 1908 lors du couronnement de notre Dame des Miracles, page 41 ».
Je m’attache donc à présenter ici le fruit de l’ensemble de mes recherches sur le sujet, en vous avouant sincèrement, avoir été surpris par la matière, car l’on s’aperçoit que ces sources sont en réalité nombreuses. Voici les textes originaux donnés par ces auteurs.
1.1 Jacques de Voragine : « La Légende dorée (Legenda Sanctorum) » (13 ième Siècle)
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’œuvre magistrale que l’on appele « La légende dorée » n’est aucunement un recueil ou une collection de légendes. En réalité « ‘Legenda Sanctorum’ signifie : lectures de la vie des saints. Legenda est ici l’équivalent du mot lectio, qui, dans le Bréviaire, désigne les passages des auteurs consacrés que le prêtre est tenu de lire entres deux oraisons », comme nous l’indique le traducteur, Théodore de Wyzewa, en introduction de son ouvrage, ainsi que la présentation suivante qu’il fait de son auteur :
« Le bienheureux Jacques est né, en l’année 1228, à Varage, d’où son nom latin : Jacobus de Varagine. Et j’imagine que c’est, ensuite, l’erreur d’un copiste qui, en substituant un ‘o’ au premier ‘a’ de son nom, aura valu à l’auteur de la Légende dorée de devenir, pour la postérité, Jacques de Voragine. Quant à Varage, où il est né, c’est une charmante ville de la côte de Gênes, à mi-chemin entre Savone et Voltri […]. Il avait presque 16 ans lorsque, en 1244, il entra dans l’ordre des Frères Prêcheurs, fondé par Saint Dominique en 1215 […]. A 35 ans, il fut élu par ses frères prieur se son couvent. Puis, en 1267, ils lui confièrent le gouvernement général des monastères dominicains de la province de Lombardie : fonction infiniment fatigante et difficile, qu’il fut contraint de remplir pendant 18 ans […]. En 1292 il est élu archevêque de Gênes avant de mourir en 1298 ».
1.2 Sainte Marie-Madeleine
Duchapitre 45, pages 338 à 347, dédié à Sainte Marie-Madeleine (fêtée le 22 juillet) :
« I. Marie-Madeleine naquit de parents nobles, et qui descendaient de famille royale. Son père s’appelait Syrius, sa mère Eucharie. Avec son frère Lazare et sa sœur Marthe, elle possédait la place forte de Magdala, voisine de Genézareth, Béthanie, près de Jérusalem, et une grande partie de cette dernière ville ; mais cette vaste possession fut partagée de telle manière que Lazare eut la partie de Jérusalem, Marthe, Béthanie, et que Magdala revint en propre à Marie, qui tira de là son surnom de Magdeleine. Et comme Madeleine s’abandonnait tout entière aux délices des sens, et que Lazare servait dans l’armée, c’était la sage Marthe qui s’occupait d’administrer les biens de sa sœur et de son frère. Tous trois, d’ailleurs, après l’ascension de Jésus-Christ, vendirent leurs biens et en déposèrent le prix aux pieds des apôtres.
Autant Madeleine était riche, autant elle était belle ; et elle avait si complètement livré son corps à la volupté qu’on ne la connaissait plus que sous le nom de la Pécheresse. Mais, comme Jésus allait prêchant cà et là, elle apprit un jour, sous l’inspiration divine, qu’il s’était arrêté dans la maison de Simon le lépreux ; et aussitôt elle y courut ; mais, n’osant pas se mêler aux disciples, elle se tint à l’écart, lava de ses larmes les pieds du Seigneur, les essuya de ses cheveux et les oignit d’un onguent précieux : car l’extrême chaleur forçait les habitants de cette région à se servir, plusieurs fois par jour, d’eau et d’onguent […].
Après l’ascension du Seigneur, la quatorzième année après la Passion, les disciples se répandirent dans les diverses contrées pour y semer la parole divine : et Saint Pierre confia Marie-Madeleine à Saint Maximin, l’un des soixante-douze disciples du Seigneur. Alors Saint Maximin, Marie-Madeleine, Lazare, Marthe, Martille, et avec eux Saint Cédon, l’aveugle-né guéri par Jésus, ainsi que d’autres chrétiens encore, furent jetés par les infidèles sur un bateau et lancés à la mer, sans personne pour diriger le bateau. Les infidèles espéraient que, de cette façon, ils seraient tous noyés à la fois. Mais le bateau, conduit par la race divine, arriva heureusement dans le port de Marseille. Là, personne ne voulut recevoir les nouveaux venus, qui s’abritèrent sous le portique d’un temple. Et, lorsque Marie-Madeleine vit les païens se rendre dans leur temple pour sacrifier aux idoles, elle se leva, le visage calme, se mit à les détourner du culte des idoles et à leur prêcher le Christ. Et tous l’admirèrent, autant pour son éloquence que pour sa beauté : éloquence qui n’avait rien de surprenant dans une bouche qui avait touché les pieds du Seigneur.
II. Or le chef de la province se rendit dans le temple pour sacrifier aux idoles, espérant obtenir ainsi un enfant, car leur mariage était resté sans fruit. Mais Madeleine, par sa prédication, les dissuada de sacrifier aux idoles. Et, quelques jours après, elle apparut en rêve à la femme de ce chef et lui dit : « Pourquoi, étant riches, laissez-vous mourir de faim et de froid les serviteurs de Dieu ? ». Et elle la menaça de la colère divine si elle se refusait à faire en sorte que son mari devint plus charitable. Mais la femme eut peur de parler à son mari de cette vision. Madeleine lui apparut encore la nuit suivante ; et, de nouveau, elle négligea d’en avertir son mari […].
III. Cependant Sainte Marie-Madeleine, désireuse de contempler les choses célestes, se retira dans une grotte de la montagne, que lui avait préparée la main des anges, et pendant trente ans elle y resta à l’insu de tous. Il n’y avait là ni cours d’eau, ni herbe, ni arbre ; ce qui signifiait que Jésus voulait nourrir la sainte des seuls mets célestes, sans lui accorder aucun des plaisirs terrestres. Mais, tous les jours, les anges l’élevaient dans les airs, où pendant une heure, elle entendait leur musique ; après quoi, rassasiée de ce repas délicieux, ele redescendait dans sa grotte, sans avoir le moindre besoin d’aliments corporels.
Or, certains prêtres, voulant mener une vie solitaire, s’était aménagé une cellule à douze stades de la grotte de Madeleine. Et, un jour le Seigneur lui ouvrit les yeux, de telle sorte qu’il vit les anges entrer dans la grotte, prendre la sainte, la soulever dans les airs et la ramener à terre une heure après. Sur quoi le prêtre, afin de mieux constater la réalité de sa vision, se mit à courir vers l’endroit où elle lui était apparue ; mais, lorsqu’il fut arrivé à une portée de pierre de cet endroit, tous ses membres furent paralysés ; il en retrouvait l’usage pour s’en éloigner, mais, dès qu’il voulait se rapprocher, ses jambes lui refusaient leur service. Il comprit alors qu’il y avait là un mystère sacré, supérieur à l’expérience humaine. Et, invoquant le Christ, il s’écria : « Je t’en adjure par le Seigneur ! Si tu es une personne humaine, toi qui habites cette grotte, réponds-moi et dis-moi la vérité ! Et, après qu’il eut répété trois fois cette adjuration, Sainte Marie-Madeleine lui répondit : « Approche-toi davantage, et tu sauras tout ce que tu désires savoir ! ». Puis, lorsque la grâce du ciel eut permis au prêtre de faire encore quelques pas en avant, la sainte lui dit : « Te souviens-tu d’avoir lu, dans l’évangile, l’histoire de Marie, cette fameuse pécheresse qui lava les pieds du Sauveur, les essuya de ses cheveux, et obtint le pardon de tous ses péchés ? ». Et le prêtre : « Oui, je m’en souviens ; et, depuis trente ans déjà, notre sainte Eglise célèbre ce souvenir ». Alors la sainte : « Je suis cette pécheresse. Depuis trente ans, je vis ici à l’insu de tous ; et tous les jours, les anges m’emmènent au ciel, où j’ai le bonheur d’entendre de mes propres oreilles les chants de la troupe céleste. Or, voici que le moment est prochain où je dois quitter cette terre pour toujours. Va donc trouver l’évêque Maximin, et dis-lui que, le jour de Pâques, dès qu’il sera levé, il se rende dans son oratoire : il m’y trouvera, amenée par les anges ». Et le prêtre, pendant qu’elle lui parlait, ne la voyait pas, mais il entendait une voix de suavité angélique.
Il courut aussitôt vers Saint Maximin, à qui il rendit compte de qu’il avait vu et entendu, et, le dimanche suivant, à la première heure du matin, le saint évêque, entrât dans son oratoire, aperçut Marie-Madeleine encore entourée des anges qui l’avaient amenée. Elle était élevée à deux coudées de terre, les mains étendues. Et, comme Saint Maximin avait peur d’approcher, elle lui dit : « Père, ne fuis pas ta fille ! ». Et Maximin raconte lui-même, dans ses écrits, que le visage de la sainte, accoutumé à une longue vision des anges, était devenu si radieux, qu’on aurait pu plus facilement regarder en face les rayons du soleil que ceux de ce visage. Alors l’évêque, ayant rassemblé son clergé, donna à Sainte Marie-Madeleine le corps et le sang du Seigneur ; et, aussitôt qu’elle eut reçu la communion, son corps s’affaissa devant l’autel et son âme s’envola vers le Seigneur. Et telle était l’oeur de sa sainteté, que, pendant sept jours, l’oratoire en fut parfumé. Saint Maximin fit ensevelir en grande pompe le corps de la sainte, et demanda à être lui-même enterré près d’elle, après sa mort.
Le livre attribué par les uns à Hegésippe, par d’autres à Josèphe, raconte l’histoire de Marie-Madeleine presque de la même façon. Il ajoute seulement que le prêtre trouva la sainte enfermée dans sa cellule, que, sur sa demande, il lui donna un manteau dont elle se couvrit, et que c’est avec lui qu’elle se rendit à l’église, où, après avoir communié, elle s’endormit en paix devant l’autel ».
NB : Au § IV, nous sont rapporté de nombreux miracles advenus par l’intercession de Sainte Marie-Madeleine, que je ne relate point.
1.3 Sainte Marthe
Duchapitre 54, pages 375 à 378, dédié à Sainte Marthe (fêtée le 29 juillet) :
« I. Marthe, l’hôtesse du Christ, avait pour père Syrus, pour mère Eucharie. Son père, qui était de race royale, gouverna la Syrie et beaucoup d’autres régions maritimes. Marthe, suivant toute probabilité, n’eut jamais de mari. Elle s’occupait d’administrer la maison, et, quand elle recevait le Seigneur, non seulement elle se donnait une peine infinie pour bien l’accueillir, mais elle eût encore voulu que sa sœur Madeleine fît comme elle.
Après l’ascension du Seigneur, Marthe, avec son frère Lazare, sa sœur Madeleine, et Saint Maximin, à qui l’Esprit-Saint les avait recommandés, furent jetés par les infidèles sur un bateau sans voiles, sans rames, et sans gouvernail. Et le Seigneur, comme on le sait, les conduisit à Marseille. Ils se rendirent de là sur le territoire d’Aix, et y firent de nombreuses conversions. De Marthe, en particulier, on rapporte qu’elle était fort éloquente, et que tous l’aimaient.
Or il y avait à ce moment sur les bords du Rhône, dans une forêt sise entre Avignon et Arles, un dragon, mi-animal, mi-poisson, plus gros qu’un bœuf, plus long qu’un cheval, avec des dents aiguës comme des cornes, et de grandes ailes aux deux cotés du corps ; et ce monstre tuait tous les passagers et submergeait les bateaux[…]. Or Sainte Marthe, sur la prière du peuple, alla vers le dragon. L’ayant trouvé dans sa forêt, occupé à dévorer un homme, elle lui jeta de l’eau bénite, et lui montra la croix. Aussitôt le monstre, vaincu, se rangea comme un mouton près de la sainte, qui lui passa sa ceinture autour du cou et le conduisit au village voisin, aussitôt le peuple le tua à coups de pierres et de lances. Et comme ce dragon était connu des habitants sous le nom de Tarasque, ce lieu, en souvenir de lui, prit le nom de Tarascon : il s’appelait jusque-là Nerluc, c’est-à-dire noir lac, à cause des sombres forêts qui y bordaient le fleuve. Et Sainte Marthe, après avoir vaincu le dragon, obtint de sa sœur et du prêtre Maximin la permission de rester dans ce lieu, où elle ne cessa pas de prier et de jeûner, jusqu’à ce qu’enfin une grande congrégation de religieuses s’y réunit auprès d’elle, en même temps qu’une grande basilique fut construite en l’honneur de la Vierge Marie. Et Marthe vivait là de la vie la plus dure, ne mangeant qu’une fois par jour, se privant de chair de graisse, d’œufs, de fromage et de vin.
Un jour qu’elle prêchait à Avignon, au bord du Rhône, un jeune homme, qui se trouvait sur l’autre rive, eut un tel désir de l’entendre que, ne trouvant point de bateau pour traverser le fleuve, il ôta ses vêtements et voulut passer à la nage : mais aussitôt une vague l’entoura et l’étouffa. Son corps fut retrouvé le lendemain, et déposé aux pieds de Sainte Marthe, dans l’espoir que celle-ci parviendrait à le ressusciter. Et la sainte, s’étant prosternée sur le sol, les bras en croix, pria ainsi : « Seigneur Jésus, toi qui as jadis ressuscité mon frère Lazare, que tu aimais, toi qui as reçu mon hospitalité, prends en considération la foi de ceux qi m’entourent, et ressuscite cet enfant ! ». Puis elle prit la main du jeune homme, qui, aussitôt se leva et reçut le saint baptême.
Saint Ambroise nous dit que c’est Marthe, aussi, qui était l’hémorroïsse guérie par le Christ. Nous savons, d’autre part, que Sainte Marthe fut avertie de sa mort un an en avance, et que, pendant toute une année qui suivit cet avertissement, elle souffrit de la fièvre. Huit jours avant sa mort, elle entendit le chœur des anges qui emportaient au ciel l’âme de Marie-Madeleine. Aussitôt, rassemblant ses frères et ses sœurs, elle leur fit part de cette heureuse nouvelle. Puis, pressentant sa propre fin ; elle les pria de rester près d’elle jusqu’à sa mort, avec des flambeaux allumés. Or, la nuit d’avant sa mort, pendant que tous les gardes-malades dormaient, un vent violent éteignit les lumières. Et la sainte, voyant accourir autour d’elle la troupe des mauvais esprits, invoqua l’aide son hôte divin. Et aussitôt elle vit approcher sa sœur Madeleine, qui, tenant en main une torche, ralluma les flambeaux et les lampes. Et pendant que les deux sœurs s’appelaient par leur nom, survint le Christ, qui dit à Marthe : « Viens, chère hôtesse, demeurer maintenant avec moi ! Tu m’as accueilli dans ta maison, je t’accueillerai dans mon ciel ; et j’exaucerai, par amour pour toi, tous ceux qui t’invoqueront ». Le matin suivant, Marthe se fit transporter dehors, pour voir encore le ciel, se fit poser sur la cendre, demanda qu’on tînt une croix devant elle et qu’on lui lut la passion dans l’évangile de Saint Luc. Et au moment où le lecteur répétait : « Mon père, je remets mon âme entre tes mains », elle rendit l’âme […].
III. De nombreux miracles se produisirent au tombeau de la sainte. Clovis, roi de France, qui avait reçu le baptême des mains de Saint Rémi, fut guéri par Sainte Marthe d’une grave des reins. En souvenir de quoi, il dédia à l’église de la sainte la terre, les maisons et les châteaux qui se trouvaient dans un rayon de trois milles des deux côtés du Rhône. Et il affranchit ces lieux de toute servitude.
La vie de Sainte Marthe a été écrite pour nous par sa servante Martille, qui se rendit plus tard en Esclanovie pour y prêcher l’Evangile, et qui y mourut, dix ans après la mort de sa maîtresse ».
1.4 Saints Denis, Rustique et Eleuthère
Duchapitre 151, pages 577 à 582, dédié à Saint Denis, Rustique et Eleuthère (fêtés le 9 octobre) :
« I. Denis l’Aréopagite fut converti à la foi du Christ par l’apôtre Saint Paul. Son surnom d’Aréopagite lui venait du faubourg d’Athènes où il demeurait, et qui s’appelait Aréopage, c’est-à-dire faubourg de Mars, parce qu’on voyait un temple du dieu Mars. Dans ce faubourg, qui était la demeure favorite des savants, Denis se livrait à l’étude de la philosophie ; et on l’appelait aussi le Théosophe, c’est-à-dire l’homme versé dans la science de Dieu. Et il avait avec lui un compagnon d’études nommé Apollophane. Or, le jour de la passion du Christ, la ville d’Athènes, de même que le monde entier, fut soudain remplie d’une épaisse ténèbre ; et les savants d’Athènes ne parvenaient pas à découvrir la cause naturelle de ce fait étrange, tout à fait différent des éclipses ordinaires.
Ajoutons, à ce propos, que de nombreux témoignages attestent l’universalité de la soudaine ténèbre qui suivit la mort du Seigneur. Elle fut constaté en Grèce comme à Rome, et dans l’Asie Mineure. Et l’on raconte que Denis, en présence de ce phénomène, aurait dit à ses compatriotes : « Cette nuit nouvelle présage le prochain avènement d’une lumière nouvelle, dont le monde entier sera illuminé ». Sur quoi les Athéniens élevèrent un autel où ils mirent cette inscription : « Au Dieu inconnu ».
Et lorsque Saint Paul vint à Athènes, il vit cet autel et s’écria : « Ce Dieu que vous adorez sans le connaître, je suis venu vous le révéler ! ». Puis, s’adressant à Denis comme au plus savant des philosophes, il lui demanda qui était ce Dieu inconnu. Et Denis : « C’est le seul vrai Dieu, mais il se cache à nous et nous est inconnu ». Et Saint Paul : « Ce Dieu est celui que je viens de vous révéler, celui qui a créé le ciel et la terre, et qui a revêtu la forme humaine, et a subi la mort, et est ressuscité le troisième jour ». Et, comme Denis continuait à discuter avec Paul, un aveugle vint à passer près d’eux. Alors Denis dit à Paul : « Si, au nom de ton Dieu, tu dis à cet aveugle de recouvrer la vue, et s’il la recouvre, je me convertirai aussitôt à ta foi. Mais afin que tu ne puisses pas employer une formule magique, je te dicterai moi-même la formule que tu devras employer pour guérir cet aveugle au nom de ton maître Jésus ! ». Alors, Paul, pour écarter tout soupçon, dit à Denis de prononcer lui-même les paroles qu’il voulait lui dicter, et qui étaient celles-ci : « Au nom de Jésus-Christ, né d’une vierge, puis crucifié, puis ressuscité des morts et monté au ciel, recouvre la vue ! ». Et dès que Denis eut prononcé ces paroles, aussitôt l’aveugle fut guéri de sa cécité. Alors Denis reçut le baptême, avec sa femme Damaris, et toute sa maison. Saint Paul l’instruisit ensuite, pendant trois ans, des vérités de la foi ; et il finit par l’ordonner évêque d’Athènes. Et Denis, par l’ardeur de sa prédication, convertit à la foi chrétienne sa ville natale, ainsi que la plus grande partie de la région environnante.
Il nous donne à entendre lui-même, dans ses livres, que c’est à lui que Saint Paul a révélé ce qu’il a vu lorsque, das son ravissement, il a été transporté au troisième ciel. Et le fait est que Denis nous a écrit, avec une clarté et une abondance parfaites, la hiérarchie des anges, leurs ordres, dispositions et offices. Il nous parle de tout cela comme si, au lieu de l’avoir appris d’une autre bouche, lui-même avait été ravi au troisième ciel. Et il eut aussi le don de prophétie, ainsi que nous le voyons par la lettre qu’il écrivit à l’évangéliste Jean, exilé dans l’île de Patmos. Il lui disait, dans cette lettre : « Réjouis-toi, frère bien-aimé, car tu seras délivré de ton exil de Patmos, et tu retourneras sur la terre d’Asie, et tu y laisseras ceux qui viendront après toi le souvenir de la façon dont tu auras imité l’exemple du Christ ! ». Et il nous apprend aussi, dans son livre sur les noms divins, qu’il fut un de ceux qui assistèrent au dernier sommeil de la Sainte Vierge.
Lorsqu’il apprit que Saint Pierre et Saint Paul étaient tenus en prison à Rome, sous Néron, il nomma un autre évêque à sa place et se mit en route pour aller voir les deux saints. Et lorsque ceux-ci eurent rendu leurs âmes à Dieu, le Pape Clément envoya Denis en France, lui donnant pour compagnons Rustique et Eleuthère.
Denis se rendit alors à Paris où fit de nombreuses conversions, éleva plusieurs églises et ordonna bon nombre de prêtres. Et telle était la grâce céleste qui brillait en lui que, souvent, comme le peuple s’élançait vers lui pour l’attaquer, à l’instigation des prêtres des idoles, les assaillants sentaient toute leur fureur s’évanouir dès qu’il se trouvaient en présence de lui. Les uns se prosternaient à ses pieds ; les autres, effrayés, prenaient la fuite. Mais le diable, furieux de voir son culte diminuer de jour en jour, inspira à l’empereur Domitien la pensée inhumaine d’ordonner que quiconque découvrirait un chrétien serait tenu de le faire sacrifier aux idoles, sous peine d’être lui-même sévèrement puni. Et un préfet nommé Fescennius fut envoyé de Rome contre les chrétiens de Paris. Ce préfet, ayant trouvé Denis occupé à prêcher devant le peuple, ordonna de l’arrêter, de le garrotter avec une grosse corde et de l’amener à son prétoire, en compagnie des deux saints Rustique et Eleuthère.
Pendant que les trois saints, en présence du préfet, proclamaient courageusement leur foi, arriva certaine dame noble qui affirma que son mari avait été séduit par les trois imposteurs. Le préfet manda aussitôt ce mari, qui persévérant dans sa foi, fut mis à mort sur-le-champ. Quant aux trois saints, ils furent flagellés par douze soldats, chargés de chaînes et jettés en prison. Le lendemain, Denis fut étendu, nu, sur un gril enflammé. Et lui, au milieu de ses souffrances, rendait grâce à Dieu. Il fut ensuite donné en pâture à des bêtes féroces, dont on avait excité la faim par un jeûne prolongé. Mais, au moment où ces animaux s’élançaient sur lui, il fit sur eux le signe de la croix ; et eux, tout de suite, l’entourèrent doucement, comme des agneaux. Le préfet le fit alors mettre en croix, puis, après l’avoir longtemps torturé, le fit reconduire en prison avec d’autres chrétiens. Et là, pendant que Denis célébrait la messe, Jésus lui apparut, entouré d’une immense lumière, et lui dit, en lui offrant un pain : « Prends ceci, mon fils, en témoignage de la reconnaissance qui t’est due ! ». Le lendemain, après d’autres suplices, les trois saints eurent la tête tranchée à coups de hache, devant l’idole du dieu Mercure. Mais aussitôt le corps de Saint Denis se redressa, prit dans ses mains sa tête coupée, et, sous la conduite d’un ange, marcha pendant deux milles, depuis la colline de Montmartre, c'est-à-dire mont des martyrs, jusqu’au lieu où reposent aujourd’hui ses restes par le fait de son propre choix et de la providence divine.
Et aussitôt s’éleva dans ce lieu une musique d’anges si harmonieuse que parmi, la foule de ceux qui l’entendirent, la femme du préfet Lisbius, nommée Laertia, se proclama chrétienne, ce qui lui valut d’être décapitée, et de recevoir ainsi le baptême de sang. Le fils de cette femme nommé Vibius, après avoir servi à Rome sous trois empereurs, se fit baptiser en revenant à Paris et adopta la vie religieuse.
Les infidèles, craignant que les chrétiens n’ensevelissent les corps des saints Rustique et Eleuthère, enjoignirent qu’ils fussent jetés dans la Seine. Mais une femme noble invita à sa table les porteurs des deux corps ; puis pendant qu’ils mangeaient, elle leur déroba les corps et les fit ensevelir secrètement dans son champ, où ils restèrent jusqu’à ce que, la persécution ayant cessé, on put les réunir au corps de Saint Denis. Les trois saints subirent le martyre sous le règne de Dioclétien, en l’an du Seigneur 96. Saint Denis était alors âgé de quatre-vingt-dix ans.
Autres aspects historiques et miracles
II. Sous le règne de Louis, fils de Charlemagne, des envoyés de l’empereur de Constantinople, Michel, apportèrent à la cour de France, entre autres présents, une traduction latine du livre de Saint Denis sur la « Hiérarchie » [des Saints Anges] ; et, la nuit suivante, dix-neuf malades se trouvèrent guéris dans l’église du saint.
III. Un jour que l’évêque d’Arles, Saint Rieul, célébrait la messe dans sa cathédrale, il joignit aux noms des apôtres ceux « des bienheureux martyrs Denis, Rustique et Eleuthère ». Après quoi lui-même et les assistants furent très étonnés de ce qu’il avait dit, car personne ne connaissait encore le martyre des trois saints. Et voilà que trois colombes descendirent sur la croix de l’autel, qui portaient écrits sur leurs poitrines, en lettres de sang, les noms des trois saints. Et ainsi tous comprirent que les âmes des saints s’étaient enfuies de leurs corps.
[…].
V. Enfin, nous devons signaler que Hincmar, évêque de Reims, et aussi Jean Scot, dans leurs lettres à charlemagne, attestent tous deux que Saint Denis, l’apôtre des Gaules, était bien le même homme que Denis l’Aréopagite : c’est donc à tort que d’aucuns l’ont nié, se fondant sur une prétendue contradiction des dates ».
Invité- Invité
Re: LA PREDILECTION ET LA MISSION DE LA FRANCE
2.1 De la correspondance de Sainte Catherine de Sienne (1347-1380)
Aux pages 1220 et 1221 du tome 2 des « Lettres de Sainte Catherine de Sienne », nous pouvons lire la lettre suivante (n° 229), que Sainte Catherine écrivît à une certaine « Sœur Donna, veuve de messire Orso Malavolti », en l’exhortant à imiter les vertus de Sainte Marie-Madeleine et de Sainte Agnès :
Que soit loué Notre Doux Sauveur
§ 1 : « C’est à vous, bien chère et bien-aimée Fille Agnès, et à mes autres Filles, que moi, Catherine, la servante inutile de Jésus-Christ, j’écris avec amour et désir, me rappelant la parole du Maître. J’ai désiré avec désir vous voir unies et transformées dans cet ardent et parfait amour, comme l’a fait Madeleine, qui eut le zèle d’un apôtre, et dont l’amour fut si grand, qu’elle ne s’occupa plus d’aucune chose créée. O mes bien-aimées Filles, apprenez de Sainte Agnès cette vraie et sainte humilité; elle voulait toujours s’abaisser elle-même, en se soumettant à toute créature pour Dieu, et en reconnaissant que toutes les grâces et les vertus lui venaient de Dieu. C’est ainsi qu’elle conservait en elle la vertu d’humilité. Je dis qu’elle brûla encore de la vertu de charité, recherchant toujours l’honneur de Dieu et le salut des âmes, se donnant toujours elle-même dans la prière, avec une charité tendre et généreuse, pour toute créature, et elle montrait ainsi l’amour qu’elle avait pour son Créateur. Elle eut aussi un zèle continuel et persévérant, et jamais les démons et les créatures ne lui firent abandonner sa vie sainte ».
§ 2 : « O très douce vierge, comme vous vous accordiez bien avec Madeleine, cet ardent disciple de Jésus-Christ ! Car remarquez-le, mes Filles bien-aimées, Madeleine s’humilia et se connut elle-même; elle se reposa avec tant d’amour aux pieds de notre doux Sauveur! Et si nous disons qu’elle lui montra beaucoup d’amour, nous le voyons bien à la sainte Croix du Calvaire; car elle ne redoute pas les Juifs, elle ne craint rien pour elle-même; mais, dans son transport, elle court, elle embrasse la Croix, et il n’est pas douteux que pour voir son Maître, elle fut tout inondée de sang. Madeleine s’enivra d’amour, et montra combien elle était passionnée pour son Maître; elle le montra à ses créatures par ce qu’elle fit après la Résurrection, lorsqu’elle prêcha dans la ville de Marseille. Je vous dis aussi qu’elle eut la vertu de persévérance, et elle le montra, cette douce Madeleine, lorsqu’elle chercha son doux Maître, et qu’elle ne le trouva pas dans son lieu ou on l’avait placé. O Madeleine! Vous étiez folle d’amour, vous n’aviez plus votre cœur, car il était enseveli avec votre doux Maître, avec notre doux Sauveur; mais vous avez pris le bon moyen pour trouver le doux Jésus; vous persévérez et vous n’apaisez pas votre immense douleur. Oh! Que vous faites bien, car vous voyez que c’est la persévérance qui vous a fait trouver votre Maître ».
2.2 Antoine de Ruffi : « Histoire de la ville de Marseille » (1696)
L’« Histoire de la ville de Marseille » écrite par Antoine de Ruffi, dont l’impression a été réalisée en 1696, affirme la venue en France par la mer des grandes figures de l’Evangile comme Lazare, Marie Madeleine, Marthe ou encore Maximin, Celidoine (plus communément appelé Sidoine) qui serait l’aveugle né (Cf. Jn 9,1-40), Joseph d’Arimathie, et d’autres disciples de Jésus-Christ. C’est une source privilégiée, car elle provient de la tradition locale ininterrompue jusqu’à nos jours.
L’exemplaire en ma possession a été intégralement réimprimé en photo-offset copie conforme de l’édition de 1696, qui permet d’avoir exactement le texte, la calligraphie, les inscriptions, les gravures et autres pièces d’antiquité du document original.
Cet ouvrage contient l’histoire de la ville de Marseille, écrit en français du 17 ième siècle, avec privilège du Roi (c'est-à-dire avec l’approbation royale), destiné à Louis XIV dit « le Grand », qui régna de 1643 jusqu’à sa mort en 1715.
Voici dans un premier temps la transcription de la page de garde, faite par mes soins, qu’il est assez aisé de vous présenter dans notre langage courant :
« Histoire de la Ville de Marseille contenant tout se qui s’y est passé de plus mémorable depuis sa fondation, durant le temps où elle a été République & (1) sous la domination des Romains, Bourguignons, Visigots, Ostrogots, Rois de Bourgogne, Vicomtes de Marseille, Comtes de Provence & de nos Rois Très Chrétiens ».
Histoire « recueillie de plusieurs auteurs Grecs, Latins, Français, Italiens & Espagnols, & des Titres tirés des Archives de l’Hôtel de Ville, des Chapitres, Abbayes & Maisons Religieuses de Marseille, & de divers lieux de Provence ».
Voici ensuite le corps du texte original, qui est véritablement un trésor. Pour le sujet qui nous intéresse nous porterons notre attention sur le livre dixième de l’ « Histoire de Marseille » chapitre 1, intitulé « Etablissement de la Religion Chrétienne dans Marseille. Fondation de l’Eglise de cette Ville. Chronologie des Evêques qui l’ont gouvernée depuis son Origine jusqu’à aujourd’hui » :
« L’Eglise de Marseille est une des premières des Gaules. Elle tire son Origine de S. Lazare, que les Juifs chassèrent de Jérusalem avec Saintes Marthe, Marie Magdeleine ses sœurs, Marcelle leur Servante, S. Maximin, S. Celidoine qu’on croyait être l’aveugle né, Joseph d’Arimathie [qui se rendit en Angleterre], & autres Disciples de Jésus-Christ, parce qu’ils prêchaient hautement la Résurrection du Sauveur du monde, & qu’ils l’avaient aimé chèrement pendant la vie, & pour les faire périr ils les exposèrent dans un vaisseau sans voiles, sans avirons et sans gouvernail ; mais comme il n’y a point de conseil humain, qui le puisse opposer aux arrêt de la providence, cette Sainte troupe, (selon plusieurs bons auteurs, & une Histoire d’Angleterre manuscrite, qui au rapport de Baronius est dans le Vatican), aborda heureusement au Port de Marseille, où s’étant débarquée elle se sépara pour aller prêcher l’Evangile dans tout le reste de la Province : S. Maximin & S. Celidoine allèrent planter la Foi dans la ville d’Aix, d’où ils ont été les premiers Evêques, Sainte Marthe & Sainte Marcelle à Tarascon, Sainte Magdeleine & S. Lazare demeurèrent à Marseille, y prêchèrent l’Evangile, convertirent ce peuple idolâtre, & changèrent au culte du vrai Dieu le Temple de Diane en une Eglise, qui a toujours été le siège des Eveques, & qu’on appelle communément l’Eglise Major, ou l’Eglise Cathédrale. Il est vrai que Sainte Magdeleine après avoir demeuré quelques temps dans Marseille se retira dans une grotte voisine, sur laquelle l’Abbaye de S. Victor a été bâtie, & delà au quartier d’Aigalades terroir de cette Ville ; mais comme elle était trop exposée au importunités du peuple, elle alla faire pénitence à la Sainte Baume (2) : quant à S. Lazare il passa le reste de ses jours dans Marseille, & la gouverna en qualité d’Evêque jusqu’en l’an quatre-vingts de Notre Seigneur, qu’il y reçut la Couronne de Martyre.
Voilà comme la Foi fut plantée dans Marseille, et sur quels fondements son Eglise fut bâtie […] ».
Notes :
(1) : Reprise volontaire des caractères « & » du texte original, équivalents de la conjonction de coordination « et » en français courant. Ceci afin de donner au lecteur une lisibilité qui soit la plus proche possible du texte d’origine.
(2) :« Baume » vient du provençal (langage local) « Baumo » qui veut dire grotte.
Dans le prolongement de ce que nous venons d’affirmer, il bon de voir la continuité du dessein de Dieu, car même si c’est un fait généralement peu connu, nous pouvons lire dans la basilique du Sacré-Cœur de Marseille que « Marseille est la première ville au monde consacrée au Sacré-Cœur de Jésus ».
Quelle en est la raison ? Les faits remontent au début du 18 ième siècle lors de la grande peste qui décimât une grande partie de la population marseillaise. C’est la raison pour laquelle l’évêque de cette époque Monseigneur Henri de Belsunce consacrât solennellement la ville au Sacré-Cœur de Jésus le jour de la Toussaint 1720. De plus tous les quartiers de la ville ont été placés sous le patronage d’un saint, à savoir, Saint Antoine, Sainte Marthe, Saint Louis, Saint Jérôme, Saint Julien, Saint Barnabé, Saint Just, etc.
Il est bon de noter dans le même temps, que les Litanies du Sacré-Cœur ont été rédigées par Anne-Madeleine Rémusat religieuse visitandine (1696-1730), qui après avoir été approuvées par l’évêque Henri de Besunce, furent reconnues par l’Eglise universelle.
Il existe également à Marseille une communauté de moniales qui s’appelle « Victime du Sacré-Cœur ». Cette communauté a été fondée en 1838 par madame Julie-Adèle de Guérin Ricard (1793-1865) dont le charisme est l’union à Jésus Crucifié dans l’état de victime.
2.3 Abbé Faillon : « Monuments Inedits sur l'apostolat de Sainte Marie-Madeleine en Provence, et sur les autres apôtres de cette contrée Saint Lazare, Saint Maximin, Sainte Marthe, Les Saintes Marie Jacobé et Salomé » (1848-1865)
C’est l’œuvre de référence sur le sujet qui n’a absolument aucune équivalence, et qui n’en aura vraisemblablement jamais, tellement l’Abbé Faillon a effectué un travail inégalé et inégalable. Je ne peux qu’humblement vous recommander la lecture des deux volumes qui sont disponibles sur internet en format .pdf, numérisés par Google Books, accessibles de façon simple sur le site des « Témoins de l’amour et de l’espérance » à l’adresse suivante :
http://www.temoins-amour-esperance.org/Francais/Messages_fichiers/Biographies/FRANCE.htm
Le sujet traité est si vaste et l’érudition de l’auteur tellement grande que je me bornerai ici, par respect pour l’œuvre magistrale de l’Abbé Faillon, à vous proposer une synthèse du travail effectué, parue dans l’édition de 1849 de « L’Ami de la Religion et du Roi », ainsi que quelques extraits du document majeur qu’est la vie de Sainte Marie Madeleine et de Sainte Marthe écrite par Raban Maur, évêque de Mayence au 9 ième siècle.
2.3.1 Introduction par l’Abbé Paulin Du Chesne du journal écclésiastique « L’Ami de la Religion et du Roi » (1849)
- extrait de l’article des pages 150 à 152 du tome 141, sur l’apostolat de « Sainte Marie-Magdeleine en Provence et sur les autres apôtres de cette province » :
« En parlant de ces deux volumes, la Correspondance de Rome dit que c’est l’ouvrage le plus savant qui ait paru depuis deux siècles ; en matière de critique sacrée et d’histoire ecclésiastique : si nous étions un juge plus compétent nous souscririons volontiers à ce jugement ; mais en présence d’une érudition si vaste, de tant de monuments, de texte, d’inscriptions recueillies, discutées avec une patience de Bénédictin, nous sommes vraiment effrayé […]. Voilà notre impression après la lecture des volumes publiés par M. Faillon, l’un des directeurs de Saint Sulpice […]. Le premier volume est consacré à prouver l’identité de Sainte Magdeleine avec Marie sœur de Lazare et de Marthe, et l’apostolat de Saint Lazare, Evêque de Marseille, de Saint-Maximin, Evêque d’Aix, des saintes Marthe, Marie Jacobé et Salomé. Le second volume renferme toutes les pièces justificatives tant sur l’apostolat que sur l’histoire des cultes ».
2.3.2 Vie de Sainte Marie-Madeleine et de Sainte Marthe par Raban Maur, évêque de Mayence (9 ième siècle)
- extraits du tome 2 de « Monuments Inedits sur l'apostolat de Sainte Marie-Madeleine en Provence, et sur les autres apôtres de cette contrée Saint Lazare, Saint Maximin, Sainte Marthe, Les Saintes Marie Jacobé et Salomé », pages 278 à 346 :
Chapitre 36
Séparation des apôtres et de vingt-quatre anciens disciples ou amis de Jésus-Christ
« Après la morte de Saint Etienne, le premier des martyrs, Saul fut appelé du ciel à la foi, bien qu’il n’ait été nommé Paul que douze ans après. Ceux qui avaient été dispersés avec Philippe et les autres compagnons de Saint Etiene allaient de tous côtés annonçant le royaume de Dieu. Ils vinrent jusqu’à Anticoche, où il se forma une grande Eglise de disciples de Jésus-Christ. Ce fut là que le nom des chrétiens prits son origine ; ce fut là que Saint Pierre plaça la chaire patriarcale, où il laissa Evode qu’il avait ordonné patriarche, lorsqu’il retourna lui-même à Jérusalem auprès des apôtres. Ceux-ci, selon l’ordre du Sauveur, s’étaient bornés pendant ces douze années à prêcher aux douze tribus dans la terre de promission. La treizième année depuis l’ascension, Jacques, frère de Jean, périt par le glaive, Pierre fut jeté en prison, Saul reçut du Saint-sprit l’apostolat des gentils, et (prit) le nom de Paul. L’année suivante, ou la quatorzième, eut lieu la division des apôtres ; l’Orient échut en partage à Thomas et à Barthélémi ; le Midi à Simon et à Matthieu ; le Nord à Philippe et Thadée ; le centre du monde à Matthias et Jacques ; les provinces de la mer Méditerranée furent le partage de Jean et d’André ; les royaumes d’Occident, celui de Pierre et de Paul. Car dans ce même temps Paul était venu à Jérusalem pour voir Pierre, et après qu’il eut donné à celui-ci, ainsi qu’à Jacques et à Jean, et qu’il eut reçu réciproquement de leur part des gages de leur union dans l’apostolat, il partit de là avec son collègue Barnabé pour la Syrie et l’Illyrie, afin d’y prêcher l’Evangile. Or, Pierre, qui devait quitter l’Orient pour aller à Rome, désigna des prédicateurs de l’Evangile, pour les autres pays d’Occident, où il ne pouvait se rendre en personne, et les choisit parmi les plus illustres fidèles et les plus anciens disciples du Sauveur : pour les pays des Gaules, où l’on compte dix-sept provinces, dix-sept pontifes ; et pour le pays des Espagnes, où l’on compte sept provinces, sept docteurs. A la tête de ces veingt-quatre anciens était le célèbre docteur Maximin, du nombre des soixante-dix disciples du Sauveur, illustre par le don d’opérer toute sorte de miracles, et le chef de la milice chrétienne après les apôtres. Sainte Madeleine, unie par le lien de la charité à la religion et à la sainteté de ce disciple, résolut de ne point se séparer de sa société, quel que fût le lieu où le Seigneur l’appelât. Car la Reine du ciel, au service de laquelle Madeleine avait goûté dans la contemplation les délices du paradis, la bienheureuse Vierge avait été enlevée aux cieux, et déjà dix apôtres s’étaient dispersés. Quel que fût pour les apôtres l’attachement de ces vingt-quatre anciens, ils n’avaient pu garder auprès d’eux après que la haine des juifs eut suscité la persécution contre l’Eglise, qu’Hérode eut décapité l’apôtre Saint Jacques, jeté Pierre en prison, et chassé de ses Etats les fidèles. Ce fut alors, pendant que la tempête de la persécution exerçait ses ravages, que les fidèles déjà disperses se rendirent dans les divers lieux du monde que le Seigneur leur avait assignés à chacun, afin de pêcher avec intrépidité la parole du salut aux gentils qui ignoraient Jésus-Christ. A leur départ, les femmes et les veuves illustres, qui les avaient servis à Jérusalem et dans l’Orient, voulurent les accompagner. Tel était leur attachement pour l’amie spéciale du Sauveur et la première des servantes, qu’elles ne purent souffrir son éloignement et la privation de sa société. Parmi elles fut Sainte Marthe, dont le frère Lazare était alors évêque de Chypre : cette vénérable hôtesse du Fils de Dieu voulut marcher sur les traces de sa sœur, ainsi que Sainte Marcelle, la suivante de Marthe, femme d’une grande piété, d’une foi vive, et qui avait adressé au Seigneur ce salut : Bienheureux le ventre qui vous a porté, etc. Saint Parménas, diacre plein de foi et de la grâce de Dieu, était aussi du nombre de ses disciples ; ce fut à ses soins et à sa garde que Sainte Marthe se recommande en Jésus-Christ, comme Marie au saint pontife Maximin. Ils prirent donc ensemble leur route vers les pays d’Occident, par un admirable conseil de la divine Providence, qui voulait non seulement que la gloire et la célébrité de Marie et de sa sœur se répandissent dans tout l’univers par le moyen de l’Evangile, mais encore que, comme l’Orient avait été favorisé jusqu’alors de l’exemple de leur sainte vie, l’Occident fût illustré lui-même par le séjour qu’elles y firent et par le dépôt de leurs reliques sacrées ».
Chapitre 37
Comment ces vingt-quatre anciens eurent en partage les Gaules et les Espagnes
« Dans la compagnie de Madeleine, la glorieuse amie de Dieu, et de Sainte Marthe, sa sœur, le saint évêque Maximin s’abandonna donc aux flots de la mer, avec Saint Parménas, chef des diacres, les évêques Trophime, Eutrope et les autres chefs de la milice chrétienne. Poussés par le vent d’est, ils quittèrent l’Asie, descendirent par la mer Tyrrhénienne, entre l’Europe et l’Afrique, en faisant divers détours. Ils laissèrent à droite la ville de Rome et toute l’Italie, ainsi que les Alpes, qui partant du golfe de Gênes et de la mer des Gaules (s’étendent) vers l’Orient, et se terminent à la mer Adriatique. Enfin ils abordèrent heureusement sur la droite, dans la Viennoise, province de Gaules, auprès de la ville de Marseille, dans l’endroit où le Rhône se jette dans la mer des Gaules. Là après avoir invoqué Dieu, le souverain monarque du monde, ils partagèrent entre eux, par l’inspiration du Saint-Esprit, les provinces du pays où ce même Esprit les avaient poussés ; puis ils avancèrent et prêchèrent partout avec l’aide du Seigneur, qui confirmait leur prédication par des miracles. Car le Roi des armées célestes et de son peuple bien-aimé et chéri communiqua à ses prédicateurs le don d’annoncer sa parole avec une grande force, et d’orner la maison de Dieu des dépouilles du fort armé. Le Saint évêque Maximin eut pour son partage la ville d’Aix, métropole de la seconde province Narbonnaise, dans laquelle Sainte Marie-Madeleine finit sa vie mortelle. Paul eut Narbonne, métropole de la première province Narbonnaise ; Austrégisile, la ville de Bourges, métropole de la première Aquitaine ; Irénée eut Lyon, métropole de la première Lyonnaise ; Sabien et Potentien eurent pour leur part la ville de Sens, métropole de la quatrième Lyonnaise ; Valère, la ville de Trèves, métropole de la première Belgique ; Féroncius, Besançon, métropole de la première province des séquaniens ; Eutrope, la ville de Saintes, dans la seconde Aquitaine, dont Bordeaux est maintenant la métropole ; Trophime, Arles, alors métropole de la province de Vienne. Ce furent de ces prédicateurs que ces dix provinces des Gaules reçurent la foi. Les autres docteurs ne prêchèrent point aux sept autres provinces des Gaules, mais à sept villes de provinces diverses : Eutrope à Orange, ville de la province de Vienne ; Front à Périgueux, dans la seconde Aquitaine ; Georges à Veliacum, dans la première ; Julien au Mans, dans la troisième Lyonnaise ; Martial à Limoges, dans la première Aquitaine ; Saturnin à Toulouse, dans la première Narbonnaise, où il fut précipité du Capitole pour la foi de Jésus-Christ. Parménas, avec la vénérable serbante du Sauveur, Sainte Marthe, se retira à Avignon, ville de la province Viennoise, ainsi que Marcelle, suivante de la sainte, Epaphras, Sosthène, Germain, Evodie et Syntique. Rouen avec sa province, la seconde Lyonnaise, qui est maintenant la Normandie ; Mayence avec sa province, la première Germanique ; Cologne avec sa province, la troisième Germanique ; Octodure avec sa province des Alpes Grecques et Apennines ; la métropole d’Auch avec sa province, la Novempopulanie ; la métropole d’Embrun avec sa province des Alpes Maritimes ; la métropole de Reims avec sa province, la seconde Belgique, furent réservées à d’autres docteurs. En outre, voici les nomsde ceux qui furent envoyés dans les Espagnes par les apôtres : Torquatus, Ctésiphon, Secundus, Indalecius, Cecilius, Esicius, Euphrasius : ce sept prédicateurs réunirent à la foi chrétienne les sept provinces des Espagnes.
Chapitre 38
Comment, auprès de la métropole d’Aix Sainte Marie vaquait, soit à la prédication, soit à la contemplation
« Saint Maximin étant donc entré à Aix, métropole (qui lui était échue), commença à répandre dans les cœurs des gentils les semences de la doctrine céleste, vaquant nuit et jour à la prédication, à la prière et au jeûne, pour amener à la connaissance et au service de Dieu le peuple incrédule de cette contrée. Et lorsque la prédication de l’Evangile eut produit une abondante moisson, le bienheureux prélat, à la tête de son église d’Aix, brilla par les miracles divers et nombreux qu’il opéra. Avec lui l’illustre et spéciale amie du Sauveur vaquait à la contemplation dans la même église : car depuis que cette ardente amante du Rédempteur eut choisi avec tant de sagesse la meilleure part, et qu’elle en eut obtenu la meilleure possession aux pieds de Jésus-Christ, jamais cette part ne lui fut ôtée, au témoignage de Dieu même […] ».
Chapitre 39
Sainte Marthe vaque à la prédication. Miracles des deux soeurs
« Sainte Marthe, de son côté, avec ses compagnons, prêchait aussi l’Evangile du Sauveur dans les villes d’Avignon et d’Arles, et parmi les bourgs et les villages qui étaient aux environs du Rhône dans la province de Vienne. Elle rendait hautement témoignage de tout ce qu’elle avait vu touchant sa personne, de ce qu’elle avait appris de sa bouche ; et ce qu’elle rapportait de ses miracles, elle le démontrait véritable par les prodiges qu’elle-même opérait. Car elle avait reçu le don des miracles, et lorsque l’occasion le demandait, par le seul moyen de la prière et du signe de la croix, elle guérissait les lépreux, les paralytiques, ressuscitait les morts, et rendait l’usage de leurs organes aux aveugles, aux muets, aux sourds, aux boiteux, aux infirmes et à toutes sortes de malades. Tels étaient les privilèges de Marthe. Marie opérait pareillement des miracles avec une inexprimable facilité, pour établir la vérité de ses paroles, et exciter la foi dans les auditeurs. On admirait dans l’une et dans l’autre une beauté noble et qui inspirait le respect, une grande décence dans toute leur conduite, et dans leurs paroles une grâce merveilleuse pour persuader les esprits. Jamais, rarement du moins, voyait-on une personne se retirer incrédule de leur prédication, ou sans répandre des larmes ; chacun était, par leur seul aspect, enflammé d’amour pour le Sauveur, ou bien versait des pleurs par la considération de sa propre misère. Leur nourriture était frugale, leur habit décent et modeste. Marie, à la vérité, se mettait peu en peine de l’un et de l’autre depuis qu’elle eut perdu la présence corporelle du Seigneur. Mais les femmes qui demeuraient avec elle, et lui portaient une merveilleuse affection, pourvoyaient suffisamment à ses besoins. Et c’est ce qui aura donné lieu à ce récit apocryphe, si toute foi sil est apocryphe dans son entier : car les empoisonneurs ne manquent guère, pour faire avaler plus sûrement le venin, d’y mêler le miel en abondance ; de là, dis-je, est venu peut-être ce récit apocryphe, que tous les jours elle était enlevée dans les airs par les anges, et qu’ensuite elle était remise à terre par eux ; qu’elle avait pour nourriture les aliments célestes qu’ils lui servaient. Entendu dans un sens mystique, ce récit n’est pas du tout incroyable. Car on ne peut pas douter que Marie ne fût favorisée très fréquemment de la visite des anges, qu’elle ne fût assistée de leurs bons offices, et ne jouit de la douceur de leurs entretiens. Il était convenable en effet, et même très convenable, que le Dieu de toute consolation la consolât d’une manière merveilleuse et jusqu’alors sans exemple, puisque Marie elle-même lui avait rendu sur la terre des devoirs admirables de piété, inouïs avant elle […] ».
Chapitre 40
Sainte Marthe délivre la province de Vienne d’un dragon appelé Tarasque
« Entre Arles et Avignon, villes de la province Viennoise, près des bords du Rhône, entre des bosquets infructueux et les graviers du fleuve, était un désert rempli de bêtes féroces et de reptiles venimeux. Entre autres animaux venimeux, rôdait ça et là, dans ce lieu, un terrible dragon, d’une longueur incroyable et d’une extraordinaire grosseur. Son souffle répandait une fumée pestilentielle ; de ses regards sortaient comme des flammes ; sa gueule armée de dents aiguës, faisait entendre des sifflements perçants et des rugissements horribles. Il déchirait avec ses dents et avec ses griffes tout ce qu’il rencontrait, et la seule infection de son haleine suffisait pour ôter la vie à tout ce qui l’approchait de trop près. On ne saurait croire le carnage qu’il fit en se jetant sur les troupeaux et sur leurs gardiens ; quelle multitude d’hommes moururent de son souffle empoisonné (1). Comme ce monstre était le sujet ordinaire des conversations, un jour que la sainte annonçait la parole de Dieu à une grande foule de peuple qu’elle avait réunie, quelques-uns parlèrent du dragon ; et, les uns avec la sincérité de véritables suppliants, les autres pour tenter la puissance de Marthe, se mirent à dire : Si le messie que cette sainte fille nous prêche a quelque pouvoir, que ne le montre-t-elle ici ? Car si ce dragon venait à périr, on ne pourrait dire que c’eût été par aucun moyen humain. Marthe leur répondit : Si vous êtes disposés à croire, tout est possible à l’âme qui croit. Alors tous ayant promis de croire, elle s’avance à la vue de tout le peuple qui applaudit à son courage, se rend avec assurance dans le repaire du dragon, et par le signe de la croix qu’elle fait, elle apaise sa férocité. Ensuite ayant lié le col du dragon avec la ceinture qu’elle portait, et se tournant vers le peuple, qui la considérait de loin : Que craignez-vous, leur dit-elle ? Voilà que je tiens ce reptile, et vous hésitez encore ! Approchez hardiment au nom du Sauveur, et mettez en pièces ce monstre venimeux ! Ayant dit ces paroles, elle défend au dragon de nuire à qui que ce soit par son souffle ou sa morsure ; puis elle reproche son peu de foi au peuple, en l’animant à frapper hardiment. Mais tandis que le dragon s’arrête et obéit aussitôt, la foule ose à peine se rassurer. Cependant on attaque le monstre avec des armes, on le met en pièces, et chacun admire de plus en plus la foi et le courage de Sainte Marthe, qui, tandis qu’on perce l’énorme dragon, le tient immobile par un lien si fragile, sans aucune difficulté, et sans éprouver aucun sentiment d’effroi. Cet endroit désert était auparavant appelé Nerluc (ou bois noir) ; mais dès ce moment on le nomma Tarascon, du dragon qu’on appelait Tarasque ; et les peuples de la province Viennoise, témoins de ce miracle, ou en ayant appris la nouvelle, crurent dès lors au Sauveur, et reçurent le baptême, glorifiant Dieu dans les miracles de sa servante, qui fut chérie et honorée autant qu’elle en était digne par tous les habitants de la province ».
Je ne présente pas les chapitres : 41 qui décrit la vie de Marthe à Tarascon, 42 où Sainte Marthe ressuscite un jeune homme qui s’était noyé dans le Rhône, 43 où Sainte Marthe change l’eau en vin à la dédicace de sa maison, 44 où Sainte Marthe fait saluer Marie, reçoit et nourrit des évêques et prédit que le jour de sa mort approchait, 45 où Sainte Marie voit son trépas et sa sépulture, 46 où Sainte Marthe voit l’âme de sa sœur portée dans les cieux par les anges, 47 où Jésus-Christ et Madeleine son amie apparaissent à Sainte Marthe, 48 qui décrit dans quel lieu, dans quel temps, comment et devant quels témoins Sainte Marthe rendit son âme à Dieu, 49 qui décrit dans quel lieu, dans quel temps, avec quelles circonstances, fut-elle inhumée par Notre-Seigneur et par l’évêque Saint Front, quoique absent de corps, 50 qui décrit la mort et la sépulture de Saint Maximin.
Note :
(1) : « Le montre appel vulgairement Tarasque est représenté sous une forme horrible dans l’église de la Major à Marseille, dans celles de Saint-Maximin, de Saint Sauveur d’Aix, dans le cloître de Saint-Trophime d’Arles, et ailleurs. Les anciens livres liturgiques en faisaient mention, même hors de la Provence, comme à Lyon, à Cologne, à Auch, à Tours, à Paris, au Puy en Velay, et nous voyons par Raban que cette description n’a pas été inventée au 12 ième ou au 13 ième siècle, comme se l’était imaginé Papon. La forme horrible et de pure fiction qu’on donne communément à ce monstre a fait conjecturer à quelques auteurs que la Tarasque n’était probablement qu’une figure du paganisme, ainsi personnifié : supposition qui ne serait pas dénuée d’exemples dans les antiquités chrétiennes. On sait que Constantin se fit représenter dans palais, à Constantinople, ayant sous ses pieds un dragon percé de traits, figure de l’idolatrie qu’il avait détruite. Dans l’Eglise d’Uzale, en Afrique, on représentait Saint Etienne armé d’une croix et chassant un dragon de la ville ; et enfin au moyen-âge, on portait quelquefois aux processions la figure d’un monstre qui marchait devant la croix, pour indiquer le triomphe de Jésus-Christ sur les superstitions païennes. Il est néanmoins certain que plusieurs saints ont triomphé de divers animaux féroces. Jésus-Christ a même donné, comme une preuve de la divinité de sa doctrine, le pouvoir que plusieurs des siens exerceraient sur ces animaux : serpentes tollent : prédiction justifiée à la lettre par beaucoup de saints, tel que l’apôtre Saint Paul, Saint Honorat de Lérins, Saint Marcel de Paris. On ne donc pas conclure que les figures de monstres qu’on associe aux représentations de plusieurs saints soeint toutes de pures allégories. Quelques-unes ont eu pour origines des monstres véritables ou des animaux féroces, et il nous semble qu’il faut mettre de ce nombre le monstre dont nous parlons ».
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Re: LA PREDILECTION ET LA MISSION DE LA FRANCE
2.4 Abbé Rohrbacher : « Histoire universelle de l’Eglise Catholique » (1857)
L’abbé René François Rohrbacher (1789-1856) a été professeur de l’histoire de l’église au séminaire de Nancy en 1840. Il s’établira ensuite à Paris jusqu’à la fin de sa vie.
Son œuvre majeure est l’ « Histoire universelle de l’Église Catholique », publiée de 1842 à 1849, et rééditée à de nombreuses reprises :
- extrait du tome 4, livre 26, pages 479 et 488 (traitant de l’année 66 à l’année 100 de l’ère chrétienne) :
Page 479 :
« Quant à la première introduction du christianisme dans les Gaules, les sentiments ont varié en France depuis deux siècles. Jusqu’alors on y avait cru, comme partout ailleurs, que le christianisme avait été prêché dans la Gaule méridionale par Saint Lazare, premier évêque de Marseille ; par ses deux sœurs, Sainte Marthe et Sainte Marie-Madeleine ; et par Saint Maximin, un des soixante-douze disciples, premier évêque d’Aix ; que, sous l’empereur Claude, Saint Pierre avait envoyé dans les Gaules, accompagnés d’autres missionnaires, les sept évêque suivants : Trophime d’Arles, Paul de Narbonne, Martial de Limoges, Austremoine de Clermont, Gatien de Tours et Valère de Trèves ; que le Pape Clément, troisième successeur de Saint Pierre, envoya Denys l’Aréopagite, premier évêque de Paris.
D’un autre coté, Saint Epiphane dit de Saint Luc qu’il prêcha en Dalmatie, en Gaule, en Italie, mais principalement en Gaule.
Le même Père dit encore que Crescent, disciple de Saint Paul, vint prêcher dans la Gaule, et que c‘est une erreur d’appliquer à la Galatie ce que dit l’apôtre à cet égard dans sa seconde épître à Timothée.
Saint Isidore de Séville compte encore l’apôtre Saint Philippe parmi ceux qui prêchèrent l’Evangile dans les Gaules. Aussi, dès l’année 190, Saint Irénée de Lyon prouvait-il la vérité de la foi catholique par l’unanimité de la tradition dans toutes les églises du monde, parmi lesquelles il met les églises établies chez les Celtes ou Gaulois.
Quelques années après, Tertullien disait aux Juifs que les diverses nations »
Page 480 :
« des Gaules s’étaient soumises au Christ, avec le reste de l’univers.
Les diverses nations des Gaules sont les quatre provinces en lesquelles Auguste les avait divisées : Narbonne, Lyon, Belgique, Aquitaine.
Telle était donc l’ancienne tradition, et du pays et d’ailleurs, sur la première introduction du christianisme dans les Gaules.
Vers la fin du dix-septième siècle, à la suite et sur l’autorité de Launoy, docteur suspect et téméraire, un certain nombre d’écrivains, plus ou moins infecté de jansénisme, se faisant les échos les uns des autres, avancèrent et soutinrent que cette ancienne et commune tradition sur la première introduction du christianisme dans les Gaules était fausse et inventée depuis le dixième siècle. Des catholiques mêmes, sans y regarder de plus près, répétèrent ce qu’ils entendaient dire. Ce devint l’opinion dominante en France. On se mit à changer la tradition des bréviaires et des missels, tant à Paris que dans d’autres diocèses. Sainte Marie-Madeleine ne resta plus une et la même ; elle fut divisée en trois personnes : la femme pécheresse et pénitente ; Marie, sœur de Lazare, et enfin Marie-Madeleine, de laquelle le Sauveur avait chassé sept démons. L’arrivée de Lazare et de ses deux sœurs en Provence fut déclarée non avenue : la mission apostolique des sept premiers évêques fut retardée de plus de deux siècles.
Le tout, parce que tel était l’avis de Launoy et de ses pareils, qui marchaient plus ou moins sur les traces de Luther et de Calvin. Cependant l’Eglise romaine, et dans son bréviaire, et dans son missel, et dans son martyrologe, et dans ses écrivains les plus approuvés, conservait l’ancienne tradition, d’ailleurs si honorable pour la France.
Aujourd’hui, 1848, un prêtre français, l’abbé Faillon,de la congrégation de Saint-Sulpice, vient démontrer, par une foule de monuments inédits ou peu connus, que l’Eglise romaine avait raison, et que les liturgistes français ont eu tort de bouleverser aussi précipitamment leur liturgie et tradition ancienne, sur des autorités et des arguments plus minces les uns que les autres.
Il prouve d’abord que Sainte Marie-Madeleine, Marie, sœur de Lazare, et la pécheresse pénitente, sont une seule et même personne.
Il le prouve par la tradition primitive, perpétuelle et générale des Grecs et des Latins. Chez les Grecs, sauf deux ou trois Pères qui, en passant, admettent ou supposent plusieurs personnes, l’unité a été reconnue et enseignée par tous les autres, notamment par ceux qui »
Page 481 :
« ont traité la question d’une manière plus expresse : tels Ammonius Saccas, maître d’Origène, dans son Harmonie des Evangiles, et Eusèbe de Césarée, dans ses Canons évangéliques, traduits par Saint Jérôme. Origène est le premier qui imagina plusieurs femmes au lieu d’une seule femme. Lui, dans un endroit, en suppose trois ou même quatre, persuadé que c’était le moyen de résoudre plus aisément les objections de Celse. Ailleurs, il en admet trois ; plus loin seulement deux ; enfin, il y a tel passage où il semble n’en admettre qu’une. Aussi Origène a-t-il été cité pour et contre la distinction. Saint Chrysostome convient que tous les évangélistes semblent parler d’une seule personne : lui, dans son opinion particulière, en distingue deux, et mêmes plusieurs pécheresses. Voilà les deux Pères grecs qui s’éloignent du sentiment ancien et commun. Saint Ephrem, diacre de l’Eglise d’Edesse en Syrie, vivait au quatrième siècle.
Comme ses écrits étaient lus publiquement après l’Ecriture Sainte, son sentiment peut être regardé comme celui de la Syrie entière. Or, il dit positivement que la pécheresse pénitente, Marie, sœur de Lazare, et Marie-Madeleine, possédée de sept démons, c’est une seule et même personne, qui, après une vie scandaleuse, mérita d’être associée aux apôtres et aux évangélistes, pour annoncer la résurrection du Sauveur. Quant à la tradition de l’Eglise latine, l’auteur fait voir que les Pères latins supposent tous, sans exception, que Marie-Madeleine est la même que la sœur de Marthe, ou la pécheresse. Enfin, par un travail aussi édifiant que curieux, il expose l’application allégorique que les saints docteurs font des actions diverses de la pécheresse, de Marie, sœur de Lazare, et de Marie-Madeleine, à la gentilité d’abord pécheresse, puis repentante, puis saintement dévouée, comme d’une seul et même personne à une seule.
Quant aux arguments de Launoy et consorts pour introduire dans le bréviaires la distinction de Marie-Madeleine, les deux principaux sont deux méprises assez singulières. On citait en faveur de la distinction un passage de Saint Théophile d’Antioche, qui vivait dans le second siècle. Le passage est formel : seulement, au lieu d’être de Saint Théophile d’Antioche, il est de Théophylacte, écrivain du Bas-Empire, et qui vivait, non pas précisément dans le second siècle, mais bien dans le onzième. Pour des critiques qui voulaient en remonter à l’Eglise romaine, la méprise est un peu forte. En voici une autre qui ne l’est pas moins. Les réformateurs janséniens de la liturgie en France s’appuyèrent du martyrologe romain pour introduire dans le bréviaire de Paris, au dix-neuf janvier, la fête de Sainte Marie et de »
Page 482 :
« Sainte Marthe ; l’innovation de Paris fut imitée dans beaucoup d’autres diocèses. Un jésuite flamand, le Père Sollier, fit voir que cette innovation gallicane ne reposait que sur une bévue. Voici tout ce que dit le martyrologe romain au dix-neuf janvier : Fête des saints Marius et Marthe, sa femme, et de leurs enfants, Audifax et Abacuc, nobles persans, qui, étant venus à Rome sous l’empire de Claude, y souffrirent le martyre. Mais comment les liturgistes modernes ont-ils pu trouver dans cette annonce la fête de Sainte Marie et de Sainte Marthe, sœur de Lazare ? Le voici. Au lieu de Marius et Marthe, sa femme, un des modernes docteurs a lu Marie et Marthe, et supprimé prudemment tout le reste. Et les autres l’ont cru et répété sur parole. Quand le jésuite eut révélé ce plaisant mystère, les novateurs de Paris eurent assez de sens pour supprimer cette fête dans une nouvelle édition de leur bréviaire ; mais elle continua de figurer dans les bréviaires de province. Tels sont les deux principaux arguments modernes, pour distinguer Marie, sœur de Marthe et de Lazare, d’avec Marie-Madeleine.
Les arguments contre la mission apostolique de Lazare, de Marthe et de Marie-Madeleine, ainsi que de Saint Maximin, en Provence, ne sont pas plus péremptoires. Au dix-septième siècle, cette mission était reconnue par toutes les églises d’Occident. Launoy s’inscrivit en faux, attendu que Saint Lazare était mort en Chypre, Sainte Marthe à Béthanie, Sainte Marie-Madeleine à Ephèse, et qu’aucun écrit ou monument antérieur au onzième siècle ne parle de leur apostolat en Provence. Pour prouver que la tradition constante des Provençaux et de tout l’Occident sur Saint Lazare est fausse, Launoy ne cite qu’un compilateur grec du onzième ou douzième siècle, qui, parlant des reliques d’un Saint Lazare « juste », découvert es en Chypre sous l’empereur Léon VI, le confond avec Saint Lazare de Béthanie, qualifié partout de martyr, et que les Cypriotes n’ont jamais cru ni su enterré parmi eux. Saint Epiphane, évêque de Salamine en Chypre à la fin du quatrième siècle, parle en détail de Lazare et du caractère de sa résurrection ; mais il ne dit ni ne suppose d’aucune manière que son tombeau fût dans le pays, ce qu’il n’eut pas manqué de faire, si l’on en eût été persuadé. Enfin des moines grecs de l’île de Chypre même, consultés sur le lieu de la mort de Saint Lazare, après publication de l’ouvrage de Launoy, répondirent : « Qu’il était constant, par des monuments anciens des églises grecques, que sainte Madeleine, Sainte Marthe, sa sœur, et Saint Lazare, leur frère, avait abordé en Provence et qu’ils reposaient dans ce pays ». Launoy prouve de même que Sainte Marie-Madeleine est morte à Ephèse, attendu que dans un fragment grec d’actes apocryphes, il est parlé d’une Sainte Marie- »
Page 483 :
« Madeleine, vierge et martyre, suppliciée à Ephèse, et que l’on suppose la sœur de Lazare. Mais la sœur de Lazare n’a jamais été qualifiée de Vierge ni de martyre. Mais Polycrate, évêque d’Ephèse, dans la lettre où, à la fin du second siècle, il énumère toutes les gloires de son église, ne dit pas un mot du tombeau de Saint Marie-Madeleine, dont Grégoire de Tours célèbre la gloire en Occident, c’est que cette vierge d’Ephèse n’avait pas encore souffert le martyre au temps de Polycrate, mais qu’elle le souffrit plus tard. Quant à Sainte Marthe, Launoy et ses répétiteurs s’appuient de Flodoard pour assurer qu’elle est morte à Béthanie. Mais Flodoard dit seulement que de son temps on voyait encore à Béthanie la maison de Marthe, changé en église : il ne dit mot, ni de sa mort ni de son tombeau.
Mais le grand argument de Launoy, c’est qu’aucun écrit ni monument antérieur au onzième siècle ne parle de l’apostolat de Lazare, Marthe et Marie-Madeleine en Provence. L’époque n’est pas mal choisie. Car, pendant les huitième, neuvième et dixième siècles, la Gaule méridionale fut ravagée par les Sarrasins, qui y détruisirent toutes les archives et monuments des églises. Toutefois il leur a échappé assez de monuments écrits et autres pour prouver, à eux seuls, ce que prouvait déjà suffisamment la tradition toujours vivante et générale, savoir : l’apostolat des Saints Lazare, Marthe et Marie-Madeleine, ainsi que de Saint Maximin, en Provence.
Voici la série de ces monuments publiés par l’auteur :
1°) Une ancienne Vie de Sainte Madeleine, écrite au cinquième ou au sixième siècle et transcrite textuellement dans une autre plus étendue, composée au neuvième par Saint Raban Maur, archevêque de Mayence, lesquelles toutes confirment de point en point la tradition vivante.
2°) L’auteur produit, comme monuments plus anciens encore que ces Vies écrites, divers tombeaux de la crypte de Sainte Madeleine : d’abord celui de Saint Maximin. Il montre que ce tombeau confirme la vérité de l’ancienne Vie et prouve que, dès les premiers siècles, et probablement avant la paix donnée à l’Eglise par Constantin, les chrétiens de Provence honoraient Saint Maximin, leur apôtre, comme l’un des soixante-douze disciples du Sauveur.
3°) A ce tombeau, il joint celui de Sainte Madeleine, qui confirme aussi la vérité de l’ancienne Vie et prouve que, dès les premiers siècles de l’Eglise, les chrétiens de Provence croyaient posséder et honoraient en effet le corps de Sainte Madeleine, la même dont l’Evangile fait mention.
4°) Il montre que, longtemps avant les ravages des Sarrasins en Provence »
Page 484 :
« La Sainte-Baume était honorée comme le lieu de la retraite de Sainte Madeleine.
5°) Qu’avant les ravages de ces barbares, on honorait à Aix l’oratoire de Saint-Sauveur comme un monument sanctifié par la présence de Saint Maximin et de Sainte Madeleine, et qu’en effet c’est à ces saints apôtres qu’on doit en attribuer l’origine.
6°) Que les actes du martyre de Brescia, en Italie, prouvent, sous l’empire de Claude, Saint Lazare était évêque de Marseille et Saint Maximin évêque d’Aix.
7°) Qu’avant les ravages des Sarrasins, le corps de Saint Lazare, ressuscité par Jésus-Christ, était inhumé à Marseille, dans l’église de Saint-Victor, et qu’on est bien fondé en attribuant l’origine des cryptes de cette abbaye au même Saint Lazare, premier évêque de Marseille.
8°) Que la prison de Saint-Lazare, à Marseille, est un monument antique qui confirme l’apostolat et le martyre de ce Saint.
9°) Que le tombeau de Sainte Marthe, à Tarascon, était en très grande vénération au cinquième et au sixième siècle : que Clovis I er, étant attaqué d’une maladie, s’y rendit lui-même et y obtint sa guérison.
10°) Qu’avant les ravages des Sarrasins, Sainte Marthe était honorée comme l’apôtre de la ville d’Avignon.
11°) Que les démêlés au sujet de la primatie d’Arles n’ont rien de contraire à l’apostolat de nos Saints, et que les archevêques d’Arles, au lieu de réclamer contre cette même croyance, l’ont expressément reçue et confirmée.
12°) Que l’apostolat de Saint Lazare, de Sainte Marthe et de Sainte Marie-Madeleine est confirmé par les plus anciens martyrologes d’Occident.
13°) Qu’au commencement du huitième siècle, les Provençaux cachèrent les reliques de leurs saints apôtres pour les soustraire aux profanations des Sarrasins, et mirent dans un sépulcre, avec le corps de Sainte Madeleine, une inscription de l’an 710, conçue en ces termes : « L’an de la nativité du Seigneur, 710, le 6 ième jour de décembre, sous le règne d’Odoïn, très-bon roi des Francs, au temps des ravages de la perfide nation des Sarrasins, ce corps de la très chère et vénérable Sainte Madeleine a été, à cause de la crainte de ladite perfide nation, transféré très secrètement, pendant la nuit, de son sépulcre d’albâtre dans celui-ci qui est de marbre, duquel l’on a retiré le corps de Sidoine, parce qu’ici il est plus caché ». Comme l’a remarqué le docte Pagi, ce roi des Francs, du nom d’Odoïn ou Odoïc, n’est autre que le fameux Eudes, duc d’Aquitaine, qu’on trouve appelé quelquefois Odon, quelquefois Otton, Odoïc ou Odoïn. Il était de la première dynastie des rois des Francs, dans laquelle nous voyons que tous les princes portaient le titre de roi. D’ailleurs, c’est précisément de 700 à 710, pendant que les Francs de Neustrie et d’Austrasie se disputaient à qui serait le maître des rois fainéants, sous le titre de maire du palais ; c’est précisément »
Page 485 :
« dans cet intervalle que le duc Eudes, Odon, Odoïn ou Odoïc, fut le seul défenseur, et par là même le seul roi, de la France méridionale contre les Sarrasins.
Dans la partie subséquente de son ouvrage, l’auteur des « Monuments inédits » expose les principaux faits concernant le culte de chacun de ces saints personnages, depuis les ravages des Sarrasins jusqu’à nos jours. Quant à la mission des sept évêques dans les Gaules par Saint Pierre, sous l’empire de Claude, quoique l’auteur n’ait pas but direct de la prouver, il en offre néanmoins des preuves nouvelles et remarquables : d’abord un ancien manuscrit, autrefois à l’Eglise d’Arles, dans lequel sont recueillies les lettres des Papes et aux archevêques de cette métropole, depuis le Pape Zosime jusqu’à Saint Grégoire le Grand. Or, immédiatement après les lettres du Pape Pélage à Sapaudus, qui mourut en 586, et avant celles de Saint Grégoire à Virgile, on lit ce titre peint en vermillon : « Des sept personnages envoyés par Saint Pierre dans les Gaules, pour y prêcher la foi ; et ensuite les paroles suivantes : Sous l’empereur Claude, l’apôtre Pierre envoya dans les Gaules, pour prêcher le foi de la Trinité aux gentils, quelques disciples auxquels il assigna des villes particulières : ce furent Trophime, Paul, Martial, Austremoine, Gatien, Saturnin et Valère ; enfin plusieurs autres que le bienheureux apôtre leur avait désignés pour compagnons. Raban Maur, dans sa Vie de Marie-Madeleine, parle également de Trophime d’Arles, de Paul de Narbonne, de Martial de Limoges, de Saturnin de Toulouse, de Valère de Trèves, comme envoyés au temps même des apôtres.
Pour ce qui est de Saint Trophime en particulier, l’église d’Arles l’a toujours honoré comme un des soixante-douze disciples et envoyé par Saint Pierre. Il est vrai Grégoire de Tours, qui écrivait sur la fin du sixième siècle, conclut dans un endroit que Trophime et les six évêques furent envoyés sous l’empire de Dèce, en 250 ; il le conclut des actes de Saint Saturnin, ou plutôt de la date de ces actes, qui, d’après le bruit public, disent-ils, mettent le consulat de Décius et Gratus pour l’arrivée de Saturnin à Toulouse, sans mentionner les autres évêques. Mais Grégoire même ne croit pas trop à cette date, ou bien il n’est pas d’accord avec lui-même ; car, dans un autre endroit, il dit que Saint Saturnin avait ordonné par les disciples des apôtres, ce qui suppose la fin du premier siècle ou le commencement du second. Mais il existe en faveur de Saint Trophime un témoignage antérieur d’un siècle et demi à Grégoire, témoignage »
Page 486 :
« bien autrement solennel et authentique : c’est la lettre de dix-neuf évêques au Pape Saint Léon, en faveur de l’Eglise d’Arles, pour le supplier de rendre à cette métropole les privilèges qu’il lui avait ôtés.
« Toute la Gaule sait, disent-ils, et la Sainte Eglise romaine ne l’ignore pas, qu’Arles, le première ville des Gaules, a mérité de recevoir de Saint Pierre Saint Trophime pour évêque, et que c’est de cette ville que le don de la foi s’est communiqué aux autres provinces des Gaules ». Dans leur requête, ces dix-neuf évêques voulaient montrer que l’Eglise d’Arles était plus ancienne que celle de Vienne. Mais si saint Trophime n’avait fondé l’église d’Arles qu’au milieu du troisième siècle, comment tous ces évêques auraient-ils pu lui attribuer une ancienneté plus grande qu’à l’église de Vienne, déjà florissante dès le second, comme on le voit par la lettre de cette église et celle de Lyon aux églises d’Asie, sous Marc-aurèle, l’an 177 ? Prétendre, avec certains critiques, que par ces mots « envoyé par saint Pierre », les évêques voulaient simplement dire que Trophime avait été « envoyé par le siège », c’est leur attribuer une niaiserie et méconnaître l’état de la question. Le Pape Innocent I er atteste que tous les évêques des Gaules ont été envoyés par ce siège, c'est-à-dire par Saint Pierre ou par ses successeurs. Comment donc les dix-neuf évêques auraient-ils pu conclure de là que l’Eglise d’Arles était plus ancienne que celle de Vienne ? Enfin, l’église de Vienne elle-même dément Grégoire de Tours par le plus savant de ses archevêques, Saint Adon. Il dit au 27 janvier de son martyrologe : « A Arles, fête de Saint Trophime, évêque et confesseur, disciple des apôtres Pierre et Paul ». Il dit plus au long, dans son livre de la fête des apôtres : « Fête de Saint Trophime de qui l’Apôtre écrit à Timothée »: J’ai laissé Trophime malade à Milet. « Ce Trophime, ordonné évêque par les apôtres à Rome, a été envoyé le premier à Arles, ville de la Gaule, pour y prêcher l’Evangile du Christ ; et c’est de sa fontaine, comme écrit le bienheureux Pape Zosime, que toutes les Gaules ont reçu les ruisseaux de la foi. Il s’est endormi en paix dans la même ville ». Ainsi, Saint Adon de Vienne non seulement assure que Saint Trophime d’Arles y a été envoyé premier évêque par les apôtres, mais il le prouve par l’autorité du Pape Zosime, antérieur de plus d’un siècle à Grégoire de Tours.
Un témoignage plus ancien encore que celui des dix-neuf évêques et même du Pape Zosime fait voir qu’on ne peut pas s’en rapporter, pour Saint Trophime, à l’époque de Grégoire de Tours. Vers l’an 252 ou 253, Faustin, évêque de Lyon, et les autres évêques de la même province, écrivirent au Pape Saint Etienne et à Saint Cyprien de Carthage contre Marcien, évêque d’Arles, qui, infecté du schisme et de »
Page 487 :
« l’erreur de Novatien, s’était séparé de leur communion « depuis longtemps » et refusait l’absolution aux pénitents, même à la mort. Saint Cyprien exhorta le Pape, au plus tard en 254, à écrire des lettres dans la province pour excommunier et déposer Marcien et le remplacer par un autre. « Il y a longtemps, dit Cyprien, qu’il s’est séparé de notre communion ; qu’il lui suffise d’avoir laissé mourir, les années précédentes, plusieurs de nos frères sans leur donner la paix ». Ces expressions, « les années précédentes » et « depuis longtemps », employées au plus tard au commencement de 254, font remonter naturellement à 250 ou 251 l’époque où Marcien se sépara de ses collègues. Son épiscopat avait dû commencer avant 250. Comment alors supposer, avec Grégoire de Tours, que Saint Trophime ne fut envoyé de Rome qu’en 250, sous l’empire de Dèce ? Dèce, de qui la persécution éclata dès 249 et fut si terrible que, le Pape Fabien ayant été martyrisé dès le 20 janvier 250, on fut plus de seize mois sans pouvoir élire un nouveau Pape. Et Saint Cyprien en donne cette raison : « C’est que le tyran, acharné contre les Pontifes de Dieu s’établissait à Rome ». Certainement on ne comprend guère comment le Pape Fabien, martyrisé dès le 20 janvier 250, put envoyer cette année-là même sept évêques avec de nombreux compagnons dans les Gaules, tandis qu’on le comprend sous l’empire de Claude.
Aussi Longueval et Tillemont abandonnent-ils Grégoire de Tours sur l’époque de cette mission, particulièrement pour Saint Trophime.
Le savant de Marca non seulement l’abandonne, mais le réfute.
Il en est de même quant à Saint Denys, premier évêque de Paris.
Grégoire de Tours le compte parmi les sept évêques envoyés de Rome sous l’empire de Dèce. Il ne cite aucune autorité pour cela, car les actes de Saint Saturnin de Toulouse ne parlent que de Saturnin, et nullement de Denys ni de Trophime. Au contraire, Fortunat, évêque de Poitiers et contemporain de Grégoire, dit expressément que Saint Denys, premier évêque de Paris, fut envoyé par le Pape Saint Clément ; il le dit, et dans l’ancienne vie de Sainte Geneviève, dont il a été reconnu l’auteur par de Marca, et dans une hymne composée en l’honneur de Saint Denys. Aussi le savant de Marca conclut-il pour la mission de Saint Denys par le Pape Saint Clément. Le docte Antoine Pagi tire la même conclusion et pour les mêmes raisons, auxquelles il en ajoute plusieurs autres. Comme Grégoire de Tours s’est trompé en plusieurs points des antiquités ecclésiastiques, »
Page 488 :
« son opinion particulière sur la mission de Saint Denys n’est d’aucun poids. Aussi, après lui, a-t-on continué de croire et de dire, avec son contemporain Fortunat, que Saint Denys a été envoyé par le Pape Saint Clément. On en voit la preuve dans un privilège du roi Thierri de 733, dans une charte du roi Pépin de 768, et dans les actes du concile de Paris de 825. Dans tous ces monuments, Saint Denys est dit formellement avoir été envoyé dans les Gaules par Saint Clément, successeur de Saint Pierre. A ces monuments, on peut joindre les anciens bréviaires de Paris, qui, jusqu’en 1700, disent ou supposent tous que Saint Denys a été envoyé par le Pape Saint Clément. François Pagi, réunissant les arguments d’Antoine Pagi et de Marca, fortifie la conclusion par des arguments nouveaux. Le célèbre Mabillon va plus loin. Non seulement il reconnaît comme indubitable la mission de Saint Denys par le Pape Saint Clément ; mais il ajoute que les arguments de ceux qui soutiennent que Saint Denys, premier évêque de Paris, est le même que Saint Denys l’Aréopagite, comme le disent les anciens bréviaires de Paris, ne sont point à mépriser.
D’après tout cela, nous regardons comme suffisamment prouvé :
1°) Que Saint Denys, premier évêque de Paris, a été envoyé dans les Gaules par le Pape Saint Clément ;
2°) Que Saint Trophime, premier évêque d’Arles, y a été envoyé avec plusieurs autres par Saint Pierre même ;
3°) Que les Saints Lazare, Marthe et Marie-Madeleine, avec saint Maximin, un des soixante-douze disciples, ont été les apôtres de la Provence, Saint Lazare, premier évêque de Marseille, et Saint Maximin, premier évêque d’Aix ;
4°) Que Sainte Marie-Madeleine, la pécheresse pénitente, et Marie, sœur de Lazare, sont une seule et même personne. Et nous souhaitons de tout notre cœur que, dans chaque église particulière, on fasse des travaux semblables sur leurs antiquités ».
2.5 Abbé Freppel : « Saint Irénée et l'éloquence chrétienne dans la Gaule » (1861)
De la pages 40 à 81 de l’ouvrage de « Saint Irénée et l’éloquence chrétienne dans la Gaule », de l’édition de 1861, nous est présenté tout une section intitulée « Les premiers apôtres de la Gaule » (troisième leçon) par l’abbé Freppel, professeur à la faculté de théologie de Paris. C’est un document que jeretranscris ici largement, car il présente l’avantage de bien situer le contexte historique de l’Evangélisation des Gaules, et amène tout une série d’arguments permettant de mieux comprendre le contexte de la controverse dont l’instigateur est le fameux Launoy, qui s’inscrivit en faux contre toute l’antique tradition qui avait été transmise jusqu’au 17 ième siècle. C’est un texte qui donne une vision synthétique mais extrêmement juste (au vu de l’ensemble des données répertoriées dans le § 6.1), des évènements successifs majeurs qui caractérisèrent l’épopée de l’Evangélisation des Gaules :
« L’an 600 avant Jésus-Christ, un navire parti d’une ville de l’Asie Mineure jetait l’ancre sur la côte méridionale de la Gaule, non loin des bouches du Rhône. Le territoire où venaient aborder Euxène et ses Phocéens était occupé par la tribu des Ségobriges.
Accueillis avec amitié par Nann, le chef de ce clan gaulois, les étrangers reçurent sur cette plage lointaine une hospitalité généreuse. Le jour même de leur arrivée, par une coïncidence singulière, signalée par Justin et par Athénée auxquels j’emprunte ce récit, le roi des Ségobriges mariait sa fille : il invita les nouveaux venus au festin nuptial. Or, suivant la coutume du pays la jeune vierge devait, vers la fin du banquet, désigner l’époux de son choix en lui offrant à boire dans un vase rempli d’eau. Donc, au moment où le repas s’achevait, la fille du barbare vint s’arrêter devant le chef des grecs, soit hasard, soit toute autre cause, et lui tendit la coupe. Frappé de cette demande inattendue, Nann crut y voir un signe de la volonté des dieux, et acceptant le Phocéen pour son gendre, il lui donna en dot le rivage où les Grecs avaient pris terre. Euxène et les siens y jetèrent les fondements d’une ville qu’ils appelèrent Massalie. Bientôt la colonie s’accrut, grâce aux renforts qui lui arrivèrent de la mère patrie, et aux circonstances qui facilitèrent son développement. Défendus contre les Ligures par les Galls de Bellovèse, les Massaliotes étendirent au loin leur territoire primitif ; ils profitèrent de l’admirable position de leur ville pour établir des comptoirs et des entrepôts sur toutes les côtes de la Méditerranée. La chute de Carthage leur livra tout le commerce de l’Occident, et l’assistance qu’ils prêtèrent aux Romains leur permit de se tourner vers l’Orient, à suite et sous la protection des conquérants du monde. En même temps, un gouvernement sage et modéré assurait à la cité phocéenne le calme intérieur : les sciences et les arts y répandaient un éclat qui lui a valu l’admiration de Cicéron et de Tacite ; la jeunesse de tous les pays affluait vers cette école de politesse et de bon goût. Bref, Marseille devint un foyer de lumières pour l’Occident : c’est par elle que la civilisation grecque rayonnait sur la Gaule entière.
Six siècles après qu’une colonie de Phocéens était venue implanter la civilisation grecque dans le midi de la Gaule, un autre navire entrait un jour dans le port de Marseille. Ce n’étaient plus des marchands poussés par la soif des richesses, ni des aventuriers venant chercher fortune sous un autre climat ; de plus graves intérêts amenaient vers l’Occident ce groupe d’exilés que la persécution avait chassés de la palestine. Témoins des grands évènements qui venaient de s’accomplir en Orient, ils allaient annoncer la bonne nouvelle à cette contrée lointaine vers laquelle les dirigeait le souffle de la Providence. Parmi ces inconnus, dont la célébrité devait effacer un jour les plus grands noms de l’histoire, se trouvait une famille dont le souvenir est resté inséparable du drame Evangélique : c’était le ressuscité de Béthanie, Lazare, auquel le plus éclatant des miracles avait valu la grâce d’une deuxième vie ; Marthe et Marie-Madeleine, ses sœurs, ces deux femmes illustres de l’Evangile devenues le type, l’une, de l’activité chrétienne qui transforme en mérites les occupations multiples de la vie, l’autre, de la pénitence qui s’élève par le repentir jusqu’à la perfection de l’amour divin. Poursuivis par la haine des Juifs, ces nobles personnages avaient pris le chemin de l’Occident, en compagnie de Maximin, l’un des soixante douze disciples du Seigneur. C’est d’eux que Marseille, Aix, Tarascon, Arles et Avignon allaient recevoir la première semence de la foi. Le christianisme pénétrait dans les Gaules par la même route qu’avait choisie la civilisation de l’ancien monde.
Mais ici, Messieurs, une école de critiques nous arrête tout court ; elle nous accuse de confondre la légende avec l’histoire. Vous prenez, nous dit-elle, pour des faits authentiques ce qui n’est le produit d’une pieuse crédulité : on a pu admettre de pareilles traditions à une époque où la critique n’était guère avancée ; mais aujourd’hui il faut faire table rase de ces croyance populaires qui ne sauraient trouver grâce aux yeux d’une science exacte et rigoureuse. Pour répondre à cette objection, il est nécessaire d’étudier avec soin les origines de la prédication évangélique dans la Gaule.
Cette question, aussi intéressante que difficile à résoudre, est une de celles qu’on a le plus fréquemment agité depuis deux siècles : il n’est guère de problème plus délicat que l’on puisse aborder dans notre histoire religieuse et nationale. Là-dessus deux systèmes se sont produits, selon qu’on avance ou qu’on recule l’époque de l’établissement du christianisme dans la Gaule. Je vais les exposer l’un après l’autre afin de pouvoir déterminer lequel des deux réunit en sa faveur un ensemble de preuves plus fortes et plus décisives.
Jusqu’au 17 ième siècle, on s’était généralement accordé à croire que les Gaules avaient été évangélisées dès le 1 er siècle de l’ère chrétienne. Telle était la tradition immémoriale des églises de France. D’après ce sentiment, voici la marche qu’aurait suivie la prédication évangélique dans cette partie de l’empire romain. C’est à plusieurs reprises et par différents côtés que la Gaule a vu arriver au milieu d’elle les missionnaires de la foi. Le premier groupe d’apôtres est celui de la Provence, Lazare et Maximin, Marie-Madeleine et Marthe. Partis de l’Orient la quatorzième année après l’Ascension du Seigneur, cette pieuse colonie étendit son activité sur le pays qui avoisine Marseille. Lazare fonda le siège de cette ville, et Maximin devint le premier évêque d’Aix. Quant aux saintes femmes qui les accompagnaient, elles contribuèrent au succès de cette prédication par l’ardeur de leur zèle et par l’exemple de leur vie. A la même époque, l’apôtre Saint Pierre, tournant les yeux vers une des provinces le plus importantes de l’Empire, envoya de Rome sept prédicateurs qui s’arrêtèrent sur différents points de la Gaule : Trophime à Arles, Paul à Narbonne, Martial à Limoges, Austremoine à Clermont, Gatien à Tours, Saturnin à Toulouse, et Valère à Trèves. C’est la célèbre mission des sept évêques, à laquelle se rattachent entre autres les prédications de Saint Georges au Velay, et de Saint Eutrope à Orange. Plus tard, un troisième groupe de missionnaires, envoyé par le pape Saint Clément, arrive de Rome dans la Gaule : c’est Saint Denis et ses compagnons. Leur activité apostolique s’exerça surtout dans le pays qui s’étend autour de Paris : Saint Denis fonda le siège de cette ville, Saint Sanctin celui de Meaux, Saint Taurin celui d’Evreux, Saint Lucien celui de Beauvais, Saint Julien celui du Mans, etc. Enfin, une colonie d’ouvriers évangéliques, à la tête de laquelle se trouvait Saint Pothin, partit de l’Asie Mineure pour s’établir à Lyon et à Vienne, où déjà Saint Crescent, disciples de Saint Paul, avait jeté les fondements de ces églises, depuis si florissantes. Voilà les principales missions de la foi dans les Gaules pendant le 1 er siècle et au commencement du 2 ième.
Tandis que la sainte famille de Béthanie implante le germe de la religion chrétienne dans la partie méridionale de l’ancienne province romaine, les sept évêques et leurs compagnons, envoyés par Saint Pierre, se répandent dans l’intérieur du pays ; les missionnaires choisis par Saint Clément se dirigent vers le nord, et la colonie asiatique de Saint Pothin se fixe à l’est. Telle est, Messieurs, la voie qu’a suivie la prédication de l’Evangile à travers les nombreuses tribus de la race celtique.
Comme je le disais tout à l’heure, le sentiment que je viens d’exposer était reçu presque sans opposition avant le 17 ième siècle. Fondé sur la tradition orale des différentes églises, exprimé dans les monuments de la liturgie, appuyé par des documents sinon cotemporains, du moins d’une antiquité respectable, il semblait devoir être à l’abri de la critique. Une école d’érudits, d’ailleurs fort distinguée, ne fut pas de cet avis. C’était alors un mouvement de réaction générale contre le moyen âge. Institutions sociales, littérature, arts, tout ce qui provenait de ces temps réputés barbares était ou dédaigné ou tenu en suspicion. L’intervention des papes dans les affaires de la chrétienté pendant cette période où leut autorité morale était la garantie suprême du pouvoir des princes de la liberté des peuples, passait aux yeux de beaucoup pour un empiétement ; et il n’y a pas lieu de s’en étonner lorsqu’on voit un homme tel que Bossuet se méprendre sur le caractère et les résultats de cette intervention. La scolastique, cette puissante école à laquelle s’est formé l’esprit moderne, était battue en brèche par des gens qui ne pouvaient pas lui pardonner d’avoir osé mettre un frein à l’art de déraisonner. L’architecture chrétienne pâlissait à côté de l’art grec, et il fallait bien que de telles opinions fussent très-accréditées, pour qu’un esprit comme Fénelon ait pu porter sur nos cathédrales gothiques le jugement que tout le monde sait. Bref, la renaissance des littératures classiques avait affaibli le goût et le sens des antiquités chrétiennes. D’autre part, la Réforme, en s’attaquant à la tradition, ébranlait en général l’autorité du témoignage historique. Les centuriateurs de Magdebourg avaient commencé sur le terrain de l’histoire de cette grande conspiration contre la vérité, que les sophistes du 18 ième siècle ont reprise avec tant d’ardeur. Enfin le jansénisme, toujours ardent à réformer le culte et à proscrire ce qui nourrissait la dévotion des peuples, ne pouvait faire grâce aux légendes des saints : il devait porter dans cette matière l’esprit d’innovation et de témérité qui distinguait ses partisans. Toutes ces causes réunies expliquent le changement qui s’opéra dans les idées, vers la fin du 17 ième siècle, touchant les origines de la prédication évangélique dans la Gaule.
En contestant l’antiquité des églises de France, l’école des critiques dont je parle croyait servir la cause de la religion. Elle s’imaginait qu’en faisant à l’incrédulité toutes les concessions rigoureusement compatibles avec la foi, elle rallierait les esprits au symbole catholique. Vaine tentative, répétée bien des fois depuis lors et toujours avec le même insuccès ! Jamais on ne triomphe de l’erreur par le sacrifice d’un droit quelconque de la vérité. Partant de cette idée préconçue et guidés par un sentiment d’hostilité contre les hommes ou les institutions du moyen âge, Launoy, Tillemont, Fleury, Baillet et beaucoup d’autres écrivains abandonnèrent sans hésiter l’antique tradition des églises de France. D’abord ils rejetèrent comme une fable toute l’histoire des apôtres de la Provence, sous prétexte qu’aucun monument antérieur au 11 ième siècle n’en garantissait l’authenticité. Après avoir supprimé d’un trait de plume l’apostolat de Saint Lazare et de ses sœurs, ils reculèrent de deux siècles la mission des sept évêques qu’ils placèrent sous l’empire de Dèce ; ils firent de même pour Saint Denis et ses compagnons. Seules les églises de Vienne et de Lyon trouvèrent grâce devant l’école de Launoy : les écrits de Saint Irénée suffisaient pour les mettre hors d’atteinte. Comme vous le voyez, Messieurs, ce n’était rien moins qu’une révolution complète dans l’hagiographie. Favorisé par les circonstances, patroné par des hommes d’une érudition incontestable, le nouveau système gagna rapidement dans l’opinion publique. On le vit se glisser en tout ou partie dans des ouvrages fort remarquables du reste, tels que « l’Histoire de l’Eglise gallicane, par le père Longueval, et « l’Histoire littéraire de la France », par les bénédictins de la congrégation de Saint-Maur. Bien plus, il envahit la liturgie elle-même. C’était l’époque, où sous l’influence des causes que je mentionnais tantôt, on s’occupait en France de la révision des bréviaires. Nos modernes liturgistes se laissèrent entraîner par l’attrait de la nouveauté : ils crurent faire preuve de bon goût et de critique en retranchant ou en mutilant les leçons favorables à l’antiquité des églises de France. Seul, le bréviaire romain resta fidèle à la tradition des Gaules. Ce n’est pas la première fois que l’Eglise mère et maîtresse de toutes les autres, défendait contre une église particulière des gloires nationales maltraitées par ceux-là mêmes qui auraient dû être les plus ardents à les soutenir.
Evidemment Launoy et son école avaient dépassé le but et violé les règles d’une sage critique. S’ils s’étaient bornés à prétendre que parmi les légendes des premiers apôtres de la Gaule, composées, à plusieurs siècles de distance, sur les traditions populaires, il s’en trouve qui, au milieu d’un fond historique incontestable, renferment des détails inexacts et des traits apocryphes que l’imagination des peuples et la simplicité des écrivains y ont ajoutés, ils se seraient renfermés dans les limites d’une discussion calme et impartiale. Une fois ce principe établi, la voie était toute tracée pour une recherche méthodique de la vérité. Etudier ces vieilles légendes sans parti pris de louange ni de blâme, comme autant de pièces où de la tradition primitive est souvent développé et embellie dans un but d’édification, examiner avec soin leur origine et leur valeur, dégager l’élément historique qui s’y trouve renfermé sous le voile de la poésie, dépouiller le fait principal des circonstances accessoires qu’un travail postérieur a pu mêler, telle est la tâche qu’une saine critique est appelée à fournir. Mais il y a de la témérité, pour ne pas dire davantage, à refuser toute espèce de croyance à des récits légendaires, à rejeter absolument l’ensemble comme les détails, le gros des faits non moins que les additions étrangères. Ce n’est pas une mince autorité que celle d’une Eglise venant témoigner, par une tradition non interrompue, du nom, des œuvres et de la vie son fondateur. N’y aurait-il là qu’une transmission orale, communiquée de bouche en bouche, d’une génération à l’autre, sans preuves écrites, encore ne faudrait-il pas traiter légèrement un pareil témoignage. Lorsqu’une tradition est debout depuis plusieurs siècles, sans qu’il soit possible de lui assigner une origine différente des évènements mêmes qu’elle rapporte, on peut supposer avec raison qu’elle existait également dans les temps antérieurs où l’absence de documents ne permet pas d’en rechercher les traces : en pareil cas, et jusqu’à preuve du contraire, possession vaut titre. Il n’en est sans doute pas de ces traditions particulières, relatives à des faits d’un intérêt local, comme de la tradition divine et dogmatique qui se conserve dans l’Eglise universelle avec l’assistance de l’Esprit-Saint. J’admets bien volontiers que le récit de la fondation d’une église particulière, passant de main en main, puisse subir des altérations plus ou moins graves ; mais il reste toujours un fond de vérité qui résiste à la négation, parce qu’il s’agit là d’un ordre de faits qui intéressent vivement toute une classe d’hommes, dont le souvenir est mêlé à ce qu’il y a de plus pratique et de plus usuel dans leur vie religieuse, c'est-à-dire la liturgie. Voilà ce que Launoy et ses partisans perdaient de vue dans leur ardeur à dénicher les saints. Aussi la science moderne leur préparait-elle de rudes démentis ; et plus on étudiera nos antiquités religieuses et nationales, mieux on se convaincra que la critique du 17 ième siècle s’est trop hatée de conclure en repoussant comme mal fondées les vieilles traditions des églises de France.
Ainsi, Messieurs, pour commencer par les apôtres de la Provence, la réparation me paraît à peu près complète. C’est sur ce point que Launoy triomphait avec le plus d’assurance ; et, par le fait, il était parvenu à ranger de son côté la majeure partie des savants. Or, lorsqu’on les examine sérieusement, ses objections paraissent d’une extrême faiblesse, à tel point que le cardinal Mazarin lui en témoigna toute sa surprise un jour qu’il l’entendait argumenter contre la tradition des Provençaux. Pour croire à cette tradition, le fougueux docteur [Launoy] demandait à grands cris qu’on produisît un monument quelconque antérieur au 11 ième siècle. Un érudit moderne s’est chargé de satisfaire à la demande de Launoy. Sous le titre de Monuments inédits sur les apôtres de la Provence, M. l’abbé Faillon, de la congrégation de Saint-Sulpice, a publié, il y a quelques années, un ouvrage, fruit de longues et savantes recherches, dans lequel il réfute un a un tous les arguments de Launoy ».
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Re: LA PREDILECTION ET LA MISSION DE LA FRANCE
2.6 Mgr Paul Guérin : « Les Petits Bollandistes - vie des saints » (1876)
Les vies de l’ensemble des disciples de Notre Seigneur Jésus ayant évangélisé les Gaules, figurent intégralement dans cette œuvre magistrale de référence, qu’est la vie des saints présentée par les « Petits Bollandistes ». Je ne fais apparaître, pour cette section, que les extraits de la vie de Marie-Madeleine et de sa sœur Marthe.
Vous trouverez les textes de l’œuvre relatifs à l’apostolat des autres apôtres, aux sections qui leur sont respectivement consacrées.
2.6.1 Sainte Marie-Madeleine
Du tome 8, pages 591 à 595 :
« […] Saint Luc, aux Actes des Apôtres, chapitre 8, dit qu’après le martyre de Saint Etienne, la persécution des Juifs fut si violente dans la ville Jérusalem, que tous les fidèles, excepté les Apôtres, en sortirent et se retirèrent dans les villes de Judée et de Samarie : cela nous porte à croire qu’alors Lazare, Marthe et Madeleine, allèrent passer quelques temps en Galilée : car, nous l’avons déjà remarqué, leur parents leur avaient laissé de grands bien, à moins qu’ils n’eussent vendus leurs héritages pour en apporter le prix au pieds des Apôtres et ne plus vivre que des biens communs de l’Eglise ; dans ce cas , ne possédant plus rien en propre ils eussent été indifférents pour toute sorte de lieux et de demeures.
Lorsque le torrent de cette première persécution fut passé, ils revinrent à Jérusalem et probablement y demeurèrent jusqu’à la seconde persécution, vers l’année 45. Ce fut en ce temps-là que les Apôtres se dispersèrent dans le monde, que Saint Pierre partit pour Rome, que la Sainte Vierge fut conduite par Saint Jean à Ephèse, et que l’Evangile commença à se répandre par toute la terre. Les Grecs veulent que Madeleine soit morte et enterrée à Ephèse [Ce qui est absolument erroné Cf. § 6.1.10 « La tradition et la critique »] ; on peut leur accorder qu’elle fit un voyage et y demeura quelques temps avec la Sainte Vierge ; mais, étant retournée en Judée, elle ne put éviter pour cette fois la fureur des Juifs, qui la haïssent d’autant plus qu’elle avait été plus affectionnée à Notre-Seigneur, et que la vie de Lazare, son frère, était un reproche continuel de leur opiniâtreté et de leur malice. Elle fut donc saisie avec le même Lazare et avec Sainte Marthe sa sœur, et Sainte Marcelle, que l’on croit avoir été suivante de Sainte Marthe, et, selon l’ancienne tradition approuvée par le Saint-Siège et confirmée par le témoignage d’une infinité de graves auteurs anciens et modernes, ces barbares la mirent avec toute sa compagnie sur la mer Méditerranée, dans un mauvais vaisseau dépouillé de toutes les choses nécessaires à la navigation, afin qu’ils périssent tous dans les eaux. Saint Maximin, l’un des soixante-douze disciples de Notre-Seigneur, qui les avait baptisés ; Sidoine, que l’on tient être l’aveugle-né dont il est parlé dans l’Evangile, et beaucoup d’autres, entre lesquels les Anglais mettent aussi Saint Joseph d’Arimathie, comme nous l’avons remarqué dans sa vie, furent exposés au même péril.
Jamais vaisseau ne parut en plus grand danger de naufrage. Les Juifs ne croyaient pas qu’il pût monter jusqu’en haute mer, et ils espéraient le voir périr devant leurs yeux avec sa charge ; mais jamais vaisseau ne fut mieux conduit et ne fit une plus heureuse navigation. Il n’avait ni voiles, ni rames, ni gouvernail, ni pilote, mais les flots le conduisaient d’eux-mêmes et lui servaient de toutes choses ; il passa sans accident des grandes mers qui s’étendent depuis la Palestine jusqu’en Sicile, et depuis la Sicile jusqu’en Provence, et, ce qui est inouï, il vogua tout d’une traite et ne prit jamais port en chemin ; enfin, il arriva à Marseille, qui était dès lors un des principaux ports et l’une des plus célèbres villes de Gaules. On ne put le voir arriver sans étonnement et sans admiration. Un si grand miracle fit considérer ces exilés comme des personnes extraordinaires et dont le ciel prenait une protection singulière : on les reçut avec honneur, on les écouta avec plaisir, on les assista avec satisfaction et libéralité. Ils se servirent avantageusement d’un accueil si favorable pour annoncer à ce peuple idolâtres les vérités augustes du Christianisme, et leur prédication ne fut pas inutile : ils eurent bientôt la consolation de moissonner ce qu’ils avaient semé, c'est-à-dire de voir la semence de l’Evangile porter des fruits en abondance, puisque les « Actes des Saints de l’Eglise de Toulon », qui doivent être anciens de quinze cents ans, ont été composés pas les soins de Didier, évêque de ce siège, assurent qu’ils convertirent toute la Provence à la foi de Jésus-Christ.
Saint Maximin fut évêque d’Aix. Saint Lazare se chargea de l’église de Marseille. Sainte Marthe assembla dans Tarascon une communauté de saintes vierges dont elle fut la mère et la maîtresse, comme nous le dirons dans sa vie. Pour Madeleine, qui était accoutumée à la vie contemplative et qui aimait à demeurer paisible aux pieds du Fils de Dieu, après avoir si utilement travaillé à la conversion des Marseillais, elle choisit pour elle le désert et la solitude. On montre dans l’église de Saint-Victor de Marseille, une grotte où on dit qu’elle passait les nuits en oraison, tandis même qu’elle s’occupait au salut des âmes. On en montre une autre à deux milles de la même ville, en un lieu appelé Aigalades, où elle fit sa première retraite. Mais ces lieux n’étant pas encore assez solitaires pour elle, parce qu’elle y était quelquefois interrompue par les personnes qui venaient implorer son secours, elle se retira sur une haute montagne extrêmement déserte, entre Aix, Marseille et Toulon ; ayant trouvé un roc fort escarpé, et une caverne au milieu, elle y choisi sa demeure pour le reste de ses jours. Le temps qu’elle y demeura fut encore long, et l’on dit qu’il égala les années de la vie cachée du Fils de Dieu. Sa vie y fut toute miraculeuse et plus angélique qu’humaine. La parole de Dieu, la contemplation de ses grandeurs, la méditation des mystères de Jésus-Christ et les larmes de la pénitence étaient tout son pain et toute sa nourriture.
On voit dans le milieu de cette caverne un roc élevé en forme de tombeau, sur lequel il dégoutte point d’eau, au lieu qu’il en dégoutte par tout le reste de la caverne : on dit que c’était là qu’elle passait les jours les nuits en prières, tantôt à genoux, tantôt couchée sur le côté, comme elle y est représentée par une belle figure de sa taille, laquelle est très ancienne et que la tradition porte avoir été mise par Maximin. Cependant elle arriva à une si grande sainteté et une si parfaite ressemblance avec les esprits célestes, que ces bienheureuses intelligences l’élevaient tous jours sept fois au-dessus da sa grotte et la montaient jusque sur la pointe de la montagne, qui surpasse encore en hauteur cette caverne de plusieurs coudées. Là, au-dessus de la terre, elle contemplait le ciel à découvert et y portait continuellement ses désirs pour se réunir à Jésus-Christ, son trésor et son bien-aimé. Les habitants d’alentour appellent le lieu de la caverne la « Sainte-Baume », parce que « baume », en leur langue, signifie « montagne » [plutôt « grotte »]; et pour cette pointe de rocher, ils l’appelent le Saint-Pilon. On a, dans la suite, facilité la montée de l’une et de l’autre par des degrés que l’on y a taillés en tournant, et la dévotion d’une infinité de pèlerins, qui y abordent à tous moments, a fait que l’on a bâti, à la Sainte-Baume, un petit couvent soutenu sur une bosse de la montagne.
Ce monastère, qui était autrefois aux bénédictins de Saint-Victor de Marseille, a depuis été donné aux religieux de l’Ordre de Saint-Dominique pour l’acquit des fondations, la célébration des divins offices et l’assistance spirituelle des personnes qui viennent faire leurs dévotions ; cette grotte est maintenant remplie d’autels et incrustée de marbres en plusieurs endroits. Il y a aussi dans l’avenue une hôtellerie, mais on n’y mange jamais de chair ; ces que les plus grands princes et nos rois même ont observé inviolablement. Pour le Saint-Pilon, où l’on voit encore les vestiges des pieds de notre Sainte imprimés sur le roc, on y a bâti une fort belle chapelle, comme un monument perpétuel des grâces que cette heureuse pénitente y recevait tous les jours dans ses ravissements prodigieux et ses communications intimes et familières avec son Seigneur et son Dieu (Nous n’avons rien changé en cet endroit au récit du P. Giry : c’est un trop précieux témoignage de ce qui existait alors à la Sainte Baume).
Lorsqu’elle eut passé trente ans dans cette affreuse solitude, sans aucun commerce avec les hommes, l’heure de sa récompense étant venue, les anges, qui avaient coutume de l’élever sur le Saint-Pilon, la transportèrent en la ville d’Aix, dans l’oratoire que Saint Maximin, assisté des nouveaux chrétiens, y avait déjà fait bâtir. Là, toute baignée des larmes que son amour et sa joie lui faisaient répandre, elle demanda à ce bienheureux évêque le corps admirable du Fils de Dieu, comme le viatique salutaire du voyage qu’elle allait faire à la ville éternelle. La splendeur de son visage et l’élévation de son corps de deux coudées au-dessus de la terre surprirent d’abord le saint prélat et le remplirent de tant de respect qu’il n’osait presque s’approcher d’elle ; mais elle l’encouragea, lui disant qu’elle était la pécheresse Madeleine qui était venue avec lui à Marseille, et que Dieu avait conservée jusqu’à ce temps dans le secret du désert, pour lui donner plus le temps de faire pénitence. Ainsi, parès quelques prières, il la communia et lui donna sa bénédiction. Quelques auteurs disent qu’elle fut ensuite reportée par les anges dans sa grotte de la Sainte-Baume, où elle mourut. Mais d’autres, comme Saint Vincent de Beauvais, Saint Antonin, Pierre de Natalibus et Sylvestre de Priero, disent qu’elle expira dans l’oratoire même où elle reçut le corps de son Sauveur, et en présence de tout le clergé ; ce qui lui fit revoir pour l’éternité Celui qu’elle avait aimé si tendrement et recherché avec tant d’ardeur.
Son corps, qui exhalait une odeur merveilleuse, fut porté par les prêtres de l’église d’Aix à un bourg appelé « Villa lata », où Saint Maximin avait déjà fait construire une chapelle, et qui, depuis, a changé de nom et a pris celui de Saint-Maximin. C’est là qu’elle fut ensevelie dans un sépulcre d’albâtre, en mémoire de cet autre albâtre où deux fois la Sainte avait renfermé le parfum dont elle oignit le Sauveur.
On représente ordinairement Sainte Madeleine à genoux devant une croix, au pied de laquelle est une tête de mort [pour signifier la mortification qu’elle s’imposa]. D’autres fois elle est debout, tenant à la main un vase de parfums ».
Culte et reliques
« Les précieuses dépouilles de cette sainte amante et pénitente ont de tous temps été honorés à Saint-Maximin, mais principalement depuis que Charles II, prince de Salerne et ensuite roi de Naples, de Sicile, de Jérusalem et de Hongrie, y a fait bâtir, sur la fin du 13 ième siècle, le célèbre couvent de l’Ordre de Saint-Dominique, un des plus magnifiques monastères de France. On voit, au-dessus du grand autel, un tombeau de porphyre, présent du pape Urbain VIII, où l’an 1660, les principaux ossements qui étaient dans la sépulture furent transférés en présence de Louis XIV et de toute sa cour, par Jean-Baptiste de Marinis, archevêque d’Avignon, du même Ordre de Saint-Dominique : et, dans un petit caveau qui est dans la nef, on voit le précieux chef de la Sainte, sur le front duquel il paraît encore un peu de sa chair, à l’endroit où l’on croit que Notre-Seigneur la toucha après sa résurrection, en lui disant : Noli me tangere. Il y a, au même, une touffe de ses cheveux ; et dans sa chapelle, qui est à l’opposite, un ossement de ses bras qui, sans aucune cause naturelle, exhale une odeur très-douce et très agréable, à peu près comme le vrai bois de Sainte-Lucie.
Les Grecs, dans leur ménologe, ainsi que les hitoriens Cédrénus, Jean Curopalat et Zonare, disent que les reliques de Sainte Madeleine, étant à Ephèse avec celles de Saint Lazare, furent transportées à Constantinople, l’an 886, par le commandement de l’empereur Léon, ce qui est conforme à ce que dit Saint Grégoire de Tours au livre 1 er des « Miracles », chapitre 30, que, de son temps, elles étaient à Ephèse, n’avait point de couverture au dessus ; et encore à ce que dit Richard de Vassebourg, au livre 2 des « Antiquités de la Gaule-Belgique », que Saint Magdalvée, évêque de Verdun, étant allé à Ephèse, dans son pèlerinage de la Terre Sainte, on lui donna deux dents et un peu des cheveux de Sainte Madeleine. Mais cette Madeleine, dont parle les Grecs et ceux qui les ont suivis, n’est pas notre Sainte pénitente, disciple de Jésus-Christ, mais quelque autre du même nom, qu’ils ont confondue avec elle : cette Madeleine, d’après certains auteurs, était une vierge et une martyre.
Sigebert, dans sa « Chronique » sur l’année 745, dit que les Sarrasins ayant saccagé la Provence, le corps de Sainte Madeleine fut transporté par Girault, conte de Bourgogne, au monastère de Vézelay, que lui-même avait fait bâtir : ce que plusieurs autres auteurs ont écrit après lui ; mais , outre que Sigebert ne parle qu’en doutant, la tradition des Eglises de Provence est bien plus certaine, puisque, en 1279, on trouva à Saint-Maximin, dans un lieu fort secret, un sépulcre de marbre dans lequel le corps de Sainte Marie-Madeleine avait été caché par crainte des Sarrasins, avec deux inscriptions très anciennes et dont même l’une était écrite sur des tables enduites de cire, lesquelles portaient son nom, avec le sujet qui obligea de cacher ce grand trésor. Si Girault, conte de Bourgogne, a fait transférer un corps saint de Provence à Vézelay, ce qui ne lui est pas difficile, étant seigneur d’Avignon, ce n’a pas été celui de Sainte Madeleine, mais de quelque autre saint ou sainte que l’on a pris pour elle.
Pendant la révolution française, l’église de la Sainte-Baume fut profanée et détruite. Celle de Saint-Maximin se vit aussi dépouillée de son trésor : le décemvir Barras fit changer la châsse en numéraire, et les saintes reliques furent jetées pêle-mêle. Cependant l’ancien sacristain laïque des Dominicains, Joseph Bastide, enleva secrètement le chef de Sainte Madeleine, la fiole de cristal dite la « Sainte-Ampoule » le « noli me tangere » avec sa boîte, une partie des cheveux et des os du bras. L’Eglise de Saint-Maximin ne fut point incendiée et ruinée comme la Sainte-Baume, grâce à la sage prévoyance de Lucien Bonaparte, qui fit écrire sur la porte : « Fournitures militaires ». Dès que le calme commença à se rétablir, Bastide rendit à l’église de Saint-Maximin le chef de Sainte Madeleine : de plus, on trouva dans la sacristie les corps saints jetés pêle-mêle, comme nous l’avons dit ; on ne peut distinguer que deux ossements de Saint Maximin, le chef de Saint Sidoine et quelques autres, qui furent mis dans des châsses de bois. On renferma, dans un reliquaire de cuivre doré, en forme de bras, négligé par les spoliateurs, les deux ossements qui étaient dans l’ancienne châsse appelée les « Bras de Sainte Madeleine ».
Relevée de ses ruines en 1814, et visitée le 5 du même mois par vingt-cinq ou trente mille pèlerins, la Sainte Baume subit de nouvelles dévastations pendant les Cents-Jours. Le maréchal Brune, qualifié, dit-on, par Napoléon, « d’intrépide déprédateur », renouvela les horreurs, les impiétés de 93. Le 22 août suivant, il périt misérablement à Avignon, victime de la fureur politique du peuple ; son cadavre jeté à l’eau, partout où le Rhône le porta sur ses bords, fut rejeté dans son cours ; la Justice divine le priva d’une sépulture qu’on ne refuse pas aux inconnus. Depuis, la piété des Provençaux, la munificence de Louis XVIII, restaurèrent une seconde fois ce monument. Pie VII accorda de nouveau l’indulgence plénière à ceux qui visiteraient la grotte de Sainte Madeleine en quelqu’une des fêtes suivantes : celles de la Pentecôte, de Sainte Madeleine, de Saint Louis, de Saint Maximin et de l’Exaltation de la Sainte Croix ».
Au mois de mai 1822, tous les ouvrages d’art étant terminés, l’autel de Sainte Madeleine et celui de la Sainte Vierge entièrement remis à neuf, l’archevêque d’Aix bénit solennellement la grotte ; plus de quarante mille pèlerins y entrèrent successivement. Cela ne suffisait pas sans doute pour l’accomplissement de cette prédiction de la bouche du Sauveur, lorsque Madeleine eut répandu ses parfums sur l’Auteur de toute suavité : « En vérité, je vous le dis, partout où cet Evangile sera prêché, on racontera, à la mémoire de cette femme, l’action qu’elle vient de faire ». Un édifice prodigieux s’éleva, dont napoléon voulut faire le temple de la Gloire ; en effet, il publie une gloire proclamée par le meilleur Juge, par Dieu lui-même : ce temple porte le nom de la « Madeleine ».
Ainsi, cette humble femme éclate dans ce foyer même de toute célébrité, dans ce Paris d’où la renommée rayonne sur le monde. Voilà le reliquaire que la Providence préparait pour les restes de Sainte Madeleine.
En 1781, par l’ordre de Louis XVI, on ouvrit, pour la première fois, l’urne de porphyre où le corps de Sainte Madeleine était renfermé, et l’on en détacha une relique insigne, qui fut portée à Don Ferdinant, duc de Parme. Dieu prit à temps cette mesure. Douze ans plus tard, tout ce qu’il y avait dans l’urne fut dispersé : il ne resta plus d’autre relique insigne de Sainte Madeleine que la portion envoyée au duc de Parme et le chef honoré dans l’église de Saint-Maximin, avec deux ossements d’un bras.
La Providence voulut que Napoléon envoyât à Paris, parmi les dépouilles du duc de Parme qui devaient être converties en numéraire, la châsse même qui renfermait cette précieuse relique ; après la Restauration, ce trésor, cédé en toute prospérité par l’ancienne reine d’Etrurie, fut transféré dans le monument qui l’attendait d’après les décrets éternels ».
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Re: LA PREDILECTION ET LA MISSION DE LA FRANCE
2.6.2 Sainte Marthe
Du tome 9, pages 93 à 103 :
« Nous avons dans cette excellente vierge une disciple, une hôtesse et une épouse de Jésus-Christ : une disciple, parce qu’elle était une de ces saintes femmes qui, charmées de la douceur et de la sainteté de ses paroles, le suivaient ordinairement pour profiter de ses admirables instructions ; une hôtesse, parce qu’elle avait souvent en l’honneur de le recevoir dans sa maison de Béthanie et de lui présenter à manger ; enfin une épouse, parce qu’ayant conservé toute sa vie la fleur de la virginité, elle est sans doute du nombre de celles qu’il honore particulièrement de la qualité de ses épouses. Sainte Marthe était fille de Théophile, Syrien de nation, et riche seigneur de Syrie, et d’Eucharis, noble juive, du sang royal d’Israël ; elle avait pour sœur utérine Sainte Marie Madeleine, et pour frère utérin Saint Lazare ; dans le partage de leurs biens, Marthe eut en particulier pour elle la maison de Béthanie ; et n’ayant nulle part au libertinage de sa sœur, qui s’oublia dans les commencements, elle se conserva dans l’innocence, dans la modestie et la pudeur, qui doivent être si chères aux personnes de son sexe. Elle se fût sans doute engagée dans les liens du mariage, si elle n’eût entendu de la bouche de Notre-Seigneur les excellents éloges qu’il donnait souvent à la virginité […]. Notre-Seigneur ayant un jour été invité à souper, dans Béthanie, Marthe fut celle qui servit à table : Martha ministrabat : ce qui montre que cette excellente fille avait une inclination particulière pour ces emplois, qui paraissent humiliants aux yeux des hommes, et se plaisait régulièrement à servir les autres. Baronius, en l’année 34 de ses Annales, écrit qu’elle était de ces pieuses femmes qui suivirent Jésus-Christ sur le Calvaire, le jour de sa Passion, et qui, étant allées le troisième jour à son tombeau, eurent le bonheur de le voir dans l’état de sa Résurrection glorieuse. Il nous paraît aussi fort probable que ce bon Maître la visita quelquefois à Béthanie, durant les quarante jours qu’il demeura sur la terre avant son Ascension. Mais surtout nous avons remarqué, d’après Saint Luc, qu’il s »’y transporta et y mena même ses disciples, le jour qu’il voulut monter au ciel. De là, il est aisé de conclure que Marthe fut présente à cette dernière action de son grand voyage sur la terre, et qu’elle reçut alors sa dernière bénédiction extérieure et sensible, avec tous les disciples. On peut croire encore fort raisonnablement qu’elle accompagnait la Sainte Vierge dans le cénacle lorsque le Saint-Esprit, au jour de la Pentecôte, y descendit en forme de feu, et qu’il remplit tous les assistants, non seulement de l’abondance de ses grâces, mais aussi de sa divine personne, et qu’ainsi elle eut part à cette inestimable faveur ; ou, si elle n’y était pas, elle reçut assurément le même don par l’imposition des mains des Apôtres, qui l’étendirent ensuite sur tous les disciples. Il n’est point nécessaire de répéter ici ce qui lui arriva en Judée, après l’accomplissement de ces grands mystères. On peut voir, dans la vie de Sainte Madeleine, comment elle fut persécutée par les Juifs, et comment, après avoir souffert une infinité de traverses et d’embûches, elle fut enfin mise dans un vaiseau sans voiles, sans rames, sans pilote, sans provisions, pour périr misérablement au milieu de la mer. Mais Dieu, qui l’avait destinée à apporter les premiers rayons de la foi dans les Gaules, la préserva de ce naufrage, qui paraissait inévitable, et la fit heureusement aborder au port de Marseille ; là, ayant été reçue des habitants avec bienveillance, elle travailla quelque temps à leur conversion. Ensuite ella alla à Aix, A Avignon et aux autres lieux d’alentour, où elle s’employa de tout son pouvoir à éclairer des lumières de l’Evangile ces pays idolâtres et corrompus par les vices du paganisme. Il parut en ce temps, sur les bords du Rhône, aux environs de la ville d’Arles, un horrible dragon qui, étant moitié animal terrestre et moitié poisson, causait de grands maux sur la terre et dans la rivière ; car se cachant dans l’eau, il renversait les vaisseaux qui passaient, pour engloutir les passagers ; et, d’ailleurs, il faisait des courses dans la forêt voisine, où il égorgeait et dévorait tous les hommes qu’il rencontrait. Les habitants connaissant la vertu incomparable de Sainte Marthe, et le grand don des miracles qu’elle avait reçu du ciel, la supplièrent, avec larmes, de les délivrer de ce monstre, lui promettant que, si elle leur faisait cette grâce, ils croiraient tous en Jésus-Christ et embrasseraient la religion chrétienne. Marthe avait trop compassion pour leur misère et trop de zèle pour la gloire de son maître, pour leur refuser un secours qui, en les soulageant, pouvait contribuer si avantageusement à l’établissement du Christianisme. Elle se transporta donc dans le bois voisin, où elle trouva le dragon qui achevait de dévorer un homme. Elle fit aussitôt le signe de la croix vers lui et lui jeta de l’eau bénite ; et, par la vertu de ces deux actions, elle l’affaiblit tellement, qu’il n’eut plus le pouvoir de nuire à personne. Elle le lia comme un agneau avec sa ceinture, et l’amena au peuple, qui le tua à coups de pierres et de lances. On dit que le nom de Tarascon, que porte la ville qui est en cet endroit, lui a été donné à cause de ce dragon et en mémoire de ce prodige, parce que Tarasque, en provençal, signifie une chose horrible. Cette étymologie n’est guère vraisemblable, puisque Strabon, qui est plus ancien que la prédication de l’Evangile, fait mention de cette ville sous le nom de Tarascon, dans les livres de sa Géographie. Ce qui est plus certain, c’est que Sainte Marthe choisit cette ville pour le lieu de sa retraite, et qu’elle y assembla une illustre compagnie de personnes de son sexe, avec lesquelles elle vécut dans une très grande austérité de vie et une sainteté admirable. Comme elle enseignait à Avignon la doctrine de la foi, un jeune homme, qui était au-delà du Rhône, ayant une extrême passion de l’entendre et n’ayant point de bateau pour passer, se hasarda de passer à la nage ; mais ses forces le trahissent, et il disparaît sous les eaux. Le lendemain, seulement, vers la neuvième heure du jour, des pêcheurs le retirent de leurs filets ; on porte ce corps inanimé dans la ville ; le peuple s’écrie qu’il faut l’amener à la sainte et lui demande ce nouveau miracle. ‘Si vous voyez ce jeune homme vivant et rendant témoignage à Jésus-Christ, croirez-vous vous-mêmes ? dit Marthe. La foule s’écrie : ‘Nous croirons que votre Sauveur est vraiment le Fils de Dieu, et Dieu lui-même qui vous a choisie pour être le ministre de sa parole’. Pleine de joie et de confiance dans les promesses de Jésus-Christ, Sainte Marthe se met à genoux et implore le Sauveur qui avait ressuscité son frère Lazare. La foule émue se prosterne contre terre, et toute cette ville crie vers le Seigneur ; alors Marthe se lève, s’avance vers le cadavre, et commandant à la mort : ‘Jeune homme’, dit-elle, ‘au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, levez-vous et rendez témoignage des grandes choses que la bonté du Rédempteur a faites en votre faveur’, et le mort se redresse plein de force ; son âme vivante éclate dans ses yeux ; ses lèvres s’ouvrent pour remercier le Seigneur ; il proclame sa foi en Jésus-Christ, et demande le baptême. ‘Jésus-Christ est vraiment Dieu’, dit la foule transportée d’émotion et de joie, ‘et il n’y a pas d’autre Dieu’. Marthe se soumettait à une vie de pénitence, dont l’histoire nous a conservé les détails. Elle marchait toujours nu-pieds, usage adopté par les chrétiens et même par les païens dans les cérémonies d’expiation, mais que Marthe conserva toute le reste de sa vie. Elle était vêtue de la laine la plus grossière, et portait, pour coiffure, une tiare blanche en poil de chameau ; la tiare faisait partie du costume oriental, et paraît être cette espèce de turban avec lequel on a coutume de représenter les rois Mages. Elle fit, dans le voisinage de Tarascon, une retraite de sept années, vivant dans la pénitence la plus austère. Son lit était un faisceau se sarments de vigne ; son corps portait une ceinture de crins de cheval, remplie de nœuds, et un cilice qui lui déchirait les chairs. Les herbes et les fruits sauvages étaient sa seule nourriture : néanmoins, nous voyons que, dans son ermitage, elle trouvait encore le moyen d’exercer l’hospitalité avec les dons qui lui étaient offerts. Beaucoup de chrétiens s’étaient bientôt formés à la suite de ses prédications, et les fidèles venaient porter à sa retraite de nombreux dons qui étaient employés à exercer l’hospitalité envers les étrangers. Les historiens font entendre que le renouvellement des provisions de la petite communauté se faisait aussi par des moyens miraculeux, et que jamais elle n’éprouva d’embarras à nourrir les fidèles qui accouraient dans sa solitude ; elle fut assurément un des premiers chrétiens qui aient commencé cette vie de mendicité que le christianisme a toujours glorifiée, et que de nombreux fidèles ont pratiquée depuis et pratiquent encore. Du reste, elle ne vivait pas seule dans cette solitude ; ses autres compagnes la partageaient ; toutes priaient ensemble et s’en allaient dans tous les lieux voisins prêcher Jésus-Christ ; aussi toutes les villes qui environnent Tarascon revendiquent-elles aujourd’hui Sainte Marthe pour leur apôtre. C’est pendant cette retraite, dans ce que les historiens du temps appellent le désert de Tarascon, qu’elle fit périr miraculeusement le monstre si célèbre dans l’histoire, sous le nom de Tarasque […]. Saint Maximin, qui était l’intermédiaire entre Madeleine et Marthe, instruisait, dit-on, celle-ci des merveilles accomplies par sa sœur, et la remplissait de joie. Un jour il quitta Aix poussé par une inspiration divine, pour visiter Marthe et s’entretenir avec elle ; il n’avait d’autre dessein que de se sanctifier par sa vue, et de rapporter dans la grotte de Madeleine sa joie et son édification. Mais Dieu le conduisit. Au même moment, Trophime, évêque d’Arles, et Eutrope, évêque d’Orange, partaient également pour Tarascon, animés du simple désir de voir la sainte ; ces trois évêques se trouvèrent ainsi réunis, par la main de Dieu, dans la maison de Sainte Marthe. Alors, d’une commune inspiration et accomplissant la mission pour laquelle Dieu les avait réunis à leur insu, ils consacrèrent comme église, et dédièrent au Sauveur la maison de la Sainte. C’est ainsi que nous avons vu les Apôtres consacrer, comme église, les maisons de Marthe, Marie et Lazare, à Béthanie. C’était la seconde fois que Marthe voyait son habitation, sanctifiée par sa présence, devenir la maison de Dieu […]. Et cette mémorable journée ne s’acheva pas sans qu’un miracle signalé eût manifesté la présence de Jésus-Christ au milieu de ses amis. Les approvisionnements de la communauté n’étaient jamais bien abondants. Sainte Marthe ne se nourrissait que des herbes des champs, et n’avait à offrir à ses hôtes que des dons offerts par les fidèles. Il paraît que Dieu avait inspiré à d’autres la même pensée de la visiter, car l’historien nous dit ‘que beaucoup d’autres personnes se trouvaient parmi les convives, et que le vin vint à manquer’. La Sainte, connaissant la présence de Jésus, ordonne de puiser de l’eau au nom de Jésus-Christ, et le miracle de Cana fut renouvelé. ‘Les évêques en ayant goûté’, dit naïvement Raban Maur, s’aperçurent qu’elle avait été changée en un excellent vin’. Alors ils résolurent de consacrer, par une fête, le souvenir de ce miracle et de cette solennelle dédicace ; ils instituèrent donc cette fête du 17 décembre, que l’église a célébrée jusqu’en 1187. Depuis, la fête de Sainte Marthe a été placée au 29 juillet. On peut regretter l’abandon de la solennité du 17 décembre, commémorative d’un éclatant miracle, et qui avait été célébrée pendant onze siècles ; mais quand on découvrit les reliques de Sainte Marthe, cachée pendant les ravages des Sarrasins, on rappela une tradition, un peu incertaine depuis, mais vivante au 12 ième siècle, qui fixait à cette date la mort de la sainte. Un grand émoi avait été jeté dans tout le pays, par la découverte de ce corps saint dont plusieurs parties étaient encore revêtues de leurs chairs. L’enthousiasme provoqua l’institution d’une nouvelle fête que les églises adoptèrent successivement ; néanmoins, l’église de Tarascon, fidèle à tous les souvenirs de l’apostolat de sa patronne, a continué à célébrer l’une et l’autre fête, et n’a pas oublié l’institution première […]. Une autre église, à qui cette mémoire devait être encore plus chère, a conservé cette fête du 17 décembre jusqu’à sa destruction. L’église de Béthanie, en célébrant la fête du 17 décembre, avait joint, dans cette même solennité, la mémoire du frère et des deux sœurs, et honorait, le même jour, Lazare, Marthe et Marie-Madeleine. Quand Marthe vit les évêques se séparer et reprendre le chemin de leurs diocèses, elle s’adressa à Maximin, et, pleine de la pensée de sa chère Madeleine, perdue pour elle depuis tant d’années, lui demanda d’être encore le messager de ses souvenirs auprès de sa sœur ; Marthe, au milieu des fatigues de son apostolat, n’avait oublié ni Béthanie ni Magdalum ; et son respect pour la retraite de Madeleine était toujours le grand sacrifice de sa vie ; aussi sentant, par une lumière divine, la fin de sa carrière approcher, elle pria Maximin d’obtenir de Madeleine une seule visite avant sa mort ; elle demandait à la voir une fois encore sur terre, à serrer encore une fois dans ses bras cette sœur, qui avait toujours été sa fille, et à lui dire un dernier adieu ; Marie envoya à sa sœur les plus touchants témoignages de son affection et lui promit de satisfaire son désir. Les évêques d’Aix, d’Arles et d’Orange ne furent pas les seuls à visiter Sainte Marthe ; le nom et les œuvres de cette sainte étaient connus au loin, et les compagnons de son voyage, après l’avoir quittée sur les rivages de la Méditerranée, recueillaient avidement tout ce qu’on en racontait. Saint Georges et Saint Front se réunirent donc à Tarascon, pour revoir leur ancienne compagne, s’entretenir avec elle des jours passés, et s’édifier au spectacle d’une si grande sainteté. Sainte Marthe reçut avec joie ses anciens compagnons. Ils restèrent auprès d’elle jusqu’à ce qu’il fut possible de retourner dans leurs diocèses, où une violente persécution s’était élevée. Ce fut alors qu’elle fit à Saint Front un adieu solennel et lui dit ces mémorables paroles : ‘Evêque de Périgueux, sachez que l’an prochain je quitterai ce corps mortel et abandonnerai cette terre ; je supplie votre sainteté de venir m’ensevelir’. Le saint évêque le lui promit, comme Madeleine avait promis de visiter sa sœur : ‘Ma fille, lui dit-il, j’assisterai moi-même à vos obsèques, si Dieu le veut et que je vive’. Les évêques étant partis, la Sainte réunit autour d’elle les compagnes de sa retraite, et, leur annonçant solennellement la fin de son apostolat, les avertit que son trépas arriverait au bout d’un an. Notre-Seigneur, pour la purifier davantage et lui donner le moyen de mériter une couronne plus glorieuse, lui envoya une fièvre qui lui dura toute l’année. Elle se prépara durant ce temps à bien recevoir son divin Epoux et à paraître devant ses yeux ornée de toutes les vertus. Pendant ce temps, Madeleine, délivrée de sa prison mortelle, était montée au ciel. Les historiens racontent que Jésus-Christ vint lui-même, accompagné des anges, enlever sa bien-aimée dans la demeure céleste. On dit qu’au même moment, il fut donné à Marthe de voir, de son lit de douleurs, les chœurs des anges conduisant au ciel l’âme de sa sœur, et que, pleine de foi et d’émotion à cette vue, elle s’écria : ‘Ma chère sœur, pourquoi ne m’avez-vous pas visitée avant ma mort, comme vous m’en aviez fait la promesse ? N’oubliez pas celle à qui votre mémoire est si chère’. Cette apparition est également rapportée par Vincent de Beauvais, Pierre de Natalibus, et autres. Les compagnes de son apostolat, pleines d’émotion à la vue de ce grand miracle, se réunirent autour d’elle pour ne plus la quitter, et les fidèles accoururent de toute part autour du lit de la Sainte, dans l’attente des prodiges qui devaient signaler l’arrivée au ciel de l’hôtesse de Jésus-Christ. Des multitudes se réunissaient autour de sa demeure ; des tentes étaient dressées dans la campagne, des feux allumés de tous côtés, et la foule anxieuse regardait le ciel, attendant les légions d’anges qui devaient descendre pour recevoir l’âme bienheureuse de leur grande sainte. La tradition des miracles qui accompagnèrent la mort de Sainte Marthe reçoit une grande autorité, de cette circonstance, de la réunion de tout un peuple autour de son lit de mort ; les prodiges que les historiens des premiers siècles nous racontent, ont donc eu pour témoins non pas trois ou quatre fidèles privilégiés, mais tout un peuple. Les détails qui nous sont donnés sont tellement précis, qu’on n’en doit omettre aucun ; les fidèles campés autour de cette couche funèbre se remplaçaient auprès de la Sainte ; et ce n’était pas seulement les vierges ses compagnes qui avaient la charge de la veiller ; mais plusieurs y étaient admis, car l’histoire raconte que le soir du septième jour qui suivit l’apparition de l’âme de Madeleine, tous ceux qui la veillaient se trouvant pris par le sommeil, s’endormirent un instant ; ce soir-là, Marthe avait fait allumer sept flambeaux de cire et trois lampes ; ce nombre, que la tradition nous a conservé, avait-il quelque chose de symbolique ? Et s’il n’était que l’effet du hasard, pourquoi la mémoire des populations nous l’aurait-elle si soigneusement transmis ? Alors un grand tourbillon d vent s’éleva sur la maison, comme au jour de la Pentecôte ; mais ce n’était pas Dieu qui arrivait, c’était le démon qui éteignait toutes les lumières ; la sainte, éclairée par l’intelligence divine, le comprit, et s’amant du signe de la croix, combattit l’ennemi par la prière, après quoi, réveillant ses gardiens endormis, elle les pria de rallumer les cierges et les lampes ; comme ils étaient sortis pour chercher des lumières, une clarté surnaturelle descendit du ciel, la chambre fut illuminée subitement, et Madeleine, Marie-Madeleine elle-même, apparaissait auprès de sa sœur et rallumant miraculeusement ce que le démon avait éteint, s’approcha de Marthe et lui dit : ‘Chère sœur, je vous visite avant votre mort, comme vous me l’avez fait demander par le saint pontife Maximin ; mais voici le Sauveur lui-même qui vient vous rappeler de cette vallée de misère ; venez donc et ne tardez pas’.
2.7 Mgr Jean-Joseph Gaume : « Biographies Evangéliques » - Tome 1 (1893)
Retrouver l’introduction faite par Mgr Gaume.
2.7.1 Cadre général de la tradition provençale
- chapitre 40, page 367 :
« […] Dans les persécutions qui suivirent la mort de Saint Etienne, Lazare, Marthe, Madeleine avec plusieurs autres furent arrêtés par les juifs. Pour les faire périr loin des regards du peuple, on les conduisit à l’un des ports de la Palestine et on les jeta dans une barque, qu’on lança en pleine mer, sans rames et sans pilote. Avec Lazare, Marthe et Marie furent embarqués Marcelle leur femme de chambre, Marie Jacobé, Marie Salomé, Maximin, un des disciples, Joseph d’Arimathie, le noble d’écurion et d’autres encore, parmi les plus chers amis du Sauveur. Condamnés à une mort humainement certaine, ils ne périrent pas. Du haut du ciel le divin Maître se fît leur rameur et leur pilote. Comme ces graines d’automne que les vents dispersent aux quatre coins du ciel, et qui donnent naissance à de nouvelles plantes, les illustres exilés, conduits par la Providence, abordèrent aux côtes de Provence, à l’endroit où le Rhône se jette dans la Méditerranée ».
- chapitre 41, page 368 :
« Cet endroit, que la tradition n’a jamais oublié, est la pointe méridionale de la Camargue, appelé le Gras d’Orgon, près duquel est bâtie l’église de Notre-Dame de la Mer et la ville du même nom. Marie Jacobé et Marie Salomé se fixèrent au lieu du débarquement. Les autres membres de la colonie apostolique se rendirent à Marseille. En se séparant sans se diviser, leur but était de hâter la publication de l’Evangile, en attaquant l’idolâtrie sur plusieurs points à la fois. Faute d’abri, Lazare et ses sœurs se logèrent sous le pretyle d’un petit temple abandonné, situé sur le rivage de la mer, devant le portique du grand temple de Diane. La piété des Marseillais a consacré ce lieu à jamais mémorable, en y bâtissant en l’honneur de Sainte Madeleine une petite chapelle isolée, en face de l’Eglise de la Major, au carrefour de Treize Coins. C’est à cet endroit que Sainte Madeleine fit la première prédication de l’Evangile au Peuple de Marseille, qui se rendait en foule au grand temple de Diane ».
- chapitre 42, pages 368 et 369 :
« Bientôt, cette foule attirée soit par la nouveauté du spectacle, soit par le désir de sacrifier aux idoles, arriva en flots pressés autour du temple. Madeleine saisit avec empressement cette occasion de prêcher la foi et de leur parler de son divin Maître. La rare beauté de cette étrangère, la grâce de ses paroles, son éloquence saintement passionnée attirèrent l’attention ; et, dès le premier jour, plusieurs demandèrent le baptême. Le gouverneur de la ville vint lui-même au temple avec sa femme, afin de sacrifier aux dieux. Leur vue enflamme d’une nouvelle ardeur le zèle de sainte Madeleine, qui annonce hardiment la bonne nouvelle.
Moins dociles à la grâce que les petits et les pauvres, ils écoutent et ne se convertissent pas.
Mais la nuit suivante sainte Madeleine leur apparaît en songe, se plaint de leur incrédulité et leur reproche de laisser exposés à la faim et au froid les serviteurs du Christ, tandis qu’eux et leurs domestiques vivent dans l’abondance. Elle ajoute la menace de châtiments terribles, s’ils ne prennent soin des serviteurs du vrai Dieu.
- chapitre 43, page 369 :
« Le lendemain le gouverneur et sa femme, s’étant communiqué leur songe, s’empressèrent de pourvoir aux besoins de la sainte colonie. Eux-mêmes vinrent trouver sainte Madeleine qui eut a gloire de les convertir. Le peuple en foule suivît leur exemple. Les temples des idoles furent abandonnés ou détruits, et Lazare, devenu évêque de Marseille, prit soin de cette église naissante.
- chapitre 44, pages 369 et 370 :
« Le règne de son cher Maître établi à Marseille, Madeleine partit pour de nouvelles conquêtes. Comme Notre-Seigneur avait confié la sainte Vierge à saint Jean, saint Pierre avait spécialement confié sainte Madeleine à saint Maximin, un des soixante-douze disciples, embarqué sur la barque homicide. Maximin se rendit à Aix, alors plongée dans les plus épaisses ténèbres de l’idolâtrie ; avec lui partirent sainte Madeleine, quelques-unes des saintes femmes et plusieurs autres disciples, entre autres Célidonius, l’aveugle-né de l’Evangile ».
- chapitre 46, page 370 :
« Au lieu des soins excessifs que, pendant sa première jeunesse, Marie donnait à sa personne, depuis sa conversion elle s’occupait si peu de son corps et des besoins de la vie, qu’elle oubliait même de seconder sa sœur, occupée à préparer le repas pour Jésus et ses disciples. Ce détachement surnaturel de tout ce qui est terrestre n’avait fait qu’augmenter avec son amour pour son bon Maître et son impatient désir de le rejoindre dans le ciel. Malgré les fatigues apostoliques, la nourriture de Madeleine était pauvre et presque nulle. Il en était de même de son vêtement, toujours décent et religieux. Ses saintes compagnes, qui l’aimaient d’une affection merveilleuse, pourvoyaient à ses nécessités ».
- chapitre 47, page 371 :
« Cependant le Sauveur voulut que son illustre amie pratiquât, dans une perfection jusqu’alors inconnue, la vie contemplative, qui lui assurait la meilleure part. A quelques lieues d’Arles, entre Nice, Marseille, Avignon et la Méditerranée, est une montagne haute d’environ trois mille pieds d’élévation, sur dix mille de large. Dans le cœur de ce rocher, et à plus de 2 800 pieds de hauteur, s’ouvre une large et profonde grotte, en forme de four et dont l’ouverture regarde l’Occident ».
- chapitre 48, page 371 :
« On y arrive péniblement par des sentiers de création relativement récente. Devant l’ouverture de la caverne, un avancement de rocher forme un petit espace plein. A gauche en entrant et vers le milieu de la grotte, s’élève de quelques pieds un rocher oblong qui va s’abaissant vers l’intérieur de la grotte jusqu’au niveau du sol. Entre ce Rocher et la grotte se trouve une belle source, très fraîche au toucher, très agréable au goût, qui ne tarit et qui ne déborde jamais ».
- chapitre 50, page 372 :
« C’est dans cette montagne, au cœur de cet immense rocher, qu’est la grotte de sainte Madeleine. Cette grotte est appelée la Sainte Baume. Dans l’ancien langage, baume veut dire grotte ou caverne. La célébrité de la grotte a fait aussi donner le nom de Baume à la montagne même où elle est située. Comment Madeleine, étrangère au pays, découvrit-elle ce lieu sauvage et silencieux ? Comment, jeune encore, seule et délicate, put-elle parvenir à cette grotte d’un accès si difficile ? Il est bien évident qu’elle eut pour guide et pour appui le bon Maître dont la Providence voulait faire de Marie de Magdalum l’incomparable trophée de sa miséricorde et l’éternelle admiration des siècles ».
- chapitre 51, pages 372 et 373 :
« Une tradition aussi ancienne que le christianisme, et tellement sûre qu’elle a passé dans la liturgie catholique, affirmait le séjour de sainte Madeleine à la Sainte-Baume, mais la manière dont le fait avait eu lieu demeurait inconnue. Ce fût vers le milieu du quatorzième siècle que la sainte elle-même daigna la révéler : voici cette occasion. De temps immémorial la grotte était devenue un sanctuaire à miracles, vénéré du monde entier et visité par de nombreux pèlerins. Des religieux dominicains y demeuraient à tour de rôle, pour recevoir les visiteurs et leur donner des secours religieux ».
Mettre photo de la plaque devant la porte d’entrée du sanctuaire.
- chapitre 52, page 373 :
« Un entres autres, plus vénérable encore par ses vertus que par son âge, le frère Elie s’y trouvait en 1330. Il été âgé de quatre-vingt-sept ans, et avait passé la plus grande partie de sa vie au service de la sainte grotte. Un jour, comme des pèlerins étaient venus le visiter, le frère Elie, sentant l‘heure de sa mort approcher, dit aux frères : Portez-moi chez moi ; il désignait ainsi la bienheureuse grotte : les pèlerins l’y suivirent. Lorsqu’il y fut, il s’appuya sur la pierre où sainte Madeleine avait coutume de prendre son repos et de vaquer à la contemplation, puis le bon vieillard raconta ce qui suit : « Frères, le jour tant désiré de ma mort est arrivé. Ecoutez ce que je vais vous dire à la gloire de sainte Madeleine et pour votre salut. Désigné par l’obéissance au service de la Sainte-Baume, je vins dans ce désert, mais au bout d’un mois, l’horreur de ces lieux, la solitude profonde qui les enture me causèrent un tel ennui que je résolus de les quitter ».
- chapitre 53, page 373 et 374 :
« J’étais dans cette pensée, lorsque pendant la nuit le rocher me sembla se fendre en quatre ; au dessous de moi je vis l’abîme ; au-dessus, le ciel. Une sueur froide m’inonda et je crus que j’allais mourir de frayeur. Il ne me resta de forces que pour appeler sainte Madeleine à mon secours. Elle m’apparut aussitôt, le visage rayonnant de lumière, au point que je ne pouvais la fixer. Elle était couverte de ses cheveux, les bras nus et les pieds ornés de fleurs. Inconstant, me dit-elle, c’est pour toi que la montagne vient de s’entrouvrir, pour toi que me voici ; et par moi, si tu veux, tu entreras dans l’éternelle vie. Tu as songé à me quitter ; écoute ce que je vais te dire et tu feras ce que tu désires ».
- chapitre 54, page 374 :
« Tu sais que nous sommes arrivés à Marseille sur une barque conduite par la Providence. Lorsque Marseille et les environs eurent reçu la foi, il se fit autour de nous un tel concours que je songeai à m’éloigner du commerce des hommes ; enlevée par une force divine, je fus déposée à l’entrée de cette grotte ; […], je regardai le lieu où je me trouvais, et voyant qu’il était inaccessible aux hommes, je me prosternai, les yeux baignés de douces larmes, et dis : Grâces vous soient rendues, Jésus mon amour, de ce que vous avez comblé mes vœux. Faites seulement jaillir une fontaine. Ma prière fut aussitôt exaucée, et autour de moi je vis une multitude d’esprits bienheureux qui chantaient dans ma langue maternelle des hymnes de reconnaissance et d’amour à mon bon Maître ».
- chapitre 57, page 376 :
« Depuis ce moment les anges m’ont tenu compagnie.
Sept fois le jour ils m’élèvent si haut dans les airs que j’entends leurs célestes mélodies. Souvent mon bon Maître daigne me visiter dans l’éclat dont il brillait au Thabor. C’est pourquoi, frère Elie, je te conseille et te conjure de rester ici et d’y chanter les louanges de Dieu : c’est pour toi la voie de l’éternelle vie. Ayant ainsi parlé, continua le saint vieillard, la bienheureuse Madeleine disparut, et jusqu’à ce jour, qui est pour moi le dernier, j’ai tenu ces mystères cachés dans le secret de mon cœur. Environ une heure après ce discours, le saint vieillard expira. Aussitôt, comme pour rendre un témoignage et à la sainteté de sa vie et à la vérité de ses paroles, toutes les cloches suspendues aux parois du rocher se mirent à sonner d’elles-mêmes ».
2.7.2 Sainte Marthe
- chapitre 25, page 427 :
« La paix dont jouissait l’admirable église de Jérusalem ne fut pas de longue durée. Né dans le sang, l’Eglise doit croître par le sang et triompher par le sang. Un an après l’Ascension de Notre-Seigneur, l’an 34, Saint Etienne avait été martyrisé. Tous les disciples furent dispersés. Seuls les Apôtres purent rester quelque temps encore à Jérusalem avec la Sainte Vierge et les Saintes femmes ».
- chapitre 26, pages 427 et 428 :
« Mais quelques années après, par un conseil adorable de la sagesse éternelle, qui voulait que la gloire de Marthe et de Marie resplendît dans tout l’univers, ces deux amies du Sauveur furent, comme nous l’avons vu dans la vie de Sainte Madeleine, expulsées par les Juifs et miraculeusement conduites aux rivages des Gaules. Arrivée à Marseille, la sainte colonie s’empressa de répondre à sa vocation. La foi reçue à Marseille, Sainte Marthe se rendit à Aix, métropole de la seconde Narbonnaise, puis avec Saint Maximin, elle se dirigea vers les villes d’Arles et d’Avignon.
L’arrivée de cette étrangère, sa vie pauvre, la beauté vénérable de son visage, la noblesse de ses manières, ne tardèrent pas exciter la curiosité publique. On voulut savoir qui elle était, d’où elle venait, ce qu’elle cherchait. Marthe profita de ces dispositions pour annoncer la bonne nouvelle. Ce qu’elle savait du Sauveur, ce qu’elle avait appris de sa bouche, elle le prêchait et le confirmait par des miracles. Un des plus éclatants fut celui que je vais rapporter ».
- chapitre 28, pages 428 et 429 :
« Un jour que Sainte Marthe annonçait l’Evangile à une grande multitude, on vint, comme à l’ordinaire, à parler du dragon. Pour tenter la sainte, quelques-uns lui dirent : « Si le Dieu que vous prêcher a quelque puissance, qu’il la montre en nous délivrant de ce monstre ». Marthe leur répondit : « Si vous êtes à croire, tout est possible à celui qui croit. - Nous promettons de croire », répondit tout le peuple.
Pleine de confiance en son bon Maître, la sainte demande où est le dragon. On la conduit à l’entrée du Nerluc (niger lucus, noir bois) où l’effroyable animal avait coutume de se tenir, quand il ne cherchait pas sa proie sur les bords du Rhône. Son repaire était une caverne, qui servait de tombeau à un grand nombre d’habitants ».
- chapitre 29, page 429 :
« Marthe entre dans le bois. Le peuple la suit de loin, non sans frayeur. Arrivée à l’entrée de la caverne, Marthe s’arrête et d’une voix assurée dit au monstre : « Au nom de mon Seigneur, Jésus-Christ, je t’ordonne de sortir ».
A l’instant on voit paraître une bête si affreuse que sa vue seule glaçait d’épouvante. C’était un animal d’une longueur et d’une grosseur monstrueuse, qui tenait du crocodile par ses écailles et par ses dents longues et tranchantes, du quadrupède par ses pattes, de la chauve-souris par ses ailes, et du serpent par la queue ».
- chapitre 30, pages 429 et 430 :
« Marthe fait le signe de a croix et s’avance tranquillement vers le monstre, lui lie le cou avec sa ceinture et le tire hors de son antre. Puis se tournant vers le peuple, qui considérait de loin ce spectacle, elle dit : « N’ayez peur ; je tiens le prisonnier. Approchez courageusement au nom de mon Dieu, et mettez-le en pièces ». On hésite. Marthe reprend le peuple de son peu de foi et l’anime à frapper hardiment le dragon. Enfin on se rassure et on s’acharne sur le monstre que l’on met en lambeaux. Chacun admire le tranquille courage de Marthe qui tient immobile cette bête immense, pendant qu’on la perce de coups. Comme elle habitait dans le voisinage de Tarascon, elle fut, du nom de cette ville, appelée « Tarasque ». C’est ainsi que les peuples de la province de Vienne, ayant vu ou appris ce miracle, crurent au Seigneur et furent baptisés. A partir de ce moment, Marthe fut aimée et honorée comme elle en était digne ».
- chapitre 31, page 430 :
« L’existence de ce dragon dompté par Sainte Marthe n’est ni une fable inventée à plaisir, ni une légende du moyen âge dans le sens moderne du mot, ni une figure représentant le triomphe du christianisme sur le paganisme : c’est un fait réel. Ainsi l’affirme la tradition : tradition sous toutes ses formes : artistique, liturgique, dramatique.
Tradition artistique : la Tarasque est représentée sous une forme horrible, dans l’église de la Major, à Marseille ; dans le cloître de Saint Maximin, à Saint Maximin ; dans l’église de Saint Sauveur à Aix ; dans le cloître de Saint Trophime, à Arles ; et ailleurs.
Tradition liturgique : les anciens livres d’église en font mention, même hors de la Provence, comme à Lyon, Cologne, Auch, Tours, Paris, le Puy en Velay ».
- chapitre 32, pages 430 et 431 :
« Tradition dramatique : une coutume immémoriale en perpétua le souvenir de génération en génération. A Tarascon, le jour de la fête de Sainte Marthe, a lieu une procession solennelle. En tête de la procession et devant la croix, on porte un simulacre de la Tarasque, qu’une jeune fille, vêtue de satin bleu, avec un voile rose, tient attachée par une ceinture de soie. A la main elle tient un bénitier garni d’un grand aspersoir et représente Sainte Marthe triomphant du monstre ».
- chapitre 33, page 431 :
« Autrefois, pour rendre la figure plus frappante, le simulacre marchait, comme s’il était vivant. De temps en temps, il se détournait et poussait sa queue vers les groupes trop rapprochés de son passage ; il avançait la tête et ouvrait sa large gueule, comme pour les dévorer. La jeune fille faisait alors une aspersion sur le monstre qui s’apaisait aussitôt et semblait perdre sa férocité naturelle. Devant et derrière l’animal des hommes armés de vieilles piques ou de masses d’armes, et vêtus d’habits légers qui, par leur forme singulière, imitaient les armures de fer du moyen âge, représentaient le peuple de Tarascon mettant en pièces la Tarasque ».
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Re: LA PREDILECTION ET LA MISSION DE LA FRANCE
2.8 M. Sicard « Sainte Marie Madeleine - La Tradition et la Critique » (1904-1910)
Voici un texte qui répond de façon très pertinente à toutes les objections qui sont généralement formulées, en particulier, à l’encontre de la « Tradition Provençale ».
Du chapitre 3, intitulé « Les traditions grecques », pages 17 à 26 :
« Marie-Madeleine, Marthe et Lazare sont de l’Orient, il semble que leur pays, mieux que le notre, doive savoir leur histoire, du moins ce que ces illustres personnages devinrent après l’Ascension, où se trouvent leurs tombeaux, où leur culte, etc. Commençons donc par lui demander ce qu’il en connaît.
Il est parlé en effet chez eux d’un tombeau de Marie-Madeleine à Ephèse. Marie et Marthe, d’après les liturgistes du 17 ième siècle, avons-nous déjà vu, avaient leur fête à Jérusalem au 19 janvier ; Marthe et Lazare étaient honorés non loin de Béthanie, au 17 décembre, disent le petit martyrologe romain et les martyrologes d’Adon, Usard, etc. Enfin, d’après les Ménologes et les Menées, Saint Lazare eut d’abord son tombeau à Citie en Chypre ; puis avec le corps de Sainte-Marie Madeleine d’Ephèse, ils furent transportés à Constantinople.
Avons-nous là vraiment une tradition constante, universelle, entrant sans difficulté dans la trame des évènements historiques environnants ?
Si oui, elle suffira sans doute à nous fixer au moins sur la sépulture des saints et leurs précieuses reliques, en même temps qu’elle réduira à néant les traditions de Provence.
Marie-Madeleine est-elle morte à Jérusalem, s’est-elle éteinte à Ephèse … ?
Poser cette double question, n’est-ce pas indiquer déjà une contradiction, supposer des variations dans les traditions grecques ? L’école de Launoy et les liturgistes du 17 ième siècle auraient pu en faire tout d’abord la remarque.
La première prétention, on l’avait reposé sur le martyrologe de Saint Jérôme. Malheureusement, avons-nous vu plus haut, ce n’est pas de Marie, ni de Marthe de Béthanie, que le saint Docteur parle, mais bien de Marius et de Marthe martyrs persans. Il ne saurait s’agir d’un tombeau à Jérusalem, dans le martyrologe de Saint Jérôme, puisqu’il n’est même pas question de Marthe et de Marie que l’on voulait y trouver.
Marie-Madeleine a-t-elle du moins son tombeau à Ephèse ? Il le semble d’après le texte de Saint Grégoire de Tours : « In eâ urbe (Ephèse), ut creditur, Maria Magdalena quiescit, nullum super se tegumen habens » (Grég. Turon - Gloria Martyrum).
Il est donc vrai, dans la seconde moitié du 6 ième siècle, on parlait à Ephèse du tombeau de Sainte Marie-Madeleine.
Mais Saint Grégoire de Tours est-il bien sûr qu’il s’agissait de l’illustre convertie de Jésus ? Fut-il édifié par le concours nombreux qu’un tel trésor ne devait pas manquer d’attirer vers lui ? Il ne nous en apprend rien. Il se contente de cette expression pleine de réserve « ut creditur, comme on croit ». Il ne pense qu’à un détail qui l’a frappé et qui ne nous donne pas une grande idée des honneurs rendus à la Sainte : elle n’avait rien qui la couvrit. « Grégoire de Tours, l’homme le plus renseigné de son temps en matière de pèlerinage » (La légende de Sainte Marie-Madeleine, page 6), n’aurait-il pas pu nous en apprendre plus long ?
Le ménologe grec au 22 juillet et le biographe de Saint Villebald en 786 nous apportent cependant un renseignement : Ce tombeau se trouvait à l’entrée de la grotte des Set Dormants. On sait que ces saints personnages s’étaient retirés dans cette grotte en 305, pour y fuir la persécution, et qu’ils y demeurèrent miraculeusement endormis jusqu’à leur réveil non moins miraculeux, vers 460. Cette grotte était donc restée ignorée jusqu’à la seconde moitié du 5 ième siècle. Si le corps avait été porté à l’entrée avant 460, il n’avait donc pas empêché qu’elle ne restât dans son obscurité ? Et puisque tu temps de Grégoire de Tours, soit le corps de la Sainte, soit l’édifice qui le contenait « tegumen » n’avait rien pour le couvrir, ces lieux ne devaient pas encore être fort célèbres. Etait-ce bien le saint corps et le pèlerinage de la grande Sainte Marie-Madeleine ?
Mais encore quelle peut bien être la Madeleine d’Ephèse ? Photius, patriarche de Constantinople au 9 ième siècle, cite un passage de Saint Modeste du 7 ième siècle qui, à vrai dire, est la légende de la Madeleine d’Ephèse. Peut-être va-t-elle nous renseigner :
« Des histoires rapportent que Madeleine, de laquelle le Seigneur chassa sept démons, fut vierge et martyre. Cette particularité de son martyre nous a été conservée, que la perfection de la virginité et de sa pureté la fit resplendir aux yeux des bourreaux comme un pur cristal. Après la mort de Notre-Dame elle se rendit à Ephèse auprès du disciple bien aimé. C’est là que Marie-Madeleine, qui avait porté les parfums, acheva sa course apostolique par le martyre. Elle n’avait pas voulu, jusqu’à son dernier souffle, se séparer de Jean, évangéliste et Vierge…De même, dit-on, que le Sauveur avait donné au chef des Apôtres le nom de Pierre pour marquer la fermeté de sa foi, il donna à Madeleine, afin de signifier sa pureté et son amour pour lui, le nom de Marie, le même que portait sa Sainte Mère » ([Texte latin original : « Historiae tradunt Magdalenam, de qua Dominus septem daemonia ejecit, hanc virginem fuisse ; et martyrium ejus memoratur ubi dicitur propter summam illiam virginitatem et puritatem, illiam tanquam vitrum purum tortoribus visam fuisse. Post obdormitionem sanctissimae Dominae nostrae profecta est Ephesum ad dilectum discipulum, ubi cursum apostolicum per martyrium unguentifera Maria perfecit, nolens ad extremum usque spiritum ab Joanne evangelista et virgine separari…
« Quemadmodum, aiunt, primitiae apostolorum Petrus nominatus fuit propter inconcussam fidem quam habebat in Christum, petram ; sic et ista, princeps discipularum facta, propter ejus puritatem et affectum quem in illum habebat, Maria eodem cum matre nomine a Salvatore nuncupata est ». Modest. Hyerosolymit. Apud Photium, col. 275. - Ibid. Photii Amphilochiana. – Voir aussi Faillon, tome 1, page 370 et suiv.].
Peut-être Photius n’eut-il pas songé à citer cette légende si elle eût été favorable aux Occidentaux au lieu de leur être contraire. Sûrement en ce cas, et Photius l’eût-il rapportée, elle n’eût pas trouvé grâce auprès des hypercritiques du 17 ième siècle. Eh quoi ? Marie-Madeleine Vierge, martyr ? Y a-t-il une église, un auteur sérieux qui l’ait jamais reconnue comme telle ? Vierge et en même temps délivrée de sept démons ? Ces sept démons ne marquent, enseignent Modete et Photius, rien autre chose que l’esclavage de Satan dans la nature humaine : ils reconnaissent donc que cette femme fut à la fois pécheresse et vierge (Photii patriarchae Amphiloehiana 37, interrogatio 188).N’est-ce pas singulier ? Ils l’appèlent Madeleine surnommée Marie par Jésus : N’a-t-on pas toujours pensé au contraire que c’est Marie qui fut surnommée Madeleine ? Enfin qu’elle parût aux bourreaux aussi pure, aussi transparente qu’un cristal, Tillemont s’en étonnait : N’y a-t-il pas à s’étonner de tout en ce passage ?
Mgr Duchesne se contente de dire : « Modeste, évêque de Jérusalem, dans la première moitié du 7 ième siècle le mentionnait (ce tombeau) dans une de ses homélies (La légende de Sainte Marie-Madeleine, page 6 et page 7, r.2 « Le pèlerin russe Daniel (1106) vit encore à Ephèse le tombeau et la tête de Madeleine ». Oui, mais quelle Madeleine ?).
Il n’est pas sans importance d’ajouter que ce n’est pas tant Modeste, saint personnage, qui mentionne le tombeau, que Photius qui fait parler celui-ci à trois cents ans d’intervalle. On connaît ce que fut la sincérité, la conscience de Photius. Ne prête-t-il pas à Modeste un texte qu’il a lui-même fabriqué et qui, nous venons de nous en rendre compte, ressemble si fort à une pièce apocryphe ?
Le P. du Sollier conjecture qu’il aura existé une vierge, à Ephèse, du nom de Marie-Madeleine qui souffrit le martyre dans quelqu’une des persécutions et que les Ephésiens confondirent avec la convertie du Sauveur (Acta Sanct, 22 juli.).
Quoiqu’il en soit la légende de Photius-Modeste prête à Ephèse une Madeleine vierge et martyr. « Ce n’est certainement pas la nôtre, dit Noël Alexandre – et ce n’est pas davantage la Madeleine de Clément d’Alexandrie, d’Ammonius, de Saint Ephrem, de Saint Grégoire, de la tradition catholique – car la nôtre ne fut ni vierge, ni martyr, mais d’abord pécheresse. Que Marie-Madeleine se soit rendue à Ephèse pour y accompagner la mère de Dieu, c’est possible. Et là serait venue plus tard la croyance des Ephésiens qu’elle y était morte, tandis qu’en réalité c’est ailleurs qu’elle termina sa vie (Natal. Alexand., tome 2, page 181).
Ajoutons, en finissant, cet argument du P. du Sollier basé sur un principe reconnu de critique, argument auquel on n’a pas essayé de répondre :
Dans un acte mémorable où il ne devait et ne pouvait se taire, Polycrate ne parle point de la mort de Marie-Madeleine à Ephèse. Il s’agissait de la Fête de Pâques que les Eglises d’orient voulaient continuer de célébrer selon l’usage qu’elles tenaient de Saint Jean. Les évêques sont réunis pour une lettre collective au pape saint Victor. Ils ne manquent pas, afin de mieux relever la dignité de leurs églises et leurs titres à la bienveillance du Souverain Pontife, d’énumérer tout d’abord les Apôtres et les personnages contemporains morts en Asie, surtout à Ephèse. Ils n’oublient pas même ceux de date postérieure, ni ceux qui ne se recommandent que par leur doctrine et leur piété, tel que saint Méliton. Eh bien ! Il n’est pas dit un mot de sainte Marie-Madeleine.
Pouvait-on ignorer qu’elle eût fini ses jours et qu’elle eût son tombeau à Ephèse ? Polycrate était né à Ephèse ; les évêques, ses prédécesseurs sur le siège de cette ville, avaient été tous ses parents « e cognatione mea », ainsi qu’il le dit dans sa lettre. Il était né 25 ans seulement après la mort de saint Jean. Son propre aïeul aurait pu voir sainte Marie-Madeleine à Ephèse, si elle y fut réellement morte. Et Polycrate n’aurait pas eu connaissance de ce fait qui eût le plus beau titre de recommandation de son Eglise ? Evidemment, s’il ne l’a pas connu, c’est pour la bonne raison que le fait ne s’était pas produit. (Acta Sanctorum, 22 juli. Sainte Marie-Madeleine)
« Quant à Lazare, c’est Mgr Duchesne qui parle, certaines traditions le rattachent aussi à Ephèse. C’est du moins ce que dit le moine Bernard, qui visita les lieux saints d’Italie et d’Orient vers l’année 870. Qui (Lazare) dicitur postea (après sa résurrection) perstitisse episcopus in Epheso XL annis. Quoiqu’il en soit, son tombeau se voyait à Citium (Larnaca), dans l’île de Chypre, où l’on trouve encore une vieille église de son vocable. C’est de là, en effet, que son corps fut tiré, en 899, par l’empereur Léon VI, pour être transporté à Constantinople, avec celui de sainte Madeleine venu d’Ephèse. On les déposa dans une nouvelle église nouvellement érigée au lieu appelé T0Il0I, tout près de la mer, au-dessous de l’ancien palais impérial, à m’endroit où le Bosphore débouche dans la Propontide. Cette double translation est relatée par un grand nombre d’historiens byzantins du 10 ième siècle ; elle ne saurait être mise en doute. (La légende, page 7). »
« Quoiqu’il en soit », dit le docte critique, qui sent bien que la tradition sur saint Lazare est restée « assez flottante » en Orient. Il conclut, il est vrai, que la double translation de Lazare et de Madeleine ne saurait être mise en doute. Mais encore une fois de quelle Madeleine s’agit-il, si ce n’est de la vierge martyr d’Ephèse ; et de quel Lazare, si ce n’est de tout autre de l’ami de Jésus ?
Il n’y a que les « Mênées » - et l’on sait le peu d’autorité dont elles jouissent - qui le désignent comme le ressuscité et l’ami de Jésus. Voici le passage :
« Le 17 ième jour du mois d’octobre, translation des précieuses reliques du saint et juste Lazare. L’heureux, le très célèbre, le plus fidèle des rois Léon (VI) touché d’un mouvement divin et comme frappé d’une inspiration d’en haut, bâtit d’abord un temple à ce juste. Ayant fait ensuite une expédition en Chypre, il trouva son saint corps enseveli sous terre depuis mille ans et renfermé dans une châsse de marbre où était gravé en caractères d’une langue inconnue : Lazare après quatre jours ressuscité et ami de Jésus-Christ. Un trésor de si grand prix fut aussitôt retiré, placé dans des reliquaires d’argent et transporté à Constantinople ».
([Texte latin original :] Mense octobri, die XVII, Translatio pretiosarum reliquiarum sancti et justi Lazaris, Felix et celeberrimus, ac regum fidelissimus Leo divino motus zelo, et quasi quodam perculsus afflata primum quidem templum Justo aedificavit, deinde facta in insulam Cyprum expeditione, invenit sanctum illius corpus in urbe Cytiensi, mille abhinc annis sub terra conditum in marmorea capsa, ubi alterius linguae litteris inciditur. Lazarus : quatriduanus et amicus Dei Christi, Statim sublatum inde magni pretii thesaurum, et argenteis loculis impositum Constantinopoli reposuit ». Dans Faillon, 1, page 361.)
Notons l’anachronisme. Lorsque Léon VI découvrit le corps de Saint Lazare à Citium, le ressuscité de quatre jours, est-il dit, reposait dans son tombeau depuis mille ans. Mais, s’il est vrai que Lazare vécut trente ans après sa résurrection, ainsi que le rapporte Saint Epiphane, qu’il fût mort par conséquent vers l’an 60 de l’ère chrétienne, la translation aurait eu lieu l’an 1060. Or, Léon VI mourut en 911. L’anachronisme fait juger l’auteur ce passage ; il prouve, de plus, qu’il est bien postérieur à l’époque dont il connaît si mal la date (Dans Faillon, 1, page 362.).
Les « Mênées » auront confondu avec l’ami de Jésus, un autre Lazare inhumé à Citium. Ce qui rend la supposition plausible, dit le P. du Sollier, c’est que dans aucun autre des livres liturgiques des Grecs, on ne donne, au saint Lazare qu’on mentionne, le titre de ressuscité de l’Evangile, mais que l’on appelle seulement saint Lazare le juste. Ce qui rend en second lieu la supposition tout à fait probable c’est que, avant la translation vers le 10 ième siècle, les Grecs ne célébraient la fête d’aucun Saint Lazare (Mgr. Duchesne en convient, oper citat., page 8). Or, n’est-il pas de toute évidence qu’ils n’auraient pas manqué de fêter la mémoire de celui qui était une des gloires de l’Orient, s’ils en eussent gardé les reliques (Acta Sact., 22 juli).
A l’appui de ce tombeau de saint Lazare, Launoy avait aussi invoqué Saint Epiphane, et les Bollandistes du 22 octobre le citent, à leur tour, comme témoignage de la tradition grecque.
Nous avons consulté le passage objecté, nous l’avons lu en entier et en entier le rapportons ici :
Les Manichéens prétendaient que c’était le mauvais Esprit qui était le principe du corps, tandis que les âmes, même celles des bêtes, des arbres, des semences provenaient du Bon Esprit. Comme il est rapporté dans l’Evangile que lorsque Jésus eût délivré le démoniaque de Gérara, les démons chassés entrèrent dans un troupeau de porcs ; ces hérétiques enseignaient que ces animaux eurent grand avantage à se noyer, car de la sorte leurs âmes furent délivrées de leurs corps.
« Non, répondait l’illustre Docteur il n’en peut être ainsi car autrement pourquoi Jésus aurait-il guéri et conservé le corps du possédé qu’il délivra du Démon ? Non, puisque Jésus aimait Lazare et qu’il le ressuscita. Celui qu’il aimait, pourquoi le rétablit-il dans la chair, si la chair était mauvaise ? Celui qui était mort et délivré du corps, pourquoi ne le laissa-t-il pas affranchi de son corps ? Et nul ne saurait se persuader que Lazare mourut encore aussitôt après sa résurrection. L’Evangile déclare en effet positivement que Jésus s’étant mis à table, Lazare s’y plaça de même à ses côtés. Bien plus, nous avons trouvé, parmi les traditions, que Lazare avait trente ans quand il fut ressuscité et qu’il vécut encore trente autres années, après quoi il mourut de nouveau et s’en revint au Seigneur, appelé cette fois avec la renommée d’un illustre nom. Ainsi il laissait à tous l’espérance dans l’attente de leur propre résurrection, en ce jour où le Fils de Dieu rendra les corps aux âmes et les âmes aux corps, et à chacun la récompense selon le bien ou le mal que chacun aura accompli » ([Texte latin original :] « Amabat enim Lazarum » ait Scriptura. Quem igitur amabat, cur in carnem si mala est regredi voluit ? Cur non morbum illum semel exsolutumque corpore ita uti erat reliquit ? Nec est quod sibi quisquam persuadeat Lazarum subinde esse mortuum. Hoc enim Evangelium aperte declarat accubuisse postea Jesum, et cum eo Lazarum similiter accubuisse. Quin et illud inter traditiones reperimus, triginta tum annos natum fuisse Lazarum, quum a mortuis excitatus est ; atque idem ille postea triginta allis annis vixit, atque ita mortuus ad Dominum rediit, et cum illustri nominis fama vocatus est, ut coeteri homines, ad ultimae resurrectionis usque tempus, quando sive bonum, sive malum rependet ». Epiphan. Adversus haeres. Lib. 2, tome 2 Haeres. 65, page 649 et suiv. édit. Migne).
Tel est le texte. Il prouve que du temps de Saint Epiphane une tradition existait d’après laquelle Lazare avait trente ans quand il fut ressuscité, soixante lorsqu’il mourut. Rien de plus. Si le tombeau de Lazare se fût trouvé à Citium, le saint Docteur n’eût pas manqué de le montrer, comme preuve palpable, de la survivance du Ressuscité. Il n’invoque au contraire que le repas de Béthanie, et des traditions qu’il a pu découvrir « reperimus » pour pouvoir supputer le nombre d’années que survécut l’Ami de Jésus. Et s’il ne recourt pas à ces mêmes traditions pour dire où se trouvait son tombeau, n’est-ce pas parce que il ignorait même où le saint était mort et où il avait sa sépulture ? Saint Epiphane était né à Eleuthéropole, près de Jérusalem ; n’aurait-il pas connu ce tombeau, si le célèbre personnage eût réellement été enseveli à Citium, ainsi que Launoy le voulait, à Ephèse selon les autres, où à Jérusalem, où à Béthanie, ou encore quelque autre lieu que ce fût de la Judée ? S’il l’avait connu ne l’aurait-il pas mentionné ?
Il est encore d’autres auteurs cités par Launoy (Launoy ne craignit pas de prétendre que Flodoard supposait la mort de Sainte Marthe à Jérusalem dans les vers suivants : « Hic prope Bethaniam tibi Lazare sancto sepulchrum unde quaterno postquam te sola retuntat haec domus Ecclesia est, tua sororumque tuarum ») pour appuyer sa thèse :
« Il en a comme ramassé de tous côtés à tort et à travers, ajoute le P. du Sollier, tout ce qu’il a pu trouver : Léon-le-grammairien, Georges Cedrène, Jean Curopolates, Jean Zonara, les Mênées, l’Anthologie et je ne sais quels autres encore recueillis dans le seul but d’écarter Sainte Marie-Madeleine et sa famille du pays de Provence. Au moins faudrait-il que les auteurs se missent d’accord entre eux sur le temps de la translation de leurs reliques, les uns la plaçant dans les premiers siècles, les autres au 8 ième siècle, d’autres au 9 ième siècle ou au 10 ième siècle. Mais plutôt donnons-leur le coup d’éponge de Noël Alexandre et ne nous en occupons plus.
« Ou bien les Grecs se sont trompés, dit l’illustre historien, sur la sépulture et la translation des saints corps, ou plutôt ils les ont supposés chez eux en haine des Latins qui se gloirifiaient de posséder ces pieux trésors ? Et serait-ce excéder que de les accuser d’une telle hypothèse ? Nous n’avons pas à rappeler les anciens proverbes visant leur fourberie. Nous sera-t-il permis au moins de nous autoriser de la parole d’un Pape ? Clément IV répond, en 1268, à Isabelle sœur de Saint Louis. Cette princesse, lorsqu’elle était en Orient, avait reçu des Grecs plusieurs reliques parmi lesquelles elle était persuadée que se trouvait la tête de Saint Paul :
« Déposez, lui écrivait le Pape, une telle persuasion qui pour vous n’aurait pas de si fâcheuses conséquences mais qui, pour l’Eglise romaine, deviendrait un vrai scandale, en même temps qu’une pénible surprise. Qu’il soit venu, un jour, à l’esprit des Grecs qu’ils possédaient une telle relique, il n’y a pas trop à nous en étonner. A-t-il été plus difficile à leur jalousie d’imaginer cette invention en cette circonstance, qu’il ne le fut jadis à leur haine de forger un mensonge en une occurrence et pour des intérêts autrement importants puisqu’il ne s’agissait de rien de moins que la foi catholique ? (Acta Sanct. 22 juli. Natal. Alexand. Saecul. I.).
Il est permis de ne pas adopter les suppositions des deux éminentes critiques ; on n’ensera pas moins dans la nécessité de souscrire à leurs conclusions, à savoir que ni Marie-Madeleine, ni Marthe, ni Lazare n’ont eu chez les Grecs une tradition universelle, perpétuelle, constante, par conséquent une vraie tradition (Le P. du Sollier et Noël Alexandre racontent que sous le coup de l’émotion provoquée par les assertions de Launoy, on consulta sur leurs traditions les moines grecs de l’île de Chypre et que ceux-ci répondirent : « Qu’il était constant et que les anciennes traditions établissaient que sainte Marie-Madeleine, Sainte Marthe sa sœur et Saint Lazare son frère avaient abordé en Provence et que c’était dans ce pays qu’ils avaient leurs tombeaux ». Le P. Besson, jésuite et professeur le rapporte dans une lettre écrite d’Alep en 1660. Elle est adressée au P. Gourdan du même ordre, à Aix. – Acta Sanct. 22 juli. – Natal Alexand. Saecul. 1. Faillon de son côté cite ne pièce plus ancienne qui se trouvait, avant l’introduction de la liturgie gallicane, dans les bréviaires de Saint-Victor, des religieuses de Saint-Sauveur de Marseille, de l’église d’Autun, etc. C’étaient les religieux de Béthanie qui professaient que Lazare fut évêque de Marseille et que dans cette ville il souffrit le martyre. - Faillon, 2, n°11. Voir note Appendice 2.
Mgr Duchesne, d’autre part, quoiqu’il n’ait pas voulu abandonner les pauvres traditions grecques, si mal concordantes et si incertaines d’elles-mêmes, paraît assez étonné pourtant qu’elles en disent si peu : « En Orient, où l’on vénérait les reliques de Lazare et de Madeleine (nous avons vu lesquelles quant à celles de Marthe, il n’en est pas question), où les sanctuaires de Béthanie, d’Ephèse, de Chypre, de Constantinople perpétuaient leur souvenir et leur culte, on n’en savait guère plus long sur leur compte qu’il n’y en a dans l’Evangile », op. cit. page 8).
Du chapitre 4, intitulé « Evangélisation des Gaules », pages 27 à 31 :
« Rien ne prouve que Marie-Madeleine ait fini ses jours en orient. Serait-elle venue, après l’Ascension, dans les Gaules, ainsi que le professe la tradition de Provence ?
Mais d’abord quelqu’un du premier siècle y a-t-il été envoyé pour l’évangéliser ? Launoy et les hypercritiques du 17 ième siècle disaient énergiquement non.
Mgr Duchesne semble plutôt porté à répondre oui, car voici ses justes réflexions :
« En dehors de tout témoignage positif, il serait déjà vraisemblable que le pays voisin du Rhône a été évangélisé de bonne heure. Les relations commerciales de Marseille s’étendaient à toute la Méditerranée…Il est naturel de supposer que, parmi tant de navires qui vinrent, aux temps les plus anciens du christianisme, jeter l’ancre dans le port de Marseille, il s’en est trouvé qui auront débarqué des évangélistes… Il est probable que … dans ce grand port…, il y a eu dès les premiers temps du christianisme, je dirais volontiers dès le temps des apôtres, un petit noyau de fidèles, c’est ce qui est en soi très vraisemblable. (Fastes épiscopaux, page 73-4.101. – « Faut-il donc redire à satiété que l’Ecole critique, mettons hypercritique la plus avancée, n’a jamais nié ? Que les Gaules n’aient jamais été évangélisées, au moins dans les parties méridionales, dès le premier siècle ». M. l’abbé Vantroys, dans La Controverse de l’apostolicité des Eglises de France, par M. Albert Houtin.)
On a aujourd’hui à peu près renoncé à invoquer le fameux texte de saint Grégoire de Tours sur la mission des sept évêques, au milieu du 3 ième siècle. Il n’inspire pas grande confiance à M. Duchesne qui le trouve, il a bien raison, « trop faible et sa provenance trop obscure pour que le fait puisse entrer dans la trame de l’histoire ». (Dans Mgr Bellet. – Les origines, page 237.)
On a expliqué sans trop de peine celui de Sulpice Sévère :
« Sous Marc-Aurèle, fils d’Antonin, s’éleva la cinquième persécution ; ce fut alors, pour la première fois, qu’on vit des martyres (martyria et non martyres) dans les Gaules. La religion du vrai Dieu fut reçue plus tard, ou assez tard (serius) de ce côté-ci des Alpes : tuum primum inter Gallias martyria visa, serius trans Alpes Dei religione suscepta. » Suscepta, reçue, embrassée n’est pas en effet synonyme de praedicata, prêchée. Le premier sens vise un établissement définitif ; le second s’entend des débuts même de la nouvelle religion : or, c’est le premier seul qui est qualifié de tardius. (Ibid., pages 135, 136.)
On a répondu encore que Sulpice Sévère, peu exact pour le siècle où il a vécu, ne saurait que l’être moins lorsqu’il parle de temps très éloignés de lui et surtout lorsqu’il en parle incidemment, comme dans le passage en question.
Voilà pour les arguments négatifs. Dispose-t-on de documents positifs qui prouvent l’évangélisation au premier siècle ?
On les trouvera parfaitement exposés, notamment dans l’étude du successeur de Bollandus au 17 octobre et dans les « Origines » de Mgr Bellet, 2 ième édition, chapitre 6, page 223 et suivantes.
Nous nous contenterons d’en mentionner quelques-uns, en les résumant :
Saint Paul, 2 Tm 4,10 : « Crescent parti pour la Galatie ou la Gaule : Crescens in Galatiam ». Galatia est constamment employé chez les anciens pour désigner la Gaule. Mgr Duchesne dit : « Crescens séjourna en Galatie ou en Gaule : les manuscrits varient sur le nom, et il peut se faire que même celui de Galatia soit applicable à notre pays » (La Gaule chrétienne sous l’empire romain, la France chrétienne dans l’histoire, 1896, page 4.)
Saint Irénée et la lettre des chrétiens de Vienne et de Lyon dans l’historien Eusèbe, relatent la cruelle persécution de 177, et montrent la Gaule ayant déjà de nombreux chrétiens, des Eglises, des évêques, même des évêques qui exercent un rôle doctrinal, ainsi que Mgr Bellet le conclut dans sa remarquable étude ! (Euzeb. – Hist. ecclesiast. lib., 5, chapitre 1, 3 ième édition Migne, tome 20, colonne 408-37).
Tertullien, vers le premier quart du 3 ième siècle, peut dire que la foi chrétienne est répandue chez les Germains et dans les diverses nations des Gaules : Galliarum diversae nationes, et jusque dans les parties de la Bretagne restées inaccessibles aux Romains : et Britannorum inaccessa Romanis loca, Chrsitos vero subdita. (Adv. Judae, c.7, édit. Migne, I. II, col. 610, 1)
Au 5 ième siècle le Pape Zozime reconnaît les privilèges de l’église d’Arles « parce que, dit-il, c’est saint Trophime, disciple de l’apôtre saint Pierre, qui l’a fondée » (Histoire de l’Eglise gallicane, tome 1, p.398. – Patrol. Lat., tome 54, col. 880-I.).
En 450 dix-sept évêques de la province d’Arles écrivent au pape saint Léon, qui ne réclame en rien contre leurs assertions, mais leur répond au contraire dans leur sens : « On sait dans toutes les Gaules et la sainte Eglise Romaine n’ignore pas qu’Arles est la première ville des Gaules qui a reçu pour évêque Saint Trophime, envoyé par l’apôtre saint Pierre, et que de là peu à peu le bienfait de la foi et de la religion s’est répandu dans les autres contrées de la Gaule. »
(Omnibus etenim Gallicanis regionibus notum est, sed nec sacrosanctae Ecclesiae Romanae habetur incognitum, quod prima intra Gallias Arelatensis civitas missum a beatissimo Petro apostolo Sanctum Trophimum habere meruit sacerdotem, et exinde allis paulatim regionibus Galliarum bonum fidei et religionis infusum. Priusque alia loca ab hoc rivo fidei, quem ad nos apostolicae institutionis fluenta miserunt, meruisse manifestum est sacerdotes, quam Viennensem civitatem, quae sibi nunc impudente rac notabiliter primatus exposcit indebitos.
Jure enim ac merito ea urbs semper apicem sanctae dignitaris obtinuit, quae in sancto Trophimo primitias nostrae religionis prima suscepit, ac postea intra Gallias hoc, quod divino munere fuerat consecuta, studio doctrinae salutaris effudit… - Libellus episcorum Provinciae Leoni papae oblatus. – Sacrosancta Concilia studio Labbei, tome 3, page 1503, dans Faillon, 1, page 614.
Citons encore la lettre de sept évêques franks adressée à sainte Radegonde en 567. C’est saint Grégoire de Tours qui la rapporte, preuve, remarquons-le en passant, qu’il n’était pas opposé à l’idée d’une évangélisation dans les Gaules au I er siècle :
« Dès l’origine même de la religion catholique la foi avait commencé à donner signe de vie sur le territoire de la Gaule ; cependant es adorables mystères de la divine Trinité n’étaient encore parvenus qu’à la connaissance d’un petit nombre. Aussi, pour ne pas y recueillir moins de fruits que la prédication des apôtres n’en avait obtenus dans le reste du monde, Dieu daigna, dans un dessein de miséricorde, amener d’une contrée étrangère, le bienheureux Martin… »
(«Itaque cum ipso catholicae religionis exortu coepissent Gallicanis in finibus venerandae fidei primordia respirare, et adhuc ad paucorum notitiam tunc ineffabilia pervenissent Trinitaris Dominicae sacramenta ; ne quid minùs acquireret, quam in orbis circulo praedicantibus apostolis obtineret, beatum Martinum peregrina de stirpe ad illuminationem patriae dignatus est dirigere, misericordia consulente .Qui licet apostolorum tempore non fuerit, tamen apostolicam gratiam non effugit. » Hist. Franc, tome 9, 39. Patrol. Lat. tome 71, col. 516.)
De leur côté, plusieurs Pères de l’Eglise, depuis Saint Clément de Rome, et le Pasteur d’Hermas, jusqu’à saint Hilaire et Eusèbe, assurent que la foi chrétienne fut prêchée et répandue avec une rapidité miraculeuse.
D’autres, tels que Saint Irénée et Saint Jérôme, nous apprennent ques les hérésies gnostiques infestaient la Gaule, notamment les bords du Rhône, et qu’elles passèrent de là en Espagne. Nous indiquons seulement des arguments si importants, renvoyant aux études que nous avons plus haut recommandées.
Ne terminons pas pourtant l’énumération rapide et quelque peu sèche des documents depuis longtemps acquis, sans y ajouter quelqu’une des découvertes de la science paléographique et épigraphique qui jetteront sur la question un jour nouveau et partant plus attrayant :
En 1839 il fut porté à Londres du monastère de Scété un manuscrit syriaque du 5 ième ou du 6 ième siècle dont voici la teneur :
« La ville de Rome et toute l’Italie, l’Espagne, la Grande-Bretagne et la Gaule avec les autres contrées voisines reçurent le sacerdoce des apôtres de la main de Simon Céphas, lequel, après son départ d’Antioche, alla instruire et diriger l’Eglise qu’il fonda à Rome et chez les peuples voisins. » (Patrol. Grec. tome 24, col. 627, dans Mgr Bellet, page 235.)
Les découvertes de marbres et inscriptions trouvées entre le Rhône et la Méditerranée sont venues, à leur tour, enlever tous les doutes.
C’est d’abord l’inscription conservée au château Borrely, à Marseille.
« Ce marbre – dit Leblant qui fait autorité, on le sait, dans la matière – se rattache par l’élégance de sa gravure aux plus beaux temps de l’épigraphie. Il offre les « tria romana » du vieux système romain, tait le jour de la mort, mentionne la filiation, indique le nom de celle qui a fait faire la tombe. Ces détails lui assignent une époque antérieure à la création du premier formulaire chrétien. La présence de l’ancre, celle de l’acclamation la font d’ailleurs contemporaine des plus vieux marbres de la Rome souterraine. »
(Inscriptions chrétiennes de la Gaule antérieure au 8e siècle, tome 2, page 306.)
Un peu plus loin les inscriptions d’Arles, de Vienne, d’Autun « rappellent, dit encore Leblant, les premières inscriptions des catacombes romaines » (Ibid., page 61) et évoquent en ces régions, par conséquent, le christianisme de cette époque.
Enfin et surtout le sarcophage de la Gayole près de Saint-Maximin.
C’est « la sépulture – ajoute le savant archéologue – d’un des premiers fidèles de la contrée, épave du temps des Antonins, le plus précieux de tous les tombeaux chrétiens sculptés que l’on ait trouvés jusqu’à ce jour… un monument unique jusqu’à ce jour. » (Les Sarcophages chrétiens de la Gaule, 1886.)
Nous nous occuperons plus loin de la crypte de Saint-Maximin dont les murs, mis au jour en 1884, sont contemporains des premiers temps du christianisme. (Voir Mgr Bellet. – Les Origines. Préface, p. IX. Revoil-Rostan).
Mais d’ores et déjà… et d’après seulement les documents que nous venons de rapporter nous nous croyons autorisé à tirer cette conclusion : l’évangélisation des Gaules, dès les temps des Apôtres, particulièrement dans le pays voisin du Rhône, est non seulement vraisemblable et probable, elle se présente comme certaine.
Du chapitre 5, intitulé « La tradition Provençale », pages 32 à 36 :
« Il y eut donc des Apôtres envoyés au 1 er siècle dans les régions méridionales des Gaules. Sainte Marie-Madeleine et son groupe comptent-ils parmi les Apôtres de ces régions ?
Oui répond la tradition Provençale.
Qu’est-ce donc que cette tradition et quelle en est la valeur ?
La Tradition Provençale veut que Sainte Marie-Madeleine, Saint Lazare, Sainte Marthe, Saint Maximin, un des disciples du Sauveur, et Saint Sidoine, l’aveugle né de l’Evangile, les saintes Marie-Jacobé et Marie-Salomé soient venus en Provence et qu’ils y aient fini leurs jours, Sainte Marie-Madeleine entre Marseille et Aix, Saint Lazare à Marseille, Sainte Marthe à Tarascon, Saint Maximin et Saint Sidoine à Aix, les Saintes Maries à l’embouchure du Rhône en Camargue où ils avaient tous ensemble abordé.
Cette tradition n’a pas de témoignages, d’inscriptions, de tombeaux contemporains connus qui, directement du moins, en soutiennent la vérité. Sera-ce une raison pour qu’il faille les rejeter ? Il est tant d’autres faits, tels que la venue à Rome de Saint Pierre du moins de son siège d’évêque, son martyre, le martyre de Saint Paul dans cette ville, etc. généralement admis pourtant, qui n’en peuvent invoquer davantage !
Les contemporains ne parlent pas de ce que devint la famille de Béthanie après l’Ascension ; les Pères de l’Eglise n’en disent autre chose que ce que nous cité de Saint Epiphane. C’est assurément fort regrettable. S’en suit-il pourtant que ce que prétend la tradition Provençale soit faux ?
Il est des faits, même très important de l’histoire, qui n’auraient pas laissé de trace, du moins dans les monuments écrits, si des écrivains venus bien après ne les eussent heureusement recueillis. La grande persécution de 177, par exemple, qui immortalisa si fort les églises de Lyon et de Vienne, et la lettre de ces Eglises adressée au Pape, Saint Irénée, le signataire de ce document, n’en avait pas dit mot dans ses ouvrages, les auteurs contemporains qui nous sont parvenus n’en parlent pas davantage ; nous n’en saurions donc absolument rien, du moins par témoignages écrits ou lapidaires, si Eusèbe ne les avait pas insérés dans son histoire.
C’est que les Apôtres, les Pères de l’Eglise, les écrivains des premiers siècles ne pensaient pas à faire de l’histoire. D’autres labeurs absorbaient leur vie. Nous les préfèrerions moins laconiques, surtout moins silencieux. Encore faut-il prendre notre parti de leur manière d’être et de faire.
Les plus anciens martyrologes gardent également le silence sur les traditions provençales. L’objection ne laisse pas que d’impressionner tout d’abord. Pourtant on s’explique cette omission, quand on se rend compte qu’ils ne sont pas plus explicites pour telle autre tradition qu’ils ne semblaient pas devoir omettre : Saint Adon par exemple ne mentionne pas, il est vrai, les traditions concernant Marie-Madeleine, Marthe ou Lazare, mais il ne rapporte pas non plus l’épiscopat de son premier prédécesseur à Vienne, Saint Crescent.
Le martyrologe d’Arles-Toulon, transcrit vers 1120 Vaticanus Reginensis, n° 540, et le martyrologe à l’usage de la cathédrale d’Avignon, au 11 ième siècle, ne portent pas la fête de Saint Maximin, ni celle de Saint Sidoine. C’est M. de Manteyer (Les légendes saintes de Provence et le martyrologe d’Arles-Toulon - vers 1120 - page 24 à 27) et Dom Morin (un martyrologe d’Arles antérieur à la « Tradition de Provence ». Revue d’histoire et de littérat. relig., tome 3, janv. févr. 1898, page 10 à 24.) qui s’étonnent de ce silence, et l’opposent à la tradition. Il y aurait plus qu’à s’étonner, dirons-nous, mais à conclure contre la vérité de leur apostolat en Provence, si nous ne savions que les martyrologes anciens n’ont jamais eu la prétention d’établir la liste complète des saints, même de ceux de leurs églises, et si, de par ailleurs, nous n’avions la preuve du culte en Provence de Saint Maximin et de Saint Sidoine au 11 ième siècle et bien avant ces martyrologes.
(« De même si les deux martyrologes n’ont ajouté qu’au 13 ième siècle une quatrième mention - 29juillet - aux trois qui y figurent d’après Adon en l’honneur de Sainte Marthe - 19 janvier, 17 octobre et 17 décembre - on n’en peut rien conclure contre l’ancienneté de son culte à Tarascon, dont nous avons apporté des témoignages antérieurs au 11 ième siècle et même au 9 ième », dit Mgr Bellet, Ibid., page 279).
Nous n’avons pas de témoignages contemporains, c’est certain. Nous trouvons-nous au moins en présence d’une vraie tradition ?
Mgr Duchesne, avec Launoy, est persuadé qu’elle n’existait pas encore au 11 ième siècle. « Lazare, Madeleine et leur groupe, dit-il, ne sont connus alors en Occident que par l’Evangile et les martyrologes. (La légende…, page 8.) Il n’en découvre le commencement qu’au milieu du 11 ième siècle. Qu’il en recule encore le développement et le règne, s’il le veut, nous laisserons passer provisoirement, ne nous occupant pas en ce moment de l’ancienneté de la tradition ; mais qu’il nous accorde de son côté ce qui nous paraît évident, une tradition en Occident sérieuse, constante, célèbre, avec laquelle la prétendue tradition grecque ne saurait d’aucune manière entrer en comparaison.
Que cette tradition n’ait pas varié, si ce n’est dans les détails et les amplifications, nous le constaterons dans cette étude. Qu’elle ait été transmise par des auteurs de bonne foi, il ne sera pas difficile de nous en rendre compte. Eux-mêmes ils auront grand soin de nous prévenir qu’ils ne nous rapportent que les traditions de leurs pères.
Se seraient-ils laissés tromper ? Nos ancêtres ne furent-ils donc que des enfants naïfs, insatiables de merveilleux, croyant d’autant mieux ce qui leur était raconté qu’ils le trouvaient plus extraordinaire, absolument étrangers aux moindres notions de critique, d’art, de science ? Sans doute, parmi nos pères, on comptait bon nombre d’ignorants et de simples. Etait-ce tout le monde ? Les Didier de Cahors, les Adon, lesBède, les Alcuin, les Hincmar, les Hilduin, les Saint Antonin, les Guidonis, les Jean de Beauvais, les Albert-le-Grand, les Thomas d’Aquin et tant d’autres, se présentent-ils comme des naïfs et des sots sur la scène du monde.
Ou bien sera-t-on autorisé à les soupçonner, dans leurs témoignages, « d’avoir obéi à un sentiment d’amour propre, ou à un intérêt de clocher ?». Ce sont souvent des hommes de première valeur morale ; quelques-uns ont été placés par l’Eglise sur les autels : leur prêter « des intérêts frivoles et des erreurs voulues » ne serait-ce pas leur faire injure. Si parfois certains amplifient et s’ils brodent sur leur canevas, pour condescendre et pour plaire à la piété des fidèles, ainsi que le remarque l’Histoire littéraire de France, ce n’est en définitive que le vrai canevas qu’ils lui livrent, emprunté à leurs devanciers et qu’ils auraient été incapables de fabriquer eux-mêmes.
Quant aux faussaires, et chaque époque a eu les siens, les écrivains sincères se seront fait un devoir, dans leur loyauté indignée, de crier sus et de les dénoncer.
A nous d’en chercher la trace. Elle sera d’autant plus aisée à découvrir qu’à l’époque de l’imposture, l’amour-propre local et les intérêts de clocher n’auront pas manqué, et à bon droit, de s’insurger et de protester contre les mensonges pouvant leur être contraires.
Y aurait-il eu conspiration dans le mensonge ?
Elle est bien difficile à supposer. Il ne s’agit pas en effet, remarquons-le, d’une tradition isolée, particulière à une ou deux églises, mais d’une tradition qui s’étend à toute une province ; ce n’est pas assez, à d’autres églises nombreuses, considérables et disséminées sur le vieux sol gaulois. Il aura donc fallu que tant d’églises différentes et aux intérêts opposés les acceptent, les professent, ne craignent pas de les consacrer dans leur culte et leur liturgie. Il aura fallu que le Midi s’entende avec le Nord, le Levant avec le Couchant. Il aura fallu, en un mot, que toutes ces diverses contrées et églises non seulement acceptent, mais soutiennent de temps immémorial et dans la suite des siècles une même tradition, grossier tissu d’inventions et de mensonges. Les esprits impartiaux et sérieux ne diront-ils pas que c’est chose impossible ? (Voir Mgr Bellet, « Les Origines » page 320)
Au moins cette possession des Eglises à peu près incontestée jusqu’à Launoy, demeure-t-elle entre les mains des possesseurs comme un titre suffisant, quoiqu’on en ait dit, qui leur permet d’attendre qu’on leur démontre la prétendue conspiration, ou de mauvaise foi ou d’ignorance ; cette conspiration qui a été assez habile pour établir et assez puissante pour imposer victorieusement à tous la légende de Marie-Madeleine et de son groupe, légende compliquée, chargée de personnages et de circonstances de toute sorte, intéressant il est vrai, mais en même temps contrariant tant de pays aux intérêts si divers.
Launoy essaya bien cette démonstration. Seulement des critiques de premier ordre en ont mis à nu l’insuffisance.
Mgr Duchesne, Dom Morin et leur Ecole se sont préoccupés à leur tour de « montrer comment les légendes provençales se sont formées » (La Légende de Sainte Marie-Madeleine, page 4.)
Le premier a découvert, après Launoy pourtant, qui l’avait soutenu autrement, que c’est à Vézelay, vers le 11 ième siècle ; le second, que c’est en Auvergne qu’elle prirent naissance.
D’après l’Ecole traditionnelle au contraire le culte et la légende de Marie-Madeleine, Lazare et Marthe, Maximin, Sidoine existaient dans les pays et les églises où on les honore aujourd’hui bien avant le 11 ième siècle et aussi bien avant Saint Maximin ou Saint Sidoine Apollinaire d’Auvergne.
Etudions ce qu’il en est au vrai, en remontant aux sources, en compulsant les écrits, en interrogeant les monuments, les pays et les Eglises qui revendiqueront leurs droits, ou protesteront contre les usurpations d’autrui. L’étude ne saurait manquer d’intérêt et elle nous permettra de conclure en connaissance de cause.
Invité- Invité
Re: LA PREDILECTION ET LA MISSION DE LA FRANCE
2.9 Compléments généraux sur la tradition provençale
2.9.1 Saint Lazare, premier évêque de Marseille
Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Lazare est fêté le 17 décembre. Nous lisons à la page 291 :
« A Marseille, en France, Saint Lazare, évêque, que Notre Seigneur ressuscita, comme il dit dans l’Evangile ».
Du tome 14 des « Petits Bollandistes », pages 341 à 344 :
« Dix ans environ après l’Ascension de Notre-Seigneur, Lazare fut jeté par les juifs sur un vaisseau sans voiles et sans rames, avec ses sœurs Marthe et Madeleine, avec Sainte Marcelle, Saint Maximin et d’autres chrétiens. Exposée, ainsi sans ressources à la merci des flots, cette frêle embarcation devait, dans l’esprit des Juifs, sombrer à quelques pas du rivage et engloutir avec elle toutes les espérances de la troupe naissante des fidèles. Mais les méchants furent déçus et le vaisseau qu’ils avaient voué au naufrage, conduit par la main de Celui qui avait dirigé l’arche de Noé, aborda heureusement sur la terre hospitalière de Provence. Marseille lui ouvrit son port, et acclama Lazare son évêque. Le nouvel apôtre planta sur cette terre le drapeau de la foi, et autour de cet étendard du Christ, il travailla pendant trente années entières à réunir une foule compacte de néophytes. Le paganisme s’effraya des progrès de l’Evangile, et les infidèles s’étant emparés de la personne de Lazare, le conduisirent devant le juge de la ville. Celui-ci le somma de sacrifier sur-le-champ aux idoles : s’il refusait, il lui faudrait mourir. Le vénérable vieillard répondit qu’il était serviteur de Jésus-Christ, par lequel il avait déjà été ressuscité une fois, et qu’il ne reconnaîtrait jamais d’autre Dieu que lui avec son Père, Créateur de toutes choses. Cette confession si généreuse mérita au bienheureux apôtre la palme du martyre. On lui déchira le corps avec des peignes de fer, on jeta sur ses épaules une cuirasse de fer embrasée, on le coucha violemment, pour être rôti, sur un gril rouge de feu, sur sa poitrine on décocha plusieurs flèches qui néanmoins furent impuissantes à pénétrer les chairs : enfin sa tête roula sous le glaive du bourreau. On représente Saint Lazare : 1° sortant du tombeau à la voix de Notre-Seigneur ; 2° en costume épiscopal, tenant sur la main une petite bière qui rappelle sa résurrection ; 3° en groupe avec ses deux sœurs Marthe et Madeleine ; 4° abandonné sur la mer dans un vaisseau désemparé. Il est patron d’Autun, d’Avallon, de Carcassonne et de Marseille ».
Apostolat de Saint Lazare - Culte et reliques - Monuments
« L’apostolat de Saint Lazare en Provenve, auquel on avait cessé de croire dans le dernier siècle [au 18 ième siècle], n’est plus douteux depuis les preuves péremptoires qu’en a données M. l’abbé Faillon. Nous allons résumer ce que son ouvrage contient de plus intéressant touchant notre évêque. Dans les Actes très-sincères et très-authentiques du martyre de Saint Alexandre de Brescia, il est dit que, sous l’empire de Claude (41-54), Alexandre alla à Marseille auprès du bienheureux Lazare, évêque de cette ville, et de là à Aix, auprès du bienheureux évêque Maximin. Il est certain, d’un autre côté (M. Faillon le prouve très bien), que, avant les ravages des Sarrasins et des autres barbares qui dépouillèrent Marseille de ses monuments, de ses titres écrits, de ses reliques, le corps de Saint Lazare, ressuscité par Jésus-Christ, et martyr, était inhumé et honoré à Marseille, dans l’église de Saint Victor. Le nom de cette église date du 4 ième siècle : quant aux caveaux, ils ont été construits en plusieurs fois ; la crypte est visiblement plus ancienne que le reste et son origine remonte plus haut que l’empire d’Antonin (138-161). C’est là que Saint Lazare se cachait avec ses néophytes, pendant la persécution, pour les exercices de la religion. On y voit à gauche de l’auteul un siège de pierre, taillé dans le roc et qu’on vénère comme ayant servi à Saint Lazare dans l’administration des Sacrements. On en remarque de pareils dans les catacombes de Rome. Au dessus se dessine une figure grossière qui semble remonter au 6 ième siècle et représente Saint Lazare avec la palme du martyre et le bâton pastoral. On voit de plus, dans la voûte, l’alpha et l’oméga qu’on retrouve aussi dans les catacombes de Rome. L’apôtre de Marseille ayant été enterré dans cette crypte, sa sépulture a rendu ce lieu cher au Marseillais et a donné naissance au cimetière souterrain qui s’y est formé depuis, comme cela est arrivé à Rome et dans beaucoup d’autres villes : ‘La coutume de se faire enterrer auprès des Martyrs’, dit Saint Augustin, ‘ayant eu pour fin d’attirer les suffrages des Saints sur les morts’. Voici un autre monument aussi très précieux sur la masse des bâtiments qui composaient l’ancienne abbaye de Saint-Sauveur. Il est situé sur la place de Linche [aujourd’hui, place de Lenche, située à proximité du Vieux-Port, derrière l'hôtel de ville], dans une position souterraine par rapport à la place mise au niveau des rues inférieures. En descendant vers le port, se trouvent des caves que les anciens auteurs ont désignés sous le nom de ‘caves de Saint-Sauveur’ : elles consistent en sept salles toutes égales et parallèles, environnées de trois côtés par une galerie en retour. Toute cette bâtisse est en pierre de taille de grande dimension, faisant parpaing. C’étaient, d’après l’avis unanime des archéologues, des prisons publiques, avec un logement pour les soldats chargés de veiller à la garde des prisonniers. Sur le côté oriental de la galerie, à l’angle nord-est et en dehors des murs, est une petite chambre quadrilatère, qu’on nomme la prison de Saint-Lazare. C’est en effet une tradition immémoriale et confirmée par beaucoup de documents que ‘Lazare ayant refuse de sacrifier aux idoles, fut battu de verges jusqu’au sang, traîné par toute la ville, et renfermé enfin dans cette prison obscure et souterraine’. Par respect pour ce lieu, on y établit des religieuses Cassianites, de même qu’on avait confié la garde de son tombeau et de sa crypte à des religieuses du même Ordre. Lorsqu’on donna cette prison aux religieuses, elle était déjà transformée en oratoire, ce qui prouve à la fois la certitude et l’antiquité de la tradition qui attestait l’incarcération de Saint Lazare en ce lieu. Ajoutons à cette preuve que cet oratoire avait le vocable de Saint Lazare. D’après la même tradition, Saint Lazare eut la tête tranchée dans la prison même, ou au moins sur la place de Linche, tout près de la prison. C’est pourquoi dans la procession solennelle où l’on porte les reliques de ce Saint, on fait sur cette place, près du coin de la rue de Radeau, une station pendant laquelle le clergé chante une antienne ou un répons en l’honneur du saint évêque, comme pour le féliciter d’avoir obtenu en ce lieu la palme du martyre. Lors des ravages des Sarrasins et autres barbares, ravages dont nous avons déjà parlé, les reliques de Saint Lazare furent transportées de Marseille à Autun (le 20 octobre 1147), où l’on bâtit, pour conserver ce saint corps avec honneur, l’église de Saint-Lazare, laquelle devint plus tard la cathédrale. Marseille garda néanmoins la mâchoire et la tête de son saint apôtre. Une autre tête fut adroitement adaptée par un prêtre marseillais au corps du Saint, qu’emportèrent les Bourguignons. Le chef était conservé à part dans une châsse d’argent ; il resta à Marseille quelques fragments du corps de Saint Lazare : un de ces fragments fut déposé dans l’autel de la Chartreuse de Montrieux, en 1252. La tête du saint Martyr fut mise dans une nouvelle châsse en 1356, et dans une autre en 1389. Pour renfermer cette châsse, on construisit un monument de marbre qui servit aussi de chapelle de Saint-Lazare dans la cathédrale qui avait autrefois porté son nom et l’avait remplacé par celui de Notre-Dame de la Major ; il fut achevé en 1481. Depuis la Révolution française, l’Eglise de Marseille ne possède plus une châsse précieuse, mais elle conserve toujours le chef du saint Martyr […]. Enfin peu d’années après [la Révolution], vers la fin de 1793, le corps même de Saint Lazare, si vénéré à Autun depuis neuf siècles, fut profané comme la plupart des autres corps saints. Les reliques du saint Martyr, tirées de la châsse et jetées pêle-mêle sur la pavé de l’église, servirent quelques instants d’objet d’amusement à une troupe d’enfants qui les traînaient ça et là, lorsque, par un reste de religion, les auteurs mêmes de la spoliation transportèrent les reliques dans le vestibule qui conduit de la sacristie à l’ancienne chambre du Trésor, et les jetèrent sur le pavé, où elles restèrent plusieurs jours. Là, pendant qu’on faisait la vente publique des effets de la sacristie, une femme appelée Jeanne Moreau, se voyant seule dans le vestibule, ramassa soudain la tête dite de Saint Lazare ; et d’autres personnes d’Autun enlevèrent successivement divers ossements du saint Martyr. Le calme ayant été rendu à la France, toutes ces personnes s’empressèrent de remettre à Mgr de Fontange, évêque d’Autun, les reliques de Saint Lazare dont elles étaient dépositaires, et ce prélat, après avoir constaté leur identité, ordonna, le 18 août 1803, qu’elles seraient renfermées dans une châsse et transportées processionnellement dans l’église cathédrale, le 3 septembre suivant, avec toute la pompe accoutumée en de semblables rencontres. La châsse fut portée par les chanoines et exposée dans le chœur à la vénération des fidèles, depuis les premières vêpres de la fête jusqu’à la fin de l’octave du saint Martyr ».
A la page 59 des « Recherches sur les origines des Eglises de Reims », nous est rapporté que « jusqu’en 1641, époque où le trop célèbre Jean de Launoy écrivit sa dissertation « De commentitio Lazari et Maximini, Magdalenae et Marthae in provinciam appulsu », l’Eglise de France toute entière (voyez : Breviarum insignis Ecclesiae Bituricensis, 1587. Breviarium Remense, 1572. Missale Turonense, 1517. Breviariium, insignis Ecclesiae Senonensis. Breviarium magnum ad usum Parisiensem, 1492. Brevirium Bellovacense 14 saeculo exaratum, Bibl. imp. N° 1030. Breviarium ad usum Eccles. Eduensis, 1550. Breviar. ad us. Eccles. Atrebatensis, 1595. Spirense, 1507. Moguntinum, 1495. Coloniense, 1525. Aurelianense, 1523. Officia propria insignis Ecclesiae cathedralis Cabilonensis, 1620, etc.), avait admis sans contestation, avec tout l’Occident, l’apostolat de Saint Lazare et de ses sœurs en Provence ».
De la page 364 à 369 de « L’Hagiologie nivernaise » nous est présenté, à la date du 2 septembre, l’article concernant « Saint Lazare », dont voici quelques extraits :
« La fête de Saint Lazare avait lieu à des époques différentes, selon les temps et les lieux. L’Eglise d’Autun célébrait autrefois cinq fêtes en son honneur : sa résurrection, le vendredi de la quatrième semaine de carême ; son martyre, le 1 er septembre ; la réception de ses reliques, le 20 octobre ; la deuxième révélation, le 20 juin. Le Martyrologe de France indique la fête de l’ami de Jésus-Christ au 1 er septembre, comme le bréviaire d’Autun, mais elle est portée au 2 de ce mois dans la liturgie parisienne […].
Concernant l’apostolat de Saint Lazare dans les Gaules, l’article se poursuit ainsi :
« Après l’ascension du Sauveur, Lazare demeura encore quelques temps à Jérusalem, puis il se rendit dans l’île de Chypre où il établit le règne de Jésus-Christ. Dieu lui inspira la pensée de se transporter jusque dans les Gaules ; il s’embarqua donc sur un vaisseau et aborda à Marseille dont il fut le premier évêque. Après y avoir gouverné cette église pendant quelques années, il y scella de son sang la foi qu’il avait prêchée ; il fut décapité. Les historiens de l’église d’Autun rapportent que le corps de Saint Lazare fut apporté de Marseille à Autun (Marseille conserva la mâchoire inférieure du saint). Une partie de ces saintes reliques fut donnée, vers l’an 1000, à l’église d’Avallon, qui fut placée dès lors sous le vocable de Saint Lazare ; c’était l’os occipital. Cependant on avait commencé, en 1120, à Autun, une nouvelle église, destinée à recevoir les reliques de Saint Lazare, et, en 1132, le Pape Innocent II la consacrait, quoiqu’elle ne fût complètement terminée. Ce fut en 1147 qu’on transféra de la cathédrale, où il avait été autrefois déposé, le corps sacré de Saint Lazare. Outre les prélats de la province, on remarquait à cette solennité Geoffroi, évêques de Nevers, et Gâlon, abbé de Corbigny. On se rendit au lieu où il reposait, et quand on chanta les mots « tollite lapidem » qui se trouvent dans le répons de Saint Lazare, deux ouvriers levèrent la pierre qui couvrait le tombeau. A la vue du corps de l’ami de Jésus-Christ, les prélats entonnèrent le « Te Deum ». On trouva aussi la tête, sauf les parties que possédaient l’église de Marseille et l’église d’Avallon. En même temps, une suave odeur s’échappa du sépulcre ouvert, et se répandit dans la toute la basilique. Tout ceci se passait pendant la nuit. Le vénérable Humbert, évêque d’Autun, enveloppa dans une riche étoffe de soie tous les ossements avec le suaire et une peau de cerf intacte qui les contenait ; il lia le tout sur un brancard, et continua le saint sacrifice qu’il avait commencé. Quand le jour fut venu, on ouvrit les portes de la cathédrale et le peuple s’y précipita en foule ; le clergé ne pouvait plus sortir, en sorte que pour laisser défiler la procession, Eudes, duc de bourgogne, Guillaume, comte de Chalon, et d’autres seigneurs furent obligés de tirer leur épée pour faire place. Malgré tout, ce ne fut qu’avec peine qu’on arriva à l’église de Saint-Lazare. Les saintes reliques demeurèrent exposées pendant huit jours, après lesquels elles furent mises dans un nouveau cercueil de plomb qui avait été préparé. On grava sur ce cercueil une inscription dont voici la traduction : ‘Ici repose le corps du bienheureux Lazare, mort pendant quatre jours, transféré par les évêques Humbert d’Autun, Geoffroi de Nevers, Gauthier de Chalon, Ponce de Mâcon, Rotrode d’Evreux et Richard d’Avranche, le 20 octobre 1147, sous le règne du roi Louis’. Ce cercueil fut descendu derrière le grand autel, dans un caveau voûté et fermé par une pierre de porphyre, scellé de barres de fer ; au-dessus on éleva un riche mausolée de marbres variés. A l’époque de la première translation, en 1147, on avait conservé dans l’église de Saint-Nazaire le chef et un os d’un bras de Saint Lazare ; le chef fut placé dans une châsse richement ornée. En 1727, le 20 juin, eut lieu une nouvelle vérification du corps de Saint Lazare ; le souvenir de la première translation était en quelques sorte effacé, au point qu’on ne savait plus si le mausolée qui s’élevait derrière le maître autel était celui de Saint Lazare ou celui d’un des évêques d’Autun. Mgr de Montcley, étant monté sur le siège épiscopal d’Autun, procéda, sur la demande du chapitre, à cette vérification. On retrouva le cercueil de plomb tel qu’il avaité été établi en 1447, avec son inscription. Le saint corps resta exposé pendant plusieurs jours à la dévotion des fidèles, puis on le referma dans le même cercueil de plomb et on le replaça dans le même tombeau. En 1793, la châsse qui contenait le chef et un os du bras de Saint Lazare fut profanée, ainsi que le tombeau du saint, mais celui qui « veille sur les ossements de ses saints après les avoir délivrés de leurs afflictions, inspira à de pieux chrétiens la pensée de recueillir ces précieuses reliques, au moment où l’impiété sacrilège les dispersait avec mépris. Quand le calme eut succédé à la tempête, Mgr de Fontanges, évêques d’Autun, s’empresse de réunir et d’inventorier chacun des ossements qui avaient été conservés, et après les informations canoniques établissant d’une manière irréfragable leur authenticité, il put annoncer aux fidèles de son diocèse que le précieux trésor que l’ancienne église d’Autun se glorifiait de posséder, lui avait été restitué, avec une partie du suaire dont l’évêque Humbert avait enveloppé en 1147 le corps de Saint Lazare. Le mandement qu’il fit à cette occasion est daté du 18 août 1803 […]. [Ainsi] le culte de Saint Lazare était fort répandu dans le Nivernais, sans doute par suite du voisinage d’Autun. Nevers, Cosne, La Charité, Varzy, etc., avaient des maladreries placées sous son patronage. La maladrerie de Saint-Lazare de Nevers avait été fondée en 840, par l’évêque Hériman, en même temps que celle de Saint-Antoine. Plus tard, l’église de Saint-Lazare près de Nevers, devint paroissiale. On peut reconnaître encore l’abside de cette église, à l’extrémité du faubourg du Grand-Mouësse ».
2.9.2 La fête de Sainte Marie Madeleine le 22 juillet dans le Martyrologe Romain
Le « Martyrologe Romain » indique que Sainte Marie Madeleine est fêté le 22 juillet. Nous lisons à la page 215 :
« A Marseille, la naissance au ciel de Sainte Marie-Madeleine, de laquelle Notre-Seigneur chassa sept démons, et qui mérita de le voir la première après sa résurrection ».
2.9.3 La redécouverte du corps de Sainte Marie Madeleine à Saint Maximin le 9 décembre 1279
Du tome 1 de « Sainte Marie Madeleine - La Tradition et la Critique », pages 183 à 187 :
« En 1279, Charles comte de Salerne, petit-fils de Saint-Louis et bientôt roi de Sicile, entreprit des fouilles dans la crypte de l’église de Saint Maximin et il eut le bonheur de découvrir le corps de sainte Marie-Madeleine. Le P. du Sollier estime que le nœud de la question de la Madeleine provençale n’est autre que l’invention de ses reliques. Aussi bien a-t-elle été depuis le 17 ième siècle la visée principale des coups de l’hypercritique. Enfouir les saints corps dans une crypte ! A-t-on d’abord objecté, n’était-il pas ‘plus simple de les cacher dans la montagne ou chez un particulier ?’ Comme si enfouir des corps de saints, pour les préserver, était inouï en histoire ; comme si les montagnes ou les maisons eussent été plus sûres, alors que les Sarrazins occupaient de préférence les premières, et saccageaient si facilement les secondes. Mais encore, ajoute-t-on, comment admettre l’authenticité d’une inscription qui porte Anno Nativitatis, comput dont on ne se servait pas en Provence en 710, date de l’inscription ? Et l’enfouissement lui-même, en 710, a-t-il pu se produire, vu que les Sarrazins ne passèrent le détroit de Gibraltar qu’en 711 ? Enfin la dite inscription prétend qu’Odo ou Odoïn était à cette date roi des Francs : A-t-on jamais connu un tel roi de France ? Et bien ! Les diplomatistes les plus compétents du 17 ième, du 18 ième, du 19 ième siècle constatent que le comput Anno Incarnationis ou Nativitatis était bien employé à Rome, en Espagne, en France, en Angleterre. De plus, dans le cartulaire de Saint-Victor, on le trouve dans les premières chartes échappées aux Sarrazins, preuve qu’il était employé aussi par le Midi, dès l’époque des envahisseurs. On ne saurait d’autre part s’étonner de voir les Cassianites occupés à garantir leur trésor, en 710 ou 716, – ceux qui trouvèrent l’inscription se partagèrent, en effet, entre ces deux manières de la lire – alors que les Sarrazins remplissaient de terreur, à cette heure, le monde civilisé tout entier et qu’ils s’avançaient à grands pas, par l’Espagne et la Méditerranée, jusqu’au midi de la France, bientôt leur proie. Enfin la troisième objection a été réfutée depuis longtemps déjà et victorieusement, d’après le P. du Sollier, par le P. Pagi, réviseur critique de Baronius. C’est Eudes duc d’Aquitaine que l’inscription appelle roi des Francs, et non à tort car Eudes, non seulement était de race royale par Clotaire I er, mais encore il régna de fait dans le Midi et la Provence Arlésienne ; on datait les chartes des années de son règne et les historiens anciens lui ont donné parfois le titre de roi, l’appelant indistinctement Odo, Odonius ou Eudes. Il n’y avait pas d’ailleurs que cette inscription. Une autre fut découverte renfermée dans un globe de cire qui tomba en poussière, à cause de sa vétusté (1). Elle ne contenait que ces cinq mots : Hic requiescit corpus Mariae Magdalenae. Un faussaire du 13 ième siècle n’aurait pas songé à placer une inscription laconique à côté d’une autre relativement prolixe ; il n’aurait pas pensé davantage à parler d’un prince Odoïn ou Eudes que personne, à cette époque ne connaissait comme ayant disposé d’une autorité quasi royale. Les inscriptions, considérés l’état matériel des parchemins, la forme de l’écriture et l’extrême difficulté d’interprétation, parurent aux témoins parfaitement authentiques. Le Blant de son côté ne craint pas de dire : ‘Quant aux mots : Hic requiescit, sans formule accessoire, ils ne se trouvent pas en Gaule au-delà de 487’. Donc l’inscription qui nous occupe, puisqu’elle renferme ces mots sans addition, avait de beaucoup précédé les Cassianites. Elle remonte au 5 ième siècle. Comment donc l’hypercritique a-t-elle osé avancer que l’inscription trouvée à Saint-Maximin n’était autre qu’un faux ? Qu’elle en nomme donc l’auteur. Launoy avait accusé les Dominicains, ne prenant pas garde que l’invention est de 1279, tandis que ceux-ci ne vinrent à Saint-Maximin qu’en 1285. On serait aussi peu avisé à suspecter les Bénédictins. A coup sûr, ils n’auraient pas consenti, en eussent ils été capables, à un mensonge qui n’aurait servi qu’aux Dominicains par lesquels, bien malgré eux, ils furent remplacés. Serait-ce Charles de Salerne ? L’Histoire le reconnaît trop honnête homme et trop pieux chrétien. Les évêques ? C’était tous ceux de la région et plusieurs comptaient parmi les plus savants et les plus saints. On oserait encore moins mettre en avant le cardinal Cabassole, ou Bernard Gui, tous les deux historiens de l’invention, en même temps que témoins de ce qu’ils racontent. Les critiques d’aujourd’hui ont été obligés de reconnaître qu’ils étaient des hommes de première valeur à tous les points de vue. Ces témoins, loin donc d’être des faussaires, sont les meilleurs garants de l’authenticité du corps qu’ils ont reconnu. Les inscriptions furent pour eux la preuve de l’identité de ce corps. Si en effet on l’eût enlevé de son tombeau lors de l’occupation Sarrazine, comme le prétendait Vézelay, n’aurait-on pas emporté aussi les inscriptions qui le désignaient ? Ils furent en outre favorisés – et la foule qui assista à l’intervention, - de plusieurs manifestations surnaturelles. Un parfun suave s’exhala des saintes reliques. Il sortait de la langue de la Sainte, adhérant aux os du gosier une branche de fenouil verdoyante en plein décembre. Enfin sur le front, se trouvait une petite portion de chair ou cartilage appelé le Noli me tangere, que plusieurs enquêtes médicales déclarèrent depuis phénomène extra-naturel. Ces signes prodigieux se produisant alors qu’on croyait se trouver devant le corps de Sainte Madeleine, on en conclut – et la théologie ne désavoue pas, que nous sachions, leur conclusion – que le ciel confirmait leur conviction, à savoir qu’ils avaient trouvé le vrai corps de Marie-Madeleine. Un juge plus autorisé encore, Boniface VIII, prit connaissance de l’enquête canonique et du jugement des évêques réunis à Saint-Maximin. Il voulut, en outre, que l’os maxillaire inférieur, conservé à Saint-Jean de Latran fût apporté devant lui, en même temps que le Chef de la Sainte qui manquait de cet os. Comme les deux reliques s’adaptèrent parfaitement l’une à l’autre, le Souverain Pontife n’hésita pas à déclarer, en six bulles différentes, qu’alors qu’on était incertain où se trouvait le corps de Marie-Madeleine, Charles II l’avait réellement découvert à Saint-Maximin ».
Crypte de Saint-Maximin
« Les corps des saints étaient renfermés dans des sarcophages. On est étonné que le coryphée de la critique actuelle n’ait pas craint d’avancer cette énormité ‘La crypte de Saint-Maximin n’est autre chose que la sépulture d’une famille gallo-romaine du 5 ième ou du 6 ième siècle’. La perspicace critique n’a donc rien vu, ni le tombeau de Saint Sidoine, d’après la tradition l’aveugle né de l’évangile, sur lequel est représenté la scène évangélique où le fils de Dieu rend la vue à celui qui était aveugle dès sa naissance ; ni le tombeau des Saints Innocents où est figuré le massacre de ces martyrs ; ni le tombeau de Sainte Marie-Madeleine qui, au dire des anciens auteurs, portait plusieurs traits de la vie de la Sainte Pénitente et sur lequel, il est vrai, on ne distingue plus rien aujourd’hui, mais pour la bonne raison que la piété mal entretenue des pèlerins a tout gratté, mutilé, détruit ; ni enfin les tessères ou Fenestellae qui se trouvent dans ce dernier tombeau et celui de Saint-Maximin, par lesquelles les fidèles faisaient passer les objets de piété devant toucher les corps saints ? Le Blant, qui fait autorité dans la matière, déclare qu’il n’y a pas de doute, que les sarcophages de la crypte Saint-Maximin ont été destinés à des reliques et que la crypte elle-même est un lieu saint. De plus Le Blant, Revoil, Rostan, etc., n’hésitent pas à les faire remonter aux premiers temps du christianisme. Que deviennent des lors allégués par le faux et la sépulture d’une famille gallo-romaine de M. Duchesne ? Ce que deviennent les systèmes gratuitement imaginés ; ils se dissipent et il n’en reste rien. La découverte au contraire des saints corps et la crypte de Saint-Maximin demeurent inattaquables ».
Note :
(1) : Voici le texte exact du premier procès-verbal dressé le 18 décembre 1279, relatif à l’écrit sur le papyrus daté de l’an 710 authentifiant les ossements de Sainte Marie Madeleine :
De l’ouvrage « Histoires du pèlerinage de Saint-Maximin la Sainte-Baume », pages 62 et 63 :
« L’an du Seigneur 1279, le 15 avant les calendes de janvier, magnifique personnage, le seigneur Charles, fils aîné de l’illustre roi de Jérusalem de Sicile, prince de Salerne, et seigneur honoraire du Mont-Saint-Ange, en présence des vénérables seigneurs les archevêques d’Aix et d’Arles, et de plusieurs autres prélats, a trouvé à Saint Maximin dans un certain sépulcre de marbre de la crypte du même monastère, en recherchant par la ferveur de la dévotion le corps de Sainte Marie Madeleine, une cédule contenant ce qui suit, à savoir : L’an de la nativité du Seigneur 710, le sixième jour de décembre, dans la nuit et très secrètement, sous le règne du très pieux Eudes, roi des Francs, au temps des ravages de la perfide nation des Sarrasins, ce corps de la très chère et vénérable Sainte Marie Madeleine a été, par la crainte de la dite perfide nation, transféré de son tombeau d’albâtre dans ce tombeau de marbre, après avoir enlevé le corps de Sidoine, parce qu’il y était mieux caché ».
2.9.4 Sainte Marie Madeleine à la Sainte Baume
Du tome 1 de « Sainte Marie Madeleine - La Tradition et la Critique », pages 180 à 182 :
…
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Re: LA PREDILECTION ET LA MISSION DE LA FRANCE
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2.9.5 La fête de Sainte Marthe le 29 juillet dans le Martyrologe Romain
Le « Martyrologe Romain » indique que Sainte Marthe est fêté le 29 juillet. Nous lisons à la page 218 :
« A Tarascon en Gaule, Sainte Marthe, vierge, hôtesse de notre Sauveur, et sœur de la bienheureuse Marie-Madeleine et de Saint Lazare ».
2.9.6 L’épisode de la Tarasque dans les écrits de Maria Valtorta
Jésus confirme à Maria Valtorta que Sainte Marthe a bien combattu une bête terrestre que l’on appelle communément « la tarasque », à la page 99 du livret « Prière » :
« Penses-tu que Marthe, qui a vaincu le dragon, ait tremblé plus que nous ? Non la souffrance est plus grande en nous. La bête féroce vaincue par Marthe était une bête vraiment féroce vaincue, mais une bête de la Terre ».
2.9.7 La fête de Saint Maximin le 8 juin dans le Martyrologe Romain
Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Maximin est fêté le 8 juin. Nous lisons à la page 193 :
« A Aix en France, Saint Maximin, premier évêque de cette ville, qu’on dit avoir été disciple du Seigneur ».
2.9.8 Marie Salomé et Marie Jacobé
Citons tout d’abord la Sainte Ecriture où l’on trouve le nom de « Salomé » seulement à deux reprises et uniquement dans l’Evangile de Saint Marc (à ne pas confondre avec la fille d’Hérode (Philippe) et d’Hérodiade de Mc 6,22, qui porte également le même nom selon l’historien Flavius Josèphe - Cf. note ‘a’ page 1871 de la Bible de Jérusalem - et qui demanda la tête de Saint Jean-Baptiste) :
- après la mort de Jésus, en Mc 15,40 :
« 38 Et le voile du Sanctuaire se déchira en deux, du haut en bas. 39 Voyant qu'il avait ainsi expiré, le centurion, qui se tenait en face de lui, s'écria: "Vraiment cet homme était fils de Dieu!" 40 Il y avait aussi des femmes qui regardaient à distance, entre autres Marie de Magdala, Marie mère de Jacques le petit et de Joset, et Salomé, 41 qui le suivaient et le servaient lorsqu'il était en Galilée; beaucoup d'autres encore qui étaient montées avec lui à Jérusalem ».
- après la résurrection, en Mc 16,1 :
« 1 Quand le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des aromates pour aller oindre le corps. 2 Et de grand matin, le premier jour de la semaine, elles vont à la tombe, le soleil s'étant levé ».
On peut toute de suite observer que les femmes dont il est ici question (Mc15,40) sont bien trois personnes distinctes : « Marie de Magdala », « Marie mère de Jacques le petit et de Joset », et «Salomé».
Du tome 1 de « Biographies Evangéliques » :
- extrait de la section intitulée « Les deux Maries », pages 229 à 247 :
- chapitre 4, page 229 :
« […] Nous allons esquisser la biographie de Marie mère de Jacques ou Marie Jacobé, et de Marie Salomé ».
- chapitre 5, page 229 :
« Comme nous l’avons vu en parlant des frères de Notre Seigneur, Marie Jacobé, c'est-à-dire mère de l’apôtre Saint Jacques le Mineur, avait épousé Cléophas ou Alphée, frère de Saint Joseph, époux de la Très Sainte Vierge Marie. De là vient que, dans l’Evangile, elle est appelée indistinctement Marie mère de Jacques, ou Marie femme de Cléophas. Belle-sœur de la Sainte Vierge, Marie de Cléophas eut quatre fils : les apôtres Saint Jacques le Mineur et Saint Jude, Joseph qui fut un des soixante-douze disciples, et Simon qui succéda à son frère Saint Jacques le Mineur, sur le siège épiscopal de Jérusalem ».
- chapitre 6, pages 229 et 230 :
« Sœur des quatre disciples dont nous venons de parler, Salomé était petite-nièce de Sainte Anne, par conséquent petite cousine de la Sainte Vierge. Elle avait épousé Zébédée, pêcheur de Bethsaïde, et elle était l’heureuse mère des deux apôtres Saint Jacques le Majeur et Saint Jean l’Evangéliste, qui se trouvaient aussi cousins au second degré de Notre Seigneur. C’est elle qui, forte de sa parenté et poussée par un sentiment d’ambition maternelle, avait, pour ses fils, demandé au Sauveur les deux premières places dans son royaume. On connaît la réponse du Fils de Dieu : ‘Vous ne savez pas ce que vous demandez’. Réponse immortelle qui tombe de tout son poids sur les parents avides, pour leurs enfants, de dignités et surtout de dignités ecclésiastiques »
- chapitre 7, page 230 :
« Quelques années après l’ascension de Notre-Seigneur, les deux saintes Marie Jacobé et Salomé furent, avec Lazare, ses sœurs et plusieurs autres, exposées sur une barque, qui aborda près de Marseille. En mourant, Notre-Seigneur avait le visage tourné vers l’Occident. Au témoignage des Pères, cette position mystérieuse annonçait que la lumière de la vérité brillerait sur l’Europe d’un éclat particulier. Dix-huit siècles justifient la consolante prédiction. Grâce à la persécution qui dispersa les chrétiens de Jérusalem, nos contrées ne tardèrent pas à recevoir le don de la foi ».
- chapitre 8, page 230 :
« Au nombre des premiers apôtres des Gaules, la tradition constante et appuyée sur tous les genres de preuves met la pieuse colonie dont faisaient partie Marie Jacobé et Salomé. Non seulement le nom de ces illustres apôtres, mais le lieu de leur débarquement, les reliques qu’ils apportaient avec eux, leurs travaux, leur mort et leur sépulture, furent connus de nos aïeux ».
- chapitre 9, pages 230 et 231 :
« En vain, une critique ignorante et partiale voulut, il y a quelques siècles, contester sur ce point nos titres de gloire. Les négations, les doutes, les préjugés ont disparu devant les faits mis au jour par la science moderne. Infatigable chercheuse, cette science a intérrogé les monuments primitifs, écrits en pierre ou sur parchemin ; et de ces archives incontestables elle a montré que la tradition sortait pure comme l’eau de la fontaine. La voici résumée par un ancien historien, très instruit et connaissant par lui-même les choses dont il parle, cet historien des Gervais de Tilbury, maréchal du royaume d’Arles à la fin du douzième siècle ».
- chapitre 10, page 231 :
« La province narbonnaise, dit-il, nous offre à l’endroit où le Rhône se jette dans la mer les îles Sticados nommées vulgairement les Camargues (1). ‘Là, sur le rivage de la mer, on voit la première des églises du continent qui ait été bâtie en l’honneur de Marie, la très Sainte Mère de Dieu, et consacrée par plusieurs des soixante-douze disciples, chassés de la Judée et exposés sur la mer dans une barque sans voiles. C’étaient Maximin, d’Aix, Lazare de Marseille, frère de Marthe et de Marie Madeleine, Eutrope d’Orange, Georges du Velay, Trophime d’Arles nne-Catherine Emmerick il y avait 3 hommes et 4 femmes : plus vraisemblablement Lazare, Maximin, Célidonius (l’aveugle né), Marie-Madeleine, Marthe, Marcelle et une autre servante. Cf. 6.1.11.11] ».
Note :
(1) : « On sait que la province romaine, appelée Narbonnaise, s’étendait, à partir d’Arles, du Rhône aux Pyrénées et comprenait tout le littoral de la Méditerranée ».
- chapitre 11, pages 231 et 232 :
« Sous l’autel de cette basilique, formé par les saints avec la terre pétrie, et couvert d’une petite table de marbre Paros, où est une inscription, il y a, selon une antique tradition pleine d’autorité, six têtes de corps saints, disposes en carré. Les autres membres de ces corps sont renfermés dans leurs tombeaux ; et on assure que de ce nombre sont les deux Maries qui, le premier jour après le Sabbat, vinrent avec des parfums, pour voir le tombeau du Sauveur. Tel est le récit de l’historien. Parce qu’il est du moyen âge, il n’a pu, comme on devait s’y attendre trouver grâce devant la critique moderne ; ou elle n’a pas connu son témoignage, ou elle n’en fait aucun cas : après avoir indiqué les quelques détails évangéliques concernant une de nos saintes, elle dit dédaigneusement : ‘C’est tout ce que l’Evangile nous apprend de Salomé, et ce que l’on ajoute de plus est apocryphe’ ».
- chapitre 12, page 232 :
« Comme tant d’autres, un pareil jugement est loin d’être sans appel. La révision n’en sera même pas difficile ; nous allons montrer que chaque affirmation de la croyance traditionnelle se vérifie par les faits. D’abord, le nom grec de Sticados donné, encore aux douzième siècle, aux Camargues, est une preuve que ce pays fut longtemps habité par des Grecs, dont la langue devint d’idiome vulgaire. C’est pour la même raison qu’au quatrième siècle le grec se parlait encore à Arles et dans les villes voisines ».
- chapitre 13, pages 232 et 233 :
« D’ailleurs chacun sait qu’une colonie phocéenne fonda la ville de Marseille, six cents ans avant Notre-Seigneur. Active, industrieuse, cette colonie s’étendit sur les côtes orientales et occidentales de la Méditerranée, pénétra dans l’intérieur des terres, bâtit Antibes, Nice, Agde et partagea le commerce maritime avec Carthage. Ses flottes allaient jusque dans l’Océan et quelques-unes dans la Baltique. Fidèle au culte des souvenirs, Marseille a perpétué ses antiques gloires dans l’inscription suivante qu’on lisait, naguère encore, sur le fronton de l’hôtel de ville : ‘Massilia Phocensium filia, Romae soror, Athenarum aemula, Carthaginis terror, Caesaris armis vix cessit : Marseille fille des Phocéens, sœur de Rome, rivale d’Athènes, terreur de Carthage, fut à peine vaincue par les armes de César ».
- chapitre 14, page 233 :
« Les camargues, ou, comme on dit plus communément aujourd’hui, la Camargue est un delta ou île d’environ quatre-vingts kilomètres de circuit. Elle est formée par le Rhône qui se divise en deux branches un peu au-dessous d’Arles, et par la Méditerranée où le fleuve se jette par différentes embouchures, appelées Gras, du mot latin gradus. La tradition affirme que l’endroit où abordèrent les saints apôtres de la Provence est dans le voisinage du Gras d’Orgon, non loin de la petite ville qui porte encore le nom des Saintes-Maries, ou celui de Notre-Dame de la Mer. Cette ville, qui fait aujourd’hui partie du département des Bouches-du-Rhône, est un chef-lieu de canton et compte à peine neuf cents habitants [au 19 ième siècle] ».
- chapitre 15, pages 233 et 234 :
« La tradition ajoute que, voulant rendre grâce à Dieu, qui les avait conduits par sa Providence, ces saints personnages lui élevèrent un autel de terre pétrie, parce que, sans doute, ils ne trouvèrent pas d’autres matériaux en ce lieu. Encore aujourd’hui, le voyageur peut s’assurer pas ses propres yeux de l’exactitude de ce simple détail, en visitant, dans la ville de Sainte-Marie, l’église de Notre-Dame de la Mer ».
- chapitre 17, pages 234 et 235 :
« Cet autel vénérable, qui a existé jusqu’à l’époque de la révolution française, avait été vu par tous les pèlerins et signalé par tous les histories de Notre-Dame de la Mer. La nature des matériaux était pour le savant évêque de Mende, Guillaume Durand, une preuve de sa haute antiquité. On sait que ce grand évêque fut légat du Pape Grégoire X, au concile de Lyon, en 1274. Dans son Rational des divins Offices, ouvrage destiné à tous les évêques du monde, il dit : « D’après la pratique universelle de l’Eglise, les autels doivent être de pierre. On lit cependant dans l’Exode que le Seigneur ordonna de faire un autel de bois de Céthim, qui est incorruptible. L’autel de Latran, à Rome, est aussi de bois ; et au comté de Provence, dans la ville de Sainte-Marie de la Mer, il y a un autel de terre, qu’élevèrent en ce lieu Marie Madeleine, Marthe, Marie Jacobé et Marie Salomé ».
- chapitre 19, pages 235 et 236 :
« Pour récompenser l’héroïque fidélité de ses amis, Dieu fit sourdre une source d’eau douce, qui existe encore, dans l’endroit même où ils s’étaient arrêtés, et où l’on ne trouvait jusque là que de l’eau salée. Ce prodige consolateur les détermina à convertir ce lieu en oratoire, qu’ils dédièrent en l’honneur de la bienheureuse Vierge Marie, leur très sainte belle sœur et auguste cousine. Telle fut la raison qui décida les saintes Marie Jacobé et Salomé à se fixer elles-mêmes dans ce lieu, en se construisant une cellule jointe à l’oratoire, tandis que les autres saints personnages de la troupe apostolique allèrent exercer leur zèle à Marseille, à Aix et ailleurs ».
- chapitre 22, page 237 :
« Non moins ancienne est la tradition touchant l’arrivée et la mort des Saintes Maries à Notre-Dame de la Mer. On en voit la preuve manifeste dans un petit groupe qui termine la crète du toit de l’église du côté du couchant, et qui représente les saintes Maries Jacobé et Salomé, par le type reçu dans le pays pour désigner des deux saintes : ce sont deux figures de femmes, placées dans une nacelle qui vogue sur la mer. On ne peut pas supposer que ce groupe ait été ajouté après coup : il est sculpté dans la masse même de cette bande, et l’état de dégradation où il est aujourd’hui vient de la vétusté, puisque, étant placé au-dessus de l’église et entièrement isolé, il n’a jamais été exposé à être mutilé par personne. Si donc les fractures qu’on y remarque viennent des injures de l’air, il faut conclure encore à l’antiquité des armes de la ville de Notre-Dame de la Mer. Elles se composent d’une barque, portant deux figures de femmes debout, avec cette légende : Navis in pelago ; la barque sur la mer ».
- chapitre 23, page 238 :
« L’Eglise des Saintes-Maries n’est pas seulement vénérable par son antiquité, elle l’est encore par les reliques qu’elle renferme. Sachant de la bouche même de Notre-Seigneur que la Palestine devait être bientôt dévastée, les saintes femmes avaient apporté avec elles, en partant de Jérusalem, trois têtes des Saints Innocents et une autre qu’on croit être celle de Saint Jacques. Il est certain, du moins, que trois têtes de petits enfants, et une autre plus considérable, furent déposées dans la terre avec les corps des saintes Maries, qu’on inhuma à côté de la source, dans l’oratoire dédié à la très Sainte Vierge, et où se trouvait l’autel dont nous avons parlé. Cette nouvelle affirmation de la tradition immémorable fut rendue incontestable, en l’an 1448, lorsque le roi René fit faire des fouilles dans l’église de Notre-Dame de la Mer. Jamais précautions plus minutieuses ne furent prises pour s’assurer du fait traditionnel. Jamais solennité plus grande que celle de l’élévation des saintes reliques ».
- chapitre 24, pages 238 et 239 :
« Le roi envoya aux Saintes-Maries le chevalier d’Arlatan, son chambellan, pour présider aux fouilles. La tranchée ouverte, les ouvriers rencontrèrent près du grand autel une certaine quantité de terre, entièrement différente de celle qu’on avait trouvée jusqu’alors, et, au milieu, un petit pilier de pierre blanche tout corrodé, qui portait la petite table en marbre, et que par inadvertance les travailleurs rompirent en plusieurs morceaux. En continuant la tranchée plus près de l’autel, ils découvrirent un corps humain qui avait les mains croisées sur la poitrine et qui répandait une très suave odeur ; puis, un autre corps environné de pierres minces appelées plaquettes ; enfin, près de l’oratoire placé au milieu de l’église, trois tête d’enfants et une tête d’homme, qui par leur position semblaient décrire la figure d’une croix ».
- chapitre 25, page 239 :
« Assuré d’avoir retrouvé les corps des saintes Maries, le roi désira donner à leur élévation le plus de solennité possible. Elle eut lieu trois mois après l’heureuse découverte, au mois de décembre 1448, en présence du roi René, du cardinal de Foix, légat du Saint-Siège, de douze archevêques et évêques, d’un grand nombre d’abbés, de professeurs en droit canonique et civil, de docteurs, de trois pronotaires apostoliques et de trois notaires publics. On découvrit exactement toutes les reliques indiquées par la tradition. Deux morceaux de marbre blanc furent trouvés sous les têtes des saintes : l’un sous celle de Sainte Marie Jacobé, avec cette inscription : HIC JACET SANCTA MARIA JACOBI ; l’autre sous celle de Sainte Marie Salomé avec ces mots : HIC JACET SANCTA MARIA SALOME ».
- chapitre 26, pages 239 et 240 :
« Le 3 décembre, jour d’impérissable mémoire, le roi, la reine avec leur cour, le légat et les prélats, suivis d’une multitude de peuple accourue de la Provence et d’ailleurs, se rendirent à l’église magnifiquement ornée. Le cardinal chanta pontificalement la messe des saintes Maries, assisté des évêques, des abbés et de tous les autres ecclésiastiques, revêtus de leurs ornements. Ensuite on distribua des flambeaux, et tout le clergé avec le roi allèrent en procession vénérer les saintes reliques, placées à terre le maître autel. Après quoi, le légat et les évêques de Marseille et de Conserans retirèrent les saints ossements, en essuyant la terre qui y était encore attachée, les lavèrent dans du vin blanc et les déposèrent dans une châsse double, faite en bois de cyprès, et revêtue en dehors en en dedans d’une riche étoffe de soie brochée d’or. On permit alors au peuple de venir les honorer ».
- chapitre 27, page 240 :
« Le lendemain, le légat plaça dans une châsse de bois de noyer, que le roi avait fait exécuter avec beaucoup d’art, les quatre têtes trouvées dans la chapelle des saintes, et déposa cette châsse dans la sacristie. Quant à celle qui renfermait les corps des saintes, il ordonna de la placer au-dessus de l’église dans la chapelle supérieure dite de Saint Michel. Elle y fut élevée solennellement en présence du roi, des prélats et de tout le peuple ».
- chapitre 30, pages 241 et 242 :
« Quoique séparée, en quelque sorte, du reste de la Provence, la petite ville de Notre-Dame de la Mer ne fut pas à l’abri de la tourmente qui à la fin du 18 ième siècle sembla devoir anéantir les reliques et le culte des Saints. La critique de la renaissance avait nié l’existence de nos saints apôtres, il était logique que la révolution, fille légitime de la renaisance, voulût faire disparaître leurs restes sacrés. Un insigne objet de vénération dans l’église des trois Maries était le coussin des saintes. C’était un des morceaux de marbre blanc qui, comme nous l’avons dit, fut trouvé sous la tête des saintes amies du Sauveur. Incrusté dans le mur de l’église et depuis plusieurs siècles couvert des pieux baisers de tant de milliers de pèlerins, cet objet sacré fut choisi par la révolution pour servir de pierre fondamentale à l’un des deux arbres de la liberté, qu’on planta dans le pays ».
- chapitre 31, page 242 :
« De plus, toute l’argenterie de l’église et notamment deux reliquaires en forme de bras, où se trouvaient enchâssées des reliques des Saints, furent transportés à Arles, pour être convertis en monnaie. Heureusement les corps des deux Saintes, étant alors enfermés dans une châsse en bois, ne pouvaient pas exciter la cupidité et furent négligés d’abord. Mais, comme il était aisé de prévoir qu’ils seraient infailliblement profanés, le sieur Antoine Abril, alors en possession de l’église des Saintes-Maries, désirant prévenir ce malheur, invita secrètement, pendant la nuit du 22 octobre 1793, un honnête homme du pays, Antoine Molinier, à l’accompagner dans l’église ; et là, l’un et l’autre ayant ouvert la châsse, ils en retirèrent les reliques des Saintes, qui formaient deux paquets distincts. Ils les enveloppèrent dans de la grosse toile et les cachèrent sous terre, dans le bûcher d’Antoine Molinier».
- chapitre 32, pages 242 et 243 :
« Enfin celui des administrateurs du district d’Arles, qui avait été chargé de transporter dans cette vile l’argenterie de Notre-Dame de la Mer, voulut apparemment sauver un des saints bras. Du moins, quelque temps après, une autre administrateur du district ayant fait ouvrir un tiroir dans un certain meuble qui avait été à l’usage de son collègue, y trouva le reliquaire renfermant encore la sainte relique. Ce précieux objet fut ensuite reporté à Notre-Dame de la Mer, dont la municipalité le remit, en 1797, en présence du peuple, à M. Joseph Barrachin, alors chargé de la conduite de cette paroisse. Les habitants reconnurent à l’unanimité l’identité de la relique, vénérée autrefois dans ce lieu. Ils signèrent un acte de cette reconnaissance qui fut certifié par le président de l’administration municipale. La joie du peuple se manifesta alors par des sanglots, et par le saint enthousiasme avec lequel on chanta la Te Deum ».
- chapitre 33, page 243 :
« Elle n’éclata pas avec moins de vivacité, lorsque la municipalité, ayant résolu d’abattre les arbres de la liberté, on retira de terre le coussin des Saintes, et qu’on le porta comme en triomphe dans l’église où il fut replacé dans le mur comme auparavant. Mais l’allégresse publique sembla n’avoir plus de bornes à l’élévation des saints corps qu’on croyait perdus sans retour. Le 21 mai 1797, le sieur Molinier ayant déclaré ce qu’il avait fait, toutes les autorités se rendirent sur le lieu désigné, et on trouva enfermées dans la terre les saintes reliques, dans le même état que le sieur Molinier avait décrit aux administrateurs municipaux. Celles de Sainte Marie Salomé avaient été autrefois reconnues par Mgr de Mailly, archevêque d’Arles, et celles de Sainte Marie Jacobé, par un évêque de Saint-Paul-Trois-Châteaux, ainsi qu’on le lisait sur les attestations attachées aux deux paquets et munies des sceaux de ces deux prélats »
- chapitre 34, page 244 :
« Les précieux trésors reposent maintenant dans l’église de Notre-Dame de la Mer ; et la procession des pèlerins, commencée il y a dix-huit siècles [l’auteur écrit au 19 ième siècle], pour honorer les saintes amies du Sauveur, continue de les glorifier et d’implorer leurs faveurs : ce n’est pas en vain. L’histoire est pleine des miracles opérés dans ce lieu béni ».
2.9.5 La fête de Sainte Marthe le 29 juillet dans le Martyrologe Romain
Le « Martyrologe Romain » indique que Sainte Marthe est fêté le 29 juillet. Nous lisons à la page 218 :
« A Tarascon en Gaule, Sainte Marthe, vierge, hôtesse de notre Sauveur, et sœur de la bienheureuse Marie-Madeleine et de Saint Lazare ».
2.9.6 L’épisode de la Tarasque dans les écrits de Maria Valtorta
Jésus confirme à Maria Valtorta que Sainte Marthe a bien combattu une bête terrestre que l’on appelle communément « la tarasque », à la page 99 du livret « Prière » :
« Penses-tu que Marthe, qui a vaincu le dragon, ait tremblé plus que nous ? Non la souffrance est plus grande en nous. La bête féroce vaincue par Marthe était une bête vraiment féroce vaincue, mais une bête de la Terre ».
2.9.7 La fête de Saint Maximin le 8 juin dans le Martyrologe Romain
Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Maximin est fêté le 8 juin. Nous lisons à la page 193 :
« A Aix en France, Saint Maximin, premier évêque de cette ville, qu’on dit avoir été disciple du Seigneur ».
2.9.8 Marie Salomé et Marie Jacobé
Citons tout d’abord la Sainte Ecriture où l’on trouve le nom de « Salomé » seulement à deux reprises et uniquement dans l’Evangile de Saint Marc (à ne pas confondre avec la fille d’Hérode (Philippe) et d’Hérodiade de Mc 6,22, qui porte également le même nom selon l’historien Flavius Josèphe - Cf. note ‘a’ page 1871 de la Bible de Jérusalem - et qui demanda la tête de Saint Jean-Baptiste) :
- après la mort de Jésus, en Mc 15,40 :
« 38 Et le voile du Sanctuaire se déchira en deux, du haut en bas. 39 Voyant qu'il avait ainsi expiré, le centurion, qui se tenait en face de lui, s'écria: "Vraiment cet homme était fils de Dieu!" 40 Il y avait aussi des femmes qui regardaient à distance, entre autres Marie de Magdala, Marie mère de Jacques le petit et de Joset, et Salomé, 41 qui le suivaient et le servaient lorsqu'il était en Galilée; beaucoup d'autres encore qui étaient montées avec lui à Jérusalem ».
- après la résurrection, en Mc 16,1 :
« 1 Quand le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des aromates pour aller oindre le corps. 2 Et de grand matin, le premier jour de la semaine, elles vont à la tombe, le soleil s'étant levé ».
On peut toute de suite observer que les femmes dont il est ici question (Mc15,40) sont bien trois personnes distinctes : « Marie de Magdala », « Marie mère de Jacques le petit et de Joset », et «Salomé».
Du tome 1 de « Biographies Evangéliques » :
- extrait de la section intitulée « Les deux Maries », pages 229 à 247 :
- chapitre 4, page 229 :
« […] Nous allons esquisser la biographie de Marie mère de Jacques ou Marie Jacobé, et de Marie Salomé ».
- chapitre 5, page 229 :
« Comme nous l’avons vu en parlant des frères de Notre Seigneur, Marie Jacobé, c'est-à-dire mère de l’apôtre Saint Jacques le Mineur, avait épousé Cléophas ou Alphée, frère de Saint Joseph, époux de la Très Sainte Vierge Marie. De là vient que, dans l’Evangile, elle est appelée indistinctement Marie mère de Jacques, ou Marie femme de Cléophas. Belle-sœur de la Sainte Vierge, Marie de Cléophas eut quatre fils : les apôtres Saint Jacques le Mineur et Saint Jude, Joseph qui fut un des soixante-douze disciples, et Simon qui succéda à son frère Saint Jacques le Mineur, sur le siège épiscopal de Jérusalem ».
- chapitre 6, pages 229 et 230 :
« Sœur des quatre disciples dont nous venons de parler, Salomé était petite-nièce de Sainte Anne, par conséquent petite cousine de la Sainte Vierge. Elle avait épousé Zébédée, pêcheur de Bethsaïde, et elle était l’heureuse mère des deux apôtres Saint Jacques le Majeur et Saint Jean l’Evangéliste, qui se trouvaient aussi cousins au second degré de Notre Seigneur. C’est elle qui, forte de sa parenté et poussée par un sentiment d’ambition maternelle, avait, pour ses fils, demandé au Sauveur les deux premières places dans son royaume. On connaît la réponse du Fils de Dieu : ‘Vous ne savez pas ce que vous demandez’. Réponse immortelle qui tombe de tout son poids sur les parents avides, pour leurs enfants, de dignités et surtout de dignités ecclésiastiques »
- chapitre 7, page 230 :
« Quelques années après l’ascension de Notre-Seigneur, les deux saintes Marie Jacobé et Salomé furent, avec Lazare, ses sœurs et plusieurs autres, exposées sur une barque, qui aborda près de Marseille. En mourant, Notre-Seigneur avait le visage tourné vers l’Occident. Au témoignage des Pères, cette position mystérieuse annonçait que la lumière de la vérité brillerait sur l’Europe d’un éclat particulier. Dix-huit siècles justifient la consolante prédiction. Grâce à la persécution qui dispersa les chrétiens de Jérusalem, nos contrées ne tardèrent pas à recevoir le don de la foi ».
- chapitre 8, page 230 :
« Au nombre des premiers apôtres des Gaules, la tradition constante et appuyée sur tous les genres de preuves met la pieuse colonie dont faisaient partie Marie Jacobé et Salomé. Non seulement le nom de ces illustres apôtres, mais le lieu de leur débarquement, les reliques qu’ils apportaient avec eux, leurs travaux, leur mort et leur sépulture, furent connus de nos aïeux ».
- chapitre 9, pages 230 et 231 :
« En vain, une critique ignorante et partiale voulut, il y a quelques siècles, contester sur ce point nos titres de gloire. Les négations, les doutes, les préjugés ont disparu devant les faits mis au jour par la science moderne. Infatigable chercheuse, cette science a intérrogé les monuments primitifs, écrits en pierre ou sur parchemin ; et de ces archives incontestables elle a montré que la tradition sortait pure comme l’eau de la fontaine. La voici résumée par un ancien historien, très instruit et connaissant par lui-même les choses dont il parle, cet historien des Gervais de Tilbury, maréchal du royaume d’Arles à la fin du douzième siècle ».
- chapitre 10, page 231 :
« La province narbonnaise, dit-il, nous offre à l’endroit où le Rhône se jette dans la mer les îles Sticados nommées vulgairement les Camargues (1). ‘Là, sur le rivage de la mer, on voit la première des églises du continent qui ait été bâtie en l’honneur de Marie, la très Sainte Mère de Dieu, et consacrée par plusieurs des soixante-douze disciples, chassés de la Judée et exposés sur la mer dans une barque sans voiles. C’étaient Maximin, d’Aix, Lazare de Marseille, frère de Marthe et de Marie Madeleine, Eutrope d’Orange, Georges du Velay, Trophime d’Arles nne-Catherine Emmerick il y avait 3 hommes et 4 femmes : plus vraisemblablement Lazare, Maximin, Célidonius (l’aveugle né), Marie-Madeleine, Marthe, Marcelle et une autre servante. Cf. 6.1.11.11] ».
Note :
(1) : « On sait que la province romaine, appelée Narbonnaise, s’étendait, à partir d’Arles, du Rhône aux Pyrénées et comprenait tout le littoral de la Méditerranée ».
- chapitre 11, pages 231 et 232 :
« Sous l’autel de cette basilique, formé par les saints avec la terre pétrie, et couvert d’une petite table de marbre Paros, où est une inscription, il y a, selon une antique tradition pleine d’autorité, six têtes de corps saints, disposes en carré. Les autres membres de ces corps sont renfermés dans leurs tombeaux ; et on assure que de ce nombre sont les deux Maries qui, le premier jour après le Sabbat, vinrent avec des parfums, pour voir le tombeau du Sauveur. Tel est le récit de l’historien. Parce qu’il est du moyen âge, il n’a pu, comme on devait s’y attendre trouver grâce devant la critique moderne ; ou elle n’a pas connu son témoignage, ou elle n’en fait aucun cas : après avoir indiqué les quelques détails évangéliques concernant une de nos saintes, elle dit dédaigneusement : ‘C’est tout ce que l’Evangile nous apprend de Salomé, et ce que l’on ajoute de plus est apocryphe’ ».
- chapitre 12, page 232 :
« Comme tant d’autres, un pareil jugement est loin d’être sans appel. La révision n’en sera même pas difficile ; nous allons montrer que chaque affirmation de la croyance traditionnelle se vérifie par les faits. D’abord, le nom grec de Sticados donné, encore aux douzième siècle, aux Camargues, est une preuve que ce pays fut longtemps habité par des Grecs, dont la langue devint d’idiome vulgaire. C’est pour la même raison qu’au quatrième siècle le grec se parlait encore à Arles et dans les villes voisines ».
- chapitre 13, pages 232 et 233 :
« D’ailleurs chacun sait qu’une colonie phocéenne fonda la ville de Marseille, six cents ans avant Notre-Seigneur. Active, industrieuse, cette colonie s’étendit sur les côtes orientales et occidentales de la Méditerranée, pénétra dans l’intérieur des terres, bâtit Antibes, Nice, Agde et partagea le commerce maritime avec Carthage. Ses flottes allaient jusque dans l’Océan et quelques-unes dans la Baltique. Fidèle au culte des souvenirs, Marseille a perpétué ses antiques gloires dans l’inscription suivante qu’on lisait, naguère encore, sur le fronton de l’hôtel de ville : ‘Massilia Phocensium filia, Romae soror, Athenarum aemula, Carthaginis terror, Caesaris armis vix cessit : Marseille fille des Phocéens, sœur de Rome, rivale d’Athènes, terreur de Carthage, fut à peine vaincue par les armes de César ».
- chapitre 14, page 233 :
« Les camargues, ou, comme on dit plus communément aujourd’hui, la Camargue est un delta ou île d’environ quatre-vingts kilomètres de circuit. Elle est formée par le Rhône qui se divise en deux branches un peu au-dessous d’Arles, et par la Méditerranée où le fleuve se jette par différentes embouchures, appelées Gras, du mot latin gradus. La tradition affirme que l’endroit où abordèrent les saints apôtres de la Provence est dans le voisinage du Gras d’Orgon, non loin de la petite ville qui porte encore le nom des Saintes-Maries, ou celui de Notre-Dame de la Mer. Cette ville, qui fait aujourd’hui partie du département des Bouches-du-Rhône, est un chef-lieu de canton et compte à peine neuf cents habitants [au 19 ième siècle] ».
- chapitre 15, pages 233 et 234 :
« La tradition ajoute que, voulant rendre grâce à Dieu, qui les avait conduits par sa Providence, ces saints personnages lui élevèrent un autel de terre pétrie, parce que, sans doute, ils ne trouvèrent pas d’autres matériaux en ce lieu. Encore aujourd’hui, le voyageur peut s’assurer pas ses propres yeux de l’exactitude de ce simple détail, en visitant, dans la ville de Sainte-Marie, l’église de Notre-Dame de la Mer ».
- chapitre 17, pages 234 et 235 :
« Cet autel vénérable, qui a existé jusqu’à l’époque de la révolution française, avait été vu par tous les pèlerins et signalé par tous les histories de Notre-Dame de la Mer. La nature des matériaux était pour le savant évêque de Mende, Guillaume Durand, une preuve de sa haute antiquité. On sait que ce grand évêque fut légat du Pape Grégoire X, au concile de Lyon, en 1274. Dans son Rational des divins Offices, ouvrage destiné à tous les évêques du monde, il dit : « D’après la pratique universelle de l’Eglise, les autels doivent être de pierre. On lit cependant dans l’Exode que le Seigneur ordonna de faire un autel de bois de Céthim, qui est incorruptible. L’autel de Latran, à Rome, est aussi de bois ; et au comté de Provence, dans la ville de Sainte-Marie de la Mer, il y a un autel de terre, qu’élevèrent en ce lieu Marie Madeleine, Marthe, Marie Jacobé et Marie Salomé ».
- chapitre 19, pages 235 et 236 :
« Pour récompenser l’héroïque fidélité de ses amis, Dieu fit sourdre une source d’eau douce, qui existe encore, dans l’endroit même où ils s’étaient arrêtés, et où l’on ne trouvait jusque là que de l’eau salée. Ce prodige consolateur les détermina à convertir ce lieu en oratoire, qu’ils dédièrent en l’honneur de la bienheureuse Vierge Marie, leur très sainte belle sœur et auguste cousine. Telle fut la raison qui décida les saintes Marie Jacobé et Salomé à se fixer elles-mêmes dans ce lieu, en se construisant une cellule jointe à l’oratoire, tandis que les autres saints personnages de la troupe apostolique allèrent exercer leur zèle à Marseille, à Aix et ailleurs ».
- chapitre 22, page 237 :
« Non moins ancienne est la tradition touchant l’arrivée et la mort des Saintes Maries à Notre-Dame de la Mer. On en voit la preuve manifeste dans un petit groupe qui termine la crète du toit de l’église du côté du couchant, et qui représente les saintes Maries Jacobé et Salomé, par le type reçu dans le pays pour désigner des deux saintes : ce sont deux figures de femmes, placées dans une nacelle qui vogue sur la mer. On ne peut pas supposer que ce groupe ait été ajouté après coup : il est sculpté dans la masse même de cette bande, et l’état de dégradation où il est aujourd’hui vient de la vétusté, puisque, étant placé au-dessus de l’église et entièrement isolé, il n’a jamais été exposé à être mutilé par personne. Si donc les fractures qu’on y remarque viennent des injures de l’air, il faut conclure encore à l’antiquité des armes de la ville de Notre-Dame de la Mer. Elles se composent d’une barque, portant deux figures de femmes debout, avec cette légende : Navis in pelago ; la barque sur la mer ».
- chapitre 23, page 238 :
« L’Eglise des Saintes-Maries n’est pas seulement vénérable par son antiquité, elle l’est encore par les reliques qu’elle renferme. Sachant de la bouche même de Notre-Seigneur que la Palestine devait être bientôt dévastée, les saintes femmes avaient apporté avec elles, en partant de Jérusalem, trois têtes des Saints Innocents et une autre qu’on croit être celle de Saint Jacques. Il est certain, du moins, que trois têtes de petits enfants, et une autre plus considérable, furent déposées dans la terre avec les corps des saintes Maries, qu’on inhuma à côté de la source, dans l’oratoire dédié à la très Sainte Vierge, et où se trouvait l’autel dont nous avons parlé. Cette nouvelle affirmation de la tradition immémorable fut rendue incontestable, en l’an 1448, lorsque le roi René fit faire des fouilles dans l’église de Notre-Dame de la Mer. Jamais précautions plus minutieuses ne furent prises pour s’assurer du fait traditionnel. Jamais solennité plus grande que celle de l’élévation des saintes reliques ».
- chapitre 24, pages 238 et 239 :
« Le roi envoya aux Saintes-Maries le chevalier d’Arlatan, son chambellan, pour présider aux fouilles. La tranchée ouverte, les ouvriers rencontrèrent près du grand autel une certaine quantité de terre, entièrement différente de celle qu’on avait trouvée jusqu’alors, et, au milieu, un petit pilier de pierre blanche tout corrodé, qui portait la petite table en marbre, et que par inadvertance les travailleurs rompirent en plusieurs morceaux. En continuant la tranchée plus près de l’autel, ils découvrirent un corps humain qui avait les mains croisées sur la poitrine et qui répandait une très suave odeur ; puis, un autre corps environné de pierres minces appelées plaquettes ; enfin, près de l’oratoire placé au milieu de l’église, trois tête d’enfants et une tête d’homme, qui par leur position semblaient décrire la figure d’une croix ».
- chapitre 25, page 239 :
« Assuré d’avoir retrouvé les corps des saintes Maries, le roi désira donner à leur élévation le plus de solennité possible. Elle eut lieu trois mois après l’heureuse découverte, au mois de décembre 1448, en présence du roi René, du cardinal de Foix, légat du Saint-Siège, de douze archevêques et évêques, d’un grand nombre d’abbés, de professeurs en droit canonique et civil, de docteurs, de trois pronotaires apostoliques et de trois notaires publics. On découvrit exactement toutes les reliques indiquées par la tradition. Deux morceaux de marbre blanc furent trouvés sous les têtes des saintes : l’un sous celle de Sainte Marie Jacobé, avec cette inscription : HIC JACET SANCTA MARIA JACOBI ; l’autre sous celle de Sainte Marie Salomé avec ces mots : HIC JACET SANCTA MARIA SALOME ».
- chapitre 26, pages 239 et 240 :
« Le 3 décembre, jour d’impérissable mémoire, le roi, la reine avec leur cour, le légat et les prélats, suivis d’une multitude de peuple accourue de la Provence et d’ailleurs, se rendirent à l’église magnifiquement ornée. Le cardinal chanta pontificalement la messe des saintes Maries, assisté des évêques, des abbés et de tous les autres ecclésiastiques, revêtus de leurs ornements. Ensuite on distribua des flambeaux, et tout le clergé avec le roi allèrent en procession vénérer les saintes reliques, placées à terre le maître autel. Après quoi, le légat et les évêques de Marseille et de Conserans retirèrent les saints ossements, en essuyant la terre qui y était encore attachée, les lavèrent dans du vin blanc et les déposèrent dans une châsse double, faite en bois de cyprès, et revêtue en dehors en en dedans d’une riche étoffe de soie brochée d’or. On permit alors au peuple de venir les honorer ».
- chapitre 27, page 240 :
« Le lendemain, le légat plaça dans une châsse de bois de noyer, que le roi avait fait exécuter avec beaucoup d’art, les quatre têtes trouvées dans la chapelle des saintes, et déposa cette châsse dans la sacristie. Quant à celle qui renfermait les corps des saintes, il ordonna de la placer au-dessus de l’église dans la chapelle supérieure dite de Saint Michel. Elle y fut élevée solennellement en présence du roi, des prélats et de tout le peuple ».
- chapitre 30, pages 241 et 242 :
« Quoique séparée, en quelque sorte, du reste de la Provence, la petite ville de Notre-Dame de la Mer ne fut pas à l’abri de la tourmente qui à la fin du 18 ième siècle sembla devoir anéantir les reliques et le culte des Saints. La critique de la renaissance avait nié l’existence de nos saints apôtres, il était logique que la révolution, fille légitime de la renaisance, voulût faire disparaître leurs restes sacrés. Un insigne objet de vénération dans l’église des trois Maries était le coussin des saintes. C’était un des morceaux de marbre blanc qui, comme nous l’avons dit, fut trouvé sous la tête des saintes amies du Sauveur. Incrusté dans le mur de l’église et depuis plusieurs siècles couvert des pieux baisers de tant de milliers de pèlerins, cet objet sacré fut choisi par la révolution pour servir de pierre fondamentale à l’un des deux arbres de la liberté, qu’on planta dans le pays ».
- chapitre 31, page 242 :
« De plus, toute l’argenterie de l’église et notamment deux reliquaires en forme de bras, où se trouvaient enchâssées des reliques des Saints, furent transportés à Arles, pour être convertis en monnaie. Heureusement les corps des deux Saintes, étant alors enfermés dans une châsse en bois, ne pouvaient pas exciter la cupidité et furent négligés d’abord. Mais, comme il était aisé de prévoir qu’ils seraient infailliblement profanés, le sieur Antoine Abril, alors en possession de l’église des Saintes-Maries, désirant prévenir ce malheur, invita secrètement, pendant la nuit du 22 octobre 1793, un honnête homme du pays, Antoine Molinier, à l’accompagner dans l’église ; et là, l’un et l’autre ayant ouvert la châsse, ils en retirèrent les reliques des Saintes, qui formaient deux paquets distincts. Ils les enveloppèrent dans de la grosse toile et les cachèrent sous terre, dans le bûcher d’Antoine Molinier».
- chapitre 32, pages 242 et 243 :
« Enfin celui des administrateurs du district d’Arles, qui avait été chargé de transporter dans cette vile l’argenterie de Notre-Dame de la Mer, voulut apparemment sauver un des saints bras. Du moins, quelque temps après, une autre administrateur du district ayant fait ouvrir un tiroir dans un certain meuble qui avait été à l’usage de son collègue, y trouva le reliquaire renfermant encore la sainte relique. Ce précieux objet fut ensuite reporté à Notre-Dame de la Mer, dont la municipalité le remit, en 1797, en présence du peuple, à M. Joseph Barrachin, alors chargé de la conduite de cette paroisse. Les habitants reconnurent à l’unanimité l’identité de la relique, vénérée autrefois dans ce lieu. Ils signèrent un acte de cette reconnaissance qui fut certifié par le président de l’administration municipale. La joie du peuple se manifesta alors par des sanglots, et par le saint enthousiasme avec lequel on chanta la Te Deum ».
- chapitre 33, page 243 :
« Elle n’éclata pas avec moins de vivacité, lorsque la municipalité, ayant résolu d’abattre les arbres de la liberté, on retira de terre le coussin des Saintes, et qu’on le porta comme en triomphe dans l’église où il fut replacé dans le mur comme auparavant. Mais l’allégresse publique sembla n’avoir plus de bornes à l’élévation des saints corps qu’on croyait perdus sans retour. Le 21 mai 1797, le sieur Molinier ayant déclaré ce qu’il avait fait, toutes les autorités se rendirent sur le lieu désigné, et on trouva enfermées dans la terre les saintes reliques, dans le même état que le sieur Molinier avait décrit aux administrateurs municipaux. Celles de Sainte Marie Salomé avaient été autrefois reconnues par Mgr de Mailly, archevêque d’Arles, et celles de Sainte Marie Jacobé, par un évêque de Saint-Paul-Trois-Châteaux, ainsi qu’on le lisait sur les attestations attachées aux deux paquets et munies des sceaux de ces deux prélats »
- chapitre 34, page 244 :
« Les précieux trésors reposent maintenant dans l’église de Notre-Dame de la Mer ; et la procession des pèlerins, commencée il y a dix-huit siècles [l’auteur écrit au 19 ième siècle], pour honorer les saintes amies du Sauveur, continue de les glorifier et d’implorer leurs faveurs : ce n’est pas en vain. L’histoire est pleine des miracles opérés dans ce lieu béni ».
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Re: LA PREDILECTION ET LA MISSION DE LA FRANCE
2.9.9 Saint Célidonius ou Sidoine, l’aveugle-né
Du tome 1 de « Biographies Evangéliques » :
- chapitre 14, page 299 :
« L’Evangile a soin de nous apprendre que l’aveugle-né était un mendiant. Pourquoi de détail ? Il est facile de le comprendre. Le divin Rédempteur est le Dieu des pauvres. Pauvre lui-même, pour eux il a toujours montré de la préférence. Par cette conduite, où sa bonté et sa sagesse brillent du même éclat, il voulait réhabiliter la pauvreté, et rendre respectables les pauvres et les petits, objets de mépris dans le monde païen. C’est toute une révolution morale qu’il opérait ».
- chapitre 15, page 299 :
« Il fallait être pharisien, c'est-à-dire hypocrite et orgueilleux, pour lui faire un crime du miracle qu’il venait d’accomplir : cracher à terre, et faire un peu de boue avec un peu de terre détrempée dans la salive, n’était pas une violation du repos commandé par le Sabbat. Il était ridicule de le prétendre ; mais ces mêmes pharisiens qui s’arrêtèrent à ces minuties ne reculaient ni devant les plus noires calomnies, ni devant les persécutions et les complots sanguinaires, pour prendre celui dont la puissante parole démasquait leur hypocrisie. N’y a-t-il plus aujourd’hui de pharisiens ? ».
- chapitre 16, page 300 :
« La haine des pharisiens ne tarda pas à se manifester. Mis à bout par les réponses de l’aveugle, ils ne trouvèrent d’autre moyen de se venger qu’en le maudissant et en l’excommuniant. Notre-Seigneur l’ayant appris récompensa avec magnificence ordinaire celui qui l’avait si courageusement confessé. Il lui donna le don inestimable de la foi. Croyez-vous, lui dit-il, que je suis le Fils de Dieu ? A ces mots l’aveugle, guéri de la double cécité du corps et de l’âme, se prosterne et prononce ce Credo qui, accompagné de contrition et d’amour, le sanctifie en un instant ».
- chapitre 17, page 300 :
« La semence divine était tombée en bonne terre. L’heureux aveugle devint un saint et un apôtre. Voici ce que l’histoire nous apprend se sa vie et se son apostolat. Dans son catalogue des saints, le savant évêque d’Equilium, Pierre de Natalibus, s’exprime ainsi : ‘Ceddonius, ou Célidonius, fut cet aveugle de naissance, que Notre-Seigneur guérit, en mettant sur ses yeux de la boue faite avec sa salive. Plusieurs croient qu’il fut un des soixante douze disciples du Sauveur. Quoi qu’il en soit, il est certain, d’après les anciens monuments et les Actes des Apôtres, qu’il fut disciple du divin Maître ».
- chapitre 18, pages 300 et 301 :
« Baptisé par les Apôtres, après l’ascension du Seigneur, il s’attacha particulièrement à Saint Maximin. Jeté avec lui, ainsi qu’avec Lazare et ses sœurs, sur une barque sans pilote, sans gouvernail et sans voile, il fut explusé de la Judée. Dieu lui-même gouverna la fragile nacelle et la fit aborder aux côtes de Provence. Le pays converti, le bienheureux Lazare devint évêque de Marseille, et le bienheureux Maximin, d’Aix. Célidonius partagea le ministère du bienheureux Maximin, et fut son coadjuteur dans la prédication de l’évangile. Enfin, après une longue carrière il mourut paisiblement à Aix et fut enterré auprès de son maître ».
2.9.10 Des révélations d’Anne-Cathrine Emmerick
La version du texte présenté ci-dessous est une traduction plus large que celle figurant, pages 416 à 419 du tome 3 des « Visions » en ma possession (je mets entre crochets les passages qui ne figurent pas dans l’édition) :
« [J'ai eu une grande vision touchant Marie-Madeleine. J'ai vu encore cette fois, comme je l'avais toujours vu, que Marie-Madeleine la pécheresse et la femme qui versa trois fois des parfums sur Jésus sont une seule et même personne, soeur de Marthe et de Lazare.
Je l'ai vue d'abord à Béthanie dans la maison de Lazare qui était la plus grande et la plus belle de l'endroit : c'est la même que celle où j'ai vu le Seigneur prendre un repas avant d'aller pour la dernière fois à Jérusalem et où beaucoup de personnes mangèrent dans la cour et sous des galeries. Cette maison était un héritage que Lazare tenait de son père. Je vis cette nuit le frère et les deux soeurs vivant encore ensemble. Lazare et Marthe menaient une vie très simple et faisaient beaucoup d'aumônes : Madeleine au contraire vivait dans l'oisiveté et étalait un luxe scandaleux, ce qui leur donnait beaucoup de chagrin. Elle habitait à l'étage supérieur : elle avait deux suivantes et deux serviteurs. Je la vis extraordinairement occupée de sa toilette : elle cherchait toujours à attirer les regards du public et rougissait de son frère et de sa soeur. Elle avait un siège couvert de tapis qui ressemblait à un petit trône : elle le faisait porter sur le toit en terrasse de la maison et s'asseyait là en grande parure pour recevoir des visiteurs parmi lesquels étaient plusieurs hommes et plusieurs femmes de Jérusalem. Elle était grande et forte, avait des cheveux blonds très longs et très épais, de très belles mains et un très beau teint. Sa toilette était extraordinairement compliquée et surchargée d'ornements. Je la vis une fois assise sur cette plate-forme : elle avait sur la tète une coiffure garnie de perles et faite d'une étoffe d'un gris jaunâtre qui ressemblait à de la dentelle ; tout cela entremêlé de perles, d'objets brillants et de boucles de cheveux artistement frisés. Du haut de cette coiffure tombait par derrière jusqu'à terre un long voile transparent. Elle avait autour du cou une collerette très ouvragée dont les plis montaient jusqu'au menton. Sa poitrine était serrée dans une espèce de corset d'une étoffe luisante brochée de fleurs rouges et blanches : la jupe de même étoffe était plissée transversalement. Elle portait en outre une robe de dessus à fleurs d'or, qui ne fermait que sous la poitrine. Les manches froncées aux épaules, étaient attachées au-dessus et au-dessous du coude par de larges fermoirs de perles : enfin aux coudes et aux poignets pendaient de longs festons dont la couleur tirait sur le jaune et qui avaient l'air de dentelles. La robe avait une longue queue. Dans cet attirail qui lui permettait à peine de se mouvoir, Madeleine ; elle avait tout l'air d'une poupée]. Peu après l'ascension de Jésus-Christ, Madeleine s'était retirée dans le désert, un peu au delà de l'endroit où avait résidé Jean-Baptiste. Elle avait des vêtements qui l'enveloppaient tout entière. Plus tard elle s'enfonça plus avant dans une contrée sauvage, hérissée de rochers et vécut loin des hommes, dans une grotte où Elisabeth s’était retirée avec Jean-Baptiste, lors du mssacre des Innocents. Lazare se tenait caché le plus souvent et ne se montrait que la nuit. Trois ou quatre ans après l’Ascension, les apôtres se trouvèrent réunis ensemble à Jérusalem. Dès les premiers temps, ils avaient réglé tout ce qui a rapport au corps de l’Eglise. Alors éclata à Jérusalem une persécution contre Lazare et ses sœurs. Marthe et lui furent jetés en prison par les Juifs. Madeleine ayant voulu les visiter pendant la nuit, fut également arrêtée. Avec Lazare et ses deux sœurs furent aussi emmenés un jeune homme nommé Maximin, Marcelle, servante de Madeleine et la servante de Marthe. Ils étaient sept : trois hommes et quatre femmes. Après les avoir accablés de mauvais traitements, les Juifs les firent monter dans une méchante barque faisant eau de toutes parts, et n’ayant ni voiles, ni gouvernail. Elle fut amarrée à un grand vaisseau, qui l’abandonna après l’avoir remorquée en pleine mer : tandis que Lazare et ses compagnons priaient et chantaient des cantiques, je vis la barque aborder sur le rivage de la Gaule, dans un lieu où les vagues venaient baigner doucement la plage. Ils descendirent à terre, et abandonnèrent leur esquif à la merci des flots. Leur voyage s’était fait avec une vitesse miraculeuse. Je les vis arriver dans la grande ville de Massilia (1). On les laissa passer, et l’on se contenta de les regarder, sans leur faire aucun mal. On célébrait alors la fête d'une idole, et je vis les sept étrangers s'asseoir sur la place publique, sous le péristyle d'un temple. Ils demeurèrent là longtemps ; enfin Marthe la première adressa la Parole au peuple qui s’était rassemblé autour d'eux. Elle raconta les circonstances de leur voyage, et parla de Jésus avec beaucoup de vivacité et d’émotion. Bientôt la foule voulut les forcer à se retirer, et leur jeta des pierres, mais qui ne les atteignirent pas, et ils restèrent là tranquillement assis à la même place jusqu'au lendemain matin. Les autres aussi s'étaient mis à haranguer la multitude et plusieurs leur témoignaient de la sympathie. Le lendemain, je vis sortir d'un grand édifice qui me fit l'effet d'une maison de ville, des gens qui vinrent leur adresser diverses questions. Le troisième jour, on les conduisit à cette maison devant le magistrat. Je vis alors qu'on les sépara : les hommes restèrent près du magistrat et les femmes se rendirent dans une maison de la ville. On leur fit un bon accueil et on leur donna à manger. Je vis qu'ils prêchèrent l'Evangile là où ils allèrent et que le magistrat fit défendre par toute la ville de les molester en quoi que ce fût. Je vis aussi que bientôt beaucoup de personnes se firent baptiser par Lazare, dans un grand bassin qui se trouvait en face du temple, sur la place publique. Le premier magistrat, si je ne me trompe, fut du nombre des néophytes. Lazare en sa qualité d'évêque, continua à prêcher l'Évangile dans cette ville ; mais les autres la quittèrent bientôt. Madeleine se retira seule, loin de la ville, dans un désert ; elle demeurait dans une caverne preque inaccessible [la Sainte Baume] où elle se livrait à une rude pénitence. Je l’ai vu plusieurs fois, aller à moitié chemin de sa retraite, à la rencontre de Maximin qui lui apportait la sainte communion. Sa grotte était située dans une montagne sauvage dont les sommets faisaient de loin l’effet de deux tours penchées. La grotte était soutenue par des piliers naturels, et l’on voyait dans les parois des trous où l’on pouvait placer divers objets. Il s’y trouvait un autel de gazon surmonté d’une grande croix, formée naturellement par des branches qui avaient poussé là ; une couronne était suspendue au milieu. La couche de Madeleine n’était pas au milieu de la grotte, mais de côté, dans une paroi du rocher, où elle l’avait taillée elle-même. Il était difficile de la trouver. Elle mourut eu de temps avant Marthe, et je la vis étendue sur sa couche, couverte d’un vêtement de feuilles ; elle tenait une croix entre ses bras croisés sur la poitrine. Elle n’était pas maigre, et avait plutôt de l’embonpoint. Sa peau seulement s’était brunie et durcie par les intempéries de l’air. Je vis arriver deux ermites portant des bâtons entre lequels une grande couverture était assujéttie avec des cordes. Ils enveloppèrent décemment le saint corps et le portèrent assez loin de là au couvent de Marthe. J’ai vu une église bâtie par Saint Maximin au-dessus de la grotte. On y conservait des reliques de Madeleine : sa tête, à laquelle il manquaît une machoire, mais il restait encore un peu de chair d’un côté, un de ses bras, des cheveux, et une fiole avec de la terre. Marthe s’était rendue avec Marcelle et l'autre servante dans une contrée sauvage, au milieu de rochers où plusieurs femmes s’étaient construites de petites cabanes. C'étaient des captives que les habitants du pays avaient enlevées dans une guerre et qu'ils avaient établies là, en les soumettant à une surveillance particulière. Marthe et ses compagnes s'établirent dans leur voisinage et se construisirent d'abord de petites cabanes près des leurs. Plus tard, elles bâtirent un couvent et une église, composée seulement de quatre murs avec une toiture en branches tressées recouvertes de gazon. Elles convertirent d'abord les captives, dont plusieurs s'adjoignirent à elles. D'autres, au contraire, leur donnèrent beaucoup à souffrir, et par des dénonciations perfides attirèrent sur elles des persécutions de toute espèce de la part des habitants du pays. Il y avait dans le voisinage une ville qui s'appelait Aquae (2). Il devait y avoir là des sources d'eau chaude, car il s'élevait continuellement des masses de vapeur. Je vis Marthe au bord d'un fleuve très large, faire périr un monstre [la Tarasque] qui se tenait dans ce fleuve et qui faisait beaucoup de ravages. Elle lui jeta sa ceinture autour du cou en invoquant le nom du Seigneur, et l'étrangla. Le peuple l'acheva à coups de pierres et d'épieux. Je la vis souvent prêcher l'Évangile devant un nombreux auditoire, soit dans la plaine, soit au bord du fleuve. Elle avait coutume alors, avec l'aide de ses compagnes, de former avec des pierres une élévation sur laquelle elle montait. Elle s’acquittait de ce travail mieux qu'un maçon de profession, grâce à son activité et à son adresse extraordinaires. Un jour qu’elle prêchait au bord du fleuve, un jeune homme voulut le traverser à la nage, et s’y noya. Les habitants du pays l’accablèrent d’injures à ce sujet. Je père du jeune homme noyé retrouva son corps le lendemain, l'apporta devant Marthe, en présence d'une foule nombreuse, et lui dit qu'il croirait à son Dieu si elle ressuscitait son fils. Marthe, au nom de Jésus, lui ordonna de revenir à la vie : il ressuscita en effet, et se fit chrétien avec son père et beaucoup d’autres. Toutefois il y eut des gens qui traitèrent Marthe de magicienne et la persécutèrent. Maximin s'était établi dans le voisinage en qualité de prêtre ; il visitait Marthe et lui apportait la sainte communion. Par ses bonnes œuvres et par ses enseignements, Marthe travailla beaucoup à propager l'Evangile, et convertit un très grand nombre de personnes au christianisme ».
Notes :
(1) : « C’est le nom latin de Marseille. Tout ce récit du reste est confirmé par l’histoire et la tradition sur les saints lieux de Provence, tradition que les récents travaux de M. Faillon, sulpicien, viennent de raviver en France, et qui ne pouvait certainement être connue de la sœur morte en 1824 ».
(2) : « Aquae Sextae, aujourd'hui Aix, ancienne ville de bains d’eaux thermales ».
On peut donner au moins encore une autre confirmation de l’authenticité de la tradition provençale, car Anne-Catherine Emmerichavait également la grâce de reconnaître les reliques qu’on lui apportait.
Un jour, elle reconnu deux d’entres elles comme ayant appartenu à Marie Madeleine et à Marthe, qui avaient été ramenées par des pèlerins qui s’étaient rendus sur les tombeaux de Marthe (à Tarascon) et de Marie Madeleine (à Saint-Maximin) en France.
A la page 285 du tome 3 de la « Vie d’Anne-Catherine Emmerich » nous lisons qu’un jour, en soirée, un pèlerin lui apporte un petit paquet qu’il avait préalablement ouvert où étaient insrits ces mots « Du vêtement d’un saint » et le récit de poursuivre : « il s’y trouva aussi un ossement et un petite inscription. Il ne pouvait pas s’imaginer, vu l’obscurité et la petitesse des objets, qu’Anne Catherine eût remarqué l’ouverture du paquet ; mais elle lui cria tout à coup : « Ne perdez pas l’inscription ! Elle dit vrai ! Elle luit ! ». Le pèlerin lui présenta alors le fragment d’ossement et elle tomba subitement en contemplation. Revenue à elle, elle dit : « J’ai voyagé bien loin, j’ai été à Béthanie, à Jérusalem et en France. C’est un ossement de Sainte Marthe, l’habit est de Sainte Madeleine, il est bleu avec des fleurs jaunes et mêlé de vert. C’est un reste du temps de ses vanités mondaines. Elle le portait encore sous un manteau de deuil lors de la résurrection de Lazare, lorsque ses sœurs et lui partirent pour la France. De pieux amis en ont pris quelque chose comme souvenir. Des gens qui étaient allés en pèlerinage à leur tombeau en France ont enveloppé dedans la relique, et il croyaient que l’un et l’autre était de Madeleine, mais le morceau de vêtement seul vient d’elle, l’ossement est de Marthe ». Lorsque le pèlerin examina l’inscription, il y lut en effet : Sancta Maria Magdalena ».
2.9.11 Zachée
Du « Guide de la France religieuse et mystique » :
- extrait de la page 597 :
« Une longue tradition, confirmée par une bulle du Pape Martin V en 1427, fait remonter l’origine de Rocamadour au 1 er siècle de l’Eglise. L’ermite qui a donné son nom au rocher ne serait autre que le publicain Zachée, de Jéricho, qui reçut, comme le rapporte Saint Luc, la visite de Jésus. Il aurait été également le mari de Véronique, celle qui essuya la face du Christ lors de la montée au Calvaire. Le véritable nom d’Amadour était peut-être, en arabe, Amab-Aour, surnommé Zaccaï (le Juste) à cause de l’hospitalité qu’il avait offerte à Jésus [les explications données à ce sujet, au tome 1 de « Biographies Evangéliques », semblent plus plausibles]. Zachée et Véronique seraient venus en Gaule avec Saint Martial (de Limoge) par le détroit de Gibraltar et auraient débarqué à Soulac. Après la mort de son épouse, Zachée, désireux de solitude, remonta la vallée de la Dordogne et se fixa au milieu du val d’Alzou, sur le territoire des Cadurques. Il y mourut, après avoir élevé à la Vierge, dans une grotte, un autel que Saint Martial vint lui-même consacrer ».
Du tome 37 de « Revue contemporaine » (1864) :
- extrait du chapitre 18, page 495 :
« Au temps où il apportait aux hommes la bonne nouvelle, Notre- Seigneur Jésus-Christ avait un disciple nommé Zachée celui qui, étant de petite taille et perdu dans la foule, monta sur un figuier pour le mieux voir. Après le crucifiement du Sauveur, Zachée s'attacha à sa divine mère, ne l'abandonna pas à sa mort et vit sa glorieuse assomption. Quand vinrent les temps d'épreuve, alors que Saul, depuis l'apôtre fervent, assistait au martyre de Saint Etienne et gardait les manteaux des bourreaux, la Vierge apparut à Zachée, Elle lui ordonna de fuir avec sa femme Véronique. Ils s'embarquèrent dans une nacelle, s'abandonnant au souffle de Dieu. Le frêle esquif traversa la Méditerranée, entra dans l'Océan, et toucha terre sur la côte d'Aquitaine, au lieu appelé aujourd'hui le Pas de Graves.
Or, un peu auparavant, sous le règne de Claude, Saint Pierre ayant déjà établi son siège à Rome, était venu en Aquitaine et en Quercy, Saint Martial, qui allait prêchant et convertissant. L'apôtre des Gaules envoya Zachée à Rome rendre compte à Saint Pierre du succès de ses prédications. Peu de temps après son retour, Zachée perdit sa femme Véronique. Pris du mal divin de la solitude, il chercha un lieu désert où il pût se consacrer tout entier au Seigneur. Il remonta l'Aquitaine, entra eu Quercy, et fixa sa demeure dans une gorge sauvage pleine de bêtes féroces, qu'il chassa par ses prières. Là, il prit ou reçut le nom d'Amadour, l'amant de la solitude. ll bâtit un oratoire qui s'appela Rocamadour du rocher où il s'appuyait, que Saint Martial bénit, qui fut dédié à la Vierge, et où elle a fait bien des miracles ».
Du tome 1 de « Biographies Evangéliques » :
- chapitre 10, page 306 :
« Avec Notre-Seigneur entra le salut dans la maison de Zachée. Baptisé plus tard par Saint Pierre, avec Joseph d’Arimathie, il devint un des disciples les plus fidèles de son Rédempteur. Sa femme Bérénice ou Vérénice, dont on a fait Véronique, imita courageusement son exemple. Après l’Ascension de Notre-Seigneur et la persécution qui dans la personne de Saint Etienne donna à l’Eglise son premier martyr, et dispersa au loin les chrétiens de Jérusalem, Zachée et sa femme quittèrent l’Orient. Avec Saint Pierre et Saint Martial, un des soixante-douze disciples, ils partirent pour Rome. L’histoire fixe leur voyage vers l’an 42 de Notre-Seigneur, la seconde année du règne de Claude ».
- chapitre 11, pages 306 et 307 :
« Après un séjour d’environ un an, Martial reçut ordre de Saint Pierre, de se rendre dans l’Aquitaine, une des grandes provinces de l’ancienne Gaule, et partit incontinent avec deux prêtres, Alpinianus et Austriclinianus, Zachée et sa femme Bérénice. On croit que la sainte colonie aborda sur la côte de Médoc, au lieu appelé ‘Pas de Grave’. Zachée et sa femme s’établirent aux environs, tandis que Martial et ses compagnons s’avancèrent dans l’intérieur des terres. Les vertus de ces deux étrangers ne tardèrent pas à leur concilier la vénération des peuples. A leurs voix plusieurs personnes embrassèrent la foi, entre autres un personnage important, à qui Saint Martial vint conférer le baptême. C’est alors que l’apôtre de l’Aquitaine ordonna à Zachée d’aller à Rome, pour rendre compte à Saint Piere du succès de leur commune prédication. Zachée obéit et demeura deux ans à Rome, auprès de Saint Pierre dont il vit le martyre ».
- chapitre 12, page 307 :
« Sa mission accomplie, Zachée vint retrouver dans les Gaules Saint Martial, apportant des reliques d’un prix inestimable. C’étaient un linge de la Sainte Vierge, du sang de Saint Etienne et de Saint Pierre. Bien qu’il n’ait pas péri par le glaive, comme Saint Paul, le prince des apôtres avait versé son sang pour son divin Maître. Sans parler du crucifiement la tête en bas, inévitablement accompagné d’hémorrhagie, il avait subi la flagellation que la loi romaine infligeait aux condamnés à mort. Rome conserve aujourd’hui dans l’église de Sainte-Marie la colonne à laquelle il fut attaché pendant ce cruel supplice ».
- chapitre 13, page 308 :
« Cependant Bérénice était allée recevoir dans le ciel la récompense de ses vertus et de son héroïque courage. Dégagé de tous les liens terrestres, Zachée résolut de finir sa vie dans la solitude. Cette pensée le conduisit au pays des Cadures, aujourd’hui le Quercy. Ravagé par César, dont la barbarie s’était signalée en faisant couper le poing à deux mille braves, coupables d’avoir courageusement défendu leur ville d’Uxellodunum, le pays se relevait à peine de ses ruines. Plusieurs parties étaient encore inhabitées. Zachée choisit pour retraite une vallée profonde, remplie de bêtes féroces qu’il chassa par ses prières. C’est ainsi qu’onze cents ans plus tard un autre civilisateur des Gaules, Saint Bernard, purgea des voleurs la Vallée d’absinthe, et en fit Clairvaux, la Vallée de lumière. Zachée bâtit en ce lieu, en l’honneur de la Sainte Vierge, une chapelle qui fut dédiée par Saint Martial ».
- chapitre 14, pages 308 et 309 :
« Plein de jours et de mérites, Zachée mourut dans sa chère solitude, devenue si célèbre sous le nom de Rocamadour. Le 20 août, dit le Martyrologe des Gaules, au territoire de Cahors, la fête de Saint Amateur, confesseur, lequel de disciple de Saint Martial étant devenu prédicateur évangélique, enseigna plus pleinement les Querciens, que son maître avait déjà convertis à la foi de Jésus-Christ, et étant célèbre en sainteté reposa dans le Seigneur. Son corps, après sa mort, se conserva plusieurs siècles tout entier en chair et en os, et étant jeté dans les flammes par les Calvinistes ne put jamais être consumé par icelles ».
- chapitre 15, page 309 :
« Ce passage du martyrologe demande quelques éclaircissements. Nous les donnons d’autant plus volontiers, qu’ils confirment toute l’histoire de Zachée. D’abord, au lieu de dire la fête de Saint Zachée, le martyrologe dit la fête de Saint Amateur. Pourquoi ce changement de nom, et Amateur est-il bien Zachée, le Zachée de l’Evangile ? Tout le monde sait que parmi les disciples, et même les apôtres de Notre-Seigneur, plusieurs changèrent leurs noms hébreux en noms grecs ou romains. Aux exemples que nous avons donnés dans la vie de Nathanaël on peut ajouter celui de Simon le Lépreux qui prit le nom de Julien, Julianus, et de plusieurs autres disciples. Ce changement, disent les anciens historiens, fut par eux concerté, afin que les gentils, qui abhoraient les Juifs, se rebutassent moins de leurs personnes et de la réception de l’Evangile ».
- chapitre 16, pages 309 et 310 :
« Que Zachée fut le nom propre, le vrai nom, le nom hébreu de Saint Amateur ou Amadour, cela se prouve, dit Bertrand de la Tour, par la plus ancienne et plus constante tradition. Il a raison. Toutes les arguties de l’hypercritique, qui se croit d’autant plus habile qu’elle est plus dédaigneuse, viendront toujours se briser contre une tradition immémoriale, burinée plus solidement que le marbre, dans la mémoire des peuples du Quercy. Elle était perpétuée à Rocamadour : 1° par une très vieille planche de vélin, attachée au mur de l’oatoire du bienheureux. Le peuple qui se succéda de génération en génération à cet oratoire, creusé dans le roc, donna le nom d’amadour du roc, rupis amator, et en langue vulgaire Rocamadour, à Zachée amateur de ce rocher ; et le sien propre fut supprimé par l’usage ordinaire. 2° Par la liturgie. Jusqu’à la suppression de leur chapitre, les chanoines de Rocamadour chantaient, le 20 août, fête de Saint Amateur, l’Evangile de Zachée, pour témoigner de l’identité de l’un et de l’autre, et de la créance invariable reçue de leurs ancêtres ».
- chapitre 17, pages 310 et 311 :
« 3° Enfin, par un monument qui ne souffre pas de discusion. Nous parlions de la bulle donnée avec indulgence, en faveur de la chapelle de Rocamadour, par le Pape Martin V, l’an 10 de son pontificat, c'est-à-dire en 1427. ‘Martin, serviteur des serviteurs de Dieu, par le témoignage de notre illustre fils en Jésus-Christ, Charles, roi de France, nous avons appris que la chapelle de la glorieuse Vierge Marie, à Rocamadour, diocèse de Cahors, a été construite dès les premiers jours du christianisme, par Zachée, disciple de notre Sauveur, appelé aujourd’hui Amateur, dont le corps, comme on nous l’écrit, y repose entouré de vénération ; que cette chapelle construite en l’honneur et sous le vocable de la glorieuse Vierge a été dédiée par Saint Martial ; qu’elle est merveilleusement riche de reliques et de joyaux de la Sainte Vierge, puissante cause de dévotion ; en sorte que, dès l’antiquité, une multitude de fidèles, des différentes parties du monde, ont coutume de s’y rendre, bien que dans les derniers temps, à cause des guerres et des pertes dont ces pays ont été affligés, l’accès désiré à la dite chapelle n’ait pas été libre, etc.’. Ce roi est Charles VII. Ainsi, ce prince, aux prises avec les Anglais qui lui disputaient le dernier lambau de son royaume, n’oubliait pas d’appeler à son aide un des puissants protecteurs de la France ».
- chapitre 18, pages 311 et 312 :
« De ce monument pontifical, il résulte que cette chapelle de Rocamadour remonte au commencement du christianisme ; qu’elle a été construite par Zachée ; que Zachée est le même qu’Amadour ; que Zachée a été disciple de Notre-Seigneur ; que son corps repose dans cette chapelle ; que cette chapelle a été dédiée par Saint Martial, par conséquent quelques années à peine après l’ascension de Notre-Seigneur ; enfin, que dès la plus haute antiquité Rocamadour a été un pèlerinage célèbre dans le monde entier et très fréquenté ».
- chapitre 19, page 312 :
« La Bulle affirme que le corps de Zachée reposait à Roamadour. Ce qui était vrai au temps du Pape Martin V n l’est plus aujourd’hui, si ce n’est en partie. Voici l’histoire de ce changement déplorable. Fils du paganisme renaisant, et animé de la haine implacable de son père, le protestantisme avait envahi nos provinces méridionales. En 1562, le 3 septembre, les Calvinistes conduits par le capitaine Bessonie et le colonel Duras, avec six cents chevaux et plusieurs hommes de pied, s’emparèrent de Rocamadour, et y firent un tel ravage, notamment aux choses saintes, que depuis on ne les a pu réparer ».
- chapitre 20, pages 312 et 313 :
« Ils brûlèrent les croix, les images, celle de Notre-Dame fut sauvée. Les cloches furent fondues. Les chasubles et les autres ornements emportés, à la valeur de 15,000 livres. Le corps de Zachée, qui depuis quinze cents ans était resté si entier que, selon Guillaume de la Croix, annaliste des évêques de Cahors, on disait en proverbe : Cela est entier ou en chair et en os, comme le corps de Saint Amadour, ce corps si vénérable fut tronçonné et taillé en pièces par ces sacrilèges. Enfin ils le jetèrent dans les flammes qui respectèrent le saint et ne lui firent aucun mal. ‘De quoi ces impies enrageant le dépecaient de leurs hallebardes. Les os du saint qui restèrent de ce débris sont à présent gardés en la paroisse de Rocamadour, où je les ai vus noircis de flammes, mais entiers. Un vieillard vénérable, témoin oculaire de cette tragédie, rapportait que le corps du saint, qu’il avait vu tout entier, était fort petit ».
- chapitre 21, page 313 :
« Ce simple détail a son importance : il confirme le récit évangélique, inconnu peut-être du bon vieillard, et qui donne à Zachée une taille au-dessous de la moyenne. Le même témoin déposa qu’on voyait encore sur le visage du saint les poils et la barbe. Le père Odo de Gissey avait vu lui-même un bras du bienheureux avec une partie de la main. On y remarquait un doigt brisé, où paraissait du sang aussi vermeil qu’il pourrait être dans un corps fraîchement entamé ».
- chapitre 22, page 313 :
« Sœur du protestantisme et, comme lui, fille de la renaissance païenne, la Révolution de 93 attaqua de nouveau Rocamadour et profana les restes sacrés du bienheureux disciple de Notre-Seigneur. Aujourd’hui il ne reste plus que deux reliquaires, dans l’un desquels on voit des ossements à moitié consumés par le feu et mêlés à une poussière semblable à une cendre noire. L’autre contient des ossements que le feu n’a pas même endommagés. Le taffetas qui enveloppait le foie est encore empreint de marques sanglantes. Le foie même, loin d’être corrompu, conserve l’élasticité d’une chair vivante ».
- chapitre 23, pages 313 et 314 :
« Malgré ces dévastations successives, Rocamadour n’a pas cessé d’être, après comme avant, un des pèlerinages les plus célèbres de l’Europe méridionale : un volume entier ne suffirait pas à contenir les noms des personnages illustres des différents pays, savants, magistrats, princes de l’Eglise et princes du siècle, qui sont venus, de génération en génération, visiter ce sanctuaire, source intarissable de faveurs miraculeuses ».
- chapitre 24, page 314 :
« Entre tous ces pélerins, contentons-nous de citer le brave des braves, le type légendaire des chevaliers, Roland. En l’année 778, passant dans le Quercy avec son oncle, Charlemagne, il vint offrir à Notre-Dame de Rocamadour un don d’argent du poids de son bracmar, ou épée. Après la glorieuse mort de Roland, ce bracmar fut porté à Rocamadour, ainsi que le témoigne un de nos anciens historiens. Roland, dit-il, fut occis par les Gascons, dans les détroits des Pyrénées. Charlemagne, honorant la mémoire de ceux qu’il avait chéris pendant leur vie, fit rechercher les corps des seigneurs de marque, occis par les Gascons, lesquelsil fit porter à Bordeaux. Une partie d’iceux furent inhumés, aucuns au bourg de Belin, à huit lieues de la même ville, et Roland en l’église Saint-Romain de Blaye ».
- chapitre 25, pages 314 et 315 :
« L’on tient par la tradition, sur les lieux, que l’épée de Roland fut mise au-dessus de sa tombe, et sa trompe d’ivoire à ses pieds, laquelle a été traduite en l’église collégiale de Saint-Sernin-les-Bordeaux, et son épée à Rocamadour en Quercy. Le bracmar ayant été perdu dans les désordres des guerres suivantes, on y substitua une lourde barre de fer, appelée l’Epée de Roland, sans doute pour montrer par là combien était considérable le présent de ce guerrier. Ajoutons, en finissant, que Rocamadour, avec sa profonde vallée, ses rochers à pic, son église à laquelle on monte par deux cents marches d’escalier, est un des sites les plus pittoresques de France, et que son sanctuaire relevé de ses ruines est aujourd’hui plus que jamais visité par d’innombrables pèlerins. C’est ainsi que le christianisme imprime à tout ce qu’il touche le cachet de l’immortalité ».
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Re: LA PREDILECTION ET LA MISSION DE LA FRANCE
2.9.12 Saint Paul
Des « Recherches sur les origines des Eglises de Reims », pages 47 à 49 :
« [L’apôtre Paul], d’après le témoignage de Saint Hippolyte (Cf. « Opuscul. de duodecim apostol. » Bibliotech. Veterum Patrum. tome 3, page 265), de Saint Athanase (Cf. « Epistola ad Dracontium » ed. Bened. tome 1, page 263), de Saint Epiphane (Cf. « Adversus Haereseos » lib. 1 Haeres 27, édition Petav. tome 1, page 167), de Saint Jean Chrysostome (Cf. « Math ». Homil. 75 ed. Bened. tome 7 page 725), de Théodoret (Cf. « Epist. » 11 ad Timoth. dernier chapitre), de Saint Cyrille (Cf. Catech. 17 Bibl. Vet. Pat. tome 4, page 510), se rendit en Espagne après sa première arrivée à Rome (Cf. Rm 15,24.28). « Je vous verrai en passant, lorsque je me rendrai en Espagne ». Le Pape Saint Clément écrivait de Rome aux habitants de Corinthe, que Saint Paul, le héraut de l’Evangile dans le monde entier, a prêché la justice à toute la terre, et c’est transporté jusqu’aux dernières limites de l’Occident (Cf. Epist. 1 chapitre 5 de Saint Clément aux Corinthiens, dont voici le texte latin : « Praeco factus in Oriente ac Occidente, eximium fidei decus accepit : totum mundum docens justitiam, et ad Occidentis terminum veniens »). Saint Jérôme nous dit dans son livre des écrivains ecclésiastiques : « Il faut savoir que lors de la première défense que Saint Paul présenta de sa cause, l’empire de Néron n’étant pas encore affermi, et ce prince ne se laissant pas encore aller à ces crimes que lui reproche l’histoire, l’apôtre fut mis en liberté par lui, afin que l’Evangile fût prêché dans le pays de l’Occident, comme Paul l’écrit lui-même dans sa seconde épître à Timothée » (Cf. « De viris Illustr. » 105, dont voici le texte latin : « Sciendun autem in prima satisfactione, nec dum Neronis imperio roborato, nec in tanta erumpente scelera quanta de eo narrant historiae, Paulum a Nerone dimissum ut Evangelium Christi in Occidentis quoque partibus praedicaretur, sicut ipse scribit in secunda Epistola ad Timotheum »). Et dans un autre passage, ce père s’écrie encore : « Appelé par le Seigneur, Saint Paul parcourut toute la surface de la terre et il prêcha l’Evangile depuis Jérusalem jusqu’en Illyrie, et de là jusqu’en Espagne : il fournit sa course depuis la mer Rouge, ou plutôt depuis la mer Rouge, ou plutôt depuis un Océan jusqu’à l’autre Océan, imitant son maître et le soleil de justice dont il est écrit : « Il part d’une extrémité du ciel et il arrive jusqu’à l’autre extrémité du ciel » en sorte que la terre manqua sous ses pas avant que l’ardeur de la publication ne fît défaillance à son zèle (Cf. « Amos » chapitre 5, tome 25, page 1043 et 1044 dont voici le texte latin : « Qui, vocatus a Domino, effusus est super faciem universae terrae, ut praedicaret Evangelium de Jerosolymis usque ad Illyricum, et aedificaret non super ulterius fundamentum, ubi jam fuerat praedicatum ; sed usque ad Hispanias tenderet, et a Mari Rubro, imo ab Oceano usque ad Oceanum curreret : imitans Dominum suum et solem justitiae de quo ad summum ejus ut ante eum terra deficeret, quam studium praedicanti ». Mais Saint Paul, en se rendant de Rome en Espagne, a suivi cette voie qui allait d’Italie dans la Bétique, et qui, traversant les Gaules, passait par Nice, Arles, Narbonne, Barcelonne…On admettra difficilement, par conséquent, que Saint Paul, si ardent à convertir les infidèles, ait parcouru la Province romaine, latine par les mœurs et le langage, sans laisser derrière lui des ouvriers évangéliques. Ainsi, sans nous occuper du voyage possible de Saint Pierre dans la grande Bretagne, voici trois apôtres, Saint Luc, Saint Philippe et Saint Paul, qui ont traversé la Gaule et qui y ont installé leurs disciples [Voir les paraphes suivants] ».
De l’« Evangélisation Apostolique du Globe » par Mgr Jean-Joseph Gaume, chapitre 15 « Evangélisation apostolique des Gaules en particulier », page 117 :
« Saint Denys arrive en Provence avec sa chère troupe qui venait de Rome, d’Asie, de Grèce et de Palestine, pour déraciner l’idolatrie et prêcher l’évangile en Gaule. A Arles, il apprit l’état de l’Eglise, les mœurs et les enseignements que son maître Saint Paul avait donnés aux habitants de cette ville. Il y laissa Regulus ou Rieul pour gouverner cette église qui n’avait point de pasteur, Trophime étant déjà décédée. Lui-même continua son chemin et dispersa ses disciples selon le besoin(Cf. Taraud « De l’état des Gaules » ; « Vie de Saint Martial, par le P. Bonnaventure de Saint-Amable, 1° partie, livre VI, chapitre 5 ; « Chronique de Verdun », par Hugues de Flavigny ; « Annales d’Avignon », par Bordein, archevêque de cette ville ; Dupleix « Histoire de Clovis » ; Gabriel du Préau « Histoire de Pépin » ; Pamelius dans Tertulien, livre « Adv. Judaeos », chapitre 7, etc. ».
2.9.13 Saint Luc
Des « Recherches sur les origines des Eglises de Reims », page 45 :
« Saint Epiphane, né vers 310 et mort en 403, nous apprend que Saint Luc, en se séparant de Saint Paul, son maître, parcourut, par l’ordre de celui-ci, la Dalmatie, les Gaules, l’Italie, la Macédoine, et qu’il s’attacha à y répandre les principes de la Foi ». L’auteur souligne ensuite l’orthodoxie de Saint Epiphane rappelant, page 46, que « le docteur Saint Epiphane a été mêlé d’une manière intime aux luttes théologiques de son temps ; il est allé à Antioche, à Constantinople combattre l’hérésie ; il s’est abreuvé à toutes les sources du Christianisme, et a eu entre les mains des ouvrages que nous n’avons plus, et notamment celui d’Hégéssippe, qui vivait de l’an 100 à 180, et qui avait écrit sous le titre de commentaire sur les actes des apôtres, une véritable histoire de l’Eglise ». En note, nous est précisé à ce sujet que « l’ouvrage d’Hegesippe existait dans toute son intégrité du temps d’Eusèbe, de Saint Jérôme et de Georges le Syncelle, qui écrivit de 700 à 800, et qui cite dans sa chronographie d’autres passages d’Hégésippe que ceux qu’à produits Eusèbe ».
2.9.14 Saint Philippe
Des « Recherches sur les origines des Eglises de Reims », page 44 :
« Saint Isidore de Séville qui vivait sur la fin du 5 ième siècle et au commencement du 6 ième siècle, nous dit : Philippe a prêché le Christ au Gaulois, et conduit à la lumière de la science et au port de la Foi, les nations barbares voisines des ténèbres et perdues dans l’océan agité (Cf. page 74 de l’ouvrage en langue latine « De vita et morte sanctorum » dont le texte original est le suivant : « Philippus Gallis praedicat Christum, barbarasque gentes, vicinasque tenebris et tumenti Oceano conjunctas ad scientiae lucem fideique portum deducit »)
Concernant Saint Isidore de Séville, exactement la même source est citée à la page 165 du tome 5 des « Petits Bollandistes », ouvrage de référence sur la vie des saints, depuis le 19 ième siècle, dans lequel nous lisons :
« Après l'ascension du Fils de Dieu et la descente du Saint-Esprit, les Apôtres se partageant les diverses provinces du monde, l'Asie supérieure fut le lot de Saint Philippe. Il alla porter la doctrine de l'Evangile, qu'il confirma par la force de plusieurs miracles guérissant les malades et chassant les démons des corps des possédés par l'imposition de ses mains. Il passa ensuite en Scythie, où il employa plusieurs années à convertir les idolâtres. Saint Isidore a dit qu'il a aussi prêché aux Gaulois »
Au bas de la page 165 du même ouvrage, nous est présenté une note très pertinente, faisant état de nombreuses autres sources documentaires concernant l’apostolat de l’Apôtre Saint Philippe en Gaule, complémentaires à celle de Saint Isidore de Séville :
« Le fait de la venue de Saint Philippe dans la partie des Gaules bordée par l’Océan est certain, d’après Saint Isidore de Séville, dans son livre « De la naissance, de la vie et de la mort des Saints » ; d’après l’ancien Bréviaire de Tolède ; d’après Fréculphe, 1.II,c.4 ; d’après Saint Julien, évêque de Tolède, au 7 ième siècle, in « comment. In proph. Nahum » ; « Philippus Galliam (J.-C. pertulit) » apud Boll. 25 julii, page 86 ; d’après Sant Beatus, prêtre, au 8 ième siècle, ibid., page 89 ; d’après la « Chronique » de Lucius Dexter, ami de Saint Jérôme, qui dit, ad ann. 34 J.-C : « Philoppo (contigit) Scythia et Gallia » ; d’après Bède, in « Collectaneis » ; et Florus, in « Martyrologio » ; d’après le livre qui traite « de festis Apostolorum » et qui se trouve dans l’ancien martyrologe MS. de Saint Jérôme ; d’après Guillaume de Malmesburg, dans son livre « de antiquitate Glastoniensis Ecclesiae », inséré dans le recueil publié par Gale : « Historiae Anglicae Scriptores guindecim », Oxford, 1691, in-fol, tome 1, page 292. Jusqu’à présent, les adversaires de cette tradition n’ont donné que des preuves négatives qui ne prouvent rien ».
2.9.15 L’Envoi en Gaule de disciples par l’apôtre Saint Pierre
2.9.15.1 L’organisation de l’activité missionnaire
Des « Recherches sur les origines des Eglises de Reims », page 45 :
« On se figure généralement que les missionnaires envoyés par les apôtres sont partis de Rome sans but, marchant au hasard, guidés seulement par l’inspiration divine. C’est là une erreur profonde. Quand on réunit les actes de plusieurs des premiers prédicateurs de l’Evangile, on remarque dès l’abord que ces saints missionnaires obéissaient à une direction unique, qu’ils agissaient suivant une plan bien arrêté, conçu par Saint Pierre et développé par ses successeurs, Saint Clément et saint Anaclet. Du jour où le prince des apôtres a été choisi comme la pierre fondamentale sur laquelle repose l’Eglise, de ce jour a éclaté cette unité de vues, de principes, qui n’a jamais varié ni fléchi depuis 1800 ans [à l’époque de l’écriture de l’ouvrage]. Le vaisseau de la Foi a eu à lutter contre bien des tempêtes ; les nautoniers qui le guidaient ont été parfois peu habiles, et cependant il n’a jamais dévié de la route que lui avaient indiqué les apôtres. Ce n’est certes pas là la moindre preuve de la divinité de l’origine de l’Eglise ».
Toujours dans le même ouvrage, de la page 49 à la page 52 nous est esquissé le mandat qui fut donné à Saint Crescent disciple de l’apôtre Saint Paul (Cf. 2 Tm 4,10), l’importance de sa charge, ainsi que les diverses traditions liées à son apostolat :
« On peut dire, en un mot, que Saint Crescent, leur disciple [en référence également aux apôtres Saint Philippe et Saint Luc], a été chargé de diriger les missionnaires qui devaient évangéliser l’Est de la France moderne et les bords du Rhin supérieur (Note de l’auteur : on comprend qu’il ne pouvait être question, à cette époque, d’envoyer des missionnaires aux embouchures du Rhin et dans la Batavie, pays occupés par des peuples nomades et presque sauvage). Nous allons essayer de le démontrer. Schoepflin, dans son « Alsatia Illustrata », rejette d’une manière absolue l’apostolat de Saint Materne, premier évêque de Trèves ; mais, trop loyal pour nier qu’il y eut des chrétiens en Alsace dès le 2 ième siècle, il émet un système particulier qui est spécieux sur quelques points. L’Alsace supérieure, le département actuel du Haut-rhin, faisait alors partie de la Lyonnaise, dont Augusta Lugdunum était la métropole ; il suppose que les premiers évêque de Lyon, remplis d’une égale affection pour toutes les parties de leur diocèse, ont envoyé en Alsace quelques prêtres pour catéchiser cette partie de la Lyonnaise, et que ces prêtres ont très-bien pu se rendre dans le pays des Triboques, des Nemètes et des Vangions. Ce qui donne une certaine apparence de vérité à ce système, c’est qu’il existait au temps d’Auguste des relations intimes entre la capitale de la Rauracie, Augusta Rauracorum, aujourd’hui Basler-Augst, près de Bâle, et Augusta Lugdunum. Toutes deux étaient des colonies romaines ; toutes deux avaient été fondées par L. Munatius Plancus (Note de l’auteur : L. M Plancus a été enterré à Naples. Son mausolée est une immense rotonde de marbre que le vulgaire appelle la « Tour Roland ». Au dessus de la porte on lit l’inscription suivante : « L. MUNATIUS. L.F.L.N.L PRON. PLANCU. COS. CENS. IMP. ITER. VII. VIR. EPOUL. TRIUUMPH. EX RAETIS. AEDEM. SATURNI. FECIT. DE. MANIBIS. AGROS. DIVISIT. IN ITALIA. BENEVENTI. IN. GALLIA. COLONIAS. DEDUXIT. LUGDUNUM ET RAURICAM »), cet homme à la fois si immoral et si habile (Note de l’auteur : M Plancus avait fait proscrire son frère Cn. Plantius Plotius ; de même que Lépide, qui peu de temps après, fut nommé consul avec M. plancus, avait proscrit son frère Paulus (Velleius Paterculus livre 2, chapitre 67). C’est avec Lépide qu’il obtint les honneurs du triomphe pour ses exploits en Rhétie. Les soldats firent à ce sujet l’épigramme suivante : De Germanis, non de Gallis, duo triumphant Consules. Germanus veut dire à la fois frère et Germain). Une tradition constante de l’Eglise de Besançon nous apprend que Saint Lin est le premier évêque de la grande Sequanaise [Cf. ci-après cette tradition]. Les suisses revendiquent pour apôtre Saint Beatus, dont la vie a été écrite par le P. Canisius, de la société de Jésus. D’un autre côté, la chronique de Mayence affirme que Saint Crescent a été le promoteur de la Foi dans le pays des Moguntiens. Ne pourrait-on soutenir, sans choquer en rien la vraissemblance, qu’une nombreuse cohorte de misionnaires, parmi lesquels on comptera entre autres Lin, Bèat, Valère, Euchère, Materne, etc., est partie sous la conduite de Saint Crescent, après avoir écheloné ses co-disciples dans ces provinces, est revenu s’établir à Vienne [ceci est mentionné dans un long texte en latin emprunté au n° 11 du livre 5, page 153 de « Aegidii Bucherii (Belgium Romanum) ». Trop souvent on peut invoquer contre l’antiquité que s’attribuent les Eglises les lacunes qui existent dans le catalogue de leurs évêques. Cette critique ne saurait atteindre les diptyques de la métropole des Allobroges, car Saint Adon, archevêque de Vienne, nous a fait connaître les noms des premiers successeurs de Saint Crescent. Zacharie, dit-il, glorieux et saint vieillard, succéda à Crescent, et reçut la couronne du martyr sous Trajan (voici le texte latin original : « Sub quo etiam tempore, (Trajani), gloriosisimus snex Zacharias, Viennensis Ecclesiae Episcopus, martyro coronatur » extrait de la colonne 81 du tome 123 de l’ « Adonis Chronic. Patrol. ») ; Martin, disciples des apôtres, siégea à Vienne sous le même empereur (voici le texte latin original : « Tertius Martinus Episcopus et discipulus apostolorum, Viennae resedit » extrait de la colonne 82 du tome 123 de l’ « Adonis Chronic. Patrol ».) ; Verus, autre disciple des apôtres, fut le quatrième évêque, et fleurit sous Trajan par sa doctrine et la confession de sa foi (voici le texte latin original : « Verus, Viennensis Ecclesiae Episcopus, qui unus fuit de discipulis apostolorum, Trajani temporibus doctrina et confessione fidei floruit » extrait de la colonne 82 du Tome 123 de l’ « Adonis Chronic. Patrol ».); ensuite, Saint Juste, évêque de l’église de Vienne, se rendit très-illustre par son martyre (voici le texte latin original « Hoc itidem tempore et Justus, Viennensis Ecclesiae Episcopus, illustrissimus in confessione exstitit » (même référence que précédemment).
2.9.15.2 Saint Austremoine de Clermont-Ferrand
De « l’Hagiologie Nivernaise », pages 446 à 448 :
« Saint Austremoine fut un des sept missionnaires qui arrivèrent dans les Gaules pour y prêcher la foi. Saint Saturnin s’était arrêté à Toulouse, Saint Trophime à Arles, et Saint Paul à Narbonne ; les quatre autres s’avancèrent dans l’intérieur du pays. Saint Martial se rendit à Limoges, Saint Gatien à Tours et Saint Denis à Paris. Saint Austremoine se fixa d’abord dans le Nivernais, et après y avoir prêché l’Evangile, il alla à Clermont, dont il fut le premier évêque. « Notez, est-il dit dans la vie de Saint Cassy « qu’au commencement de la chrétienté, les évêques ne s’arrêtaient pas en une province, ains alloient prêchant par divers pays, dont ce Saint Austremoine est dit évesque des Auvergnats et Nivernois ». Les vieux légendaires de l’église de Clermont, de l’abbaye de Saint-Allyre, de la chartreuse de Clermont et de l’abbaye de Saint-Victor de Paris, faisant mention de la mission de Saint Austremoine dans le Nivernais, ont engagé Michel Cotignon (Cf. Catalogue historique des évêques de Nevers, page 3) à considérer ce saint comme notre premier évêque, de même que l’église de Meaux considère Saint Denis comme son premier évêque, parce qu’il l’avait évangélisée avant de se fixer à Paris. Il paraît que Saint Austremoine put remplir en paix sa mission de charité, au milieu des peuples de l’Auvergne ; on croit généralement qu’il ne scella pas sa foi de son sang.
En ce qui concerne son culte nous savons que « le corps du saint évêque fut enterré à Ixiodore qui, par la suite devint la ville d’Issoire. Il y demeura plus de deux cents cinquante ans dans une espèce d’oubli, quoique les gens des environs, dit Saint Grégoire de Tours, sussent bien que c’était le tombeau de leur premier évêque. Le même historien raconte sur la manière dont son culte devint public, les détails qu’il tenait de Cantin lui-même, évêque de Clermont. Cantin n’était encore que diacre quand on le chargea, en cette qualité, de la chapelle où reposait le corps de Saint Austremoine. La chambre où il couchait attenait à cette chapelle ; une nuit, il lui sembla tout à-coup entendre des voix qui chantaient des cantiques auprès du tombeau du saint, et, en même temps, il aperçut une vive lumière qui l’environnait ; il voulut examiner de plus près ce prodige, et il vit que le chœur dont les chants avaient frappé son oreille, était composé d’une multitude de personnes vêtues de blanc et tenant en main des flambeaux. Le lendemain, il fit environner d’une balustrade le tombeau du saint, et dès lors on commença à lui rendre les honneurs dus à son mérite. Les faveurs obtenues par son intercession ont prouvé que Cantin ne s’était pas laissé entraîner par une vaine illusion. En 670, Saint Avit, évêque de Clermont, transféra dans l’abbaye de Volvic le corps de Saint Austremoine, et près de cent ans plus tard, en 764, Pépin fit rebâtir le monastère de Mauzac, auprès de Riom, où on déposa le corps du saint ; sa tête seule reta à Volvic ; il paraît cependant qu’elle fut transportée plus tard à Issoire. Quoique la fête de Saint Austremoine soit indiquée au 1 er novembre dans les anciens Martyrologes, en vertu d’un indult, on ne la célèbre, dans le diocèse de Nevers, que le 3 du même mois ».
2.9.15.3 Saint Crescent de Vienne
Aux pages 42 et 43 des « Recherches sur les origines des Eglises de Reims » nous est précisé que « les textes anciens et ceux du moyen âge s’accordent pour reconnaître que Saint Crescent est bien le disciple de Paul » et qu’ils permettent de conclure « en les coordonnant, que dans trois directions différentes, les Eglises de France ont eu pour fondateurs les apôtres eux-mêmes, et que Saint Crescent a evangélisé les rives du Rhône, de la Saône et du Rhin, jusqu’à Mayence ».
Nous pouvons tout de suite affirmer que l’argument décisif concernant l’apostolat de Crescent dans les Gaules se trouve dans la Sainte Ecriture et plus précisément dans la deuxième épître de Saint Paul à Timothée, où l’apôtre nous dit lui-même qu’il y a bien envoyé « Cresent » ou « Crescens » (pour le texte de la Bible de Jérusalem).
Afin de vérifier la véracité de cette affirmation, il convient préalablement de formuler quelques remarques extrêmement nécessaires.
Voici tout d’abord le passage biblique de 2 Tm 4,9-12 :
« 9 Hâte-toi de venir me rejoindre au plus vite, 10 car Démas m'a abandonné par amour du monde présent. Il est parti pour Thessalonique, Crescens pour la Galatie, Tite pour la Dalmatie. 11 Seul Luc est avec moi. Prends Marc et amène-le avec toi, car il m'est précieux pour le ministère. 12 J'ai envoyé Tychique à Ephèse ».
Il est remarquable pour tous qu’en deuxième partie du verset 10 (noté 10 b), est mentionné le terme de « Galatie » et non le terme « Gaule ».
En ce sens, comment peut-on alors affirmer qu’il s’agit bien d’un apostolat en Gaule ?
Si nous nous reportons à la note ‘f’ de la Bible de Jérusalem page 2272, relative au terme de « Galatie », une première observation importante s’impose :
« Var. : « Gaule » - « Galatie » pouvait alors désigner soit la province de ce nom en Asie, soit la Gaule ».
Cette note de la Bible de Jérusalem laisse donc entendre ici que les deux acceptions sont possibles à partir des manuscrits du texte biblique original, ce qui, en soi, n’est pas tout à fait exact, car du point de vue de la critique historique et exégétique, nous verrons qu’en réalité une seule désignation rend correctement le sens primitif du texte grec, comme je m’attache à le démontrer dans ce qui suit.
Pour cela, je reviens dans un premier temps, aux pages 46 et 47 des « Recherches sur les Eglises de Reims » où le sujet est abordé, et d’importantes précisions nous sont données :
« Il est vrai que les commentateurs sont partagés sur ce texte. Les uns y lisent « Galatiam » et veulent qu’il soit question de la Galatie Orientale ; les autres, au contraire, prétendent qu’il s’agit de la Gaule transalpine. La plus ancienne et la plus vraie de ces leçons nous est indiquée par Saint Epiphane. Or, ce docteur écrit que ceux-là se trompent qui interprètent ce passage de Saint Paul par Galatie, tandis qu’il faut l’entendre pour les Gaules. Eusèbe, comme l’a très bien démontré Henri de Valois dans l’édition qu’il a donné de ce père, parle comme saint Epiphane. Théodoret, qui maintenu le mot « Galatia » dans le texte de Saint Paul, a préféré l’appliquer à notre Gaule qu’à la Galatie. Ainsi, les anciens avaient la conviction que Crescent, disciple de Saint Paul, a prêché dans les Gaules. C’est l’opinion qu’ont suivie Bède et Usuard dans leurs martyrologes (Cf. Cellarius livre 11, chapite 11, section 4 de l’ouvrage en langue latine « Geographiae antiquae ») ».
Pour conforter ces affirmations, il s’agit de considérer à présent une autre note, beaucoup plus explicite que celle de la Bible de Jérusalem, qui provient de la Traduction Oeucuménique de la Bible.
A la page 651 de mon édition du Nouveau Testament, nous est présenté la note ‘h’ qui tient compte du contexte historique et sémantique de rédaction du texte original grec :
« Sans doute la Gaule (C. Spicq. Joach. Jeremias). Au temps de Paul et jusqu’au 2 ième siècle, les écrivains de langue grecque désignaient la Gaule par le terme de Galatie. Lorsqu’ils parlent de la Galatie proprement dite, ils précisent : la Galatie qui est en Asie ».
Ainsi, tout est dit. Au temps de Saint Paul, l’emploi du terme grec (Galatian) (comme indiqué à la page 963 du Nouveau Testament interlinéaire Grec-Français) ou encore « Galatiam » pour le texte latin de la Vulgate (de la nouvelle édition officielle approuvée par le Pape Jean-Paul II le 25 avril 1979, disponible sur le site du Vatican) que l’on traduit en français par « Galatie » ne transcris absolument pas le sens primitif du texte grec, qui désigne en réalité la Gaule à l’époque de sa rédaction. C’est donc une grossière erreur de penser qu’il s’agit de la Galatie qui se trouve en Asie. Il faut donc être extrêmement vigilant lorsque nous lisons les textes bibliques qui nous sont présentés en langue française, car il existe toujours un risque d’erreur sémantique liée aux difficultés inhérentes à la traduction.
Enfin, en écho direct avec les explications figurant aux pages 46 et 47 des « Recherches sur les Eglises de Reims » présentées ci-avant, voici différentes distinctions qu’il convient de rappeler lorsque l’on évoque le terme de « Gaule » données par le « Petit Larousse illustré », page 1353 de mon édition :
« Nom donné dans l’antiquité aux régions comprises entre le Rhin, les Alpes, la Méditerranée, les Pyrénées et Atlantque. Appellée par les Romains « Gaule Transalpine » (ou Lyonnaise ou Ultérieure) par opposition à la « Gaule Cisalpine » (Italie continentale), elle comprenait vers 60 avant Jésus-Christ d’une part la « Gaule Chevelue » (ou Trois Gaules), composée de la « Gaule Belgique », de la « Gaule Celtique » et de « l’Aquitaine », et d’autre part la « Province » (Provincia), ou Narbonnaise, soumise à Rome ».
Ainsi quatre repères historiques fondamentaux sont à considérer pour le sujet qui nous intéresse :
- la première fondation du sud de la Gaule par les romains, appelée la « Province » (Provincia), avec Narbonne pour capitale, entre 125 et 121 avant Jésus-Christ,
- la conquête du pays par Jules César entre 58 et 51 avant Jésus-Christ,
- la défaite de Vercingétorix à Alésia en 27 avant Jésus-Christ, avec la division de la Gaule en quatre provinces : la Narbonnaise (l’ancienne « Provincia »), l’Aquitaine, la Celtique ou Lyonnaise, et la Belgique.
D’autres sources importantes indiquent l’apostolat de Saint Crescent disciple de Saint Paul dans les Gaules, dont le « Martyrologe Romain » lui-même, qui est, par nature, une source d’une grande autorité, conférant à nos affirmations leur caractère certain et vrai.
L’édition à laquelle je me réfère, a initialement été publiée par l’ordre de Grégoire XIII, revu par Urbain VII et Clément X, argumenté et corrigé en 1749, par le Pape Benoît XIV, avant sa traduction en français d’après l’exemplaire imprimé à Rome en 1845, sous le pontificat du pape Grégoire XVI.
Sa fête est indiquée, à la fois le 27 juin, page 202 :
« En Galatie, Saint Crescent, disciple du bienheureux apôtre Paul, qui, passant par les Gaules, convertit un grand nombre d’infidèles à la foi de Jésus-Christ par la force de ses prédications : étant retourné ensuite vers le peuple à qui il avait été spécialement donné pour évêque, et ayant affermi les Galates dans l’œuvre du Seigneur, jusqu’à la fin de sa vie, il accomplit enfin son martyre sous Trajan ».
et le 29 décembre, page 296 :
« A Vienne en France, Saint Crescent, disciples bienheureux de l’apôtre Paul, et premier évêque de cette ville ».
2.9.15.4 Saint Démètre de Gap
Du tome 12 des « Petits Bollandistes » :
- extraits des pages 638 à 641 :
« Saint Démètre, d’après la tradition la plus constante et la plus respectable, était disciple des Apôtres. De l’Asie, où il vivait près de Caïus auquel il est proposé pour modèle, il vint, par l’ordre des saints apôtres Pierre et Paul, évangéliser les Gaules, de concert avec un grand nombre d’hommes apostoliques, parmi lesquels figurent nommément : Saint Trophime d’Arles, Saint Paul de Narbonne, Saint Martial de Limoges, Saint Austremoigne d’Auvergne, Saint Gatien de Tours, Saint Saturnin de Toulouse, Saint Valère de Trèves. Ce fut sous l’empire de Claude que ces illustres confesseurs débarquèrent en Provence. Ils se rendirent tout d’abord à Arles, et, de cette ancienne cité romaine, dans les missions qui leur avaient été désignées. Peu d’années après, Saint Trophime retourna en Asie auprès de Saint Paul ; Saint Crescent vint s’établir à Vienne des Allobroges, et Saint Démètre, après avoir prêché, pendant quelque temps, dans cette dernière ville, se rendit à Gap où il se fixa pour évangéliser les populations nombreuses des Alpes. Parti des contrées riantes et polies de l’Orient, Saint Démètre arriva dans nos Alpes à une époque où la civilisation et la foi n’avaient point encore dissipé les profondes ténèbres et les grossières erreurs qui enveloppaient les idées religieuses et morales de leurs rudes habitants. Quoique Dieu lui eût mesuré son héritage dans les froides et autères montagnes, parmi des peuplades toujours prêtes à la guerre, toujours disposées à faire payer chèrement toute espèce de domination qu’on voudrait leur imposer, Démètre ne perdit point conrage ; il établit dès lors son siège épiscopal qui devait, plus tard, être illustré par tant de pontifes qui s’y sont succédé jusqu’à nous. Dans ces contrées habitaient, depuis des siècles, des peuplades connues sous le nom de Voconces, de Tricoriens et de Caturiges. Or, au temps de Démètre, ces peuples étaient livrés à tous les mensonges du polythéisme ; ils ignoraient l’existence d’un seul Dieu […]. Leur culte n’était qu’une suite d’honneurs rendus aux créatures, qu’un mélange de cérémonies aussi ridicules qu’impies. Leur morale ne valait guère mieux. Saint Démètre, seul, sans richesses et sans armes, espère néanmoins triompher de la superstition et de la barbarie de ces peuples ; il essaye de faire luire la lumière évangélique au sein des ténèbres. Fortifié par la vertu de la croix, il commence par prêcher d’exemple. Il sait que la prière est un trait enflammé qui pénètre les nues, arrive jusqu’au trône de Dieu et en fait descendre des torrents de grâces capables de déterminer la conversion des pécheurs les plus endurcies […]. Il s’interpose comme victime, cherchant à expier les crimes et les infidélités d’un peuple prévaricateur dont il se regarde déjà comme le pasteur et le père. Aussi, admirant sa conduite, ces hommes, plongés naguère dans le sentimalisme le plus grossier, commencent à goûter les saints préceptes du divin législateur, à comprendre la chasteté, la tempérance, la charité fraternelle, toutes les pures vertus du christianisme ; puis ils prennent plaisir à entendre le saint pontife leur parler des miséricordes et des justices du Seigneur, des impénétrables conseils de sa sagesse, des mystères de la rédemption universelle et la vie future. Ils reconnaissent qu’une morale si pure, une religion si sublime ne peut venir que du ciel ; peu à peu les cœurs droits cèdent à la grâce, et des catéchumènes sont baptisés. Cette Eglise naissante retrace l’image des Eglises fondées par les Apôtres mêmes. Les fidèles n’ont plus qu’un cœur et qu’une âme pour s’entraimer et se secourir, et qu’un seul désir : celui de verser leur sang pour l’exaltation de leur foi. Ces heureux succès accrurent les forces du nouvel apôtre ; on le regardait comme un ange venu du ciel. Sa vie, très conforme à celle du divin maître, était un miroir d’innocence et comme une fleur de pureté ; sous sa direction, plusieurs se vouèrent à la parfaite pratique de cette vertu. Le Saint pasteur prit un soin spécial de la jeunesse et mit tout en œuvre pour préserver de la contagion du siècle cette tendre portion de son troupeau chéri, ce qui lui valut le glorieux titre de Gardien de l’innocence. Les miracles que Démètre opérait sur les malades et les infirmes qui lui étaient présentés ou qu’il allait visiter lui-même dans leurs tristes demeures, vinrent donner un nouvel éclat aux prédications saintes qu’il faisait au peuple. Cependant l’enfer s’irritait de voir croître rapidement le nombre des chrétiens ; aussi, plus d’une fois, les démons essayèrent-ils d’effrayer le saint pontife et de le détourner de ses victorieuses conquêtes. Démètre, sans se troubler, invoquait le nom de Jésus, et, devant sa confiante prière, les puissances des ténèbres s’enfuyaient, abandonnant une foule d’infidèles jusque-là soumis à leur tyrannique possession. Les prêtres des idoles, à leur tour effrayés des progrés de la religion de Jésus-Christ qui va s’établir sur les ruines du paganisme, trament la perte de notre généreux athlète ; ils courent, tout éplorés, se jeter aux pieds de Simon, préfet de la ville […]. Le saint confesseur est donc arrêté ; on le jette dans les fers, on exerce sur lui mille cruautés ; Démètre se montre plein de la force d’en haut ; il confesse Jésus-Christ, prêche sa loi et annonce son règne à tous ceux qui l’environnent. Enfin, désespérant de le vaincre et voulant, d’ailleurs, épouvanter le peuple et arrêter les conversions par un châtiment public et sévère, le gouverneur, irrité, condamne Démètre à avoir la tête tranchée sur le lieu même où l’on avait coutume de faire mourir les grands criminels. Cette sentence inique va recevoir son exécution. Le saint pasteur, qui a dévoué sa vie au salut de son troupeau, est tiré de prison et conduit sur une petite éminence au nord de la ville. La foule était nombreuse pour assister à ce cruel spectacle ; le généreux confesseur du Christ, arrivé sur le lieu du supplice, se met à genoux, recommande son âme à Dieu par une courte prière, et, dans cette humble posture, impassible et serein, il attend la mort qui va lui ouvrir les cieux. Bientôt la tête de l’apôtre tombe sous la hache du bourreau, et le sang du martyr jaillit sur cette terre idolâtre : rosée fécondante, il fera, plus tard, produire au centuple la semence de l’Evangile. Si nous en croyons une tradition qui est arrivée jusqu’à nous, Démètre se releva de terre, prit sa tête entre les mains et la porta jusque dans la ville. Ce prodige glaça d’un si grand effroi les plus emportés, qu’il fut permis aux fidèles de recueillir les glorieuses dépouilles de leur évêque. Un ancien tableau, encadré dans un des piliers de la cathédrale de Gap, retrace ce fait merveilleux et nous transmet la date de l’an 86 ».
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