LA PREDILECTION ET LA MISSION DE LA FRANCE
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2.9.15.5 Saint Euchaire et Valère de Trèves
Du tome 11 des « Petits Bollandistes » :
- extraits des pages 111 et 112 :
« Une tradition immémorable raconte que le culte de la Sainte Vierge, conjointement avec le christianisme, fut apporté dans l’Alsace, par Saint Materne, disciple de Saint Pierre, et, selon plusieurs écrivains, le fils unique de la veuve de Naïm, que Jésus-Christ ressuscita et admit ensuite au nombre des soixante-douze disciples. La tradition ajoute que Materne étant mort à Ell, dans le cours de ses prédications, Euchaire et Valère, les deux compagnons de son apostolat, retournèrent à Rome exposer leur douleur à Saint Pierre, que celui-ci leur donna son bâton pastoral, en leur disant de le poser sur le corps du défunt, et de lui commander de ressusciter ; après quoi il continuerait sa mission avec plus de succès qu’auparavant ; qu’enfin tout se passa comme l’avait dit le Prince des Apôtres ; et que par Materne ressuscité et ses compagnons furent fondées les églises de Strasbourg, de Trèves, de Cologne et de Liège. Si cet antique récit a été contredit par certains critiques, qui, offusqués des faits miraculeux qu’ils rencontrent dans l’histoire, étudient, sans l’inspiration de préjugé, les moyens de les en bannir, ou du moins de les mettre en suspicion, on ne peut disconvenir que celui-ci réunit en sa faveur des raisons et des autorités puissantes : ce sont les martyrologes des huitième, neuvième et dixième siècles, et divers écrits de la même époque, qui citent cette tradition comme admise de temps immémorial ; c’est la croyance religieusement conservée en diverses Eglises, malgré les grandes distances qui les séparent ; c’est le respect avec lequel Cologne et Trèves ont conservé les deux moitiés du bâton pastoral de Saint Pierre, qu’elles se sont partagé, et l’accord des anciens auteurs à motiver par ce miracle la coutume qu’ont les Papes de ne pas porter de crosse ; c’est l’antique basilique de la Résurrection bâtie à Ell, et où la foule des pèlerins visitait dévotement le tombeau vide qui avait servi pendant quarante jours de sépulcre à Saint Materne ; c’est le témoignage uniforme des historiens alsaciens, allemands, italiens, des siècles plus rapprochés du nôtre ; c’est l’office propre du bréviaire de Strasbourg ; c’est enfin, d’une part, le fait non contesté que Saint Materne fut le premier évêque de l’Alsace, de l’autre, le fait incontestable que dès le second siècle l’Alsace comptait des chrétientés florissantes. Saint Euchaire tint le siège épiscopal de Trèves pendant vingt-trois ans, et il s’endormit dans le Seigneur le 8 décembre ; Valère lui succéda, siégea quinze ans, et mourut le 29 janvier ; Materne continua les travaux apostoliques de ses deux prédécesseurs immédiats et s’envola au ciel le 14 septembre, après avoir gouverné son diocèse pendant quarante ans. Leurs corps furent ensevelis hors des murs de la ville de Trèves. On voit des reliques de Saint Valère dans la crypte souterraine de Saint-Mathias de Trèves ; des parcelles ont été tranférées à Lisbonne. L’église métropolitaine possède des ossements de Saint Materne. Les peintres ont coutume de représenter Saint Materne avec une église à trois tours, afin de rappeler que son diocèse comprenanait primitivement les trois villes importantes de Cologne, de Trèves et d’Utrecht, qui, plus tard, à cause du nombre des chrétiens, devinrent autant de titres épiscopaux ».
Voir également le § 6.1.4.2 Vie de Sainte Marie-Madeleine et de Sainte Marthe par Raban Maur, évêque de Mayence, où Saint Valère de Trèves est explicitement cité.
2.9.15.6 Saint Eutrope I er d’Orange
Du tome 6 des « Petits Bollandistes », page 250 :
« L’antique tradition de la ville d’Orange porte qu’Eutrope, le fondateur et le premier évêque de cette église, fut un des soixante-douze disciples de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il était originaire d’Egypte, mais habitait Antioche, lorsque, ayant entendu les prédications du Saveur, il crut en lui et s’attacha à ses pas. Après l’Ascension, Eutrope fut envoyé dans les Gaules avec Maximin, Trophime et plusieurs autres. Ayant abordé dans la Narbonnaise, ils se partagèrent la contrée pour y implanter plus rapidement l’Evangile. Le bienheureux Eutrope se rendit à Orange pour y annoncer la bonne nouvelle pendant que Trophime se fixait à Arles et Maximin à Aix, faisant de ces villes le centre de leurs prédications. A la voix d’Eutrope, les simulacres des faux dieux descendirent de leur piédestal, les bois sacrés furent rasés et des églises s’élevèrent, consacrées au vrai Dieu. D’après la tradition, Eutrope, Trophime et Maximin se donnèrent rendez-vous à Tarascon pour convertir en basilique la maison qu’habitait Sainte Marthe. Or, le vin manqua pour abreuver les nombreux fidèles qui étaient accourus à la cérémonie : à la prière de la pieuse hôtesse du Sauveur, on vit se renouveler le miracle des noces de Cana. Après de nombreuses années, consacrées à l’apostolat, le bienheureux Eutrope quitta notre exil pour retourner à Dieu : il fut enseveli à côté des deux saints Innocents dont il avait apporté les reliques de Palestine et auxquels il avait élevé un tombeau non loin de la ville d’Orange ».
2.9.15.7 Saint Front de Périgueux
Du tome 12 des « Petits Bollandistes » :
- extraits des pages 599 à 619 :
« Saint Front était Israélite de la tribu de Juda ; il naquit dans le pays des Lycaoniens […]. Saint Front fut baptisé par Saint Pierre sur le commandement de Jésus-Christ, et il fut l’un des soixante-douze disciples que le divin Maître choisit et qu’il envoyait, deux à deux, dans toutes les villes et dans tous les lieux où lui-même devait aller, leur ayant donné le pouvoir de guérir les malades, de chasser les démons et de faire toutes sortes de miracles. En sa qualité de disciple, notre Saint fut témoin de la vie admirable de l’homme-Dieu. Lorsque après l’Ascension et la Pentecôte les Apôtres et les disciples, remplis de l’Esprit divin, se partagèrent la conquête du monde à l’Evangile, Saint Front s’attacha à la personne de Saint Pierre et en fut particulièrement aimé. Il partagea les saints travaux de cet Apôtre, en Palestine, à Antioche, à Rome. Dans cette dernière ville, Saint Front attira sur lui l’attention publique, non-seulement par son éloquence, mais encore par un grand miracle [en libérant la fille d’un sénateur tourmentée par les démons]. […]. Quand les princes des Apôtres (Saint Pierre et Saint Paul), dit Saint Léon, ‘eurent planté l’étendard victorieux de la foi de Jésus-Christ sur les murailles de Rome, et que cette capitale de l’univers, qui donnait la loi aux nations, l’eut prise des mains des pauvres pêcheurs, ravis de cet heureux succès que Dieu leur avait fait obtenir contre toute apparence, ils conçurent et concertèrent le conversion parfaite d’autres contrées voisines, envoyèrent d’abord leur députés et ambassadeurs dans les Gaules, lesquels imburent plusieurs peuples de cette très ancienne région de sainteté et honnêteté du culte chrétien’. Saint Front, le disciple bien-aimé de Saint Pierre, fut envoyé dans la Basse-Guyenne pour y catéchiser spécialement, comme s’exprime la légende, les nobles Pétrocoriens et leur donner les principes de la foi. Saint Georges lui fut donné pour compagnon, Saint Georges qui avait été envoyé spécialement aux peuples du Velay […]. Dieu permit que Saint Georges, au plus fort de ses prédications, mourût soudainement [avant d’être miraculeusement ressuscité par Saint Front lui-même, après avoir déposé le bâton de Saint Pierre sur son corps]. […]. Ils arrivèrent à Vélaunes, alors la capitale du Velay (Vellavia ou Ruessium, aujourd’hui Saint-Paulien). L’Esprit de Dieu les y avait précédés et leur avait préparé les voies. Dès leur entrée dans la ville, une dame de qualité, vint leur offrir l’hospitalité dans sa demeure […]. Une nuit qu’elle était profondément endormie, un ange lui apparut en songe et lui dit :’Levez-vous et allez sur la montagne d’Anis, et là, il vous sera montré ce qu’il faut que vous fassiez pour la gloire de Dieu […]. Je suis allée sur e haut de la montagne, et, là, m’étant assise pour me reposer, je me suis endormie. Dieu m’a montré en songe une pierre façonée en forme d’autel et entourée d’anges ; et au milieu de ces anges, se tenait une Vierge d’une grande beauté, couronnée d’un brillant diadème. J’ai demandé le nom de celle qui avait une si grande beauté ; et un des anges m’a répondu : ‘Elle s’appelle Mère de Dieu ; elle chérit particulièrement les amis de son Fils, Front et Georges, et, en faveur de ces deux apôtres, elle choisi ce lieu pour y être plus spécialement honorée’ […]. Telle fut l’origine du célèbre pèlerinage, aujourd’hui si fréquenté, de Notre-Dame du Puy […]. La mission de Saint Front l’appelait ailleurs. Il dut se séparer de Saint Georges. Touchants adieux ! Ces deux saints rompirent ensemble le pain eucharistique, se partagèrent le bâton que Saint Pierre leur avait donné et s’embrassèrent tendrement avant de se quitter. La partie du bâton de Saint Pierre laissée entre les mains de Saint Georges existe encore. Après avoir été conservée jusqu’en 1793 dans l’église collégiale de Saint-Paulien, elle est aujourd’hui dans la chapelle des Dames de l’Instruction du Puy. C’est la partie inférieure, celle qui touchait immédiatement la terre. Le bois en est parfaitement étranger ; des hommes experts ont déclaré ne pas en connaître la nature. Il est rouge d’or, incorruptible, et d’une pesanteur extraordinaire ; en le touchant on croit avoir dans la main une barre de fer [concernant cette Sainte relique, d’autres traditions rapportent le même fait, en particulier en ce qui concerne la résurrection de Saint Materne (Cf. § 6.1.15.5 Saint Euchaire et Valère de Trèves), le bâton pastoral de Saint Pierre ayant été partagé entre les Eglises de Cologne et de Trèves. Je ne saurais donc être péremptoire sur le sujet, non sur l’authenticité du miracle réalisé et de l’existence dudit bâton, que sur sa réelle localisation. De même l’Eglise de Bordeaux atteste qu’elle possédait la précieuse relique (Cf. 6.1.15.11 Saint Martial de Limoges]. Quant à la partie supérieure, échue à Saint Front comme étant la plus noble, la plus digne, et qui fut apportée à Périgueux par le Saint lui-même, elle s’est perdue probablement en même temps que le corps de Saint Front […]. Après avoir quitté Vésone [la ville antique de Périgueux], Saint Front, sans quitter personnellement le centre, s’occupa de l’évangélisation du voisinage, des autres villes et des campagnes par ses disciples, parmi lesquels nous trouvons Frontaise, Séverin, Séverien et Silain. Et il les envoyait deux à deux à l’exemple de Jésus […]. Tout dans Saint Front prêchait l’Evangile […]. Et puis, lorsqu’il avait passé le jour à remplir le ministère de la parole, le soir venu, à l’exemple de Jésus encore il veillait et priait. Il avit coutume de se retirer dans une petite cellule, ou plutôt dans un oratoire qu’il avait bâti en l’honneur de la Mère de Dieu, sur la montagne où s’est fondé le monastère de Périgueux du moyen âge, appelé, du séjour qu’y fit l’Apôtre, Puy-Saint-Front. Les historiens et les chroniqueurs qui se sont occupés des antiquités de Vésone, nous parlent de cet oratoire de la Mère de Dieu, consacré par Saint Front, et qui fut, comme nous le dirons plus tard, le lieu de sa sépulture […]. L’itinéraire que suivit le Saint apôtre en quittant Vésone [fut le suivant : il passa par la ville actuelle de Pressac, puis à Brantôme mais], la gloire d’établir le Christianisme dans cette ville et d’en être le premier évêque, était réservée à Ausone, disciple de Saint Martial. Etant sorti d’Angoulême, il parcourt la Saintonge où il lui est donné de cueillir en peu de jour une abondante moisson […]. De Saintes, l’apôtre se dirige vers Bordeaux […]. En quittant les environs de Bordeaux, notre apôtre se dirigea vers la ville de Blaye […]. De Blaye, Saint Front revint à Saintes, où il fut honorablement reçu des chrétiens […], mais il fut chassé par le gouverneur de la ville nommé Arcade, après l’avoir fait battre de verges. Mais la nuit suivante, il priait comme son divin Maître l’avait prescrit, pour Arcade son persécuteur, quand un ange lui apparut et lui ordonna de la part de Dieu de rentrer dans la ville. Il eut la consolation d’y former un grand nombre de chrétiens, auxquels il laissa le diacre Nectaire, après l’avoir sacré évêque. De Poitiers il se rendit à Tours, où il guérit une fille paralytique. Il fît dans cette ville peu de conversions, à cause des gentils qui se soulevèrent contre lui et le contraignirent de s’éloigner et de se retirer au Mans, où il fut reçu avec de grands honneurs par les chrétiens de cette ville et Saint Julien, qui en était évêque […]. Saint Front sortit du Maine et se dirigea vers la Normandie, accompagné des bénédictions des peuples auxquels il avait ouvert les voies du salut en faisant connaître Jésus-Christ […]. Du Passais, Saint Front s’avança vers le Beauvaisis où il ne devait pas s’arrêter, mais seulement jeter les premières étincelles de la foi. L’honneur de convertir les Bellovaques, d’en être le premier apôtre, le premier évêque, le premier martyr, était réservé à Saint Lucien, qui devait être envoyé par Saint Clément. En quittant le Beauvaisis, l’apôtre se rendit à Soissons […]. Un puissant Seigneur de Lorraine avait une fille unique, tourmentée cruellement par le démon, lequel, adjuré de sortir de son corps et de l’abandonner, avait répondu :’Je ne sortirai que lorsque je serai chassé par le bienheureux Saint Front, disciple de Jésus de Nazareth’. Ce Seigneur envoya donc à Soissons chercher le Saint qui se hâta de venir et guérit la possédée. Le bruit du miracle vola jusqu’à Metz, dont Clément était évêque, envoyé en même temps que Saint Front par l’apôtre Saint Pierre. Clément bénit Dieu des œuvres qu’on lui racontait de Saint Front ; il vint à lui et le pria d’honorer de sa présence la ville de Metz […]. Il n’est point dit si notre Saint fit un long séjour à Metz, en la compagnie de Saint Clément […]. Depuis longtemps l’Esprit Saint lui suggérait le désir de visiter Saint Georges et les fidèles de l’église de Vélaunes. Il voulait aussi remplir un autre pieux devoir, non moins cher à son cœur, aller saluer Sainte Marthe, qui souvent lui avait donné à manger et l’avait reçu dans sa maison lorsqu’il était en la compagnie de Jésus. Elle était en ce moment dans la Provence, en un lieu appelé depuis Tarascon. Il quitta donc la ville de Metz, et s’achemina vers les montagnes du Velay. Mais dans le même temps, Georges, son ami, avait quitté Vélaunes, fuyant, lui aussi, la persécution, et était descendu dans la Gaule Narbonnaise, en évangélisant plusieurs peuples, et, après de long travaux, le désir de revoir Saint Front l’attirait vers le Périgord. Dieu permit qu’ils se rencontrassent. Ils tressaillirent de joie, et leur première pensée fut de remercier Dieu. Bientôt Saint Front communiqua à Saint Georges son désir de visiter Sainte Marthe, les deux amis se dirigèrent ensemble vers la Provence et arrivèrent au lieu où la Sainte faisait sa demeure […]. En quittant Sainte Marthe, Saint Front et Saint Georges résolurent d’aller visiter Saint Saturnin, leur ami, élevé comme eux à l’école du Sauveur, et ils se dirigèrent vers la ville de Toulouse […]. La légende raconte que Saint Front prêcha l’Evangile dans l’Agenais […], ce fut sans doute en revenant de Toulouse à Vésone qu’il traversa ce pays où déjà Saint Martial, l’apôtre de l’Aquitaine, avait prêché l’Evangile […]. De l’Agenais, Saint Front se hâta d’entrer dans le Périgord. Il était pressé par sa charité et l’inspiration divine de retourner auprès des fidèles de Vésone […]. Un jour que le Saint était à ‘autel, célébrant les mystères sacrés, Jésus-Christ lui apparut en la compagnie des anges et au milieu d’une éclatante lumière, et lui dit : « Venez à moi, mon bien-aimé, venez en ma gloire, pour être récompensé de vos labeurs […], dans huit jours je vous appellerai à moi » […]. Son premier soin fut de choisir son successeur, de laisser un autre père à ses enfants, un autre pasteur à son troupeau. Calépode, ce disciple qui avait gouverné l’église de Vésone pendant l’exil du Saint, avait déjà reçu la récompense de ses travaux, et, depuis sa mort, Saint Front avait jeté ses vues sur Anian, autre disciple très fervent et très zélé […]. Le huitième jour venu, il se fit un grand concours de peuple […]. Il célébra les saints Mystères et imposa les mains à celui qu’il avait désigné pour son successeur […]. L’oblation du sacrifice étant terminée, le Saint Apôtre se prosterna devant l’autel de Saint Etienne. Il fut à l’instant enveloppé d’une vive lumière, et on entendit une voix qui l’appelait à la couronne et au ciel où son nom était écrit dans le livre de vie. Elevant la voix, il remercia une fois encore la très Sainte Trinité et rendit doucement son âme à Dieu. C’était le 25 octobre, la 42 ième année après la mort de Notre Seigneur, qui était, selon le cardinal Baronius, la septième du pontificat de Saint Lin et la cinquième du règne de Vespsien ».
Voir également le § 6.1.4.2 Vie de Sainte Marie-Madeleine et de Sainte Marthe par Raban Maur, évêque de Mayence, où Saint Front de Périgueux est explicitement cité.
2.9.15.8 Saint Julien du Mans
Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Julien du Mans est fêté le 29 janvier. Nous lisons à la page 132 :
« Au Mans, le décès de Saint Julien, premier évêque de cette ville, que Saint Pierre envoya dans la Maine pour y prêcher l’évangile ».
Du tome 1 de la « Légende dorée » (version traduite par l’Abbé J.-B. M. Roze), pages 239 et 240 :
« Julien pourrait venir de ‘jubiler’ et ‘ana’ en haut, Julianus ou Jubilianus, qui monte au ciel avec jubilation; ou bien encore de Julius, qui commence et amie, vieillard, car il fut vieux en longanimité dans le service de Dieu; mais il commença par se connaître lui-même.
Julien fut évêque du Mans. On dit que c'est Simon le lépreux que le Seigneur guérit de sa lèpre et qui invita Jésus-Christ à dîner. Après l’ascension de Notre-Seigneur, il fut ordonné évêque du Mans par les apôtres. Il fut illustre, par ses nombreuses vertus et ressuscita trois morts, après quoi il mourut en paix. On dit que c'est ce Saint Julien qui est invoqué par les voyageurs, afin qu'ils trouvent un bon gîte: parce que c'est dans sa maison que le Seigneur fut hébergé ».
Du tome 2 des « Petits Bollandistes » :
- extraits des pages 40 à 43 :
« Si l’on en croit la tradition, Saint Julien, apôtre et premier évêque du Mans, est le même que Simon le Lépreux, qui eut le bonheur de voir le Fils de Dieu fait homme manger à sa table. Il se fit depuis son disciple, et fût envoyé en France par le prince des Apôtres, Saint Pierre […]. Il avait pour compagnon de ses travaux apostoliques le prêtre Thuribe et le diacre Pavace, qui furent ses successeurs ; ils s’avancèrent tous trois vers la capitale de la province qu’ils devaient gagner à Jésus-Christ, Suindinum, ville forte, qui n’occupait qu’une partie de l’enceinte actuelle du Mans. Arrivés sous les remparts, ils trouvèrent les portes fermées, car la ville était en guerre avec ses voisins, et semblait se mettre en garde contre un coup de main. Ils furent donc obligés de prêcher d’abord dans les campagnes, où ils purent convertir et baptiser quelques idolâtres. Toutefois ils ne s’écartaient guère de la ville, épiant l’occasion d’y entrer. Julien, pour obtenir cette faveur, priait, pleurait devant Dieu et se livrait à de grandes austérités. Enfin, ses vœux furent exaucés. Les habitants étant un jour sortis en assez grand nombre, parce qu’ils manquaient d’eau, Julien profite de cette circonstance, se présente à eux, leur prêche le vrai Dieu et la rédemption des hommes par Jésus-Christ, et, pour montrer la vérité de sa parole et de sa mission, il plante son bâton en terre, se jette à genoux, prie, et fait jaillir une source abondante en un lieu où l’eau était naturellement rare, comme on s’en est asssuré dernièrement en creusant un puits artésien tout près de là. Cette fontaine s’appela Centonomius, ou mieux Sancti-Nomius, le bienfait du Saint ; elle coule encore aujourd’hui et porte le nom de Saint-Julien ; on la montre sur la place de l’Eperon : elle est décorée d’un bas relief représentant le miracle : nouveau Moïse, Saint Julien, en habits pnticficaux, fait jaillir l’eau du rocher en le frappant de son bâton pastoral ; à ses pieds, une jeune fille remplit son urne dans l’eau miraculeuse. Le bruit de cette merveille se répand ; on accourt de tous côtés pour en être témoin ; Julien est l’objet de l’admiration et du respect universel ; il est conduit comme en triomphe dans la ville et écouté d’abord avec curiosité. Mais, quand on vit combien il était difficile de pratiquer la nouvelle religion qu’il apportait, la plupart des cœurs se fermèrent […]. Mais les habitants riches et puissants, voyant dans sa doctrine la condamnation de leurs mœurs corrompues, le persécutaient. Heureusement l’homme le plus influent de la ville, un Gaulois honoré par les suffrages de ses concitoyens de la fonction de défenseur, qui consistait à veiller à la protection et à la sûreté du peuple, ayant appris la merveille opérée par cet étranger, désira le voir. Il le fit venir à son palais, situé dans la partie la plus élevée de la ville, à l’endroit où s’élève aujourd’hui la cathédrale. Julien ayant rencontré à la porte de ce magistrat un aveugle qui lui demandait l’aumône, lui rendit la vue. Ce nouveau prodige fit une vive impression sur le défenseur ; il accueillit notre Saint avec le plus grand respect, se fit instruire dans les vertus chrétiennes, reçut le baptême avec sa femme et toute sa famille, et donna, pour en faire une église, la plus grande salle de son palais, appelée, comme dans toutes les demeures des grands, chez les Romains, basilique. Cette cathédrale fut d’abord consacrée sous l’auguste titre de la Sainte Vierge et du Prince des Apôtres, Saint Pierre ; elle porta plus tard les noms des saints martyrs de Milan, Gervais et Protais, et enfin celui de Saint Julien. Notre Saint, voulant réunir en une sainte assemblée les chrétiens, non seulement pendant leur vie, mais aussi après leur mort, choisit pour leur sépulture un lieu peu éloigné, mais hors de la ville ; il le consacra et y éleva un oratoire en l’honneur des saints apôtres Pierre et Paul. Là s’élève aujourd’hui l’église Notre-dame du Pré […]. Après avoir triomphé de la religion romaine dans la cité, Julien entreprit de combattre celle des Gaulois (le druidisme), qui était bien plus puissante, car les druides avaient une grande renommée de science et, de plus, ils étaient persécutés pour avoir défendu l’indépendance de leur nation contre les vainqueurs : deux motifs qui les rendaient chers au peuple. On assistait avec empressement aux mystères qu’ils célébraient dans les forêts et les landes si communes en ces contrées. Mais, en dehors de ces réunions, chaque famille gauloise vivait séparée, dans des huttes formées de terre et de branchages. Il fut donc bien plus difficile d’évangéliser les campagnes que les villes. Julien et ses compagnons surent pourtant y gagner des âmes à Jésus-Christ et y former des églises. Leurs conquêtes s’étendirent jusque dans le pays des Arviens et des Diablintes (Les Arviens avaient pour chef-lieu Vagoritum, Argentan, dans la partie Nord-Est du Maine, et les Diablintes, situés entre la Loire et la rive gauche de la Seine. Arcolica, Aurilly, Diablintes ou Jubleins ; Eburovices ou Evreux. Les Cénomans faisaient eux-mêmes partie de la confédération des Diablintes). Les prodiges furent plus que jamais nécessaires : près de Saint-Julien en Champagne, et de Neuvy, les pieds de l’apôtre laissèrent sur une pierre leur empreinte miraculeuse, que l’on montre encore. Rencontrant sur son chemin un cortège funèbre qui conduisait à sa dernière demeure un défunt illustre, nommé Jovinien, il s’adresse au père de l’adolescent mort, et à la troupe d’idolâtres qui l’accompagnent, leur fait promettre qu’ils embrasseront la religion de Jésus-Christ s’il leur démontre sa divinité par la résurrection de celui qu’ils pleuraient, et adresse à Dieu une fervente prière. Le mort ressuscite et s’écrie : ‘Il est vraiment grand le Dieu que Julien annonce’ ; puis il dit à son père : ‘Nous adorions les démons ; je les ai vus dans l’enfer, où ils souffrent des tourments éternels’. Au bruit de ces merveilles, une foule nombreuse accourait et suivait partout le Saint, comme autrefois Jésus-Christ. Un jour qu’ils se rendait au domaine de Pruillé-l’Eguillé, le maître, qui était païen, le pria de loger chez lui. Mais au moment même où Julien arrivait, une jeune enfant, fils de son hôte, mourut. Cela ne l’empêcha point d’entrer dans cette maison pour y séjourner. Seulement il passa la nuit en prières, et, le lendemain, on trouva l’enfant plein de vie et de santé. Ses parents et les témoins de sa résurrection demandèrent à embrasser une religion qui s’annonçait par de tels prodiges et de tels bienfaits […]. Son zèle à détruire le culte des faux dieux suscita à Julien de grandes persécutions. Un jour, près d’Artins, une foule d’idolâtres s’assemblèrent furieux autour de lui, menaçant de le tuer ; loin de trembler, notre Saint entre dans le temple, et, par la seule invocation du nom de Jésus-Christ, renverse et réduit en poussière une idole énorme ; il en sort un serpent qui se jette sur ses propres adorateurs et en fait périr un grand nombre. Alors les idolâtres, au lieu de menacer l’apôtre, implorent son secours ; celui-ci fait le signe de la croix et commande au reptile de s’enfuir sans faire de mal à personne. Il est obéi. Tout ce peuple se convertit, renverse lui-même ce temple païen, se fait instruire et baptiser. Le défenseur, étant venu trouver le saint évêque pour lui dire que la cité réclamait son retour, fut témoin d’un grand prodige. Comme ils parcouraient ensemble la campagne, ils rencontrèrent un enfant qu’un effroyable serpent avait enlacé dans ses anneaux, et se préparait à dévorer. Tous les assistants frémirent d’horreur. Le Saint s’approcha, fit une fervente prière et le reptile creva par le milieu du corps. Lorsqu’ils rentrèrent dans la cité, parmi la foule qui fêtait le retour de son pasteur, se mêlèrent beaucoup d’idolâtres, entre autres deux énergumènes qui se présentèrent à Julien pour être guéris. Celui-ci mit les démons en fuite au nom de Jésus-Christ. Après avoir pris part à un banquet avec les principaux fidèles, heureux de revoir leur père, et réglé ce que réclamait les besoins de son église, Julien, refusant l’hospitalité que lui offrait le défenseur, retourna à la pauvre habitation qu’il avait choisie près de la ville, et à ses travaux apostoliques […]. Envoyé par le vicaire de Jésus-Christ, l’apôtre des Cénomans retourna à Rome pour lui rendre compte de sa mission, demander la confirmation de son œuvre et l’érection de cette nouvelle Eglise. Il en rapporta, avec d’abondantes bénédictions, des reliques qui, en fixant la dévotion des idolâtres fraîchement convertis, les détournèrent du culte superstitieux qu’ils rendaient encore aux fontaines, aux bois et aux rochers. Il est probable qu’il ramena aussi de Rome de nouveaux ouvriers évangéliques ; il ne négligea aucun moyen pour augmenter et instruire son clergé ; tout porte à croire qu’il établit à cet effet une école où il enseigna d’abord lui-même. Enfin, épuisé de fatigue, comblé de mérites, et sachant que sa fin était proche, il voulut s’y préparer dans la solitude. Il confia donc le soin de son église à Thuribe, et se retira, à une demi-journée de marche de la ville du Mans, sur les bords de la Sarthe, à l’endroit où s’élève aujourd’hui le bourg de Saint-Marceau. Au bout de quelque temps, une fièvre lente l’avertit de sa dernière heure. Il fit alors assembler autour de lui les clercs et les principaux fidèles, leur recommanda l’obéissance à son successeur, puis, pendant que les mains étendues vers le ciel il louait Dieu et lui rendait grâce, son âme se sépara doucement de son corps et s’envola vers le séjour qu’elle avait mérité, le 27 janvier 117, selon plusieurs anciens auteurs, après 43 ans, 3 mois et 17 jours d’épiscopat».
Voir également le § 6.1.4.2 Vie de Sainte Marie-Madeleine et de Sainte Marthe par Raban Maur, évêque de Mayence, où Saint Julien du Mans est explicitement cité.
2.9.15.9 Saint Ruf d’Avignon
Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Ruf est fêté le 12 novembre. Nous lisons à la page 273 :
« A Avignon, Saint Ruf, premier évêque de cette ville ».
Du tome 3 des « Petits Bollandistes », page 604 :
« C’est une ancienne tradition de l’église d’Avignon que Saint Ruf, son premier évêque, était fils de ce Simon le Cyrénéen qui aida Jésus à porter sa croix. On dit que Simon avait quitté la Lybie et la ville de Cyrène, sa patrie, après la perte de sa fortune, et qu’il était venu à Jérusalem avec ses deux fils Alexandre et Rufus. Ayant été témoin des merveilles qu’opérait Jésus, il crut en lui et fut compté parmi les disciples. Après l’ascension du Sauveur, Ruf s’attacha à Saint Paul et vint à Rome avec le Docteur des nations. C’est de lui, on le croit, que parle Saint Paul, dans l’épître aux Romains, lorsqu’il dit : ‘Saluez Rufus, élu dans le Seigneur’, bref éloge qui montre suffisamment la sainteté du bienheureux Ruf. Il suivit Saint Paul en Espagne où cet Apôtre l’établit chef de l’Eglise de Tortose naissante. Sur la demande des habitants de Valence émus des merveilles opérées à Tortose, il envoya dans cette ville quelques-uns de ses disciples pour y porter la lumière de l’Evangile. Il passa ensuite les Pyrénées avec Paul-Serge, que l’Apôtre des Gentils avait ordonné évêque de Narbonne, et vint fonder l’église d’Avignon. Il propagea l’Evangile d’une manière étonnante dans la contrée et fit bâtir, dit-on, une chapelle sur le Rocher, où, selon la tradition, Charlemagne fit élever plus tard la basilique de Notre-Dame des Doms. Comblé d’années et de mérites, Rufus s’endormit dans le Seigneur vers l’an 90. Le martyrologe romain le mentionne le 12 novembre : les églises d’Avignon et de Tortose célèbrent sa fête le 14 du même mois ».
2.9.15.10 Saint Gatien de Tours
Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Gatien de Tours est fêté le 18 décembre. Nous lisons à la page 291 :
« A Tours, Saint Gatien, évêque, que le pape Saint Fabien ordonna premier évêque de cette ville, où, célèbre par de nombreux miracles, il s’endormit dans le Seigneur ».
Du tome 14 des « Petits Bollandistes », pages 364 à 367 :
« Saint Gatien, disciple des Apôtres et premier évêque de Tours, fut envoyé en cette ville, dans le même temps que Saint Trophime à Arles, Saint Martial à Limoges, Saint Saturnin à Toulouse, Saint Paul à Narbonne, Saint Austremoigne en Auvergne […]. Le monde était enore plongé dans les ténèbres de l’idôlatrie, car il y avait peu de temps que Jésus-Christ était monté au ciel. Gatien trouva les habitants de sa ville de Tours adonnés à toutes sortes de superstition : aux divinités de la patrie ils avaient ajouté les dieux de la puissante Rome, dont ils subissaient l’empire. Il n’eut pas plus tôt reconnu la profondeur des ténèbres où ces pauvres idôlatres se trouvaient plongés, qu’il chercha les moyens efficaces de les en retirer. Il commença par des leçons évangéliques très familières, dans lesquelles il leur fit clairement connaître la vanité des idoles, l’impossibilité de la pluralité des dieux, la fausseté du culte superstitieux qu’ils rendaient aux divinités qu’on les obligeait d’adorer ; et, après avoir ainsi dissipé les erreurs du paganisme, détruit toutes les vaines cérémonies du pays, et anéanti dans les esprits toutes les fausses idées qu’ils avaient conçues touchant les dieux de l’empire, il leur présenta les lumières de la foi évangélique, leur annonça le vrai Dieu, et leur enprouva l’unité de la vérité ; il les fit ensuite descendre dans la connaissance des trois personnes de la Sainte Trinité ; il leur fit comprendre la nécessité du mystère de l’Incarnation et la venue de Jésus-Christ sur la terre ; il leur parla du second avènement du Sauveur comme juge, qui viendrait un jour récompenser le mérite de ceux qui auraient bien fait pendant leur vie, et condamner à des peines éternelles ceux qui auraient mal fait. Il les accoutumait aussi en même temps au culte du vrai Dieu, substituant sagement des pratiques et des exercices évangéliques aux cérémonies superstitieuses auxquelles ils étaient attachés. Il serait difficile d’expliquer ici en combien de manières les plus opiniâtres du pays s’opposèrent aux desseins de notre zélé missionnaire, soit en interrompant ses instructions, soit en le dénonçant aux magistrats, ou en le maltraitant et en le menançant de le faire mourir ; aussi ce prudent Apôtre, suivant le conseil de Jésus-Christ, allait-il se cacher dans une grotte creusée de ses propres mains dans les rochers qui bordent la rive septentrionale de la Loire et où s’éleva plus tard l’illustre abbaye de Marmoutier. Entouré de broussailles et de ronces, ce lieu était d’un difficile accès, et l’Apôtre put facilement s’y soustraire à la haine des païens et y réunir ses rares néophytes. Maintenant encore le pieux pèlerin peut visiter cette grotte, presque en ruine, qui fut le berceau du christianisme en Touraine. Saint Gatien avait dédié ce petit oratoire à la Vierge Marie, Mère de Dieu. L’histoire de sa vie nous assure même que, dans le temps des retraites qu’il était contraint de faire dans les cavernes et dans les forêts éloignées, il le laissait pas d’être suivi d’un grand nombre de ses disciples et de retourner même en certains jours dans les villes et dans les bourgades, soutenir la foi des nouveaux chrétiens […]. La saintété de sa conduite, la dureté qu’il exerçait envers son corps, ses jeûnes, ses veilles, sa prière continuelle, son désintéressement, son extrême bonté, sa prudence en tout de qu’il entreprenait, sa patience à supporter les injures, les calomnies et les menaces, sa profonde humilité, toutes vertus inconnues jusqu’alors à ces peuples ; cet assemblage de tant de perfections engageait ces esprits à reconnaître qu’il y avait en cet homme quelque chose d’extraordinaire et dont ils n’avaient point encore vu d’exemple ; de sorte que, quoique le saint évêque ait été privé de la consolation de voir de grands fruits se sa maison dans les commencements, la précieuse semence néanmoins qu’il avait jetée ne laissa pas de présenter dans la suite une très-abondante moisson, dont il eut la joie de faire l’heureuse récolte […]. A la puissance de la parole divine, Gatien ajoutait celle des miracles, et ce furent principalement les opérations extraordinaires qu’il faisait qui étonnaient et arrêtaient ceux qui contribuaient le plus à la persécution qu’on exerçait contre les nouveaux fidèles. En effet, il n’y avait point de maladie à lquelle il n’apportât quelque guérison, ni de démons dont il ne se rendit le maître et qu’il ne chassât par les exorcismes ; le seul signe dela croix était le moyen le plus ordinaire et le plus puissant dont il se servait en ces occasions ; ce domaine souverain, que Saint Gatien exerçait avec tant de facilité sur les puissances de l’enfer, contraignait les plus incrédules à confesser que la religion de celui qui avait une si grande autorité était la véritable qu’il fallait suivre. Ce fut alors que la persécution se ralentit, que les conversions furent plus fréquentes, que le culte des idoles fut négligé, que les cérémonies païennes furent méprisées et les autels abandonnés et démolis. L’estime et l’autorité que le saint prélat s’était acquises prévalurent enfin tellement dans l’esprit du plus grand nombre des hommes, que l’on eut la liberté d’ériger d’autres autels et de petits oratoires où ceux qui avaient embrassé la foi pouvaient s’assembler ; on construisit dans les bourgades d’alentour, comme dans la ville de Tours, des lieux convenables qu’on appelait de petites églises, pour s’exercer dans les fonctions de la vrai religion : on en compte jusqu’au nombre de huit […]. On y apprenait à chanter les louanges du vrai Dieu, on y formait des clercs pour être élevés aux dignités de l’Eglise ; on y ordonnait des prêtres pour soutenir la gloire du sacerdoce et exercer les fonctions ecclésiastiques ; on y administrait les sacrements et on s’y assemblait au moins le jour du dimanche pour y recevoir la nourriture nécessaire au nouvel état que l’on avait eu le bohneur d’embrasser […]. Enfin, notre saint prélat ayant rempli glorieusement tous les devoirs de sa mission, étant dans un âge fort avancé, accablé du poids des travaux évangéliques, ayant pourvu à toutes les nécessités pressantes des églises qu’il avait établies, et n’ayant plus de désirs que pour le ciel, il sentit avec bonheur approcher le moment du repos et l’heure de la récompense. Un jour le saint apôtre, accablé de fatigues et de vieillesse, était étendu sur sa couche ; un sommeil léger venait de s’emparer de lui, lorsque Jésus-Christ lui apparaissant, l’éveilla et lui présenta lui-même son corps, comme un viatique, pour le fortifier à cet instant suprême où il allait quitter la vie. La maladie suivit de près cette visite divine, et elle fit de si rapides progrès, que sept jours après, le quinzième des calendes de janvier, Gatien était au ciel. On représente Saint Gatien : 1° célébrant la messe ou l’office dans une espèce de grotte (il fut le premier, en effet, qui érigea des autels au vrai Dieu et fonda des oratoires chrétiens en touraine) ; 2° assemblant les fidèles dans des souterrains, à cause de la persécution ; 3° en groupe avec les premiers apôtres des Gaules : Saint Trophime d’Arles, Saint Paul de Narbonne, Saint Saturnin de Toulouse, Saint Denis de Paris, Saint Austremoigne d’Auvergne, Saint Martial de Limoges ».
Culte et reliques
« Saint Gartien fut enseveli hors de la ville, dans le cimetière des pauvres, au lieu où s’éleva plus tard l’église de Notre-Dame-la-Pauvre qui, fière et heureuse d’un tel trésor, fut dans la suite nommée par le peuple fidèle, Notre-Dame-la-Riche. De longues années s’étant écoulées, et la vacance du siège ayant duré longtemps après la mort du bienheureux Gatien, le peuple avait oublié le lieu de sa sépulture ; Saint Martin le connut par une révélation spéciale, et il fit alors transporter le corps du saint évêque dans son église principale, au milieu d’un concours immense du peuple. Animé d’une grande dévotion pour son illustre prédécesseur, il allait souvent le prier ; il ne s’éloignait point de sa ville épiscopale et n’y rentrait jamais sans se prosterner devant son tombeau. Or, un jour il y vint, selon son habitude, il y pria avec beaucoup de larmes, puis, avant de se retirer, il dit au très glorieux Gatien :’Homme de Dieu, bénissez-moi’. Et aussitôt une voix sortit de la tombe, et l’on entendit distinctement ces paroles : ‘serviteur de Dieu, je t’en prie, bénis-moi’ […]. Les reliques de Saint Gatien, apôtre de Touraine, avaient échappé en partie aux fureurs sacrilèges des Huguenots, qui commirent tant d’excès à Tours en 1562. Ces fragments précieux ont péri durant la Révolution de 1793. L’église métropolitaine en possède néanmoins des parcelles assez considérables qui lui ont été données, en 1827, par l’église de Saint-Waast d’Arras, sur la demande de Mgr Augustin-Louis de Montblanc, archevêque de Tours. Saint Gatien est spécialement invoqué pour recouvrer promptement les choses perdues ou dérobées. La fête de notre Saint est marquée au 18 décembre dans les martyrologes d’Adon et d’Usuard, comme dans celui de France ».
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Re: LA PREDILECTION ET LA MISSION DE LA FRANCE
2.9.15.12 Saint Paul de Narbonne
Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Paul de Narbonne est fêté le 22 mars. Nous lisons à la page 156 :
« A Narbonne en France, la naissance au ciel de Saint Paul, évêque, disciples des apôtres, que l’on dit être le même que le proconsul Sergius Paulus, baptisé par le bienheureux apôtre Paul, et qui, lorsqu’il allait en Espagne, fut nommé évêque de Narbonne. Ce saint ayant dignement rempli le ministère de la prédication évangélique, et opéré d’éclatants miracles, entra dans le séjour de la béatitude ».
Aux pages 67 et 68 de l’ouvrage « l’hagiologie nivernaise » nous est précisé que « Saint Paul partit de Rome avec Saint Denis, Saint Trophime, Saint Gatien, Saint Saturnin, Saint Austremoine et Saint Martial, pour venir porter dans les Gaules la lumière de l’Evangile. Saint Paul s’arrêta à Narbonne, dont il fut le premier évêque, et où il mourut, sans avoir eu le bonheur, comme la plupart de ses compagons, de féconder par son sang la terre où il avait déposé la précieuse semence. On ne sait au juste l’année de sa mort ; sa fête se célèbre le 22 mars (Plusieurs auteurs graves veulent que ce saint soit le même que Sergius Paulus, converti et baptisé par Saint Paul)». En ce qui concerne son culte nous savons qu’en « 878, Trudegaud, abbé de Saissy-les-Bois, envoya à Nîmes quelques-uns de ses moines, pour réclamer des reliques de Saint Baudèle, leur patron. Ils furent assez heureux pour réussir dans leur pieuse démarche ; l’archevêque de Narbonne leur accorda des reliques considérables de leur saint patron, et leur donna de plus une partie du corps de Saint Paul. Ces saintes reliques furent transportées dans le monastère de Saissy, où elles furent reçues avec une grande solennité par Wibaud, évêque d’Auxerre, et conservées avec honneur dans la nouvelle église que Trudegaud avait fait bâtir. Les reliques de Saint Paul furent probablement perdues, ainsi que celles de Baudèle, lors de la prise de Saissy par les Normands, au dixième siècle, ou par les protestants qui ravagèrent le monastère. Cependant le riche trésor de Varzy possède encore un ossement du saint apôtre de Narbonne ; le reliquaire où il est renfermé est de bois argenté, fait en forme de bras, vêtu d’une manche fort plissée avec une étiquette : « De Sancto Paulo Apostolo ». La notice indique formellement qu’il s’agit de l’apôtre de Narbonne ».
Voir également le § 6.1.4.2 Vie de Sainte Marie-Madeleine et de Sainte Marthe par Raban Maur, évêque de Mayence, où Saint Paul de Narbonne est explicitement cité.
2.9.15.13 Saint Saturnin de Toulouse
Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Saturnin est fêté le 29 novembre. Nous lisons à la page 282 :
« A Toulouse, Saint Saturnin, évêque, qui du temps de l’empereur Dèce [dans la continuité de ce que nous présentons, vraisemblablement bien avant], fut arrêté par les païens dans le Capitole de cette ville, et précipité du haut des degrés jusqu’en bas. Ayant eu la tête brisée, la cervelle répandue, et tout le corps déchiré, il rendit à Jésus-Christ son âme digne des récompenses éternelles ».
Des « Recherches sur les origines des Eglises de Reims », pages 67 à 73 :
« Grégoire de Tours a dit, dans son Histoire des Francs : Sous le consulat de Dèce et de Gratus, comme on s’en souvient par une tradition fidèle, la ville de Toulouse commença à avoir Saint Saturnin pour évêque. Mais on lit aussi dans son traité de Gloria martyrum : Saturnin, martyr, a été, dit-on, ordonné par les Disciples des Apôtres. Ces deux pièces présentent une contradiction flagrante. Le consulat de Dèce et de Gratus eut lieu l’an 250, et les Disciples des Apôtres appartiennent au premier siècle et à la première moitié du second […]. Reprenons [un autre passage] du texte de Grégoire de Tours : Du temps de Dèce, sept personnages ordonnés évêques furent envoyés pour prêcher dans les Gaules, comme le raconte l’histoire du martyre de Saint Saturnin, car elle dit : sous le consulat de Dèce et de Gratus, comme on s’en souvient par une tradition fidèle, la ville de Toulouse commença à avoir Saint Saturnin pour évêque ; voici donc ceux qui furent envoyés : aux habitants de Tours, l’évêque Gatien ; à ceux d’Arles, l’évêque Trophime ; à Paris l’évêque Denis ; en Auvergne, l’évêque Austremoine, et à Limoges, l’évêque Martial. Ainsi, point d’équivoque possible : c’est dans l’histoire du martyre de Saint Saturnin que Grégoire de Tours a trouvé les noms des sept évêques. [Cependant], la légende de Saint Saturnin ne parle en aucune manière des sept évêques. Elle dit simplement : Sous le consulat de Dèce et de Gratus, comme on le sait par une tradition fidèle, la ville de Toulouse eut Saint Saturnin pour premier évêque. Cette erreur de l’évêque de Tours avait déjà frappé Dom Ruinart […]. D’où provient donc cette inexactitude de l’historien des Francs ? A M. l’abbé Faillon appartient l’honneur d’en avoir découvert la source. Dans son livre sur l’apostolat de Sainte Marie Madeleine, ce savant a prouvé que Saint Grégoire n’avait eu pour composer ce qu’il rapporte de la mission des sept évêques, que les actes de Saint Saturnin et ceux de Saint Ursin de Bourges ; qu’ils avait pris de ceux-ci le nom de ces évêques, de ceux-là la date de leur mission […]. Nous sommes donc convaincu, comme l’ont été les auteurs de l’Art de vérifier les Dates, que Saint Saturnin, premier évêque de Toulouse, a été envoyé dans les Gaules par les apôtres ».
Voir également le § 6.1.4.2 Vie de Sainte Marie-Madeleine et de Sainte Marthe par Raban Maur, évêque de Mayence, où Saint Saturnin de Toulouse est explicitement cité.
2.9.15.14 Saint Trophime d’Arles
Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Trophime est fêté le 29 décembre. Nous lisons à la page 296 :
« A Arles, la naissance au ciel de Saint Trophime, dont parle Saint Paul dans son épître à Timothée. Ordonné évêque par cet apôtre, il fut le premier envoyé en cette ville pour prêcher l’Evangile. De cette source de prédication, comme l’écrit le pape Saint Zozime, toute la Gaule reçut les ruisseaux de la foi ».
Des « Recherches sur les origines des Eglises de Reims », pages 39 à 42 :
« Raban-Maur, qui a écrit au 9 ième siècle et sur d’anciens documents, une vie de Sainte Marie Madeleine, compte Saint Trophime non seulement parmi les plus illustres disciples de Jésus-Christ, mais encore parmi les plus anciens. On sait en effet que les disciples étaient divisés en deux classes, et qu’on désignait sous le nom d’anciens ceux qui avaient accompagné le Sauveur depuis son baptême jusqu’à sa mort. On lit dans le martyrologe d’Usuard, écrit en 873 : ‘A Arles, fête de la naissance de Saint Trophime, dont parle Saint Paul dans son épître à Saint Timothée. Saint Trophime ordonné évêque par cet apôtre, fut envoyé le premier dans ladite ville pour y prêcher l’évangile du Christ’. Le martyrologe de Saint Adon, qui était évêque de Vienne dit, au 29 décembre : ‘A Arles, jour de la naissance de Saint Trophime, évêque et confesseur, disciple des apôtres Pierre et Paul. Saint Adon vivait en 859. Trophime est qualifié d’évêque, disciple des apôtres par le petit martyrologe romain, qui est de 740. En 440, dix-neuf évêques de la province d’Arles écrivent au Pape Saint Léon pour revendiquer les privilèges que l’église de Vienne avait enlevés à cette métropole. ‘Toutes les provinces de la Gaule savent, disent-ils, et la sainte Eglise romaine ne l’ignore pas, que la cité d’Arles est la première ville de Gaule qui ait mérité de recevoir pour pontife Saint Trophime, envoyé par le bienheureux apôtre Saint Pierre, et que, de là, le don de la Foi s’est répandu peu à peu dans les autres provinces des Gaules’. En 417, le Pape Zozime avait déjà dit de Saint Trophime : ‘Assurément, il ne faut point déroger à ce privilège de la ville métropolitaine d’Arles, vers laquelle fut envoyé en premier lieu l’évêque Trophime, source première de laquelle toutes les Gaules ont reçu les ruisseaux de la foi’. Il est vrai que Grégoire de Tours a obscurci la question en prétendant que la mission de Saint Trophime datait du 3 ième siècle : ‘Sous Dèce, dit-il, sept hommes ordonnés évêques furent envoyés dans les Gaules, comme le raconte l’histoire de Saint Saturnin, martyr. Elle dit en effet : Dèce et Gratus étant consuls, comme on s’en souvient par une tradition fidèle, la cité de Toulouse reçut pour premier chef saint Saturnin. Voici ceux qui furent envoyés : à Tours, l’évêque Gratien ; à Arles, Trophime, évêque ; à Narbonne, Paul, évêque ; à Toulouse, Saturnin, évêque ; à Paris, Denis, évêque ; en Auvergne, Austremoigne, évêque ; Martial fut désigné pour être évêque de Limoges’. Le consulat de Dèce et de Gratus a eu lieu en 250. Si ce que dit Gégoire de Tours est vrai, et nous prouverons plus tard d’une manière péremptoire qu’il y a dans ce passage une erreur manifeste, comment expliquer que trois ou quatre ans plus tard, ce siège aurait été occupé depuis longtemps par Marcien, que les évêques des Gaules dénoncèrent au Pape Saint Etienne comme un partisan de l’hérétique Navatien ? ‘Il y a longtemps, dit Saint Cyprien, qu’il s’est séparé de notre communion ; qu’il lui suffise d’avoir laissé mourir, les années précédentes, plusieurs de nos frères sans leur donner la paix !’ Saint Cyprien écriait cette lettre avant sa dispute avec Saint Etienne, c'est-à-dire, au plus tard, l’an 254, où eut lieu la controverse sur le baptême. La lettre des dix-neuf évêques de la Gaule que nous venons de citer, celle du Pape Zozime, démontrent encore combien peu de foi il faut ajouter à ce passage de Grégoire de Tours. Toutes deux ont pour objet de revendiquer les privilèges d l’Eglise d’Arles, usurpés par celle de Vienne ; toutes deux s’appuient sur le fait que Saint Trophime est venu le premier prêcher la Foi dans les Gaules. Et cependant il est prouvé que l’Eglise de Vienne, était déjà florissante au 2 ième siècle, comme le démontre la lettre de cette église et celle de Lyon aux églises d’Asie, sous Marc-Aurèle, en 177. Donc Saint Trophime n’a pu venir à Arles sous le consulat de Décius et de Gratus ; donc, le passage de Grégoire de Tours est complètement erroné. Et voyez comme tout s’enchaîne : Si Saint Trophime est venu à Arles sous l’apostolat de Saint Pierre, il s’ensuit naturellement que Saint Denis de Paris a été envoyé dans les Gaules par Saint Clément. ‘En effet, dit l’abbé Faillon, les anciens actes de Saint Denis conservés autrefois à Angoulême, supposent que Saint Denis ne vint à Arles qu’après la port de Trophime. D’après ces actes, Saint Denis fut envoyé par Saint Clément avec six autres de ses compagnons : Philippe, Marcelin, Saturnin, Lucien, Rustique et Eleuthère. Ils se rendirent tout d’abord à Arles, et, de là, dans chacun des lieux qu’ils devaient évangéliser. Ces actes ne faisant pas mention de Saint Trophime ; on doit conclure que celui-ci, qui certainement est des plus anciens, était déjà mort. C’est au reste ce que confirme expressément l’ancienne liturgie d’Arles : On y lit que le Pape Saint Clément envoya Saint Denis, Saint Rustique, Saint Eleuthère pour prêcher dans les Gaules ; que ces prédicateurs allèrent droit à Arles… ; que Saint Denis laissa dans le siège d’Arles un de ses disciples nommé Régulus, qui, de cette sorte, fut le second évêque de cette ville après Saint Trophime ».
Voir également le § 6.1.4.2 Vie de Sainte Marie-Madeleine et de Sainte Marthe par Raban Maur, évêque de Mayence, où Saint Trophime d’Arles est explicitement cité.
2.10 L’Envoi en Gaule de disciples par Saint Clément, troisième successeur de Saint Pierre
2.10.1 Saint Auspice d’Apt
Du « Dictionnaire historique et biographique du département du Vaucluse », page 119 :
« Saint Auspice, que l’église d’Apt reconnaît pour son apôtre et son premier évêque, passe pour avoir été disciple du Pape Saint Clément. Il fut envoyé de Rome, dit-on, pour annoncer l’évangile dans les Gaules, l’an 97 de Jésus-Christ. Il arriva à Apt, y reçut l’hospitalité dans la maison de Corilius, prêcha sur les places publiques, fit des miracles et de nombreuses conversions, et perdit, sur ces entrefaites, Euphrase et Emilien, les deux compagnons de ses travaux, dont les reliques furent, ajoute-t-on, déposées sous le grand autel de la cathédrale, après que la paix eut été rendue à l’église. Mais la persécution allait l’atteindre lui-même. Les partisans de l’ancien culte, appuyés des ordres de l’empereur Trajan, parviennent à le faire arrêter ; il comparait au tribunal de l’officier Dactyle : celui-ci fait apporter une idole ; Auspice la renverse d’un coup de pied ; aussitôt on lui coupe le membre sacrilège ; ramené dans sa prison, il fut tourmenté pendant une semaine, éprouvant chaque jour une nouvelle mutilation. Il mourut dans ce long supplice, le 4 des nones d’août de l’an 102, jour auquel l’église d’Apt célèbre sa fête. Lorsqu’en 1602 on fit l’inventaire de ses reliques, on remarqua l’os de la jambe droite coupé au-dessus de la cheville. L’évêque Raymond Bot, qui a composé une « Vie de Saint Auspice » d’après un missel du 8 ième siècle, fait mention d’une ancienne table de marbre sur laquelle les actes du martyre de ce Saint avaient été gravés en vieux caractères. On ignore le lieu où fut inhumé le corps de Saint Auspice. On présume qu’il a pu être déposé, dans le 4 ième siècle, avec celui d’autres saints, dans la grotte de la cathédrale d’Apt (sepulchra sanctorum). Les circonstances qui présidèrent à l’invention de ses reliques portent le caractère du merveilleux. On peut en voir le récit dans Boze (Histoire de l’église d’Apt, page 7 à 9), qui révoque sagement en doute l’époque par trop reculée de la mission de Saint Auspice ».
Du tome 9 des « Petits Bollandistes », page 426 :
« Saint Auspice, premier évêque d’Apt et Martyr (1er siècle).
Après le martyre de Flavie Domitille, Auspice, romain, qui avait fait l’éducation de cette princesse, reçut la consécration épiscopale des mains de Saint Clément et partit ensuite pour les Gaules avec Euphrase et Emilius, ses compagnons dans la prédication évangélique. La divine Providence le dirigea vers la ville d’Apt, en Provence, importante colonie romaine. Il y travailla avec ardeur à la propagation de la foi, et opéra de nombreuses conversions. Le nombre des croyants augmentait de jour en jour, et la lumière évangélique se répandait de la ville dans les campagnes environnantes, lorsque les prêtres des idoles se plaignirent auprès de Trajan que la Gaule narbonnaise était toute troublée par les chrétiens ; que la ville en particulier, émue par la voix d’un seul homme, avait presque tout entière renoncé à la religion des ancêtres. Des ordres furent données aux lieutenants Dactilius et Tertulla ; Auspice, l’auteur du prétendu trouble, est arrêté, puis chargé de fers et jeté en prison, où il travaille à la conversion de ses gardiens. Après un délai de quelques jours, Dactilius fait comparaître Auspice devant son tribunal, et lui propose l’alternative ou d’adorer les dieux ou de subir la peine capitale. On apporte une statue de Jupiter ; Aupice s’en approche comme s’il allait l’adorer, mais, d’un coup de pied, il la renverse et la brise. Le juge, furieux, lui fait d’abord couper le pied droit, puis, durant sept jours, il lui fait couper les membres par morceaux les uns après les autres. Auspice supporta ce long martyre avec une admirable fermeté et une invincible constance ; il le consomma à Apt le 2 août, sous l’empereur Trajan et le président Dactilius. Son corps fut enseveli par les chrétiens dans une crypte souterraine ; il fut découvert longtemps après et placé dans la cathédrale d’Apt (Propre d’Avignon) ».
2.10.2 Saint Clément de Metz
Des « Recherches sur les origines des Eglises de Reims », pages 92 à 96 :
« Jusqu’au commencement du 18 ième siècle, la tradition constante de l’Eglise de Metz avait fait remonter à Saint Pierre même la mission de Saint Clément […]. Le document le plus ancien que l’on connaisse de l’apostolat de Saint Clément est l’histoire des évêques de Metz, écrite au 8 ième siècle, par Paul Warnefride, plus connu sous le nom de Paul le Diacre […]. Paul Warnefride, diacre d’Aquilée, secrétaire d’Etat de Didier, roi des Lombards, fut, après la chute de ce prince, accueilli par Charlemagne, qui, appréciant son mérite, le plaça quelque temps à Metz pour y fonder une école. C’est là que Paul, à la prière de l’évêque Saint Angelrame, rédigea son histoire des chefs de cette Eglise. La lecture attentive de cet ouvrage, écrit avec une sûreté de critique que l’on rencontre bien rarement à cette époque, démontre que Paul Diacre avait à la fois sous les yeux les dypiques de l’Eglise de Metz et des documents anciens, qu’il désigne dans son livre sous le nom de Relatio prisca, relatio antiqua, et qu’il s’est entouré de ce que l’histoire générale de l’Eglise pouvait lui fournir, pour compléter l’histoire particulière qu’il avait à traiter. Il a eu soin, en terminant son travail, d’y annexer un catalogue des évêques, qui indique la durée de leur prélature […]. Les catalogues de l’Eglise de Metz présentent 24 Evêques, de l’an 47 de Jésus-Christ à l’an 550, où siégeait Saint Villicus, et dans les 5 siècles suivants, c'est-à-dire de Saint Villicus à Adalberon III, elle n’en compte que 25. Or, si l’on tient compte des vacances qui ont dû se produire assez fréquemment dans les premiers siècles, on voit que cette durée n’a rien d’exagéré. Nous pensons donc que ces catalogues sont irréprochables ; que la durée du gouvernement de chaque évêque y est indiquée d’une manière assez satisfaisante, et qu’en s’appuyant de l’autorité de Paul Diacre, ils servent à prouver, d’une manière irréfragable, l’existence de l’Eglise de Metz au premier siècle de l’ère chrétienne ».
2.10.3 Saint Denis l’Aréopagite
Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Denis est fêté le 9 octobre. Nous lisons à la page 256 :
« A Paris, la naissance au ciel des saints martyrs Denis l’Aréopagite, évêque, Rustique, prêtre, et Eleuthère, diacre. Saint Denis, ayant été baptisé par l’apôtre Saint Paul, fut ordonné premier évêque d’Athènes, d’où étant venu à Rome, il fut envoyé dans les Gaules par le Pape Saint Clément prêcher l’Evangile. Arrivé à Paris, après y avoir travaillé heureusement pendant quelques années à l’œuvre dont il était chargé, il fut cruellement tourmenté, et enfin décapité avec ses deux compagnons, par l’ordre du préfet Fescenninus, et accomplit ainsi son martyre ».
De « L’Evangélisation Apostolique du Globe », par Mgr Jean-Joseph Gaume, chapitre 15 « Evangélisation apostolique des Gaules en particulier », page 117 :
« Saint Denys arrive en Provence avec sa chère troupe qui venait de Rome, d’Asie, de Grèce et de Palestine, pour déraciner l’idolatrie et prêcher l’évangile en Gaule. A Arles, il apprit l’état de l’Eglise, les mœurs et les enseignements que son maître Saint Paul avait donnés aux habitants de cette ville. Il y laissa Regulus ou Rieul pour gouverner cette église qui n’avait point de pasteur, Trophime étant déjà décédée. Lui-même continua son chemin et dispersa ses disciples selon le besoin (Cf. Taraud « De l’état des Gaules » ; « Vie de Saint Martial, par le P. Bonnaventure de Saint-Amable, 1° partie, livre VI, chapitre 5 ; « Chronique de Verdun » » , par Hugues de Flavigny ; « Annales d’Avignon », par Bordein, archevêque de cette ville ; Dupleix « Histoire de Clovis » ; Gabriel du Préau « Histoire de Pépin » ; Pamelius dans Tertulien, livre « Adv. Judaeos », chapitre 7, etc. ».
Puis l’auteur nous relate un évènement d’une importance capitale pour l’ensemble de notre sixième section dédiée à la prédilection et à la mission de la France, c’est la raison pour laquelle je l’expose ici sous sa forme développée, sachant qu’il dépasse largement le cadre de ce seul paragraphe consacré à Saint Denys, premier évêque de Paris, mais qui lui est, dans le même temps, complètement lié.
C’est un évènement de la vie du Monarque Louis XIII décrit au début du chapitre 16, page 122 (toujours du même ouvrage de Mgr Gaume cité ci avant), qui allait être à l’origine d’un travail colossal qui aboutira à la rédaction du « Martyrologe des Gaules » (« Martyrologium Gallicanum » en latin), qui de part sa nature, l’ampleur du travail effectué, l’exactitude des renseignements qu’il contient, se révèle être une source d’une très grande fiabilité :
« A l’exemple de ses prédécesseurs, le pieux monarque récitait chaque jour son bréviaire. Comme il disait l’office de Saint Denys l’Aréopagite, apôtre de Paris, le Père Sirmond entra chez le roi : « Quel Saint Denys fêtez-vous aujourd’hui ? lui demanda le prince ». Sirmond lui répondit : « Je fête Saint Denys, venu dans les Gaules au milieu du troisième siècle : c’est lui, et non pas Saint Denys l’Aréopagite, qui est l’apôtre de Paris ». Troublé de cette réponse, le roi garda le silence. Quelques jours après il fit appeler du Saussay, protonotaire apostolique, et depuis évêque de Toul, un des plus laborieux, des plus modestes et des plus savants hommes de son siècle. Le roi se plaignit des attaques dirigées contre la tradition des églises de France. Elles lui paraissaient injurieuses, mal fondées et funestes au royaume. « Veuillez donc, ajouta le monarque, vous mettre à l’œuvre et, en vengeant nos traditions, nous conserver le patrimoine que nous avons reçu de nos pères. Ecrivez, en mon nom, dans tout le royaume, afin qu’on vous envoie tous les documents utiles à votre travail ». Du Saussay s’empresse d’obéir. Au nom de Sa Majesté, il commence par écrire à tous les archevêques et évêques des Gaules, chapitres et aux ecclésiastiques séculiers connus par leur science. « Je vous prie, leur dit-il, de m’adresser tous les documents que vous possédez sur l’origine de vos églises, sur les saints de vos provinces et de la Gaule en général ». De toutes parts, on répond avec empressement et les matériaux abondent ». « Un chapitre ne suffirait pas, dit du Saussay, pour nommer toutes les églises, de qui nous avons reçu les secours demandés. Afin de tout dire d’un seul mot, j’affirme en conscience qu’un très grand nombre de sièges épiscopaux et d’églises mères, depuis Aoste, Tarantaise, Sion, situées dans les Alpes, jusqu’à l’Océan qui sépare la France de l’Angleterre, se sont empressés de mettre leurs titres à notre disposition. Quelques-unes même de ces églises nous ont envoyé non seulement l’histoire de leur fondation, la succession de leurs évêques, le catalogues des saints locaux, et de leurs saintes reliques ; les monuments, médailles, inscriptions, manuscrits, dans un ordre parfait ; mais encore leurs histoires intégrales manuscrites, les unes récentes, les autres anciennes : le tout avec une munificence au-dessus de tout éloge [L’original du texte latin figurant en intégralité au bas de la page 123, extrait du chapitre 25 section 40 de l’ « Apparatus ad Martyrologium Gallicanum » édité en 1637, comme tout ce qui suit]». Après le clergé séculier, le consciencieux prélat écrivit au clergé régulier. La plupart des plus célèbres monastères de France lui ouvrirent leurs trésors : manuscrits, diplômes, chartes, tout ce qui avait échappé de monuments anciens aux ravages des protestants lui fut communiqué. Après le clergé, les laïques. Comme on savait dans toute la France que le savant protonotaire travaillait par ordre du roi, toutes les archives des municipalités des villes et des provinces lui furent ouvertes. Il en tira les documents les plus variés et les plus authentiques. Lui-même rechercha avec ardeur, tous les monuments publics et particuliers des églises et des monastères, publiés ou inédits. « J’ai recherché, dit-il, avec un soin jaloux, les livres liturgiques, surtout les anciens, les bréviaires, les missels, les martyrologes. Quelques-uns de ces livres remontent à plus de cinq cents ans ; plusieurs à plus de six cents ans ; comme le prouvent les indications des calendriers, les caractères de l’écriture, les vignettes sur parchemin, admirables de travail et de piété. De plus, toutes les histoires générales des Gaules, les chroniques communes et particulières, les registres des villes, et autres monuments publics ; les archives manuscrites ou publiées des églises et des monastères ; les annales sacrées et profanes des nations étrangères, que j’ai pu découvrir, je me les suis procurées, et j’en ai tiré parti pour appuyer et orner ce martyrologe, afin que, paraissant accompagné de la vérité et de l’autorité, il fût reçu avec plaisir et profit ».
De l’ouvrage : « La Mission divine de la France », pages 23 et 24 :
« Puis, si l'on en croit le Martyrologe Romain, le Pape Saint Clément (env. 88-97) envoie dans notre pays Denys de l'Aréopage, converti par Saint Paul et qui a assisté la Vierge à ses derniers moments. Denys s'installe à Lutèce et fait de nombreuses conversions. "Après plusieurs arrestations et supplices, il est décapité avec quelques autres Chrétiens, sur la Colline de Mars, appelée depuis lors Mons Martyrorum ou Montmartre (1), et enseveli à Saint-Denis. Ses restes furent, de tous temps, l'objet d'une vénération particulière, et il y a bien peu d'événements de notre Histoire auxquels l'Abbaye de Saint-Denis ne soit mêlée. La Basilique est le Sanctuaire où sont enterrés tous nos Rois et où est déposée la vieille Bannière qui nous a si souvent conduits à la victoire au cri de 'Mont-joye Saint-Denis'. Aussi n'est-on pas surpris de voir un Allemand, l'auteur de 'La Mystique divine, magique et diabolique' (2) s'écrier : " 'Détruisez la basilique de Saint-Denis : dispersez au vent les ossements de leurs Rois ; abattez, réduisez en cendres cette Basilique de Reims, où fut sacré Klodowig, où prit naissance l'Empire des Francs, faux frères des nobles Germains ; incendiez cette Cathedrale'. "Il avait bien compris, le misérable, ce que sont Reims et Saint-Denis : les deux symboles de notre Histoire Nationale."
Notes :
(1) : « A l'endroit où a été édifié le Sacré-Cœur ».
(2) : « Voir Santo. "Les crimes allemands".- "La chaîne infernale et ses 33 anneaux".
Du tome 4 des « Œuvres de Monseigneur l'Évêque de Poitiers » le Cardinal Pie :
- extrait du discours prononcé dans la solennité du 600 ième anniversaire de la consécration de l'église de Notre-Dame de Chartres le 17 octobre 1860, page 81 :
« Ils avaient un droit inaliénable à être maintenus en possession de leur culte, ces premiers apôtres de notre contrée, ces prédicateurs de la foi envoyés par Saint Pierre, Savinien et Potentien, les princes de notre ancienne Sénonaise, dont la mémoire a toujours été comme juxtaposée au trône érigé de leurs mains à la Vierge Mère, auprès du puits miraculeux de la grotte druidique. Et c'était aussi un acte de réparation historique comme de piété filiale, de relever, à l'opposite de leur autel, l'autel correspondant du Pape Saint Clément, à la mission duquel notre Gaule a dû sa seconde pléiade de prédicateurs évangéliques, dont Denys de Paris fut le chef, et dont le diacre Caraunus, qui couvre aujourd'hui de sa protection la jeunesse lévitique du diocèse, fut un des plus nobles athlètes ».
Du n° 261 de janvier-février 1971 de la revue « Atlantis », consacré exclusivement à Saint Denys et intitulé : « Denys l'Aréopagite et le mystère dionysien ». Article écrit par Josette Natya-Foatelli :
- extraits des pages 147-148 ; 152 ; 162 :
« Hilduin, le puissant Abbé de Saint-Denys, en présentant à Louis le Débonnaire en 837 son recueil portant le titre 'Areopagitica' est-il le premier responsable de la confusion de l'Aréopagite et de Denys de Paris ? Ou reprend-il une ancienne tradition ? En tout cas nous avons un titre de reconnaissance envers lui. C'est le premier qui traduisit ses œuvres grecques en latin et assura leur diffusion en Occident. Nous apprenons par que Michel Le Bègue, Empereur de Byzance, fit don à Louis le Pieux des œuvres de l'Aréopagite. Celui-ci en fit don à l'abbaye royale de Saint-Denys en 827, le 8 octobre, veille de la fête du martyr parisien, et cette nuit-là il y eut dix-neuf guérisons miraculeuses parmi les malades qui imploraient la faveur du saint […]. En 400, Maruta de Majuma, évêque de Maiparkat, écrivit une histoire du Concile de Nicée qu'il envoya à Issac de Seleucie. Cet ouvrage, conservé en partie parmi les manuscrits de la ‘Propagande Fide’ contient à la page 22 le message suivant : Clément, disciple de l'Apôtre Pierre, écrivit une lettre à Denys, évêque disciple de Saint Paul […] ».
- extrait de la page 171 :
« Pour les Francs, Denys l'Aréopagite est le même que l'apôtre de Lutèce, c'est un protecteur national et, plus tard, Abélard fut traité de criminel d'État pour avoir assimilé l'Aréopagite avec Denys de Corinthe (thèse du 4 ième siècle soutenue par Liberatus de Carthage - Abélard dit l'avoir lu dans Saint Bède). "Hilduin (le puissant abbé de Saint-Denys) s'exprime ainsi : 'qu'il soit considéré comme un impie, comme un délinquant endurci, celui qui, après tant de preuves, garde encore dans son cœur un attachement à l'avis contraire' ».
- extrait de la page 198 :
« Saint Denys est considéré par tous comme un protecteur national. On l'appelle le divin Denys... de Dieu seul et de toi, je tiens le royaume de France, dira Charlemagne. L'abbaye dionysienne sera appelée par l'empereur chef et maîtresse de son royaume. " Pour l'église ancienne, les reliques des martyrs sont vraiment " la pierre de fondation de son existence ". M. Formigé a retrouvé les traces du Martyrium aménagé par Pépin le Bref, avec sa chambre centrale ou " Confession " ; on y accédait depuis le transept par deux couloirs avec escaliers ».
- extrait de la page 201 :
« Le tombeau de l'apôtre des Parisiens a été pendant des siècles un lieu de pèlerinage où la faveur du ciel s'est manifestée aussi bien sur les puissants que sur les pauvres pèlerins. Dès l'époque de l'édit de Constantin, les premiers chrétiens élevèrent sur la tombe vénérée une memoria, puis une chapelle ; elle devait être ruinée par les malheurs du temps, quand Sainte Geneviève au 5 ième siècle décida d'influencer le clergé et le peuple pour construire une basilique en l'honneur de Messire Denys, car, disait-elle, c'est un lieu sacré et digne de tous les respects. Les prêtres comprirent aussitôt l'importance du projet, mais une difficulté s'éleva aussitôt... A proximité de Catiliacum... il n'existe pas de fours à chaux... mais Geneviève, que la lumière divine éclairait, dit : " Sortez... ministres de Dieu, allez vous promener de l'autre côté du port, vous reviendrez me dire que vous avez entendu... Deux porchers conversaient entre eux, l'un disait : " En suivant les traces d'une laie égarée, j'ai trouvé un four à chaux étonnamment grand..."; l'autre ajoutait : " J'ai vu dans la forêt un arbre que le vent a déraciné et sous ses racines j'ai aperçu un four à chaux."
" [...] C'est dans cette église élevée vers 475, et dont nous pouvons toucher les pierres vénérables mises à jour par les fouilles récentes, que Sainte Geneviève venait prier. Elle partait dans la nuit avec ses compagnes, de sa maison située dans le village de la Chapelle, pour arriver à l'aube le dimanche matin à la basilique Saint-Denys. Dans cette église, des pèlerins arrivaient de partout [...] "
- extrait des pages 163 et 204 :
« Le Pape Agathon, en 680, écrit une lettre à l'empereur Constantin IV Pogonat, où il s'appuie sur un passage de Denys qu'il nomme évêque d'Athènes. "Contre les incursions lombardes qui le menacent, le pape Étienne II (752-757) a passé les Alpes et est venu en France pour demander aide et protection à Pépin le Bref ; pendant son séjour à l'abbaye royale de Saint-Denis en 753, il tombe très malade et se trouve en danger de mort, il est miraculeusement guéri par Saint Denys qui lui apparaît en compagnie des apôtres Pierre et Paul. Il rapportera en Italie des reliques des trois martyrs de Lutèce. A l'église collégiale Sainte-Marie in Cosmedin à Rome, dans la grande urne du maître autel, on conserve l'os de bras de Denys provenant de ces reliques. Le Pape qui avait une très grande dévotion pour l'Aréopagite, lui avait dédié une basilique, dans sa propre maison paternelle près de Saint-Sylvestre. "Le Pape Paul I er, en 757, envoie à Pépin le Bref un exemplaire des œuvres de l'Aréopagite. Le Pape Adrien (757-798), dans sa lettre à Charlemagne concernant le culte des images, confirme tous ses prédécesseurs en ces paroles : 'Saint Denys l'Aréopagite fut glorifié par le Pape Grégoire, qui l'appelle ancien et vénérable Père et Docteur, qui fut le contemporain des apôtres et mentionné dans les Actes...'. Il puise aussi des citations dans la lettre de Denys à l'apôtre Jean. "Le martyrologe romain se fait également l'écho de la même tradition, selon laquelle le 7 des Ides d'octobre (soit le 9 octobre) était l'anniversaire du martyre de saint Denys l'Aréopagite, évêque de Lutèce, et de Rustique, presbytre et d'Eleuthère, diacre. Le même martyrologe rappelle que Denys, baptisé par l'apôtre Paul, fut d'abord consacré évêque des Athéniens, puis vint à Rome et fut envoyé pour prêcher en Gaule par le Bienheureux Clément, pontife de Rome, et que là, après avoir assumé loyalement son œuvre pendant plusieurs années, il subit le martyre par le glaive avec ses compagnons.
En Gaule antique, on commémorait l'Aréopagite à deux dates différentes :
- le 3 octobre comme évêque d'Athènes,
- le 9 octobre comme évêque des Parisiens.
Ces deux dates ne furent unifiées que des siècles après, au moment où l'évêque d'Athènes et le martyr de Lutèce furent reconnus par l'Église comme un seul personnage ».
- extrait des pages 165-166 et 204 :
« La vision du Pape Étienne II, d'après son propre récit [le récit de l'unique vicaire suprême de Jésus-Christ visible sur la terre, le Pontife romain, le Souverain Pontife, autrement dit l'évêque des évêques et dont personne n'a le droit de juger les décisions] : "Étienne, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu. "On ne doit jamais exalter ses mérites, mais il ne faut pas plus taire les œuvres de Dieu. Nous devons au contraire faire connaître ce que Dieu opère en nous par ses Saints, conformément au conseil que l'ange donnait à Tobie. "Un roi cruel et impie, nommé Astolfe, ayant opprimé la Sainte Église, je me suis réfugié en France, auprès du très bon Seigneur Pépin, roi très chrétien et fidèle à Saint-Pierre. Je demeurai quelques temps sur le territoire de Paris, au monastère du bienheureux Denys, martyr de Jésus-Christ et j'y fus atteint d'une maladie mortelle. Lorsque les médecins désespéraient de me guérir, je me fis transporter dans l'église du bienheureux martyr, au-dessous des cloches. Pendant que je priais, je vis le bon pasteur Saint Pierre et le maître des nations Saint Paul. Je les reconnus aux traits qu'on leur donne sur les images. "A droite de Saint Pierre se tenait saint Denys, trois fois bienheureux. Sa taille était plus haute et plus élancée, son visage d'une grande beauté, il avait les cheveux blancs, une tunique blanche bordée de pourpre, et un manteau de pourpre parsemé d'étoiles d'or. Une douce joie rayonnait sur le visage des trois saints, et ils s'entretenaient ensemble. Saint Pierre, le bon pasteur, disait : 'Voilà notre frère qui demande la santé' - 'Il sera bientôt guéri,' répondit Saint Paul. Puis il s'approcha de Saint Denys avec beaucoup d'amabilité et lui mit la main sur le cœur en regardant Saint Pierre. Mais celui-ci gaiement, s'adressant à saint Denys : 'C'est ta grâce qui doit le guérir'. Aussitôt le bienheureux Denys, ayant dans ses mains un encensoir et une palme, s'approcha de moi, accompagné d'un prêtre et d'un diacre qui s'étaient tous les deux tenus un peu à l'écart et il me dit : 'La paix soit avec toi, mon frère, ne crains rien, tu ne mourras pas avant de retourner à ton siège. Lève-toi, tu es guéri. Dédie cet autel en l'honneur de Dieu et de ses apôtres Pierre et Paul que tu vois ici, et ensuite célèbre des messes d'actions de grâces.' En même temps une grande clarté et une odeur délicieuse remplirent l'église. "Je me levai entièrement guéri et je me mis en devoir d'accomplir ce qui m'était ordonné. Ceux qui étaient là disaient que j'avais le délire. C'est pourquoi je leur racontai, ainsi qu'au roi et aux seigneurs de la cour, ce qui venait de m'arriver. Je remplis ainsi les ordres que j'avais reçus. Que Dieu soit béni." (D'après Sirmond, Concil, ant Gal, tome 2, page 13) [...]. "Le 27 juillet 754, le Pape consacra le nouvel autel de la basilique en construction, œuvre de l'abbé Fulrad ; dans ce lieu il donna l'onction royale au roi Pépin, à la reine Berthe et à leurs deux fils Charles et Carloman. "Le destin de la monarchie française et de la papauté s'est joué près du tombeau de Saint Denys [et il s'y jouera mystiquement encore]. Le pape Étienne II laissa aux religieux, en signe de reconnaissance, le pallium et les clefs d'or renfermant dit-on des parcelles des chaînes de Saint Pierre et de saint Paul. "Le manuscrit conservé à la cathédrale de Reims, et qui a pour titre De Miraculis Sancti Dionysii, des miracles de Saint Denys, raconte des faits prodigieux à la gloire de l'apôtre des Parisiens... Que choisir dans un tel florilège ?". Debeney (L'abbé), ancien curé de Saint-Denis (en Bugey), Vie abrégée de Saint Denis l'Aréopagite, premier évêque de Paris (avec les approbations de Louis-Joseph, évêque de Belley, de François, archevêque de Paris, de Joseph, archevêque de Bourges, et de Amand-Joseph, évêque de Grenoble), Lyon, Librairie et Imprimerie Vitte et Perrussel, 3, place Bellecourt, 1888, Avant-propos : "Notre but, ici, n'étant que l'édification des âmes, le désir de raviver en elles l'esprit de foi qui constitue la sainteté, nous ne nous arrêterons pas à discuter et à réfuter les critiques qui nient l'identité parfaite de Saint Denis l'aréopagite et de Saint Denis de Paris. Nous dirons (et de telles autorités sont irrécusables) que le cardinal Baronius, les Pères Alloix, Ménard, Chiffet, Alexandre, etc., se sont déclarés ouvertement pour l'identité des deux saints Denis. Cette tradition devint encore plus certaine lorsque, sur l'ordre exprès de Louis le Débonnaire, Hilduin, abbé de saint Denis, en France, en eut établi la vérité par des témoignages publics et authentiques, en un mot, sans réplique. Après lui, elle fut également démontrée par des hommes éminents, tels que, parmi les Grecs : Méthodius, patriarche de Constantinople, Michel Syncelle, de Jérusalem, Métaphraste, etc.- parmi les latins : Hincmar, archevêque de Reims, et Anastase le bibliothécaire ; puis, de nos jours, Mgr Freppel et M. l'abbé Darras, surtout, par son travail magistral sur la question ».
Du tome 5 (Le temps de la Pentecôte) de « L'Année Liturgique » par Dom Prosper Guéranger, abbé de Solesmes :
- extrait de l’article au jour du 9 octobre, intitulé « Saint Denys, Évêque et Martyr et les Saints Rustique et Éleuthère, Martyrs », pages 468 et 469 :
« Le récit de l'Église romaine touchant Denys et ses Compagnons est conforme à celui de l'Église grecque en ses Ménées, bien que le 3 octobre soit pour celle-ci le jour de leur fête. " Denys était d'Athènes, et l'un des juges de l'Aréopage. Son instruction était complète en tout genre de science. Encore païen, on raconte que témoin de la miraculeuse éclipse de soleil arrivée le jour où fut crucifié le Seigneur, il s'écria : Ou le Dieu de la nature souffre, ou le système du monde se détruit. Paul étant donc venu à Athènes, et ayant rendu compte de la doctrine qu'il prêchait dans l'Aréopage où on l'avait conduit, Denys et beaucoup d'autres crurent au Christ dont l'Apôtre annonçait la résurrection comme prémices de celle de tous les morts. " Saint Paul le baptisa et lui remit le gouvernement de l'église d'Athènes. Venu plus tard à Rome, il reçut du Pontife Clément la mission d'aller prêcher l'Évangile en Gaule et pénétra jusqu'à Lutèce, ville des Parisiens, en la compagnie du prêtre Rustique et du diacre Éleuthère. Il y convertit beaucoup de monde à la religion chrétienne, en suite de quoi le préfet Festinnius le fit battre de verges avec ses compagnons. Sa constance à prêcher la foi n'en était nullement ébranlée, ils passèrent ensemble par le supplice du gril ardent et beaucoup d'autres. " Mais comme ils affrontaient avec courage et joie tous ces tourments, Denys, âgé de cent un ans, fut avec les autres frappé de la hache le sept des ides d'octobre. On rapporte de lui que prenant dans ses mains sa tête tranchée, il la porta l'espace de deux milles. Il a écrit des livres admirables et tout célestes, sur les Noms divins, la Hiérarchie céleste, la Hiérarchie ecclésiastique, la Théologie mystique, et quelques autres ».
De l’ouvrage « Les Révélations Célestes et Divines » de Sainte Brigitte de Suède :
- extrait du livre 9, chapitre 92 :
« Le mari de Sainte Brigitte, étant en chemin, de retour du pèlerinage de Saint Jacques, tomba malade à Atrabalé ; et la maladie augmentant, Sainte Brigitte s’affligeait fort et fut consolée par Saint Denis, qui, lui apparaissant en l’oraison, lui dit : Je suis ce Denis qui, de Rome, suis allé en France prêcher l’Évangile toute ma vie. Mais vous m’aimez d’une particulière dévotion : c’est pourquoi je vous dis que Dieu veut être connu au monde par vous, et vous vous êtes donnée à ma garde et protection : c’est pourquoi je vous aiderai toujours, et je vous en donne ce signe, que votre mari ne mourra point de cette infirmité. Et ce grand saint visitait ainsi sainte Brigitte en ses révélations ».
Du tome 3 de la « Vie d’Anne Catherine Emmerick », pages 369 et 370 :
« Je vis Denys parcourir la Palestine où il entendit raconter sur Jésus beaucoup de choses qu'il recueillit avidement. En Égypte, je le vis étudier l'astronomie à l'endroit où avait demeuré la sainte famille. Avant cela, je le vis observer avec plusieurs autres l'éclipse du soleil qui eut lieu à la mort de Jésus [...]. Après sa conversion, il accompagna souvent saint Paul dans ses voyages. Il alla avec lui à Éphèse pour voir Marie. Le Pape Saint Clément l'envoya à Paris. Je vis son martyre. Il prit sa tête dans ses mains croisées devant sa poitrine et marcha autour de la montagne [...]. Il eut beaucoup de visions célestes et, en outre, saint Paul lui a révélé ce qu'il vit dans ses contemplations. Il a écrit plusieurs très-beaux livres dont il reste encore une grande partie. Il n'a pas mis lui-même la dernière main à son livre sur les sacrements : c'est un autre qui l'a fini ».
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Re: LA PREDILECTION ET LA MISSION DE LA FRANCE
2.10.4 Exupère ou Spire à Bayeux
Du tome 9 des « Petits Bollandistes », pages 183 à 185 :
« Les mémoires de l’Eglise de Bayeux nous apprennent que Saint Exupère, que l’on appelle communément Saint Spire, et qu’elle reconnaît pour son premier évêque, fut un de ces heureux missionnaires que Saint Clément, Pape, disciple de Saint Pierre, envoya dans les Gaules avec Saint Denis l’Aréopagite, pour y annoncer la venue du Fils de Dieu. Il était romain et d’une très noble famille, et avait été formé à toutes les sciences qui peuvent cultiver un bel esprit. Le pays qui lui échut dans la distribution des provinces des Gaules, pour la prédication de l’Evangile, fut cette partie de l’ancienne Neustrie que l’on nomme actuellement Basse-Normandie. Il s’y rendit avec joie ; et, étant entré dans Bayeux, qui dès lors en était la capitale, il y travailla avec tant de zèle, qu’il vit bientôt le succès de ses travaux, c'est-à-dire un assez grand nombre de fidèles pour composer une église florissante. Il y fit donc bâtir un oratoire, où les nouveaux chrétiens s’assemblaient, et où lui-même célébrait tous les jours les saints Mystères, et distribuait le pain de vie, qui est Jésus-Christ dans son sacrement, et le pain de la parole de Dieu. Cet oratoire était dédié en l’honneur de la Sainte Vierge, et l’on croit qu’il était au lieu même où est aujourd’hui la cathédrale, qui la reconnaît toujours pour sa patronne et sa titulaire […]. Au reste, il ne faut pas croire que Saint Spire soit toujours demeuré dans Bayeux : ayant tout le pays maritime de la Neustrie pour son ressort, il ne manqua pas d’y porter de tous côtés la lumière de la foi. C’est dans ces travaux évangéliques qu’il employa sa vie jusqu’à une heureuse vieillesse. Lorsqu’il se vit près de mourir, il appela ses enfants autour de lui, et, à l’imitation de Notre-Seigneur, il les exhorta à l’union entre eux, à la charité pour le prochain, au zèle du salut des âmes, au véritable amour de Dieu, et les recommanda d’une manière pleine de tendresse au Père Céleste, dont ils étaient plus les enfants que les siens, puisqu’il ne les avait engendrés en Jésus-Christ qu’afin qu’ils eussent Dieu pour père. Ensuite ayant reçu les Sacrements avec une révérence et une dévotion extraordinaires, et voyant les Anges descendre du ciel pour conduire son âme dans la gloire, il adressa ces belles paroles au souverain Seigneur qui les envoyait : ‘O mon Dieu ! Lumière éternelle, Fontaine de toute piété et Roi de tout cet univers, en qui j’ai cru, que j’ai aimé, et dont j’ai annoncé la sainte doctrine, je vous prie de regarder d’un œil favorable la prière de tous ceux qui auront recours à vous par mon intercession, afin que toutes vos créatures vous bénissent dans tous les siècles des siècles’. Les clercs qui étaient présents répondirent : Amen. Et, au même instant, l’esprit du bienheureux Spire se sépara de son corps, pour aller jouir éternellement de la possession de son Dieu. Saint Régnobert, son disciple, prenant soin de son corps, le fit enterrer sur une colline hors de la ville, où les fidèles firent bâtir une petite chapelle en son honneur ; elle a été changée dans la suite des temps en une paroisse ; on n’y a jamais enterré : lorsqu’on l’a essayé, cette terre, par honneur pour Saint Exupère, a rejeté les dépôts qu’on voulait lui confier ».
2.10.5 Saint Firmin d’Amiens
Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Firmin est fêté le 25 septembre. Nous lisons à la page 250 :
« A Amiens, Saint Firmin, évêque, qui après avoir été soumis à divers tourments fut décapité sous le président Rictiovare, durant la persécution de Dioclétien ».
Des « Recherches sur les origines des Eglises de Reims », pages 114 et 115 :
« […] Saint Firmin I er, premier évêque de cette ville [Amiens], a été initié à la religion chrétienne par Honestus, disciple de Saint Saturnin, et sacré évêque par Saint Honoré, successeur du même Saint Saturnin ».
De « l’Hagiologie Nivernaise », page 389 :
« Les actes concernant la naissance, le vie, et le martyre de Saint Firmin, ont été l’objet de grandes discussions ; ce qui est certain, c’est qu’après avoir prêché l’Evangile sur plusieurs points de la Gaule, il se fixa à Amiens dont il fut le premier évêque. Voyant les progrès que faisait la religion chrétienne dans cette ville, grâce aux prédications et au zèle du saint pontife, le gouverneur de la province le fit décapiter. D’après l’opinion la plus commune, son martyre aurait eu lieu sous l’empereur Dioclétien. Saint Firmin est le patron de la paroisse qui porte son nom dans le doyenné d’Azy-aux-Amognes ; il y avait aussi, autrefois, dans la cathédrale de Nevers, une chapelle placée sous son invocation, fondée en 1280 sous l’épiscopat de Gilles de Châtelet. On représente Saint Firmin comme Saint Denis, en costume épiscopal et portant sa tête dans ses mains ».
2.10.6 Saint Eutrope de Saintes
De « l’Hagiologie Nivernaise », pages 100 et 101 :
« Saint Eutrope fut un de ces hommes apostoliques que le désir d’étendre le règne de Jésus-Christ, porta à venir prêcher l’évangile dans les Gaules. Il fut le premier évêque de Saintes, et il arrosa de son sang la terre où il avait déposé la bonne semence. L’histoire de la vie et du martyre de Saint Eutrope serait demeurée entièrement inconnue, si Saint Grégoire de Tours n’eût consacré quelques lignes à la gloire de ce saint. Ce fut, selon cet historien, le Pape Saint Clément qui, après l’avoir consacré évêque, lui ordonna de se rendre dans les Gaules. Après son martyre, la persécution qui sévissait ne permit pas aux chrétiens de l’ensevelir avec honneur, et on finit même par ignorer qu’il eût répandu son sang pour la foi. Cependant, on n’avait pas oublié son nom et ses vertus. Pallade, évêque de Saintes, avait élevé, en son honneur, une magnifique basilique, et quand il eut complété son œuvre, il convoqua les abbés du voisinage pour transférer, dans l’église qu’il avait bâtie, les restes précieux de Saint Eutrope. Deux des abbés se rendirent donc au lieu où son corps avait été déposé, et, après avoir découvert le tombeau, ils remarquèrent à la tête du saint une large cicatrice, résultat du coup de hache qui lui avait donné la mort. La nuit suivante, le saint leur apparut en songe à l’un et à l’autre, et leur adressa ces paroles : La cicatrice que vous avez vue a été produite par le coup qui a consommé mon martyre. Ce fut ainsi qu’on connut qu’il avait été martyr, car on n’avait pas conservé l’histoire de son glorieux combat. Le roi Saint Louis, dans un pèlerinage qu’il fit à l’église de Saint-Eutrope de Saintes, obtint une des côtes du saint martyr. Etant venu ensuite à Moulins en Bourbonnais, il en donna la moitié à l’église de Notre-Dame, et fit enchâsser cette précieuse relique dans un beau reliquaire. Il remit l’autre moitié à Jean Baudreuil, son secrétaire et maître des comptes audit Moulins. Ce fragment fut conservé longtemps avec respect dans la famille Baudreuil, à Saint-Pierre-le-Moutier. Plus tard, Durand Baudreuil le divisa et le partagea avec les frères prêcheurs de Nevers, y mettant pour condition qu’ils prieraient le saint pour sa famille et ses amis. L’acte est du 30 avril 1469. Une parcelle des reliques de Saint Eutrope est déposée dans l’autel de l’église de Challement, c’est la même qu’Eustache du Lys y avait placé en 1612. La paroisse d’Arquian, dans le doyenné de Saint-Amand-en-Puisaye, honore Saint Eutrope comme son patron ; elle possède aussi une relique de ce saint martyr ».
Voir également le § 6.1.4.2 Vie de Sainte Marie-Madeleine et de Sainte Marthe par Raban Maur, évêque de Mayence, où Saint Eutrope de Saintes est explicitement cité.
2.10.7 Saint Lucien de Beauvais
Le « Martyrologe Romain » indique seulement que Saint Lucien est fêté le 6 janvier.
Des « Recherches sur les origines des Eglises de Reims », pages 112 et 113 :
« La tradition de l’Eglise de Beauvais n’a jamais varié. Elle a toujours proclamé que Saint Lucien était venu dans les Gaules avec Saint Denis, sous le pontificat de Saint Clément, tandis que les traditions étrangères ne font venir Saint Lucien à Beauvais que vers la fin du 3 ième siècle, sous l’empire de Dioclétien et de Maximien. [La tradition de l’Eglise de Beauvais repose sur] les actes de Saint Lucien, et ces actes sont très anciens, puisqu’ils sont cités par Florus, moine de Saint Trond, dans ses additions au martyrologe de Bède. Or, Florus vivait en 760. On lit dans la vie de Saint Denis, écrite en 818, par Méthode, patriarche de Constantinople, que Saint Clément envoya Saint Denis dans les Gaules en société de Saint Lucien, de Saint Rustique et de Saint Eleuthère. Ce fait se trouve consigné encore dans les actes de Saint Denis, cités au concile de Limoges en 1031.
En 860, Odon, évêque de Beauvais, professaît, dans un discours qui est venu jusqu’à nous, que Saint Lucien, disciple de Saint Pierre, avait été ordonné par Saint Clément, et envoyé dans les Gaules avec Saint Denis. Dix ans plus tard, Saint Notker-le-Bègue inscrivait cette tradition dans son martyrologe. Elle était ensuite accueillie par Vincent de Beauvais, Pierre de Natalibus, Saint Antonin, et consacrée par le martyrologe Romain ».
2.10.8 Saint Mansuit de Toul
Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Denis est fêté le 3 septembre. Nous lisons à la page 238 :
« A Toul en France, Saint Mansuy, évêque et confesseur ».
Des « Recherches sur les origines des Eglises de Reims », pages 105 à 109 :
« Saint Mansuetus est inscrit dans les plus anciens martyrologes connus, avec le titre de confesseur et de premier évêque de Toul. Quelle est l’époque de sa mission ? Le bénedictin Adron, qui écrivit au milieu du 10 ième siècle les actes de ce saint, affirme qu’il fut envoyé dans les Gaules par Saint Pierre (Acta SS. Septemb. tome 1, page 639), avec Saint Sixte de Reims, Saint Sinice de Châlons, Saint Clément, Saint Félix et Saint Céleste de Metz, et Saint Materne de Trèves. Cet auteur avait sous les yeux une vie plus ancienne de Mansuetus, publiée plus tard par D.Materne et par D. Calmet, qui faisait aussi remonter au prince des Apôtres l’apostolat du premier évêque de Toul (Acta SS. Septemb. tome 1, page 636). L’auteur des actes des saints Marianus et Murcheratus représente aussi Saint Mansuit comme un disciple de Saint Pierre, envoyé par lui en Lorraine (Act. SS. Februar. tome 2, page 365). On lit dans l’histoire de la fondation de l’église de Saint Pierre, hors les murs, à Ratisbonne, que du temps de Saint Pierre, un saint homme, du nom de Mansuetus (« Britannicarum Ecclesiarum Antiquitatibus », page 1038) fut dirigé sur la Lorraine par le prince des Apôtres. Aventin consigne dans ses annales des Boïens de même fait qu’on lit encore dans l’histoire ecclésiastique de l’Ecosse («Hist. Eccles. Gentes Scotorum, livre 12, numéro 838). Ces autorités, et d’autres encore que nous sommes obligés d’omettre, ont paru suffisantes à Baronius, pour ranger Saint Mansuetus parmi les disciples de Saint Pierre. De son côté, l’Eglise de Toul a invariablement suivi cette tradition depuis un temps immémorial. Cependant, les Bollandistes se sont efforcés de démontrer que Saint Mansuetus était contemporain des fils de Constantin-le-Grand. Mais les progrès que la science a fait depuis qu’ils ont écrit, donnent une force nouvelle à la tradition. Les arguments qu’ils invoquent sont aujourd’hui sans valeur, car ils reposent sur des données dont l’inexactitude est démontrée jusqu’à l’évidence. Ainsi, en première ligne, ils citent l’opinion de Cordesius sur l’apostolat de Saint Martial, pour démontrer que Saint Pierre vivant dans ses successeurs, on a parfois représenté envoyés par Saint Pierre, des apôtres qui avaient été ordonnés par d’autres papes des premiers temps de l’Eglise. Mais le temps a fait justice de la dissertation de Cordesius. Tous les hommes de bonne foi admettent que l’apostolat de Saint Martial a eu lieu au temps de Saint Pierre : le nom de Cordesius ne pèse donc plus dans la balance […]. Les Bollandistes s’appuient encore sur l’autorité de Grégoire de Tours et de Sulpice Sévère pour démontrer que la mission de Saint Mansuit ne saurait dater des temps apostoliques. Nous avons déjà démontré qu’il y avait peu de fonds à faire de Grégoire de Tours et de la légende de Saint Saturnin citée par ces savants. Ce n’est pas le lieu de discuter le texte de Saint Sulpice que nous aurons à examiner plus tard. Nous nous bornerons à constater ici, que les doctes continuateurs de l’œuvre de Bollandus, appréciant ces documents à leur juste valeur, en récusent complètement aujourd’hui l’autorité. Bollandus s’était appuyé sur eux pour rejeter au 3 ième siècle l’apostolat de Saint Materne ; le Père Van Heck, qui a commenté au 8 ième volume d’Octobre la vie de Saint Firmin, l’un des successeurs de Saint Materne sur le siège de Trèves, le Père Van Heck, disons-nous, a abandonné sur ce point les traces de son illustre maître et rétabli à sa véritable date la fondation des Eglises de Trèves, Tongres, Mayence et Cologne. Ainsi se détruit peu à peu l’échafaudage dressé au 17 ième et au 18 ième siècle par De Launoy et des disciples. Les origines des Eglises, mieux étudiées, se dégagent peu à peu de l’obscurité qui les enveloppe ; les traditions, dépouillées de ces légendes parisites, et chaque jour, les travaux des Baronius, des De Marca, reçoivent une plus éclatante consécration. L’Eglise de Toul a pieusement conservé sa tradition, que l’un de ses évêques, le grand Léon IX, le saint précurseur d’Hildebrand, avait revêtue de sa sanction. Aujourd’hui, si quelque érudit entreprenait pour elle ce qu’on fait pour Saint Martial l’abbé Arbelot, pour Saint Julien du Mans M. le chanoine Lothin, pour Saint Clément de Metz M. l’abbé Chaussier, pour Sainte Marie Madeleine et les Eglises du midi M. l’abbé Faillon, il serait facile de faire jaillir des ténèbres une lumière assez vive pour convaincre les hommes qui cherchent de bonne foi la vérité ».
2.10.9 Saint Nicaise de Rouen
Du tome 12 des « Petits Bollandistes », pages 261 à 264 :
« Suivant la tradition, Saint Nicaise, dont le nom signifie vainqueur ou victorieux, vit le jour en Grèce. Quelques historiens de sa vie ajoutant, que le témoignage des vieux manuscrits trouvés dans son église de Meulan, qu’il naquit à Athènes et qu’il fut converti, avec le grand Saint Denis, par le savant discours que fit l’apôtre Saint Paul dans le sénat de l’Aréopage. Ils se rendirent ensemble à Rome, où le Pape Saint Clément formait une compagnie de saints missionnaires pour la conquête des Gaules. Saint Nicaise ayant été sacré évêque par le Souverain pontife, accompagna Saint Denis jusqu’à Paris ; et après avoir combattu quelque temps dans cette cité les erreurs du paganisme, il se dirigea vers la métropole de Rouen. Mais cette ville, qui le vénère encore aujourd’hui comme son premier Pontife, ne devait pas le voir dans ses murs ; le Bienheureux trouva dans le Vexin la mort glorieuse des martyrs. Nicaise menait avec lui Saint Quirin et Saint Egobille, dont on ne sait pas bien le pays ni l’extraction, mais qui été animés du même zèle que lui pour le salut des infidèles. Leurs premières stations furent à Conflans Sainte-Honorine, à Andrésy et à Triel, où ils firent quelques conversions. Ensuite ils se rendirent au village de Vaux, près de Pontoise […] où trois cent dix-huit personnes reçurent alors le baptême dans une fontaine que l’on appelle encore à présent la Fontaine de Saint-Nicaise. Les lieux voisins eurent bientôt par cette grâce ; les habitants de Meulan, de Mantes et du village de Monceaux commencèrent, dès ce temps, à ouvrir les yeux à la lumière de l’Evangile […]. Cependant, comme ce pays n’était pas le terme de la mission de ces bienheureux voyageurs, ils passèrent outre pour se rendre au plus tôt à Rouen […]. Le démon voyant son empire à demi détruit, excita contre les auteurs de sa défaite les sacrificateurs des temples et les principaux d’entre le peuple. Ceux-ci trouvèrent un complaisant exécuteur de leurs projets homicides, dans le gouverneur Fescenninus, qui venait de répandre le sang de Saint Denis et de ses compagnons sur la colline de Montmartre. Cet implacable persécuteur du nom de chrétien, s’étant mis à la poursuite de nos apôtres avec une troupe de soldats, les fit saisir par ses archers et paraître les mains liées en sa présence. Il les reprit sévèrement de l’entreprise qu’ils faisaient de renverser la religion des Romains pour en introduire dans le monde une nouvelle. Il les traita de séditieux, de rebelles aux lois de l’Etat, d’impies, d’extravagants et de visionnaires. Il les menaça des plus rigoureux supplices s’ils n’adoraient Mars et Mercure, qui étaient en plus grande vénération parmi les Gaulois. Saint Nicaise lui répondit admirablement sur tous ces chefs, et lui fit voir avec ses compagnons la résolution inébranlable où il était, non seulement de demeurer jusqu’à la mort dans le service de Jésus-Christ, mais aussi d’annoncer partout son Evangile et de lui conquérir sans cesse de nouveaux serviteurs. Ainsi, Fescenninus, désespérant de les vaincre les condamna sur-le-champ au fouet et à avoir la tête tranchée : ce qui fut exécuté. Ce massacre se fit à Scamnis (Ecos), entre la Roche-Guyon et Les Andelys, près de la rivière d’Epte, au diocèse d’Evreux. On représente Saint Nicaise : 1° faisant mourir, par la force du signe de la croix, le dragon de vaux ; 2° en groupe avec Saint Quirin et Saint Scubicule, ses compagnons de martyre ; 3° portant sa tête entre ses mains, après que le bourreau l’eut séparée du tronc. Saint Nicaise est patron de Rouen, du Vexin normand, et de Vaux près de Meulan ».
2.10.10 Saint Rieul de Senlis
Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Rieul est fêté le 30 mars. Nous lisons à la page 160 :
« Au château de Senlis, le décès de Saint Rieul, évêque d’Arles ».
Des « Recherches sur les origines des Eglises de Reims », pages 115 à 116 :
« Les Bollandistes ont publié deux vies de Saint Régulus ou Saint Rieul. La première avait été empruntée par eux à un manuscrit de l’église de Saint-Omer. Ce manuscrit, disent-ils, était très vieux (ex pervertusto codice), la vie qu’il renfermait paraissait très ancienne et portait l’empreinte de la vérité. La seconde se trouvait reproduite dans divers manuscrits qu’ils avaient entre les mains. Ces actes disent unanimement que Saint Régulus avait été envoyé dans les Gaules par Saint Clément, en société de Saint Denis et de ses compagnons ; qu’il avait été un instant évêque d’Arles ; qu’après la mort de Saint Denis il était venu à Paris, et que, de là, il s’était rendu à Senlis. Ces détails furent confirmés par la tradition constante de l’Eglise d’Arles (1) et par le martyrologe Romain ».
Note :
(1) : « On lit dans une histoire de l’Eglise d’Arles, écrite en 1690, par Gilles du Port : Saint Rieul ou Saint Régule prit naissance à Nicée, en Béthanie. On sait qu’il fut disciple de Saint Jean l’Evangéliste, qui l’ordonne prêtre, afin qu’il pût annoncer l’évangile avec plus de pouvoir. Ensuite Saint Rieul s’en alla à Rome, d’où le Pape Saint Clément l’envoya en France avec Saint Denis l’aréopagite, qui établit Rieul évêque d’Arles, pour continuer ce qu’il avait si heureusement commencé. Saint Rieul se proposa Saint Trophime pour modèle et travailla jour et nuit à entretenir et à augmenter son troupeau. Un jour qu’il disait la messe, il eut une inspiration que Saint Denis, Saint Rustique et Saint Eleuthère étaient morts pour Jésus-Christ ;…il prit la résolution d’aller au pays où ils avaient souffert le martyre. Mais, avant son départ, il choisit Félix, il le mit en sa place et se rendit à Paris…Puis comme il connut que sa présence n’était plus nécessaire à Paris, il passa à Senlis pour y établir la Foi, et il y est mort évêque. Cependant, Arles ne se lasse pas de célébrer sa fête le 3 mars, et de le reconnaître pour son troisième évêque ».
2.10.11 Saint Saintin de Verun et de Meaux
Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Saintin est fêté le 22 septembre. Nous lisons à la page 248 :
« A Meaux, Saint Saintin, disciple de Saint Denis l’Aréopagite, qui, ayant été sacré évêque de cette ville par le saint, fut le premier qui y prêcha l’Evangile ».
Des « Recherches sur les origines des Eglises de Reims », pages 109 et 110 :
« Les Eglises de Verdun et de Meaux reconnaissent Saint Saintin pour leur fondateur, et une tradition qui n’a jamais varié, veut que cet apôtre ait été disciple de Saint Denis. L’Abbé Roussel, auteur de l’Histoire ecclésiastique et civile de Verdun, publiée en 1745, le déclare dans les termes les plus formels : Il est certain que Saint Saintin, fondateur de l’Eglise de Verdun, était disciple de Saint Denis, premier évêque de Paris. Ce fait est reconnue indubitable par la tradition constante, uniforme et générale de cette Eglise. Bertaire et Laurent, de Liège, nos chronologistes les plus anciens, assurent l’avoir lu dans plusieurs de nos monuments, que ce saint évêque était disciple de Saint Denis de Paris. Hugues de Flavigny qualifie Saintin le compagnon fidèle de Saint Denis, l’apôtre de la France. Vasbourg dit la même chose avec tous les autres auteurs qui ont parlé de notre premier évêque. Bertaire, l’un des écrivains cités par notre auteur, était prêtre de Verdun, et il rédigea vers la fin du 9 ième siècle, une histoire des premiers évêques de cette Eglise. Vers le même temps, notre archevêque Hincmar écrivait à l’empereur Charles-le-Chauve, que Saint Saintin avait été nommé par Saint Denis, d’abord évêque de Chartres, et ensuite évêque de Meaux. Plus tard encore, cette tradition a été suivie par Pierre de Natalibus, Saint Antonin, et elle a reçu l’approbation de Baronius. Dans sa dissertation sur l’apostolat de Saint Martial, M. l’abbé Arbelot dit aussi : Les actes de Saint Saintin, première évêque de Meaux, actes que Hugues de Ménard, au dire du P. Bonaventure, prouve être plus anciens que Grégoire de Tours, attribuent à Saint Clément la mission de Saint Denis, et font ordonner par le premier évêque de Paris, Saint Saintin de Meaux. Aujourd’hui qu’il est démontré que Saint Denis a été envoyé dans les Gaules par Saint Clément, on devrait pouvoir dire avec certitude que l’Eglise de Verdun date du premier siècle de l’ère chrétienne ».
2.10.12 Saint Ursin de Bourges
Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Ursin de Bourges est fêté le 9 novembre. Nous lisons à la page 272 :
« A Bourges, Saint Ursin, confesseur, qui fut ordonné à Rome par les successeurs des Apôtres, et nommé premier évêque de cette ville ».
.
Du tome 13 des « Petits Bollandistes », pages 274 à 279 :
« Pendant que Saint Front se rend dans le Périgord, Saint Austremoine en Auvergne, Saint Martial en Limousin, pénétrons avec Ursin au centre de la Gaule, pour assister à la naissance de l’Eglise de Bourges. D’après quelques légendaires de l’ancien bréviaire de Bourges, Ursin serait le même que Natanaël, ce disciple du Christ, qui fit la lecture pendant le Cêne, et que d’autres confondent avec Saint Barthélemy. Ce ne fut pas sans un cruel serrement de cœur que le pieux missionnaire se vit lancé dans ces vastes solitudes peuplées de grands arbres, en compagnie de Just, son unique et fidèle disciple, qui lui-même ne devait pas tarder à le quitter, car une terrible épreuve se préparait. A neuf milles seulement du terme du voyage, près d’un petit bourg des bords de l’Auron, nommé Chambon, Just est pris d’une invincible défaillance et avertit son maître que sa fin arrive. A cette nouvelle, dont il voudrait douter, Ursin lui-même se sent faiblir, et, malgré ses prières et ses soins, ne tarde pas à recevoir le drnier soupir de son disciple. Dans son désespoir et son abandon, que va-t-il faire ? Seul et découragé, pourra-t-il continuer sa tâche dans ce pays inconnu, livré à la barbarie et au culte des idoles ? Il demande à Dieu de l’appeler également à lui ; mais une voix intérieure lui commande de surmonter sa faiblesse de marcher en avant, avec l’intrépidité de la foi d’un soldat chrétien. Ursin obéit. Léguant à cette terre étrangère le corps et le nom se son ami, il essuie ses larmes, reprend sa route et, sur le soir, arrive aux portes d’Avaric (Bourges), but de sa mission. En pénétrant dans cette cité inconnue, dont il devait devenir le maître, Ursin se fit humble et petit. Il se réfugia dans le faubourg, chez une pauvre famille sur laquelle il commença immédiatement son œuvre de persuasion et de charité. Le soir, au coin du feu, avant de chercher dans le sommeil l’oubli des labeurs du jour, il racontait, avec ses propres aventures, les grands évènements qui venaient de se passer en Orient et qui promettaient au monde une ère nouvelle […]. Ursin avait réponse à tout. Sa parole grave et sympathique, la conviction de son regard, faisaient tomber les doutes des gens qui ne demandaient qu’à aimer croire. Ceux qui ne pouvaient ou ne voulaient venir, il allait les trouver et ne tardit pas à eu avoir raison. C’était surtout avec les affligés du corps et de l’esprit, les déshérités des biens et des joies terrestres, qu’il obtenait ses plus grands succès, car la douleur ne demande qu’à être bercée et endormie. Cependant l’éternel ennemi du genre humain, effrayé des attaques dirigées contre son pouvoir, commença à machiner des scandales de toutes sortes pour détourner de son œuvre le serviteur de Dieu. Il ralluma les passions perverses, qui ne sont jamais entièrement éteintes au cœur de la foule, mobile élément soumis au caprice du dernier vent qui passe, de la dernière bouche qui parle […]. Les cœurs et portes se fermèrent. Dans ces rues où naguère il était habitué à rencontrer bon voisinage et accueil, Ursin ne récolta plus que de mauvaises paroles et regards insolents. Enfin, un soir qu’il voulut tenter un dernier effort et rassembler les débris de son troupeau, une bande de sauvage envahit le lieu de la réunion, dispersa les rares adeptes qui étaient restés fidèles, et lança contre lui les chiens du voisinage. Forcé de prendre la fuite sous une grêle de pierres, Ursin fut escorté bien au-delà des murs de la ville, par les aboiements de la meute furieuse et par les éclats de rire de la populace […]. Il s’établit donc, comme il put, en pleine campagne, dans cet endroit où plus tard une chapelle expiatoire devait perpétuer le souvenir de son séjour. La révolution qu’il avait prévue ne tarda pas à s’opérer. Loin d’éprouver le moindre soulagement de son départ, les pauvres de Bourges retombêrent dans leur ancienne misère, sans retrouver les consolations qui endormaient leurs peines et séchaient leurs larmes. Ils se tournèrent alors contre ceux qui les avaient trompés, les chassèrent à leur tour, et vinrent, soumis et repentants, supplier Ursin de leur pardonner et de leur rendre son afection. Le saint homme ne se fit pas longtemps prier, et rentra plus puissant et plus écouté que jamais dans cette ville qui l’avait ignominieusement rejeté se son sein. La réaction fut si unanime que, dès le premier jour, l’humble retraite du faubourg ne suffit plus aux réunions, et qu’il fallut chercher un local plus vaste, en rapport avec le nombreux auditoire qui accourait de toutes parts, comme le cerf altéré vers le fontaine […]. Ursin vécut encore longtemps, ne cessant de compléter et d’embellir son œuvre, jusqu’au moment où le Seigneur, en récompense de son zèle et de ses travaux, l’avertit, par la fatigue du corps et la maladie, que l’heure de sa délivrance été arrivée. Alors il rassembla ses disciples, leur annonça sa fin prochaine, indiqua pour son successeur Sénicien, le plus fidèle et le plus fervent d’entre eux ; puis, après avoir donné ses dernières instructions, il partit pour un monde meilleur, le quatrième jour des calendes de janvier, la vingt-septième année de son pontificat ».
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