Les dubbia du Pape noir
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Message  AnneLéa Ven 3 Mar 2017 - 13:45

Les dubbia du Pape noir Aldo-m10
http://benoit-et-moi.fr/2017/actualite/les-dubbia-du-pape-noir.html

… vus par Aldo Maria Valli, qui revient sur l’interview par Giuseppe Rusconi, et une autre du mensuel italien « Jesus » (27/2/2017)

>>> Le Pape noir: ainsi va l’Eglise sous François (II) (la traduction intégrale de l’interview)

Certes, « qui suis-je pour juger? », et du reste, je suis vraiment la dernière personne qualifiée pour distribuer des brevets de catholicité (d’autres, qui n’y ont guère plus de titres que moi, ne s’en privent pas…), mais la question me vient spontanément aux lèvres: Le Père Sosa est-il catholique?
Et, accessoirement: En quoi croit-il, au juste?
Avec de tels pasteurs, comment voulez-vous que les gens conservent la foi, ou (encore moins) la trouvent?

MAIS JÉSUS, IL A [VRAIMENT] DIT CE QU’IL A DIT?
Les « dubia » du général des Jésuites

Aldo Maria Valli
23 février 2017
Ma traduction

* * *

Donc, essayons de résumer. Pour Arturo Sosa «il faudrait commencer une belle réflexion sur ce que Jésus a vraiment dit … À cette époque, personne n’avait d’enregistreur pour y fixer les paroles. Ce que l’on sait, c’est que les paroles de Jésus doivent être placées dans leur contexte, qu’elles sont exprimées dans un langage et un milieu précis, et adressées à des personnes bien définies…».

Maintenant, même s’il a un nom de footballeur, Arturo Sosa n’est pas la dernière acquisition de l’Atalanta. C’est une religieux. Un jésuite. Et même, le général des jésuites. Le successeur de saint Ignace. Et il dit que les paroles de Jésus ne sont pas vraiment sûres, parce qu’à ce moment-là personne n’avait d’enregistreur. Il le dit dans une longue interview avec Giuseppe Rusconi, journaliste tessinois. Et il dit avec certitude, sans hésitation.

Rusconi nous assure que ce sont précisément les expressions utilisées par Sosa. D’autre part, aujourd’hui il y a des enregistreurs, et Rusconi, des enregistreurs, il sait s’en servir. Les réponses ont été envoyées au Père Sosa pour une révision éventuelle, et il a tout confirmé.

Très bien. Ainsi, nous apprenons que pour le chef des jésuites les quatre Évangiles ne seraient pas entièrement fiables. Il nourrit des « dubia ». Les évangélistes ont peut-être été distraits, et d’ailleurs, ils n’avaient pas d’enregistreur, alors …

Alors il faut contextualiser. Qu’est-ce que cela signifie?

Rusconi demande: «Mais alors, si toutes les paroles de Jésus doivent être évaluées et replacées dans leur contexte historique, elles n’ont pas de valeur absolue… »

Réponse de Sosa: «Au siècle dernier, dans l’Eglise, ont fleuri nombre d’études qui cherchaient à comprendre exactement ce que Jésus a voulu dire […] Cela n’est pas du relativisme mais atteste que la parole est relative, l’Evangile est écrit par des hommes, accepté par l’Eglise qui est faite de personnes humaines.»

Question suivante, inévitable: «Et l’affirmation (Matthieu 19, 3-6): “Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni” est discutable elle aussi?»

Réponse de Sosa: «Je rejoins ce que dit le pape François: on ne met pas en doute, on soumet au discernement…»

«Ce qui revient à dire – observe Rusconi – : on met en doute, puisque le discernement est évaluation, choix entre différentes options… L’obligation de suivre une unique interprétation n’existe plus… ».

Réponse: «Non, l’obligation existe toujours, mais c’est l’obligation de suivre les résultats du discernement. Ce n’est pas n’importe quelle évaluation…».

Objection de l’intervieweur: «Mais la décision finale se fonde sur le jugement relatif à différentes hypothèses… […] En somme on met en doute la parole de Jésus…»

Réponse: «Pas la parole de Jésus, mais la parole de Jésus comme nous l’avons interprétée… Le discernement ne choisit pas entre différentes hypothèses mais se met à l’écoute de l’Esprit-Saint qui – comme Jésus l’a promis – nous aide à comprendre les signes de la présence de Dieu dans l’histoire humaine.»

L’interview complète peut être lue sur le site de Giuseppe Rusconi, http://www.rossoporpora.org.

Les thèmes abordés sont nombreux. Ici, on s’intéresse à cette partie sur le discernement, parole centrale dans la spiritualité de tout jésuite, mais hyper-centrale pour le Père Sosa. Parce que, explique-t-il, l’Eglise est un «chantier ouvert à qui veut discerner» et «celui qui entre dans le chantier doit être prêt à discerner.»

Prenons-en acte. Peut-être même qu’en attendant que le général de la Compagnie de Jésus propose de remplacer la prière du «Je crois» (Credo) par celle du «Je discerne» et de modifier ou compléter la définition de l’Église (non plus, ou plus seulement, «épouse du Christ» «notre mère» et «communion des saints», mais aussi «chantier ouvert»), on pourrait aussi s’interroger sur de nombreux passages de l’Evangile. Dans la pratique, sur tous. Jésus a-t-il vraiment dit ce que l’Ecriture et la tradition nous ont confié? À ce stade, pourquoi ne pas changer tous les verbes de l’Évangile relatifs à Jésus en remplaçant l’indicatif par le conditionnel? Non pas Jésus «dit» mais «aurait dit»; non pas Jésus «répondit», mais «aurait répondu».

Par exemple, le passage de Marc (10, 2-9) sur l’indissolubilité du mariage pourrait ressembler à ceci:

«Des pharisiens l’abordèrent et, pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient: « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme? ». Jésus leur aurait répondu: « Que vous a prescrit Moïse? ». Ils lui dirent: « Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation ». Jésus aurait répliqué: « C’est en raison de la dureté de vos cœurs qu’il a formulé pour vous cette règle. Mais, au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas! ». De retour à la maison, les disciples l’interrogeaient de nouveau sur cette question. Il leur aurait déclaré: « Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre devient adultère envers elle. Si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre, elle devient adultère »».

* * *

Mais le père Sosa, après avoir été élu général a donné d’autres interviews. Comme celle au mensuel « Jesus » de Janvier 2017 (ndt: ce qu’en dit la notice wikipedia évoque une sorte de version italienne de feu « Témoignage Chrétien »), dans laquelle, à un certain moment, il soutient que «le péché, ce n’est pas d’enfreindre une règle, le péché, c’est de ne pas aimer, de s’aimer soi-même plutôt que Dieu et les autres».

Si l’intervieweur avait été Rusconi, je suppose qu’il n’aurait pas lâché l’os et lui aurait demandé de mieux s’expliquer: dire que «le péché c’est ne pas aimer», n’est-ce pas un peu trop général? Et comment fait-on pour se débarrasser de la règle? Si on le fait, ne tombe-t-on pas dans le relativisme et le justificationisme? Si on supprime la règle, ne reste-t-il pas uniquement le sentiment subjectif? Et, en suivant cette route, ne finit-on pas par tout justifier?

Malheureusement, dans cette deuxième interview, le père Sosa n’avait pas affaire au bouledogue Rusconi, il n’y a donc pas eu de contradiction.
Mais il y a quelque autre passage intéressant.

Là, il est question de François, de son magistère et des «détracteurs» qui le mettent en discussion «d’une manière systématique», et le général observe: «Oui, il y a des gens qui ont ce programme en tête, et le mettent en œuvre. Des gens qui sont en désaccord et qui même publiquement disent que le pape se trompe. Dans ces cas-là, il faut faire précisément du discernement. Une autre chose qu’il faut reconnaître, c’est que dans l’Église, qui est sainte et pécheresse, il y a des luttes de pouvoir, tout comme dans d’autres contextes».

On aurait aimé savoir dans quel sens, ici, il faut faire le discernement. Qu’est-ce que cela signifie? Quoi qu’il en soit, il est intéressant, de noter que le père Sosa, tout de suite après, parle de luttes de pouvoir, comme pour préciser que ceux qui ne sont pas tout à fait d’accord avec François ne sont pas animés par de nobles intentions, mais seulement par la soif de pouvoir. En effet, il ajoute: «Il faut tenir compte de ces choses, ne pas être naïfs. Et le pape ne l’est pas, il se comporte dans tout cela comme le faisait Jésus, qui savait qu’il y avait des gens qui complotaient contre lui, et le disaient en face».

Bref, pas même l’espace d’un instant, le père Sosa n’est effleuré par le doute que ceux qui ne se sentent pas sur la même longueur d’onde que l’enseignement de François, ou tout au moins certaines parties de celui-ci, ont à coeur la défense de la Vérité, le respect de la doctrine, la sauvegarde de la foi. Non, le général des jésuites, pratiquant évidemment de discernement, pense immédiatement au pouvoir et aux complots. Peut-être parce qu’il a étudié les sciences politiques et, comme il l’explique lui-même, la politique a toujours été son intérêt numéro un? C’est possible.

Mais dans l’interview avec « Jesus » Il y a d’autres points remarquables. Je les résume.

¤ Premier point. «L’Église en sortie» est une Eglise «qui ne pense pas à elle-même, mais accompagne, chrétiens et non-chrétiens, pour améliorer le monde».
Question qui n’a pas été posée: que signifie accompagner? Vers où? Pour arriver à quoi? Améliorer le monde, mais comment?

¤ Deuxième point. La question est: «Vous avez été formé dans les années de la théologie de la libération. Comme la relisez-vous?».
Réponse: «Je ne la relis, je la lis. J’essaie de la faire. Ce n’est pas un épisode, mais c’est une façon de faire de la théologie que nous suivons encore».

¤ Troisième point. La question concerne Trump et la montée de populismes de droite en Europe. Quelle lecture en donnez-vous?
Réponse: «Ce que je trouve le plus préoccupant, c’est la personnalisation du leadership politique […]. Je pense que c’est une régression dangereuse parce que du personnalisme, de manière plus cachée, on passe aux régimes dictatoriaux , aux régimes d’oppression, à des dictatures, où il y a peu de place pour la liberté et les mouvements. Pour nous, jésuites, pour l’Eglise, l’un des plus grands défis est de savoir comment promouvoir la politisation de la société».
Si Rusconi avait été là, je suis sûr que là serait venue l’objection que Trump a été élu par les Américains et n’est pas allé à la Maison Blanche après un coup d’Etat.

Et que dire de l’argument selon lequel pour les jésuites «un des plus grands défis est de savoir comment promouvoir la politisation de la société»? Je pensais que l’un des grands défis pour les fils de saint Ignace était d’enquêter sur la façon dont Dieu opère dans les temps nouveaux et comment le trouver.

Quoi qu’il en soit, Dieu sait pourquoi, tandis que je lisais les déclarations du père Sosa, il m’est revenu à l’esprit les paroles de Pie XII, qui, dans
‘Humani generis‘, l’encyclique «à propos des opinions fausses qui menacent de ruiner les fondements de la doctrine catholique», définissait comme «la plus grande imprudence» le fait de sous-estimer ou négliger ou rejeter les expressions qu’au fil du temps le magistère a trouvé pour exprimer les vérités de la foi et de «leur substituer des notions conjecturales et les expressions flottantes et vagues d’une philosophie nouvelle appelées à une existence éphémère, comme la fleur des champs».

Dans cette encyclique, Pie XII mettait également en garde contre «la méthode absolument fausse» de ceux qui «voudraient expliquer le clair par l’obscur» et expliquait que, parfois, pour les hommes «est faux ou pour le moins douteux tout ce qu’ils ne veulent pas être vrai».

Vraiment, je ne sais pas pourquoi ces avertissements me viennent à l’esprit en ce moment

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Message  Admin Ven 3 Mar 2017 - 17:12

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