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Message  Admin Mer 20 Fév 2019 - 12:30

FORMIDABLE INTERVIEW DU CARDINAL MÜLLER !


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Formidable interview du cardinal Müller :

L’ex-préfet de la CDF s’entretient longuement avec Riccardo Cascioli, et il met les points sur les i sans langue de bois sur de nombreux sujets: abus sexuels, lobby gay, complot contre le Pape, différence entre opinions du Pape et Magistère, cléricalisme, francs-maçons, musulmans, relativisme doctrinal, oecuménisme… (4/2/2019)


MÜLLER: « LES VRAIS ENNEMIS DU PAPE SONT LES COURTISANS »
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3 février 2019
Ma traduction
* * *

«Parler d’abus de mineurs par des prêtres en ignorant que plus de 80% sont des actes homosexuels signifie ne pas vouloir résoudre le problème», «le problème le plus grave de l’Eglise aujourd’hui est la tendance au compromis avec le monde, le renoncement à proclamer la vérité toute entière».

Le cardinal Gerhard Müller parle d’un ton mesuré, toujours à la recherche des mots justes en italien, mais ses jugements sont clairs et sans ambiguïté. En dépit de sa silhouette imposante, il a des manières très débonnaires; et malgré une formation théologique plus que solide (il s’occupe entre autres de l’oeuvre complète du Cardinal Joseph Ratzinger-Benoît XVI), il a la capacité d’être très clair. Il m’accueille très cordialement dans son appartement à deux pas de la Basilique Saint-Pierre, qu’il a conservé même après avoir reçu le congé du Pape François lequel, de manière un peu brutale, n’a pas renouvelé en juillet 2017 sa charge de préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Mais cette année, ses interventions, face à la confusion croissante qu’il y a dans l’Église, ont toujours eu le cachet du « gardien de l’Orthodoxie », sorte de shadow-préfet de l’ex-Saint Office.


Q- Cardinal Müller, dans vingt jours, il y aura le sommet au Vatican sur les abus sexuels, un scandale qui brouille l’image de l’Eglise, mais qui provoque aussi de nombreuses tensions….

R- Je crois qu’avant tout, cette question doit être comprise dans sa dimension réelle. Aussi grave que cela puisse être, il est injuste de généraliser, car les abus concernent un nombre très limité de prêtres. Et je voudrais remercier tous les évêques, prêtres, diacres et autres collaborateurs de l’Église catholique pour la manière dont ils se consacrent à la mission confiée par Jésus et dont ils vivent selon les critères de notre spiritualité chrétienne. Il est juste que l’opinion publique se rende compte de ce bon travail et des sacrifices que nos bons pasteurs font pour de nombreux hommes qui cherchent la vérité de leur vie, qui cherchent la vérité de Dieu en Jésus Christ. En second lieu, nous devons reconnaître qu’il s’agit d’un phénomène qui a atteint son pic dans les années 70 et 80 du siècle dernier, notamment comme effet de la révolution sexuelle. En outre, on peut se demander pourquoi l’opinion publique est incitée à ne parler que de cela et non de tous les abus et crimes contre les enfants et les adolescents qui existent dans le monde: non seulement les abus sexuels, qui dans la plupart des cas sont hors de l’Église, mais aussi d’autres crimes comme l’avortement, ou la possibilité que beaucoup se voient refuser de vivre avec leur propre père, mère, frère et sœur. Et ainsi de suite.

Q- C’est vrai. Mais l’Église s’est trouvée confrontée à un phénomène inquiétant et, comme le montre le cas de l’ex-cardinal McCarrick, il est encore difficile de juger le passé.

R- Clairement, pour l’Église, il est terrible que des prêtres soient impliqués, des hommes qui, au lieu d’avoir une vie exemplaire, abusent de leur mission. Représentants de Jésus-Christ le bon pasteur, agissant comme des loups: c’est une perversion de leur mission.

Q- Mais quelles sont les causes des abus sur mineurs?

R- Bien sûr, celui qui abuse ne reconnaît pas la dignité d’un mineur, qui est un homme et, comme tous les hommes, est égal en dignité. Mais il y a aussi une sexualité non dominée. L’homme est appelé à utiliser sa sexualité dans le sens voulu par le Créateur, tel qu’il est décrit au début de la Genèse.

Q- La grande majorité des abus sexuels commis par des clercs sont en fait des actes homosexuels.

R- C’est un fait que plus de 80% des enfants victimes d’abus sont des hommes et des adolescents. Nous devons prendre note de cette réalité, ce sont des chiffres statistiques que nous ne pouvons nier. Ceux qui ne veulent pas voir cette réalité accusent ceux qui disent la vérité de s’en prendre aux homosexuels en général. Mais les homosexuels en général n’existent pas, c’est une invention, à l’évidence ils parlent pour couvrir leurs propres intérêts. Revenons à la Genèse: il y a une sexualité féminine et une masculine, rien d’autre. L’homme est créé pour la femme et la femme est créée pour l’homme, comme le dit saint Paul dans la première lettre aux Corinthiens (chapitre 11). Dans la Création, il n’y a pas de concept d’homosexualité, c’est une invention qui n’a aucun fondement dans la nature humaine. Les tendances homosexuelles ne sont pas un fait ontologique, mais psychologique. Certaines personnes, par contre, veulent faire de l’homosexualité un fait ontologique.

Q- Dans le Code de droit canonique de 1983, le canon qui auparavant établissait pour les clercs responsables d’actes sodomites la destitution, la privation de tout privilège et, dans les cas les plus graves, la réduction à l’état laïque a disparu. Ce qui rend aussi plus difficile aujourd’hui d’intervenir dans des cas comme celui de l’ex-cardinal McCarrick. Qui a voulu annuler ce canon et pourquoi?

R- Je ne sais pas qui, mais je pense que c’est le résultat de l’atmosphère générale de l’époque: on ne veut pas punir les personnes, mais se concentrer sur le positif. Certes, l’intention est bonne, mais on ne peut nier la réalité de la faiblesse humaine. On admoneste les personnes pour les aider à faire le bien. Et surtout, l’Église ne peut accepter parmi les prêtres un mauvais comportement contraire à la volonté de Dieu, détruisant ainsi sa propre crédibilité. Malheureusement, il y en a qui ont adopté l’idéologie homosexualiste, mais peut-on accepter la fausseté du monde et l’introduire dans l’Église ? Nous devons nous nourrir de la Parole de Dieu, de l’Écriture, de la Tradition, du Magistère. Ce sont les points [fermes] de la pensée d’un catholique. Nous devons donner, à l’ère moderne, la bonne réponse qui vient de Dieu. C’est le monde qui a besoin du salut, et pas Dieu qui a besoin du salut du monde.

Q- Ces derniers jours, une pétition a été lancée pour demander aux pères qui participeront au sommet au Vatican de mettre fin au réseau homosexuel, et l’un des points concerne précisément la réintroduction du canon qui punit les actes sodomites.

R- Je crois que la pétition est légitime, il y en a qui veulent nier la vérité statistique que la grande majorité des abus commis par les prêtres sont des actes homosexuels. On ne peut pas échapper à cette réalité. Ceux qui la nient ne veulent pas résoudre le problème. Les abus commis contre les séminaristes ne doivent pas être sous-estimés: c’est un péché énorme, un crime contre la dignité de ces hommes, mais aussi contre les parents qui confient leurs enfants au sacerdoce, à l’évêque, au séminaire. Un évêque qui tombe à ce niveau est un énorme scandale. Pouvons-nous imaginer ce que Jésus aurait fait si l’un des apôtres avait fait cela avec d’autres disciples? C’est absurde, rien que d’y penser.

Mais je crains que ces initiatives des laïcs ne soient aussi neutralisées, en les présentant comme une rébellion contre le Pape.

Q- C’est une fixation, même le Cardinal Kasper est intervenu plusieurs fois en ces jours pour dénoncer un complot afin de faire démissionner le Pape François.

R- Malheureusement au Vatican, il y en a qui expliquent tout ce qui se passe dans l’Église avec le fait qu’il y aurait des ennemis du Pape qui organisent une conspiration à travers les sites web. D’Italie, des États-Unis, d’Allemagne, de France, tous ensemble, juste pour créer des problèmes au Pape. C’est de la folie. Je ne connais pas toutes les motivations des autres, mais un catholique est toujours aux côtés du Pape, même quand il peut avoir des opinions différentes sur lesquelles il est possible de discuter. Les vrais amis du Pape sont ceux qui disent la vérité, qui l’aident à trouver le bon chemin, et non ceux qui veulent le pousser dans leur propre direction.

Q- Justement, à ce propos, le Pape et ses collaborateurs les plus proches lorsqu’ils parlent d’abus pointent du doigt le cléricalisme.

R- C’est un terme équivoque. Qu’est-ce que le cléricalisme? Qui définit ce concept? Et qui est clérical? Le terme est né en France et en Italie au XIXe siècle et a servi à attaquer l’Église comme ennemie de la société moderne. Voulons-nous vraiment entrer dans cette controverse contre nous-mêmes? Ou voulons-nous accuser Jésus qui a institué le clergé? Le clergé est le terme grec que l’on retrouve dans les Actes des Apôtres quand les 11 apôtres tirent au sort pour remplacer Judas et transfèrent sa « part » – cleros – à Matthieu. Cleros n’est donc pas un groupe de personnes, mais c’est la participation à l’autorité de Jésus Christ qui a été transférée aux Apôtres et à leurs successeurs. Ce n’est certainement pas ce cléricalisme qui peut être considéré comme coupable du péché contre le Sixième Commandement. Les véritables abus de pouvoir sont la simonie, le carriérisme ou le fait d’être courtisan à la cour du Pape pour recevoir la mitre, pour être récompensé. Quand Machiavel vaut plus que l’Evangile dans l’exercice de la politique ecclésiastique, là, il y a abus de pouvoir. Parler de cléricalisme ou accuser de célibat est une fausse route qui détourne de la véritable cause du problème.

Q- En fait, beaucoup remettent en cause le célibat comme réponse aux abus.

R-Au contraire, nous devons prendre au sérieux le Sixième Commandement, la chasteté comme attitude, comme vertu. Ce n’est pas facile dans cette culture sexualisée, mais c’est nécessaire si nous voulons trouver un moyen de sortir de cette catastrophe qui touche l’ensemble de la société. L’Eglise nous indique le chemin, nous devons reprendre notre anthropologie. L’Église ne doit pas être considérée comme une organisation qui distribue pouvoir et prestige, c’est la famille de Dieu qui implique la familiarité entre nous tous, la responsabilité les uns envers les autres, le respect des enfants et des jeunes. Ne jamais voir l’autre personne comme un objet de cupidité. L’autre est toujours un sujet, jamais un objet, il mérite le respect.

Q- En vue du sommet de fin février, il y en a déjà qui tentent d’en profiter pour soutenir que l’homosexualité devrait être acceptée: peu importe qu’un prêtre ait des tendances homosexuelles, l’important est qu’il vive chastement. En Allemagne, il y a des évêques qui se sont déjà déclarés en ce sens.

R- Ce serait un crime contre l’Église: instrumentaliser le péché pour instituer ou normaliser un péché contre le sixième commandement est un crime. Il n’y a aucun chemin qui puisse porter à la légitimation d’actes sexuels homosexuels ou même d’actes sexuels désordonnés. Si nous croyons en Dieu, nous croyons que les Dix Commandements sont l’expression directe de la volonté salvifique de Dieu envers nous. Ce ne sont pas des commandements extérieurs comme les lois positives que l’État fait; ils sont la substance de la moralité de l’homme et de sa félicité, ils sont l’expression de la vie, de la vérité de Dieu.

Q- En somme, il y a un risque de renverser l’anthropologie chrétienne….

R- C’est ce que certains veulent, ils veulent l’homme qui se définisse lui-même. Pour eux, Dieu n’est que le point de référence pour leur propre autojustification. Certaines personnes m’ont écrit que, dans leur jeunesse, elles ont eu quelques expériences homosexuelles, mais qu’elles ont tout surmonté et vivent maintenant heureuses dans un mariage. Ce ne sont pas des idées, ce sont de vraies expériences de personnes, que nous devons écouter.

Quand la sexualité s’éveille, il peut y avoir des moments de confusion, mais cela ne veut pas dire qu’il y a des tendances bien ancrées. Il y en a au contraire qui veulent faire de l’homosexualité un fait ontologique.

Q- Ceci nous renvoie au document sur la pastorale des personnes à tendance homosexuelle publié par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi en 1986, dans lequel on dénonçait déjà un réseau gay à l’intérieur et à l’extérieur de l’Eglise, avec le but de renverser la doctrine catholique.

R- Oui, ils ne se manifestent généralement pas publiquement, mais on peut les reconnaître par certains comportements étranges, par la façon dont ils se présentent, par certaines opinions. Ils se soutiennent les uns les autres et attaquent personnellement ceux qui se mettent en travers de leur agenda, ils plient la doctrine de l’Eglise à leurs fins, ils font continuellement des polémiques contre les catholiques orthodoxes. Cela le révèle. Mais ce faisant, ils détruisent non seulement la doctrine, mais aussi les personnes qu’ils disent vouloir aider. Ils utilisent les personnes ayant des tendances homosexuelles pour que leur idéologie l’emporte: ils abusent idéologiquement de ces personnes.

Q- Et pourtant, même le quotidien des évêques italiens, Avvenire, affirme qu’il y a eu dans l’Église un tournant sur l’homosexualité, qu’il n’y a plus de réprobation morale, et que cela, on le déduirait de l’exhortation apostolique Amoris Laetitia.

R- Ce n’est pas vrai, mais même si c’était vrai, un document pontifical ne peut changer l’anthropologie enracinée dans la création de Dieu. Il est possible qu’un document pontifical ou le Magistère de l’Église n’explique pas bien les faits de la Révélation et de la Création, mais le Magistère ne constitue pas la doctrine chrétienne. Il y a une façon de comprendre le Magistère qui n’a rien à voir avec la tradition catholique, on traite le Pape comme s’il était un oracle, tout ce qu’il dit devient vérité indiscutable. Mais ce n’est pas le cas: beaucoup de choses sont l’opinion privée du Pape, donc des choses qu’on peut discuter. Si le Pape disait aujourd’hui que les parties sont plus que le total, nous aurions changé les structures des mathématiques, de la géométrie, c’est absurde. Ou si le Pape disait aujourd’hui que nous ne pouvons plus manger de viande animale, aucun catholique n’aurait l’interdiction de manger de la viande.

Q- Voulez-vous dire que si, par pure hypothèse, le Pape écrivait une encyclique « végétarienne », elle ne lierait pas les catholiques? Comment est-ce possible?

R- Parce que cela ne fait pas partie de la materia fidei. L’autorité du Pape est très limitée. Certains ne voient que son autorité publique, ce qui est rapporté dans les médias, et ils l’utilisent selon leurs propres opinions, mais en réalité ils n’acceptent pas l’autorité du Pape telle qu’elle est fondée dans notre ecclésiologie.

Q- A propos d’ecclésiologie, nous avons dénoncé ces jours-ci dans la Nuova Bussola Quotidiana le cas d’une messe œcuménique à Milan, où une « pasteure » baptiste a proclamé l’Évangile, prononcé l’homélie, distribué l’Eucharistie après avoir rejoint le prêtre lors de la consécration. Et le curé de la paroisse a dit que la transsubstantiation n’est qu’une des manières de comprendre l’Eucharistie. Malheureusement, ce type d’œcuménisme n’est pas un fait isolé.

R- Et un évêque devrait intervenir, parce que malheureusement il y a une ignorance crasse parmi les prêtres, les évêques et même les cardinaux: ils sont les serviteurs de la Parole de Dieu mais ils ne la connaissent pas, et ils ne connaissent pas la doctrine. Si nous parlons de transsubstantiation, le Concile Latran IV, le Concile tridentin et aussi Vatican II ainsi que quelques encycliques comme Mysterium Fidei (1965) ont expliqué qu’avec cette expression l’Église constate la réalité de la vraie conversion du pain et du vin en la substance du corps et du sang de Jésus Christ. Les luthériens croient en la présence réelle mais pas au sens catholique, ils ne croient pas à la conversion du pain et du vin. Ce n’est pas rien. En Angleterre, à l’époque d’Edouard VI et d’Elisabeth Ier (XVIe siècle), la peine de mort était appliquée à ceux qui croyaient en la transsubstantiation. Beaucoup de catholiques ont été martyrisés et ils n’ont pas perdu la vie seulement à cause d’une des nombreuses façons de comprendre l’Eucharistie, mais à cause de la réalité du sacrement.

Saint Thomas a dit que c’est un péché grave si les évêques et les prêtres ne connaissent pas la doctrine de l’Église. C’est leur devoir. Des prêtres comme celui de Milan auront certainement lu quelque chose venant de théologiens de troisième catégorie, ceux qui écrivent sans connaître la doctrine et disent des absurdités. Mais cela ne peut justifier un acte presque blasphématoire. Les protestants n’acceptent pas le sacrement de l’ordre dans leur foi, ils ne peuvent donc pas être aux côtés d’un prêtre catholique. Si le curé de la paroisse le fait, il nie le sacrement de l’ordre, il est devenu protestant. Même avec les orthodoxes, dont nous reconnaissons pourtant le sacerdoce sacramentel, il n’est pas possible de concélébrer parce que la pleine communion fait défaut.

Q- Mais que peut faire un croyant s’il se trouve à une messe de ce type?

R- Il doit protester publiquement. Il a le droit de partir ou, s’il en est capable, il peut dire quelque chose: «Je proteste contre cette désacralisation de la Sainte Messe»; «Je suis venu ici pour célébrer la Messe catholique, pas pour participer à la construction d’un curé qui ne connaît rien à la foi catholique». Ce qui s’est passé à la paroisse de Milan n’est pas du véritable œcuménisme, au contraire, c’est un coup porté au véritable œcuménisme.

Q- Qu’est-ce que le véritable œcuménisme?

R- Il y a le décret du Concile Vatican II, Unitatis redintegratio, qui décrit dans les chapitres 1 et 2 les principes d’un œcuménisme catholique. Il n’existe pas un œcuménisme en général, il y a l’œcuménisme selon les principes de la foi catholique, et les autres ont un œcuménisme selon leurs principes. Avec les autres confessions chrétiennes, il n’y a pas seulement une diversité dans les contenus de la foi, mais aussi dans l’herméneutique de la foi.

Q- Pour les catholiques, les anniversaires sont devenus dangereux. Après le Jubilé de la Réforme luthérienne, avec tout le faux œcuménisme auquel il a donné une impulsion, arrive maintenant le 800e anniversaire de la rencontre de saint François avec le Sultan. Et l’on voit déjà des cours d’Islam dans les paroisses et les imams invités à l’église pour expliquer qui est Jésus pour l’Islam….

R- Oui, mais je parie que le curé ne va pas à la mosquée pour expliquer le Concile de Nicée. Pour nous, c’est une offense que de dire que Jésus est seulement un homme, qu’il n’est pas le fils de Dieu, comment fait-on pour inviter quelqu’un à l’église pour se faire offenser? Mais aujourd’hui, dans le catholicisme, il y a une mauvaise conscience envers sa propre foi et on s’agenouille toujours devant les autres. D’abord le jubilé de Luther, maintenant celui de saint François: on les utilise pour protestantiser et islamiser l’Église. Cela, ce n’est pas un vrai dialogue, certains d’entre nous ont perdu la foi et veulent se faire esclaves des autres pour être aimés.

Q- Quel est le problème le plus grave pour l’Église aujourd’hui?

R- La relativisation de la foi. Aujourd’hui, il semble compliqué d’annoncer la foi catholique dans son intégrité et avec une conscience droite. Et pourtant le monde d’aujourd’hui mérite la vérité et la vérité est la vérité de Dieu le Père, c’est la vérité de Jésus Christ, la vérité de l’Esprit Saint. Les faux compromis ne servent à rien à l’homme d’aujourd’hui. Au lieu de proposer la foi, d’éduquer les gens, d’enseigner aux gens, on a toujours tendance à relativiser, on dit toujours un peu moins, moins, moins, moins… Un exemple: au lieu de clarifier le sens du mariage, l’indissolubilité, on cherche des exceptions, on va en arrière; au lieu de parler de la dignité du sacerdoce, sa gloire, la splendeur de la vérité des sacrements, on réduit tout à une occasion d’être ensemble. Il y a une horizontalisation du christianisme, on le réduit de manière à plaire aux gens d’aujourd’hui, mais ce faisant, on trompe les gens. Quand nous nous trouvons avec des personnes d’autres religions, nous ne pouvons pas nous unir dans une foi généralisée. La foi est réduite à une foi philosophique, Dieu à un être transcendant, et ensuite nous disons qu’Allah ou Dieu le père de Jésus Christ sont la même chose. Tout comme le Dieu du déisme n’a rien à voir avec le Dieu des chrétiens.

Q- Le Pape insiste beaucoup sur le concept de fraternité universelle. Comment doit-elle être entendue pour éviter cette confusion ?

R- Je n’ai pas aimé tous ces éloges des francs-maçons du Pape. Leur fraternité n’est pas la fraternité des chrétiens en Jésus Christ, elle est beaucoup moins. Nous ne pouvons pas prendre comme mesure de fraternité celle qui vient de la Révolution française, qui est idéologie, comme le communisme. Qui définit qui est mon frère? Mais nous sommes frères entre nous parce que nous sommes enfants de Dieu, parce que nous acceptons le Christ qui s’est fait homme. C’est cela, le fondement de la fraternité.

Sur la base de la création, nous sommes tous enfants de Dieu. En ce sens, nous parlons aussi de fraternité universelle: on ne peut pas tuer; même dans une guerre, celui que je tue, c’est mon frère. Nous avons tous un père au Ciel, mais ce père s’est révélé en Israël, à Moïse, aux prophètes et finalement en Jésus Christ. Si nous n’élevons pas la fraternité naturelle de l’homme vers la fraternité en Jésus Christ, nous rejetons la dimension surnaturelle et naturalisons la grâce. Une religion universelle n’existe pas, il existe une religiosité universelle, une dimension religieuse qui pousse chaque homme vers le mystère. On entend parfois des idées absurdes, comme celle du Pape «chef d’une religion universelle», mais c’est ridicule. Pierre est Pape par sa confession ou profession de foi: «Tu es le Christ, le fils du Dieu vivant». C’est le Pape, pas le chef de l’ONU.

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