Le Pape Dictateur (Marcantonio Colonna)
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Re: Le Pape Dictateur (Marcantonio Colonna)
@ Gilbert Chevalier :
Quel livre-choc !
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"Le garant de ces révélations l'affirme :
"Oui, mon retour est proche!
Amen, viens, Seigneur Jésus!"
Apocalypse, 22, 20
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Re: Le Pape Dictateur (Marcantonio Colonna)
Les relations de Bergoglio avec le Vatican
Sa nouvelle posture fit de Bergoglio un objet de suspicion pour le nonce pontifical en Argentine, l’Archevêque Bernardini, et pour les prélats dont Héctor Aguer, qui fut Archevêque de La Plata. En effet, après six ou sept ans de combat, l’opposition dont il souffrait de ces secteurs vint éclipser sa propre influence, et devait conduire à un règlement brutal des comptes quand il devint Pape. Mais avant même cette élévation, Bergoglio ne manquait pas de moyens pour riposter. L’un d’entre eux était l’influence permanente de l’argent dans la politique curiale, à une époque où le Vatican se débattait avec les embarras que lui léguait le système Marcinkus. En tant qu’Archevêque de Buenos Aires, le Cardinal Bergoglio était chancelier d’office de l’Université Catholique Pontificale d’Argentine, qui avait une riche dotation de 200 millions de dollars. Sans aucune raison claire, une grande partie de cet argent a été transférée à la Banque du Vatican. L’opération rappelle un scandale des années auparavant, lorsque Bergoglio avait été évêque auxiliaire de Buenos Aires et que l’archidiocèse a répudié une dette de dix millions de dollars, au motif que le chèque émis par la curie archiépiscopale n’avait pas été correctement signé. Austen Ivereigh donne un compte rendu blanchissant de ces incidents (40), présentant Bergoglio comme le réformateur qui a nettoyé le désordre, mais la vérité est que, comme le bras droit du Cardinal Quarracino à l’époque, il devait avoir une connaissance intime de la manière dont le chèque avait été émis, et les faits n’ont jamais été expliqués de manière satisfaisante. Ces cas ne sont que deux exemples d’obscurcissements qui suggèrent que toute la question des transactions financières pendant le mandat de Bergoglio à Buenos Aires serait défrayée par une étude spéciale d’un chercheur expert dans le genre.
Un autre moyen d’influence pour le Cardinal Bergoglio était ses contacts personnels. À Rome, il a eu un ami en la personne du Cardinal Giovanni Battista Re, qui a été préfet de la Congrégation des Évêques de 2000 à 2010. Le Cardinal Re a commencé comme un allié dévoué de Bergoglio, jusqu’à ce qu’il se rende compte de l’homme avec qui il traitait et s’est retourné contre lui ; pendant la lune de miel, Bergoglio a profité de l’amitié pour implanter dans la Congrégation des Évêques le prêtre argentin Fabián Pedacchio, qui est devenu son agent et son informateur. Il envoya au Cardinal Bergoglio un flot d’informations par téléphone et fax, l’informant des lettres reçues dans la Congrégation pour les Évêques, même celles qui étaient sous le sceau du secret. Grâce à cet allié, Bergoglio avait un certain nombre de disciples nommés évêques non seulement en Argentine, mais aussi dans d’autres hiérarchies sud-américaines. En étant élu Pape, Bergoglio récompensa le Père Pedacchio en faisant de lui son secrétaire particulier, une nomination dans laquelle il continue d’exercer son influence antérieure.
Le cas le plus notable dans lequel Bergoglio utilisa le Père Pedacchio fut dans sa querelle avec l’évêque de l’Opus Dei, Mgr Rogelio Livieres, qui dirigeait le diocèse de Ciudad del Este. Bien que cette ville se trouve au Paraguay, elle est proche de la frontière argentine, et Mgr Livieres était lui-même argentin d’origine. Il était un fervent traditionaliste, et en tant que tel, il représentait un défi non seulement pour Bergoglio, mais aussi pour les libéraux dans toute la hiérarchie sud-américaine. Dans son propre diocèse, Livieres avait fondé un séminaire qui se distinguait par la formation sacerdotale traditionnelle et obtint un succès qui ne pouvait être ignoré. À son apogée, le séminaire de Ciudad del Este comptait 240 étudiants, soit plus que tous les autres diocèses paraguayens réunis. Il attira également des réfugiés du propre séminaire du Cardinal Bergoglio à Buenos Aires, qui n’était pas dans un état heureux, ce qui n’aida pas Bergoglio à regarder gentiment son rival. Le membre le plus connu de la hiérarchie paraguayenne est Fernando Lugo, Évêque de San Pedro, qui abandonna son ministère pour une carrière politique et devint Président du pays, jusqu’à ce qu’il soit destitué par son parlement en 2012. Auparavant, il combinait sa vie épiscopale avec une série d’affaires et avait engendré plusieurs enfants illégitimes. Mgr Livieres était seul à dénoncer l’Évêque Lugo et ses collègues de la hiérarchie paraguayenne qui conspiraient pour garder secrète la mauvaise conduite de Lugo.
En 2008, peu après l’élection de Lugo à la présidence, Mgr Livieres rendit une visite ad limina au Pape Benoît XVI et lui remit personnellement une lettre, sous scellés, dans laquelle il critiquait le système de nomination qui avait réussi à produire Mgr Lugo. Ses précautions n’ont pas empêché la lettre d’être transmise au Cardinal Bergoglio et de là, elle a été divulguée à la presse, avec l’intention réussie de brouiller Mgr Livieres avec le gouvernement paraguayen et avec le reste de sa hiérarchie (41). Ceci s’avéra simplement un avant-goût du traitement que l’évêque allait recevoir sous le Pape François, lorsqu’il fut démis de ses fonctions dans l’année qui suivit l’élection du Pape et que son séminaire fut dissous.
Une leçon que nous pouvons tirer de ces désaccords : il y a près de quarante ans, le jeune Père Bergoglio avait été nommé Provincial des Jésuites argentins dans un moment de crise ; les temps avaient changé, mais l’ancien Cardinal Archevêque, en conflit avec le gouvernement national, avec le nonce pontifical dans son pays, avec une grande partie au sein de sa propre Église et même avec les évêques de l’autre côté de la frontière, n’avait pas perdu son talent pour être une force de division.
Les révélations sur le Père Pedacchio et l’Évêque Livieres ont été faites par le journaliste espagnol Francisco José de La Cigoña bien avant l’élection de Bergoglio comme Pape. De La Cigoña a mentionné dans son article un autre agent du Cardinal Bergoglio, le prêtre argentin Guillermo Karcher, qui se trouvait à Rome dans le département du Protocole de la Secrétairerie d’État, tandis qu’à Buenos Aires il y avait l’évêque auxiliaire de Bergoglio, Eduardo García, qui avait pour tâche de gérer "l’opinion" sur les évêques et autres membres du clergé sur Internet. Après avoir décrit ce système de contrôle, De La Cigoña a commenté : « C’est ainsi que Bergoglio procède pour générer un réseau de mensonges, d’intrigues, d’espionnage, de méfiance et, plus efficace que tout, de peur. C’est l’opinion d’un fonctionnaire argentin qui travaille au Vatican et qui, de peur bien sûr, préfère ne pas être nommé : Bergoglio « est une personne qui sait avant tout faire peur. » C’est pourquoi il a une influence dans le Saint-Siège qui en surprend beaucoup. Même s’il travaille avec soin pour impressionner tout le monde avec l’apparence d’un saint en plâtre, austère et mortifié, c’est un homme avec une mentalité de pouvoir. Et il l’a toujours été. » (42) En rapportant ces perceptions à un lectorat espagnol, De La Cigoña transmettait l’estimation que beaucoup d’Argentins avaient alors faite de leur Archevêque, mais qui malheureusement n’avait pas atteint la connaissance des cardinaux du monde lorsqu’ils se sont rencontrés pour le Conclave de 2013.
La position que Bergoglio s’était construite au cours de ces années était cependant menacée par une échéance imminente. En décembre 2011, lorsqu’il atteindra l’âge de soixante-quinze ans, il devra présenter sa démission comme archevêque, et un départ se dessinant et un mouvement l’éloignant du navire qui coulait devient apparent. Omar Bello considère que Bergoglio a été éclipsé en 2011 par son rival Héctor Aguer, Archevêque de La Plata. Le Pape Benoît XVI a en effet refusé la démission de Bergoglio (au dégoût des membres de la hiérarchie argentine, qui allaient bientôt souffrir de leur mécontentement) et, comme cela arrive souvent dans de tels cas, a demandé au prélat sortant de continuer un peu plus longtemps. Mais même à ses propres yeux, le Cardinal Bergoglio ne pouvait paraître qu’un canard de plus en plus boiteux à cette époque ; il parlait de démissionner et de se retirer dans une maison de retraite pour le clergé. Les espoirs qui avaient été soulevés dans le Conclave de 2005 disparaissaient, alors que le règne du Pape Benoît XVI suivait une ligne doctrinale que Bergoglio avait trop ouvertement écartée.
(40) Ivereigh, op, cit., p.243-244.
(41) Voir Francisco José de La Cigoña, "Los peones de Bergoglio" ("Les pions de Bergoglio"), dans le journal espagnol Intereconomía du 26 décembre 2011.
(42) Voir Francisco José de La Cigoña, "Los peones de Bergoglio" ("Les pions de Bergoglio"), dans le journal espagnol Intereconomía du 26 décembre 2011.
Sa nouvelle posture fit de Bergoglio un objet de suspicion pour le nonce pontifical en Argentine, l’Archevêque Bernardini, et pour les prélats dont Héctor Aguer, qui fut Archevêque de La Plata. En effet, après six ou sept ans de combat, l’opposition dont il souffrait de ces secteurs vint éclipser sa propre influence, et devait conduire à un règlement brutal des comptes quand il devint Pape. Mais avant même cette élévation, Bergoglio ne manquait pas de moyens pour riposter. L’un d’entre eux était l’influence permanente de l’argent dans la politique curiale, à une époque où le Vatican se débattait avec les embarras que lui léguait le système Marcinkus. En tant qu’Archevêque de Buenos Aires, le Cardinal Bergoglio était chancelier d’office de l’Université Catholique Pontificale d’Argentine, qui avait une riche dotation de 200 millions de dollars. Sans aucune raison claire, une grande partie de cet argent a été transférée à la Banque du Vatican. L’opération rappelle un scandale des années auparavant, lorsque Bergoglio avait été évêque auxiliaire de Buenos Aires et que l’archidiocèse a répudié une dette de dix millions de dollars, au motif que le chèque émis par la curie archiépiscopale n’avait pas été correctement signé. Austen Ivereigh donne un compte rendu blanchissant de ces incidents (40), présentant Bergoglio comme le réformateur qui a nettoyé le désordre, mais la vérité est que, comme le bras droit du Cardinal Quarracino à l’époque, il devait avoir une connaissance intime de la manière dont le chèque avait été émis, et les faits n’ont jamais été expliqués de manière satisfaisante. Ces cas ne sont que deux exemples d’obscurcissements qui suggèrent que toute la question des transactions financières pendant le mandat de Bergoglio à Buenos Aires serait défrayée par une étude spéciale d’un chercheur expert dans le genre.
Un autre moyen d’influence pour le Cardinal Bergoglio était ses contacts personnels. À Rome, il a eu un ami en la personne du Cardinal Giovanni Battista Re, qui a été préfet de la Congrégation des Évêques de 2000 à 2010. Le Cardinal Re a commencé comme un allié dévoué de Bergoglio, jusqu’à ce qu’il se rende compte de l’homme avec qui il traitait et s’est retourné contre lui ; pendant la lune de miel, Bergoglio a profité de l’amitié pour implanter dans la Congrégation des Évêques le prêtre argentin Fabián Pedacchio, qui est devenu son agent et son informateur. Il envoya au Cardinal Bergoglio un flot d’informations par téléphone et fax, l’informant des lettres reçues dans la Congrégation pour les Évêques, même celles qui étaient sous le sceau du secret. Grâce à cet allié, Bergoglio avait un certain nombre de disciples nommés évêques non seulement en Argentine, mais aussi dans d’autres hiérarchies sud-américaines. En étant élu Pape, Bergoglio récompensa le Père Pedacchio en faisant de lui son secrétaire particulier, une nomination dans laquelle il continue d’exercer son influence antérieure.
Le cas le plus notable dans lequel Bergoglio utilisa le Père Pedacchio fut dans sa querelle avec l’évêque de l’Opus Dei, Mgr Rogelio Livieres, qui dirigeait le diocèse de Ciudad del Este. Bien que cette ville se trouve au Paraguay, elle est proche de la frontière argentine, et Mgr Livieres était lui-même argentin d’origine. Il était un fervent traditionaliste, et en tant que tel, il représentait un défi non seulement pour Bergoglio, mais aussi pour les libéraux dans toute la hiérarchie sud-américaine. Dans son propre diocèse, Livieres avait fondé un séminaire qui se distinguait par la formation sacerdotale traditionnelle et obtint un succès qui ne pouvait être ignoré. À son apogée, le séminaire de Ciudad del Este comptait 240 étudiants, soit plus que tous les autres diocèses paraguayens réunis. Il attira également des réfugiés du propre séminaire du Cardinal Bergoglio à Buenos Aires, qui n’était pas dans un état heureux, ce qui n’aida pas Bergoglio à regarder gentiment son rival. Le membre le plus connu de la hiérarchie paraguayenne est Fernando Lugo, Évêque de San Pedro, qui abandonna son ministère pour une carrière politique et devint Président du pays, jusqu’à ce qu’il soit destitué par son parlement en 2012. Auparavant, il combinait sa vie épiscopale avec une série d’affaires et avait engendré plusieurs enfants illégitimes. Mgr Livieres était seul à dénoncer l’Évêque Lugo et ses collègues de la hiérarchie paraguayenne qui conspiraient pour garder secrète la mauvaise conduite de Lugo.
En 2008, peu après l’élection de Lugo à la présidence, Mgr Livieres rendit une visite ad limina au Pape Benoît XVI et lui remit personnellement une lettre, sous scellés, dans laquelle il critiquait le système de nomination qui avait réussi à produire Mgr Lugo. Ses précautions n’ont pas empêché la lettre d’être transmise au Cardinal Bergoglio et de là, elle a été divulguée à la presse, avec l’intention réussie de brouiller Mgr Livieres avec le gouvernement paraguayen et avec le reste de sa hiérarchie (41). Ceci s’avéra simplement un avant-goût du traitement que l’évêque allait recevoir sous le Pape François, lorsqu’il fut démis de ses fonctions dans l’année qui suivit l’élection du Pape et que son séminaire fut dissous.
Une leçon que nous pouvons tirer de ces désaccords : il y a près de quarante ans, le jeune Père Bergoglio avait été nommé Provincial des Jésuites argentins dans un moment de crise ; les temps avaient changé, mais l’ancien Cardinal Archevêque, en conflit avec le gouvernement national, avec le nonce pontifical dans son pays, avec une grande partie au sein de sa propre Église et même avec les évêques de l’autre côté de la frontière, n’avait pas perdu son talent pour être une force de division.
Les révélations sur le Père Pedacchio et l’Évêque Livieres ont été faites par le journaliste espagnol Francisco José de La Cigoña bien avant l’élection de Bergoglio comme Pape. De La Cigoña a mentionné dans son article un autre agent du Cardinal Bergoglio, le prêtre argentin Guillermo Karcher, qui se trouvait à Rome dans le département du Protocole de la Secrétairerie d’État, tandis qu’à Buenos Aires il y avait l’évêque auxiliaire de Bergoglio, Eduardo García, qui avait pour tâche de gérer "l’opinion" sur les évêques et autres membres du clergé sur Internet. Après avoir décrit ce système de contrôle, De La Cigoña a commenté : « C’est ainsi que Bergoglio procède pour générer un réseau de mensonges, d’intrigues, d’espionnage, de méfiance et, plus efficace que tout, de peur. C’est l’opinion d’un fonctionnaire argentin qui travaille au Vatican et qui, de peur bien sûr, préfère ne pas être nommé : Bergoglio « est une personne qui sait avant tout faire peur. » C’est pourquoi il a une influence dans le Saint-Siège qui en surprend beaucoup. Même s’il travaille avec soin pour impressionner tout le monde avec l’apparence d’un saint en plâtre, austère et mortifié, c’est un homme avec une mentalité de pouvoir. Et il l’a toujours été. » (42) En rapportant ces perceptions à un lectorat espagnol, De La Cigoña transmettait l’estimation que beaucoup d’Argentins avaient alors faite de leur Archevêque, mais qui malheureusement n’avait pas atteint la connaissance des cardinaux du monde lorsqu’ils se sont rencontrés pour le Conclave de 2013.
La position que Bergoglio s’était construite au cours de ces années était cependant menacée par une échéance imminente. En décembre 2011, lorsqu’il atteindra l’âge de soixante-quinze ans, il devra présenter sa démission comme archevêque, et un départ se dessinant et un mouvement l’éloignant du navire qui coulait devient apparent. Omar Bello considère que Bergoglio a été éclipsé en 2011 par son rival Héctor Aguer, Archevêque de La Plata. Le Pape Benoît XVI a en effet refusé la démission de Bergoglio (au dégoût des membres de la hiérarchie argentine, qui allaient bientôt souffrir de leur mécontentement) et, comme cela arrive souvent dans de tels cas, a demandé au prélat sortant de continuer un peu plus longtemps. Mais même à ses propres yeux, le Cardinal Bergoglio ne pouvait paraître qu’un canard de plus en plus boiteux à cette époque ; il parlait de démissionner et de se retirer dans une maison de retraite pour le clergé. Les espoirs qui avaient été soulevés dans le Conclave de 2005 disparaissaient, alors que le règne du Pape Benoît XVI suivait une ligne doctrinale que Bergoglio avait trop ouvertement écartée.
(40) Ivereigh, op, cit., p.243-244.
(41) Voir Francisco José de La Cigoña, "Los peones de Bergoglio" ("Les pions de Bergoglio"), dans le journal espagnol Intereconomía du 26 décembre 2011.
(42) Voir Francisco José de La Cigoña, "Los peones de Bergoglio" ("Les pions de Bergoglio"), dans le journal espagnol Intereconomía du 26 décembre 2011.
VotreServiteur- Troisième Demeure : J'évite tous les péchés.
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Re: Le Pape Dictateur (Marcantonio Colonna)
Un pape abdique
Mais, sans surprise, cette situation sombre a été transformée par une rumeur de Rome. Au milieu de l'année 2012, quelques initiés de la Curie savaient que le Pape Benoît XVI envisageait l'abdication ; il avait confié son intention à deux de ses plus proches collaborateurs, le Secrétaire d'État, le Cardinal Bertone, et le secrétaire papal, l'Archevêque Gänswein, et il avait nommé la date exacte : le 28 février 2013. Les communications du Cardinal Bergoglio avec Rome se sont brusquement intensifiées à partir de ce moment-là, atteignant des niveaux effrénés à mesure que la date approchait (43). Certes, le 11 février 2013, le Pape Benoît XVI a fait son annonce publique aux cardinaux, et il a pris presque tout le monde par surprise, et non pas Bergoglio et ses associés, cependant, comme l'ont découvert des témoins oculaires. Le jour de l'annonce, le recteur de la cathédrale de Buenos Aires est allé rendre visite à son Cardinal et l'a trouvé exultant. Pendant leur entretien, le téléphone n'a jamais cessé de sonner avec les appels internationaux des alliés de Bergoglio, et ils étaient tous des appels de félicitations personnelles. Un ami argentin, cependant, moins bien informé que les autres, a appelé pour demander des nouvelles à ce sujet, et Bergoglio lui a dit : « Vous ne savez pas ce que cela signifie. » (44)
Le Cardinal Bergoglio avait eu huit ans pour réfléchir exactement à ce que cela signifiait. En 2005, les plans du groupe de Saint-Gall semblaient brisés par l'élection de Benoît XVI. On a supposé que Benoît XVI devait régner pendant dix, voire quinze ans, mais ce serait trop long pour qu'aucun des intéressés en profite. L'abdication de février 2013 a eu lieu juste à temps pour relancer le programme de Saint-Gall. Le Cardinal Martini était décédé l'année précédente, mais Danneels et Kasper étaient tout juste assez jeunes pour vaincre l'exclusion des conclaves papaux que les cardinaux subissent à l'âge de quatre-vingts ans, un jalon qu'ils atteindront tous les deux plus tard dans l'année. Surtout, Bergoglio, à l'âge de 76 ans, restait papabile ; l'extension de son mandat par le Pape Benoît XVI signifiait qu'il était toujours en place comme Archevêque de Buenos Aires, et donc un membre éminent de la hiérarchie latino-américaine.
Au cours des deux semaines suivantes, avant de se rendre à Rome pour les adieux officiels du Pape Benoît XVI, Bergoglio était en pleine fièvre d'activité, vêtu d'une apparence d'indifférence. Un prêtre qui le connaissait confiait à Omar Bello que le Cardinal faisait un cirque de ne pas vouloir aller à Rome, « et je savais qu'il parlait à la moitié du monde et complotait comme un fou. Eh bien, c'est Jorge.... » (45) Pourtant, quiconque l'imaginait en train de faire circuler au Collège des Cardinaux des messages « Votez pour moi » aurait sous-estimé Jorge. Sa stratégie en premier fut de se présenter comme un partisan du Cardinal Sean O'Malley de Boston. Omar Bello explique le stratagème comme suit : il détournerait l'attention des cardinaux européens de sa propre candidature, mais Bergoglio savait que pour les latino-américains, et même pour beaucoup d'autres dans l'Église, un Pape des États-Unis était anathème ; il savourait trop l'impérialisme yankee. Mais presser O'Malley était ipso facto pour attirer l'attention sur le continent américain ; si les cardinaux rejetaient O'Malley, ils pourraient se tourner vers Bergoglio, son homologue latino-américain. Il s'agit là d'une interprétation possible, même si elle semble excessivement tortueuse. Comme alternative, on pourrait citer le rapport d'un laïc venu du Vatican pour s'adresser à l'un des cardinaux nord-américains et lui demander d'exhorter ses collègues à penser à Bergoglio. Sur cette lecture, en sollicitant O'Malley, Bergoglio signalait simplement aux cardinaux nord-américains qu'il était leur allié.
Ce que peu de gens contestent, c'est que le Conclave de 2013 fut probablement l'élection pontificale la plus politique depuis la chute des États pontificaux. Ce n'aurait été que pour le fond dramatique sur lequel il se tenait, l'abdication d'un pape, la première fois qu'une telle chose s'était produite depuis six cents ans. Mais les circonstances qui l'avaient conduit étaient encore plus pressantes : le scandale des "Vatileaks" de 2012, lorsque le majordome du Pape avait révélé des documents secrets pour montrer précisément combien Benoît XVI était impuissant à contrôler le désordre qui l'entourait ; et enfin le rapport privé qui a circulé en décembre 2012, révélant une telle corruption morale dans la Curie qu'on pensait que c'était la goutte d'eau pour persuader Benoît XVI qu'il ne pouvait plus y faire face. Une chose était évidente : le travail du prochain Pape serait d'éclaircir un marécage. Il est donc plus pertinent de dire que le Conclave de 2013 fut l'élection papale la plus inquiétante depuis des siècles. Les gens cherchaient un sauveur, et ce n'est pas nécessairement l'état d'esprit dans lequel il faut faire un bon choix.
On pense généralement que le but du Pape Benoît XVI, en abdiquant, était d'amener sa succession au Cardinal Scola, Archevêque de Milan, et il chargea le Secrétaire d'État Bertone de diriger le Conclave en conséquence. Scola était doctrinalement dans la même lignée que Benoît, et il semblait l'homme fort capable de faire face aux problèmes qui s'accumulaient sur le Saint-Siège. Ce que Benoît XVI ne se rendit pas compte, c'est qu'il y avait peu de chance que les autres cardinaux italiens acceptent de voter pour Scola, qu'ils considéraient comme un carriériste. Ce qui était pire, Bertone lui-même ne voulait pas Scola, et sa réponse à la commission papale était simplement de l'ignorer. Le plan de Benoît XVI échoua donc dès le départ, et le Conclave fut lancé au grand jour. Sans autre piste, la machine se réinstalle comme en 2005 et le groupe de Saint-Gall renaît après huit ans d'inhumation.
Les cardinaux de Saint-Gall ont surtout exercé une influence sur les Européens, mais ils ont eu des contacts au-delà. Murphy O'Connor était occupé parmi les cardinaux anglophones d'Afrique et d'Asie, et d'autres Africains furent amenés par le Cardinal Monsengwo, un protégé de Danneels. Austen Ivereigh répète l'histoire de Murphy O'Connor avertissant Bergoglio de « faire attention » parce que c'était son tour maintenant, à qui la réponse était capisco « Je sais » ; mais c'était comme un enfant de trois ans donnant des conseils parentaux à sa mère. Les cardinaux libéraux pensaient qu'ils utilisaient Bergoglio ; il est plus probable qu'il les utilisait. Il n'y avait aucune raison de penser que le groupe de Saint-Gall pourrait à lui seul obtenir une majorité au Conclave, pas plus en 2013 qu'en 2005. Les cardinaux d'Amérique du Nord constituaient une circonscription cruciale, et Bergoglio s'en était déjà occupé lui-même. Les Latino-Américains voteront également pour lui, encouragés par le quasi-échec de 2005.
Le récit d'Ivereigh donne une bonne idée de l'intense politisation qui a eu lieu au Conclave de 2013. Les supporters de Bergoglio, instruits par leur expérience huit ans auparavant, se sont attachés à s'assurer que leur homme obtienne au moins 25 voix au premier tour de scrutin, un résultat essentiel pour lui donner de l'élan. C'est ce qui a été fait, et le deuxième jour, le 13 mars, Bergoglio a confortablement avancé au second tour de scrutin de la matinée, avec cinquante voix. Cet après-midi-là, le quatrième vote a donné lieu à un contretemps : un bulletin de vote vierge a été accidentellement inclus parmi les bulletins comptés, ce qui a invalidé l'examen minutieux. Les règles pour les conclaves papaux stipulent que seuls quatre scrutins devraient avoir lieu chaque jour, mais curieusement, cela a été ignoré, et un cinquième vote s'est déroulé comme si le quatrième n'avait pas eu lieu. À cette occasion, Bergoglio a été élu avec plus de 95 voix sur 115. Antonio Socci a soutenu avec force que ce cinquième tour de scrutin était nul et non avenu (46). Les avocats canonistes plus pondérés pensent que c'est discutable, mais sont moins précis en leur avis. À première vue, on pourrait dire que les alternatives logiques étaient soit d'ignorer le papier vierge et de considérer le quatrième examen comme valide, soit de le traiter comme tombant sous le coup des règles du vote irrégulier, ce qui implique de passer au suivant de manière ordinaire – dans ce cas, d'attendre jusqu'au lendemain. Que l'on choisisse ou non de défendre le point de vue de Socci, il y a quelque chose d'assez approprié dans le fait que l'héritier politique de Juan Perón aurait dû être élevé à la tête de l'Église Catholique par ce qui était sans doute un vote invalide.
(43) Bello, "El Verdadero Francisco" ( https://gloria.tv/album/76VN81FZDJbK2uSHFW7kZmX3K/record/TybHHJ2FhS1f1bA4kEyjBvnCm ), p.29.
(44) Informations provenant de sources privées à Buenos Aires.
(45) Bello, op.cit., p.32. Un bon rire attend ceux qui veulent comparer ces détails avec le saint récit d'Austen Ivereigh, op. cit., pp.350-351.
(46) Antonio Socci, "Non è Francesco", Milan, 2014. Le fait qu'un cinquième tour de scrutin ait eu lieu est bien connu ; voir e.g., Ivereigh, op. cit., p.361.
Mais, sans surprise, cette situation sombre a été transformée par une rumeur de Rome. Au milieu de l'année 2012, quelques initiés de la Curie savaient que le Pape Benoît XVI envisageait l'abdication ; il avait confié son intention à deux de ses plus proches collaborateurs, le Secrétaire d'État, le Cardinal Bertone, et le secrétaire papal, l'Archevêque Gänswein, et il avait nommé la date exacte : le 28 février 2013. Les communications du Cardinal Bergoglio avec Rome se sont brusquement intensifiées à partir de ce moment-là, atteignant des niveaux effrénés à mesure que la date approchait (43). Certes, le 11 février 2013, le Pape Benoît XVI a fait son annonce publique aux cardinaux, et il a pris presque tout le monde par surprise, et non pas Bergoglio et ses associés, cependant, comme l'ont découvert des témoins oculaires. Le jour de l'annonce, le recteur de la cathédrale de Buenos Aires est allé rendre visite à son Cardinal et l'a trouvé exultant. Pendant leur entretien, le téléphone n'a jamais cessé de sonner avec les appels internationaux des alliés de Bergoglio, et ils étaient tous des appels de félicitations personnelles. Un ami argentin, cependant, moins bien informé que les autres, a appelé pour demander des nouvelles à ce sujet, et Bergoglio lui a dit : « Vous ne savez pas ce que cela signifie. » (44)
Le Cardinal Bergoglio avait eu huit ans pour réfléchir exactement à ce que cela signifiait. En 2005, les plans du groupe de Saint-Gall semblaient brisés par l'élection de Benoît XVI. On a supposé que Benoît XVI devait régner pendant dix, voire quinze ans, mais ce serait trop long pour qu'aucun des intéressés en profite. L'abdication de février 2013 a eu lieu juste à temps pour relancer le programme de Saint-Gall. Le Cardinal Martini était décédé l'année précédente, mais Danneels et Kasper étaient tout juste assez jeunes pour vaincre l'exclusion des conclaves papaux que les cardinaux subissent à l'âge de quatre-vingts ans, un jalon qu'ils atteindront tous les deux plus tard dans l'année. Surtout, Bergoglio, à l'âge de 76 ans, restait papabile ; l'extension de son mandat par le Pape Benoît XVI signifiait qu'il était toujours en place comme Archevêque de Buenos Aires, et donc un membre éminent de la hiérarchie latino-américaine.
Au cours des deux semaines suivantes, avant de se rendre à Rome pour les adieux officiels du Pape Benoît XVI, Bergoglio était en pleine fièvre d'activité, vêtu d'une apparence d'indifférence. Un prêtre qui le connaissait confiait à Omar Bello que le Cardinal faisait un cirque de ne pas vouloir aller à Rome, « et je savais qu'il parlait à la moitié du monde et complotait comme un fou. Eh bien, c'est Jorge.... » (45) Pourtant, quiconque l'imaginait en train de faire circuler au Collège des Cardinaux des messages « Votez pour moi » aurait sous-estimé Jorge. Sa stratégie en premier fut de se présenter comme un partisan du Cardinal Sean O'Malley de Boston. Omar Bello explique le stratagème comme suit : il détournerait l'attention des cardinaux européens de sa propre candidature, mais Bergoglio savait que pour les latino-américains, et même pour beaucoup d'autres dans l'Église, un Pape des États-Unis était anathème ; il savourait trop l'impérialisme yankee. Mais presser O'Malley était ipso facto pour attirer l'attention sur le continent américain ; si les cardinaux rejetaient O'Malley, ils pourraient se tourner vers Bergoglio, son homologue latino-américain. Il s'agit là d'une interprétation possible, même si elle semble excessivement tortueuse. Comme alternative, on pourrait citer le rapport d'un laïc venu du Vatican pour s'adresser à l'un des cardinaux nord-américains et lui demander d'exhorter ses collègues à penser à Bergoglio. Sur cette lecture, en sollicitant O'Malley, Bergoglio signalait simplement aux cardinaux nord-américains qu'il était leur allié.
Ce que peu de gens contestent, c'est que le Conclave de 2013 fut probablement l'élection pontificale la plus politique depuis la chute des États pontificaux. Ce n'aurait été que pour le fond dramatique sur lequel il se tenait, l'abdication d'un pape, la première fois qu'une telle chose s'était produite depuis six cents ans. Mais les circonstances qui l'avaient conduit étaient encore plus pressantes : le scandale des "Vatileaks" de 2012, lorsque le majordome du Pape avait révélé des documents secrets pour montrer précisément combien Benoît XVI était impuissant à contrôler le désordre qui l'entourait ; et enfin le rapport privé qui a circulé en décembre 2012, révélant une telle corruption morale dans la Curie qu'on pensait que c'était la goutte d'eau pour persuader Benoît XVI qu'il ne pouvait plus y faire face. Une chose était évidente : le travail du prochain Pape serait d'éclaircir un marécage. Il est donc plus pertinent de dire que le Conclave de 2013 fut l'élection papale la plus inquiétante depuis des siècles. Les gens cherchaient un sauveur, et ce n'est pas nécessairement l'état d'esprit dans lequel il faut faire un bon choix.
On pense généralement que le but du Pape Benoît XVI, en abdiquant, était d'amener sa succession au Cardinal Scola, Archevêque de Milan, et il chargea le Secrétaire d'État Bertone de diriger le Conclave en conséquence. Scola était doctrinalement dans la même lignée que Benoît, et il semblait l'homme fort capable de faire face aux problèmes qui s'accumulaient sur le Saint-Siège. Ce que Benoît XVI ne se rendit pas compte, c'est qu'il y avait peu de chance que les autres cardinaux italiens acceptent de voter pour Scola, qu'ils considéraient comme un carriériste. Ce qui était pire, Bertone lui-même ne voulait pas Scola, et sa réponse à la commission papale était simplement de l'ignorer. Le plan de Benoît XVI échoua donc dès le départ, et le Conclave fut lancé au grand jour. Sans autre piste, la machine se réinstalle comme en 2005 et le groupe de Saint-Gall renaît après huit ans d'inhumation.
Les cardinaux de Saint-Gall ont surtout exercé une influence sur les Européens, mais ils ont eu des contacts au-delà. Murphy O'Connor était occupé parmi les cardinaux anglophones d'Afrique et d'Asie, et d'autres Africains furent amenés par le Cardinal Monsengwo, un protégé de Danneels. Austen Ivereigh répète l'histoire de Murphy O'Connor avertissant Bergoglio de « faire attention » parce que c'était son tour maintenant, à qui la réponse était capisco « Je sais » ; mais c'était comme un enfant de trois ans donnant des conseils parentaux à sa mère. Les cardinaux libéraux pensaient qu'ils utilisaient Bergoglio ; il est plus probable qu'il les utilisait. Il n'y avait aucune raison de penser que le groupe de Saint-Gall pourrait à lui seul obtenir une majorité au Conclave, pas plus en 2013 qu'en 2005. Les cardinaux d'Amérique du Nord constituaient une circonscription cruciale, et Bergoglio s'en était déjà occupé lui-même. Les Latino-Américains voteront également pour lui, encouragés par le quasi-échec de 2005.
Le récit d'Ivereigh donne une bonne idée de l'intense politisation qui a eu lieu au Conclave de 2013. Les supporters de Bergoglio, instruits par leur expérience huit ans auparavant, se sont attachés à s'assurer que leur homme obtienne au moins 25 voix au premier tour de scrutin, un résultat essentiel pour lui donner de l'élan. C'est ce qui a été fait, et le deuxième jour, le 13 mars, Bergoglio a confortablement avancé au second tour de scrutin de la matinée, avec cinquante voix. Cet après-midi-là, le quatrième vote a donné lieu à un contretemps : un bulletin de vote vierge a été accidentellement inclus parmi les bulletins comptés, ce qui a invalidé l'examen minutieux. Les règles pour les conclaves papaux stipulent que seuls quatre scrutins devraient avoir lieu chaque jour, mais curieusement, cela a été ignoré, et un cinquième vote s'est déroulé comme si le quatrième n'avait pas eu lieu. À cette occasion, Bergoglio a été élu avec plus de 95 voix sur 115. Antonio Socci a soutenu avec force que ce cinquième tour de scrutin était nul et non avenu (46). Les avocats canonistes plus pondérés pensent que c'est discutable, mais sont moins précis en leur avis. À première vue, on pourrait dire que les alternatives logiques étaient soit d'ignorer le papier vierge et de considérer le quatrième examen comme valide, soit de le traiter comme tombant sous le coup des règles du vote irrégulier, ce qui implique de passer au suivant de manière ordinaire – dans ce cas, d'attendre jusqu'au lendemain. Que l'on choisisse ou non de défendre le point de vue de Socci, il y a quelque chose d'assez approprié dans le fait que l'héritier politique de Juan Perón aurait dû être élevé à la tête de l'Église Catholique par ce qui était sans doute un vote invalide.
(43) Bello, "El Verdadero Francisco" ( https://gloria.tv/album/76VN81FZDJbK2uSHFW7kZmX3K/record/TybHHJ2FhS1f1bA4kEyjBvnCm ), p.29.
(44) Informations provenant de sources privées à Buenos Aires.
(45) Bello, op.cit., p.32. Un bon rire attend ceux qui veulent comparer ces détails avec le saint récit d'Austen Ivereigh, op. cit., pp.350-351.
(46) Antonio Socci, "Non è Francesco", Milan, 2014. Le fait qu'un cinquième tour de scrutin ait eu lieu est bien connu ; voir e.g., Ivereigh, op. cit., p.361.
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Re: Le Pape Dictateur (Marcantonio Colonna)
3. RÉFORME ? QUELLE RÉFORME ?
Le Pape comme nul autre
Dès le moment où Jorge Bergoglio a été élu Pape, il a indiqué clairement qu’il allait être différent, une caractéristique qu’il avait déjà démontré aux Argentins et que le Professeur Rego de Planas décrit dans sa lettre citée précédemment (47). Elle a raconté comment elle assistait à des réunions où les autres évêques arrivaient, à l’heure, dans leurs voitures, alors que Bergoglio arrivait en retard, dans un tourbillon, expliquant bruyamment ses vicissitudes dans les transports publics. Sa réaction a été « Phew ! Quelle envie d’attirer l’attention ! » et elle a trouvé que beaucoup d’autres avaient la même impression. Ainsi aussi, lorsque François devint Pape, il n’utilisera pas la traditionnelle croix pectorale papale, ni l’anneau, ni les chaussures, ni le siège, mais en aura d’autres de moins grande splendeur. Ostensiblement, il refusa d’emménager dans l’ancien appartement papal donnant sur la place Saint-Pierre et se réserva des chambres dans la Casa Santa Marta, maison d’hôtes pour les cardinaux de passage, où il vivait depuis lors. L’un de ses gestes les plus émouvants fut d’aller le lendemain matin après son élection à la maison d’hôtes où il avait séjourné pour le Conclave, payant sa facture en personne ; conformément à l’humilité de l’occasion, les caméras de télévision étaient là pour le filmer. Le même jour, il a téléphoné à son coiffeur à la maison et à son dentiste pour annuler un rendez-vous, et à son agent de presse pour résilier ses journaux et s’assurer que la presse en soit informée.
Les médias ont tout dévoilé, comme à Buenos Aires quand il a parcouru la ville en métro (avec son attaché de presse présent, et un photographe pour le filmer). Il ne faisait aucun doute qu’il y avait là un pape qui devançait tous les autres dans l’humilité. Il y avait eu des papes au cours des cent dernières années qui venaient de milieux au moins aussi modestes que Jorge Bergoglio (les "Papes paysans" Pie X et Jean XXIII), mais en étant élus au trône papal, ils avaient accepté les symboles traditionnels de leur charge. Bergoglio se distingue non seulement par ses gestes d’humilité, mais aussi par une bonhomie qui gagne tous les cœurs. À Buenos Aires, un catholique argentin l’avait surnommé carucha (visage grognon) en raison de son attitude habituelle d’Archevêque, mais maintenant ses compatriotes le virent se transformer en ce qu’Omar Bello appelait un Lassie papal, une figure qu’ils ne reconnaissaient guère.
Le Professeur Rego de Planas a expliqué qu’elle avait interprété les gestes du Cardinal Bergoglio lorsqu’il était Archevêque de Buenos Aires comme un désir inébranlable d’être aimé de tous et de gagner une popularité facile ; mais après quatre ans de pontificat de François, nous devons reconnaître que son diagnostic était trop naïf. Elle n’avait pas compris ce qu’est Bergoglio, un homme politique accompli. Il sait que dans le monde moderne, l’image est tout et qu’un pape qui a les médias séculiers de son côté peut faire des choses dont personne n’avait rêvé, et c’était précisément son programme. Pour les médias, François fut le grand réformateur élu pour effectuer un rajeunissement miraculeux de l’Église. Personne ne s’est inquiété de constater qu’un petit signe de ce rajeunissement est apparu pendant son mandat d’Archevêque de Buenos Aires. Au cours de ses quinze années de mandat, l’Église Catholique en Argentine a subi une baisse de dix pour cent du nombre de ses membres ; les chiffres du sacerdoce et de la vie religieuse étaient encore pires. Après plus de quatre ans, rien n’indique que les choses aient changé depuis qu’il est Pape. En termes réels, "l’Effet François" s’est révélé un phénomène confiné aux médias.
En particulier, nous devons nous demander ce qu’il est advenu des trois problèmes majeurs qui étaient sur la table lorsque les cardinaux ont fait leur grand saut dans le noir. L’un d’entre eux était le scandale de la Curie Romaine, dont de nouvelles preuves avaient circulé en décembre 2012 ; un autre était celui des abus sexuels au sein du clergé, un scandale mondial qui s’accélérait depuis vingt ans et qui, à l’époque du pontificat de Benoît XVI, s’efforçait justement de détruire toute l’autorité morale de l’Église ; et le troisième était aussi de longue date, le marasme des finances du Vatican qui était devenu un scandale public sous le règne de Jean-Paul II et qui avait résisté jusqu’à présent à toutes les tentatives d’y faire face.
(47) Lucrecia Rego de Planas, "Carta al Papa Francisco" (Lettre au Pape François), 23 Septembre 2013. Voir la note 10 du Chapitre 2.
Le Pape comme nul autre
Dès le moment où Jorge Bergoglio a été élu Pape, il a indiqué clairement qu’il allait être différent, une caractéristique qu’il avait déjà démontré aux Argentins et que le Professeur Rego de Planas décrit dans sa lettre citée précédemment (47). Elle a raconté comment elle assistait à des réunions où les autres évêques arrivaient, à l’heure, dans leurs voitures, alors que Bergoglio arrivait en retard, dans un tourbillon, expliquant bruyamment ses vicissitudes dans les transports publics. Sa réaction a été « Phew ! Quelle envie d’attirer l’attention ! » et elle a trouvé que beaucoup d’autres avaient la même impression. Ainsi aussi, lorsque François devint Pape, il n’utilisera pas la traditionnelle croix pectorale papale, ni l’anneau, ni les chaussures, ni le siège, mais en aura d’autres de moins grande splendeur. Ostensiblement, il refusa d’emménager dans l’ancien appartement papal donnant sur la place Saint-Pierre et se réserva des chambres dans la Casa Santa Marta, maison d’hôtes pour les cardinaux de passage, où il vivait depuis lors. L’un de ses gestes les plus émouvants fut d’aller le lendemain matin après son élection à la maison d’hôtes où il avait séjourné pour le Conclave, payant sa facture en personne ; conformément à l’humilité de l’occasion, les caméras de télévision étaient là pour le filmer. Le même jour, il a téléphoné à son coiffeur à la maison et à son dentiste pour annuler un rendez-vous, et à son agent de presse pour résilier ses journaux et s’assurer que la presse en soit informée.
Les médias ont tout dévoilé, comme à Buenos Aires quand il a parcouru la ville en métro (avec son attaché de presse présent, et un photographe pour le filmer). Il ne faisait aucun doute qu’il y avait là un pape qui devançait tous les autres dans l’humilité. Il y avait eu des papes au cours des cent dernières années qui venaient de milieux au moins aussi modestes que Jorge Bergoglio (les "Papes paysans" Pie X et Jean XXIII), mais en étant élus au trône papal, ils avaient accepté les symboles traditionnels de leur charge. Bergoglio se distingue non seulement par ses gestes d’humilité, mais aussi par une bonhomie qui gagne tous les cœurs. À Buenos Aires, un catholique argentin l’avait surnommé carucha (visage grognon) en raison de son attitude habituelle d’Archevêque, mais maintenant ses compatriotes le virent se transformer en ce qu’Omar Bello appelait un Lassie papal, une figure qu’ils ne reconnaissaient guère.
Le Professeur Rego de Planas a expliqué qu’elle avait interprété les gestes du Cardinal Bergoglio lorsqu’il était Archevêque de Buenos Aires comme un désir inébranlable d’être aimé de tous et de gagner une popularité facile ; mais après quatre ans de pontificat de François, nous devons reconnaître que son diagnostic était trop naïf. Elle n’avait pas compris ce qu’est Bergoglio, un homme politique accompli. Il sait que dans le monde moderne, l’image est tout et qu’un pape qui a les médias séculiers de son côté peut faire des choses dont personne n’avait rêvé, et c’était précisément son programme. Pour les médias, François fut le grand réformateur élu pour effectuer un rajeunissement miraculeux de l’Église. Personne ne s’est inquiété de constater qu’un petit signe de ce rajeunissement est apparu pendant son mandat d’Archevêque de Buenos Aires. Au cours de ses quinze années de mandat, l’Église Catholique en Argentine a subi une baisse de dix pour cent du nombre de ses membres ; les chiffres du sacerdoce et de la vie religieuse étaient encore pires. Après plus de quatre ans, rien n’indique que les choses aient changé depuis qu’il est Pape. En termes réels, "l’Effet François" s’est révélé un phénomène confiné aux médias.
En particulier, nous devons nous demander ce qu’il est advenu des trois problèmes majeurs qui étaient sur la table lorsque les cardinaux ont fait leur grand saut dans le noir. L’un d’entre eux était le scandale de la Curie Romaine, dont de nouvelles preuves avaient circulé en décembre 2012 ; un autre était celui des abus sexuels au sein du clergé, un scandale mondial qui s’accélérait depuis vingt ans et qui, à l’époque du pontificat de Benoît XVI, s’efforçait justement de détruire toute l’autorité morale de l’Église ; et le troisième était aussi de longue date, le marasme des finances du Vatican qui était devenu un scandale public sous le règne de Jean-Paul II et qui avait résisté jusqu’à présent à toutes les tentatives d’y faire face.
(47) Lucrecia Rego de Planas, "Carta al Papa Francisco" (Lettre au Pape François), 23 Septembre 2013. Voir la note 10 du Chapitre 2.
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Re: Le Pape Dictateur (Marcantonio Colonna)
@ Gilbert Chevalier :
Lire ces chapitres, c'est comme lire un roman d'espionnage ou de science fiction !
Passionnant !
L'Administrateur
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Dernière édition par Admin le Lun 29 Jan 2018 - 12:57, édité 1 fois
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Re: Le Pape Dictateur (Marcantonio Colonna)
Patience : la suite suivra bientôt, demain ou après-demain car l'article est très très long.
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Re: Le Pape Dictateur (Marcantonio Colonna)
1) Qu’est-il arrivé à la réforme de la Curie ?
La Curie Romaine est le gouvernement central de l’Église Catholique. C’est une grande organisation, comprenant neuf Congrégations, douze Conseils Pontificaux, six Commissions Pontificales et trois Tribunaux. Comme on pourrait s’y attendre, la question de sa réforme n’est pas nouvelle. En considérant son histoire, nous pouvons laisser de côté la période où la Curie a dû administrer les États pontificaux ainsi que l’Église. Après la chute du Pouvoir Temporelle en 1870, la Curie s’est développée en une institution qui, dans l’ensemble, était honnête et efficace, et non indigne de sa fonction d’organisme directeur de l’Église universelle. Il avait les faiblesses naturelles de toute bureaucratie, ajoutées aux défauts locaux qu’il était majoritairement italien dans le personnel et incliné à un népotisme traditionnel, en particulier dans les petits postes non cléricaux comme ceux de portier ou de chauffeur.
Si l’on devait pointer du doigt une époque où un parti-pris matériel indu commençait à apparaître, c’était peut-être les dernières années du règne de Pie XII, lorsque ce pape très habile commença à perdre le contrôle personnel de ses affaires. En 1953, on avait le sentiment que la Curie s’était glissée entre les mains d’une clique de cinq cardinaux, que l’on appelait irrespectueusement le Pentagone. Leur chef était Nicola Canali, le ministre des finances du Vatican, connu pour son étroite alliance avec les banquiers pontificaux de l’époque et avec le neveu du Pape, le Prince influent Carlo Pacelli.
Le problème n’a pas été abordé par le pape suivant, Jean XXIII, dans ses cinq brèves années ; pour toute sa réputation de réformateur, le Pape Jean n’a rien fait pour la Curie. Paul VI, qui avait passé presque toute sa carrière cléricale à Rome, vint sur le trône en 1963 avec un désir louable de réformer la Curie, mais ses réalisations n’atteignirent pas ses intentions. Une chose qu’il a réussi à faire, c’est d’internationaliser son personnel, mais cela s’est accompagné d’un grand bond en nombre, de 1 322 à 3 150, avec toutes les implications d’une bureaucratie débordante (48). Pire encore, le Pape Paul décide de placer toute la Curie sous l’autorité générale de la Secrétairerie d’État. Il s’agissait sans doute d’introduire une certaine coordination, mais cela signifiait aussi que la grande majorité des départements, dont la fonction était purement religieuse, étaient soumis au bras politique du Vatican. Et la pire erreur de toutes fut ce que le Pape Paul a fait avec les finances de l’Église. Celles-ci ont été placées sous la direction de l’Archevêque Paul Marcinkus, un clerc de Chicago sans scrupules qui, malheureusement, n’était pas dans le monde de la finance internationale dans lequel sa nomination l’avait plongé. Son approche pragmatique du maintien à flot de l’économie du Vatican l’a conduit à s’associer aux banquiers mafieux Michele Sindona et Roberto Calvi, avec des conséquences désastreuses lorsque ceux-ci sont démasqués. En 1987, un mandat d’arrêt a été émis contre Marcinkus, mais le Pape Jean-Paul II, dans une préférence extraordinaire pour les prérogatives mondaines de l’Église par rapport à son devoir moral, a choisi de l’abriter sous la souveraineté du Vatican. Les leçons n’ont pas été tirées sous le successeur de Marcinkus, l’Évêque Donato de Bonis, qui a été congédié en 1993 après d’autres scandales et nommé incongrûment Prélat (c’est-à-dire aumônier en chef) de l’Ordre de Malte, également pour bénéficier du privilège extraterritorial de cet organisme. Enfoui pendant des années dans les quartiers généraux romains de l’Ordre, il n’ose pas descendre dans la rue de peur d’être arrêté par la police italienne.
Jean-Paul II avait été élu en 1978 comme jeune et vigoureux Pape qui devait s’occuper des problèmes de l’Église, mais le gouvernement interne n’était pas son fort. Dès le début, il s’est consacré à des visites de globe-trotting de haut niveau et il a négligé les exigences quotidiennes de l’organisation qui le servait. Sa nomination du Cardinal Angelo Sodano au poste de Secrétaire d’État en 1991 a aggravé une situation déjà délabrée. Le copinage et la corruption que le régime du Cardinal Sodano a aggravé comprenaient parmi ses scandales la dissimulation des immoralités sexuelles du fondateur des Légionnaires du Christ, le Père Marcial Maciel, à cause des sommes importantes que cette puissante organisation a pu apporter au Vatican. Avec le Cardinal Tarcisio Bertone, Secrétaire d’État de 2006 à 2013, la situation a pris une autre direction. Le Pape Benoît XVI, qui le nomma, se distancia des affaires curiales dès le début de son règne, même s’il avait lui-même servi au cœur de la Curie pendant 24 ans avant son élection. Les craintes que les libéraux avaient qu’il aurait du ressentiment pour ses expériences passées ne se réalisèrent pas, et il devint un ermite virtuel, avec le résultat que la Curie descendit dans le chaos des factions (49). Dans ces conditions, le Cardinal Bertone avait la liberté de poursuivre ses propres intérêts ; il a considérablement accru le pouvoir déjà exagéré de la Secrétairerie d’État en plaçant ses candidats à des postes clés dans chaque Congrégation, Conseil ou Commission, et ce sont eux qui étaient les responsables au moment de l’élection du Pape François. Ils formèrent un énorme potentiel acquis dont la capacité à bloquer les souhaits du Pape lui-même avait été l’un des facteurs qui avaient convaincu Benoît XVI de renoncer, convaincu qu’il ne pouvait plus y faire face. Nous avons vu plus haut comment le Cardinal Bertone a choisi d’annuler le projet de Benoît XVI de faire élire le Cardinal Scola comme son successeur – juste un exemple du monstre curieux de Frankenstein auquel un pape régnant a été confronté.
Cette situation avait été mise en lumière de façon dramatique par le scandale "Vatileaks" de 2012. L’affaire a été précipitée par le majordome du Pape, Paolo Gabriele, qui a décidé d’exposer à la presse la corruption qu’il a vue autour de lui. Il n’a pu que ramasser les documents sensibles laissés dans son bureau de travail et les remettre au journaliste Gianluigi Nuzzi. Parmi les documents figuraient des lettres échangées entre Monseigneur Carlo Maria Viganò, le Cardinal Bertone et le Pape lui-même, qui révélaient les protestations de Monseigneur Viganò, qui avait été démis de ses fonctions de Secrétaire du Gouvernorat en raison de son manque d’ardeur à la réforme. Les fuites ont été rendues publiques à la télévision italienne dans l’émission Gli intoccabili en janvier 2012, et Nuzzi l’a suivie en mai avec son livre Sua Santità : Le carte segrete di Benedetto XVI. Le majordome a été jugé par la cour du Vatican et condamné à dix-huit mois de prison, mais Benoît XVI l’a gracié le 22 décembre, reconnaissant que Gabriele avait agi par crainte du réseau de manipulations et d’intrigues dans lequel le Pape était mêlé.
Le moment du pardon n’était pas fortuit. Cinq jours plus tôt, le Pape Benoît XVI avait reçu un rapport secret, préparé pour lui par les Cardinaux Herranz, de Giorgi et Tomko, qu’il avait chargé en mars d’enquêter sur les fuites. Le mandat des cardinaux était d’interroger une douzaine de témoins et d’étudier la situation au Vatican que les documents divulgués révélaient, et ce qu’ils trouvèrent était épouvantable. Ils montraient une image non seulement d’une machine du Vatican qui suivait son propre chemin sans tenir compte des souhaits du Pape, mais aussi d’une corruption morale connue depuis longtemps des initiés, mais à laquelle personne n’avait jusque-là mis de noms. Le rapport lui-même n’a jamais été rendu public, mais la teneur de ses accusations a été divulguée à plusieurs reprises au cours des années suivantes. Des détails ont émergé d’un réseau homosexuel au sein du Vatican qui était en collusion pour promouvoir ses propres intérêts. Les prélats employaient des laïcs avec casiers judiciaires qui se promenaient dans les bars romains et les boîtes de nuit pour se procurer des garçons, et ils étaient récompensés par des carrières protégées au Vatican. Un monseigneur a été suivi lors de visites dans des salons de massage homosexuel et a été victime de chantage avec des photographies des rencontres. Des récits de prélats connus sous des noms féminins, avec de larges allusions à leurs penchants, et de secrétaires payés 15 000 euros par mois, pour des services qui ne se limitaient évidemment pas au bureau (50).
C’est la situation dont le pape François a hérité, et il a été élu en pleine connaissance de la nécessité d’une réforme et dans l’espoir de la mener à bien. En particulier, il a été jugé nécessaire de réformer la Secrétairerie d’État, devenue beaucoup trop puissant et qui est le principal facteur de la sécularisation excessive de la Curie. Nous devons examiner comment François a réussi, cinq ans plus tard, à satisfaire les espoirs qui ont été placés en lui.
Un mois après son élection, le Pape François nomma un conseil de huit cardinaux pour superviser le processus de réforme ; ils furent par la suite portés à neuf et sont maintenant connus sous le nom de C9. Jusqu’en juin 2017, il y a eu dix-huit réunions de ce conseil, mais les réformes qu’il a proposées jusqu’à présent ne sont que du bricolage. Il y a eu une petite fusion des Conseils Pontificaux, mais l’impact sur les plus grands organismes du Vatican a été nul. Le secrétaire d’un Dicastère a commenté : « François a fait rouler beaucoup de têtes, peut-être trop, mais les résultats sont rares. Il y a des commissions de travail, des groupes d’étude, il y a des cabinets de consultants, mais personne ne sait quand on verra quoi que ce soit de concret, ou si on le verra un jour. » (51)
En ce qui concerne les finances papales, le même fonctionnaire dit : « C’est Ratzinger qui était le pape du revirement, François s’est glissé dans ce sillon, mais d’une manière un peu confuse... Le conseil des neuf cardinaux, le soi-disant C9, nommé par lui pour mettre en œuvre les plans de réforme, a tenu de nombreuses réunions sans parvenir à des décisions importantes. Et puis il y a la question du gouvernement synodal. Le Synode des Évêques, a dit François, est en train d’être re-conçu, sur le modèle du Concile Vatican II, mais en pratique personne ne sait comment. » (52)
La clé de cet échec se trouve peut-être dans une remarque du Pape François lui-même : « Je ne peux pas mener les réformes moi-même parce que je suis très désorganisé. » (53) C’est une manière euphémistique d’exprimer le fait que le penchant de Bergoglio a toujours été pour les perturbations plutôt que pour la construction. Son célèbre slogan pour les fidèles était "Hagan lío" – faites le bordel. Il s’agit peut-être (ou non) d’une exhortation fructueuse aux âmes zélées à sortir de la paresse et de la complaisance, mais ce n’est pas un très bon principe pour gouverner l’Église, et encore moins un projet de réforme administrative d’une organisation dont l’ennui était précisément qu’elle était déjà un désordre sacro-saint avant l’arrivée de François.
Le Pape François délègue donc le processus de réforme au C9, mais là aussi il y a un problème. Ces neuf cardinaux forment un groupe extrêmement disparate ; ils ne se distinguent pas par de grands records personnels en tant qu’administrateurs, et pour la plupart ils ont peu d’expérience de la Curie. Ils apportent donc à leur travail une connaissance quelque peu superficielle de l’organe complexe qu’ils doivent réformer. S’ils étaient sous un pape qui ferait preuve d’une grande capacité administrative, ils pourraient se vanter d’apporter une vision extérieure nouvelle ; mais sous un pape qui est également un étranger à la Curie, ils montrent toutes les faiblesses d’un comité sans leadership clair. Par-dessus tout, leur travail est entravé par un pape qui s’intéresse davantage aux jeux de pouvoir qu’à la supervision des réformes. Un aspect de ceci est que beaucoup des changements du Pape François ont été motivés par l’idéologie plutôt que par l’efficacité (par exemple, personne ne pourrait dire que la destitution du Cardinal Burke en tant que Préfet de la Signature Apostolique était justifiée par des considérations d’intégrité ou de compétence), mais le phénomène va beaucoup plus loin que cela, comme nous le verrons au chapitre 6.
L’absence de bon jugement administratif a pour conséquence que les réformes proposées alternent entre l’inertie, d’une part, et un radicalisme malavisé, d’autre part. Un exemple en est la proposition qui a été faite dans les premiers mois du pontificat de François de démanteler la Secrétairerie d’État de nombreux postes et de renommer son chef le Secrétaire du Pape – qui est un office complètement différent (54). Plus récemment, le Cardinal Rodríguez Maradiaga a proposé de fusionner les trois tribunaux du Vatican, la Pénitencerie, la Rote et la Signature, en un seul Dicastère de Justice. Mais l’une des fonctions de la Signature est d’entendre les appels de la Rote, de sorte que les mêmes juges seraient en charge de la première et de la deuxième instance. Un système juridique qui ne comprend qu’un seul tribunal est un phénomène que l’on ne trouve que dans les pays totalitaires, et la proposition montre le manque de connaissance et de réflexion des personnes concernées. D’autre part, le plan de démembrement et de compartimentation de la Secrétairerie d’État, initialement proposé, était une réforme très nécessaire d’un organe trop puissant. Son abandon n’est pas dû à une impraticabilité mais aux intérêts particuliers de la Secrétairerie d’État elle-même. Les questions des grandes Congrégations n’ont pas non plus été examinées par le C9.
Quelques exemples de la confusion et de l’inefficacité qui ont été les notes de la "réforme" ont été donnés dans un article paru en juin 2017 (55). En septembre 2016, le Conseil pour les Laïcs, la Famille et la Vie a officiellement cessé d’exister et a été fusionné dans un nouveau Dicastère sous le Cardinal Kevin Farrell. Mais son secrétaire n’a été nommé qu’en juin 2017 ; il vit au Brésil et ne pourra pas venir à Rome avant plusieurs mois. Le Secrétaire adjoint n’a pas encore été nommé. Ce sont les postes clés, et sans eux le Dicastère ne peut pas commencer à travailler. Le personnel de l’ancien Conseil est toujours là, attendant d’être licencié, dans ce que l’un d’entre eux a décrit comme « un chaos calme et tranquille ».
En août 2016, le nouveau Dicastère pour la Promotion du Développement Humain Intégral a été créé, avec effet au 1er janvier 2017 et avec le Cardinal africain Peter Turkson comme Préfet. Le Dicastère est censé être une fusion des Conseils Pontificaux pour la Justice et la Paix, pour la Pastorale des Migrants et des Personnes Itinérantes, et pour l’Assistance Pastorale aux Travailleurs de la Santé, avec Cor Unum. Mais le Cardinal Turkson (qui est un érudit biblique sans expérience administrative) dit qu’il ne sait pas très bien ce que le Dicastère est censé faire, et qu’il attend toujours ses ordres de marche.
Résumant les maigres résultats de ce que le C9 a accompli, le journaliste cite le commentaire d’un cardinal et d’un archevêque qui travaillent à la Curie depuis de nombreuses années : « Quelle réforme ! Nous aurions pu la préparer nous-mêmes, en l’espace d’un matin, assis à une table. »
Un autre pas dans la mauvaise direction est le résultat de la manière désinvolte du Pape François. Dans le passé, il existait un système qui permettait à chaque chef d’un corps du Vatican de voir le Pape régulièrement, généralement deux fois par mois ; il s’appelait l’udienza di tabella. Cette base a maintenant été abolie ; les fonctionnaires doivent prendre des rendez-vous spéciaux, et on leur dit souvent que le Pape est trop occupé. Dans le cas de la révocation des trois responsables de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (28 octobre 2016), le Cardinal Müller a demandé à plusieurs reprises une audience pour plaider en leur faveur et, lorsqu’il a finalement obtenu l’une d’entre elles, elle est arrivée avec deux ou trois mois de retard.
Il en résulte que la Secrétairerie d’État est devenue un gardien de la porte par lequel doivent passer toutes les affaires et un filtre entre le Pape et la Curie. La Secrétairerie est donc devenue plus puissante que jamais. Tant que cela dure, la réforme est impossible.
Une idée fausse qui doit être corrigée est encouragée par les journalistes qui aiment représenter un pape libéral luttant contre une phalange de clercs et de fonctionnaires centralisateurs. C’est une notion dépassée que la Curie se compose de conservateurs dont le but est de préserver le pouvoir papal et qui s’opposent aux réformes libérales. Il aurait été vrai, si l’on se référait à l’esquisse historique donnée plus haut, du régime que le Cardinal Canali a dirigé dans les années 1950, et que le Cardinal Ottaviani a essayé de maintenir après lui ; mais Ottaviani a été complètement rejeté par le Pape Paul VI. Au lieu de cela, Paul VI fit venir comme Secrétaire d’État un prélat français de l’extérieur de la Curie, Jean-Marie Villot (1969-79). Villot introduisit un régime que l’on pourrait qualifier de bureaucratique sur le modèle français, mais qui n’était certainement pas papaliste conservateur, et l’ancien établissement fut dissous pour toujours. Ce n’était pas nécessairement une amélioration, car l’ancien système, quels que soient ses défauts, reposait au moins sur un principe moral, celui de la monarchie papale traditionnelle. Les cardinaux qui ont occupé une place importante dans la Curie depuis lors n’ont pas fait preuve d’un conservatisme marqué et n’ont pas manifesté un intérêt particulier pour le maintien de l’autorité papale en tant que principe théologique. Si nous regardons ce qui a remplacé cela, c’est le principe de leur propre intérêt en tant que bureaucrates, et cette caractéristique règne sans être dérangée sous le Pape "libéral" François.
Les fautes qui ont été décrites jusqu’à présent sont relativement futiles et, au pire, elles ne feraient qu’illustrer le manque de compétence de François en tant que réformateur. Mais la réalité est en fait beaucoup plus noire. Il inclut l’état de rivalité et de conflit chaotique qui a été produit par les méthodes manipulatrices du Pape François, et qui sera décrit dans la section 3 ci-dessous car il affecte la Secrétairerie d’État, le Secrétariat de l’Économie et les différents organismes financiers du Vatican. Et elle s’étend à l’état moral de la Curie, dont un tableau aussi impressionnant a été présenté à Benoît XVI deux mois avant son abdication. Toute idée selon laquelle le Pape François s’est appliqué à réformer cet aspect serait une grave erreur.
L’existence d’un lobby homosexuel au Vatican, révélée par le rapport des cardinaux de décembre 2012, est un scandale que le Pape François n’a pris aucune mesure pour corriger, et qu’il a en outre accentué. L’un des cas les plus notoires est celui de Monseigneur Battista Ricca, Prélat de l’Institut des Œuvres de Religion. Monseigneur Ricca a fait carrière comme membre du service diplomatique papal. Après une affectation à Berne, il fut envoyé en Uruguay en 1999 et amena avec lui son petit ami Patrick Haari, un mauvais capitaine de l’Armée Suisse. Profitant d’un intervalle entre la retraite du nonce et l’arrivée de son successeur, quand Ricca était chargée d’affaires, il installa Haari dans la nonciature elle-même, avec un emploi, un salaire et un logement. Le nouveau nonce, arrivé à Montevideo au début de l’an 2000, tenta de faire sortir Ricca et Haari, mais le premier fut protégé par son amitié avec l’Archevêque (plus tard Cardinal) Re, qui était alors Substitut à la Secrétairerie d’État. Le ménage était un scandale ouvert pour le clergé et les religieuses qui fréquentaient la nonciature de Montevideo, mais rien ne pouvait être fait, même après que Haari ait été ramené chez lui un soir par des prêtres d’une maison de rencontres homosexuelles où il avait été battu brutalement par un commerçant. Ce n’est que lorsque Monseigneur Ricca lui-même a été pris dans un ascenseur avec un jeune qui était connu de la police, en août 2001, que le nonce qui en souffrait depuis longtemps a pu se débarrasser de son subordonné. (Dans les bagages de Haari quand il est parti, on a découvert qu’il était bourré de préservatifs et de matériel pornographique.) Après une nouvelle affectation à Trinidad et Tobago, où il s’est disputé avec son nonce, Ricca a finalement été démis de ses fonctions diplomatiques en 2005, lorsqu’il a obtenu un emploi à Rome avec le statut de conseiller d’une nonciature de premier rang. Ses responsabilités incluaient la gestion de la maison d’hôtes des cardinaux à Via della Scrofa, où le Cardinal Bergoglio avait l’habitude de séjourner, et où il se rendit pour payer sa facture le matin suivant son élection. Étant donné que Montevideo fait face à Buenos Aires par l’embouchure de la Rivière de la Plata, il semble peu probable que le Cardinal Archevêque de l’époque n’avait pas été au courant de ce qui se passait dans la nonciature au-delà de la Rivière, mais cela ne l’empêchait pas d’établir une amitié étroite avec Monseigneur Ricca, qui tenait ce dernier en bonne place lorsque Bergoglio fut élu Pape. Trois mois après cet événement, en juin 2013, Monseigneur Ricca fut nommé Prélat de l’IOR, la Banque du Vatican (56). La nomination a fait l’objet d’une question d’un journaliste au Pape quelques semaines plus tard, lors d’une de ses conférences de presse à bord d’un avion, quand il a été interrogé sur cette promotion d’un homosexuel notoire, et est sortit le célèbre propos du Pape, « Qui suis-je pour juger ? ». En fait, son patronage de Monseigneur Ricca correspond au modèle qui était bien établi quand il était Archevêque de Buenos Aires, où il s’entoure de personnes moralement faibles pour les avoir sous sa main.
On peut dire que le pieux catholique moyen serait scandalisé de savoir que les hautes sphères de l’Église sont occupées par des hommes qui violent de façon si flagrante leurs obligations de chasteté comme l’a fait Monseigneur Ricca, et trouverait incroyable qu’ils soient non seulement tolérés mais protégés et promus. Or, cette situation n’a pas seulement continué sans retenue sous le pape François, elle s’est visiblement aggravée. En octobre 2015, nous avons eu droit au spectacle d’un fonctionnaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Mgr Krzysztof Charamsa, qui a démissionné ostensiblement de son poste, a annoncé qu’il était un homosexuel actif et a lancé, au profit de la presse, une tirade contre l’enseignement moral de l’Église. Il a également "révélé" l’existence d’un lobby homosexuel à la Curie, qui était certes bien connu mais qui a été ainsi confirmé de l’intérieur. Les faits marquants de cette affaire étaient que Monseigneur Charamsa travaillait depuis des années en tant qu’opposant acharné à l’enseignement de l’Église dont il était soi-disant le porte-parole, et qu’avec tout ce qu’on a dit sur le nettoyage de la Curie, on n’a jamais tenté de déranger de telles personnes ; il a fallu un geste de défi de sa part pour le retirer du bureau qu’il avait si clairement trahi.
Monseigneur Luigi Capozzi, secrétaire du Cardinal Coccopalmerio, était un autre prélat qui a connu une sortie moins volontaire. En juin 2017, il fut surpris par la Gendarmerie du Vatican organisant une fête homosexuelle dans son appartement luxueux du Palazzo del Sant’Uffizio, et on découvrit qu’il avait utilisé sa voiture avec des plaques du Vatican pour transporter de la drogue sans être arrêté par la police italienne (57). Le Cardinal Coccopalmerio, qui est tout aussi connu pour avoir prôné la tolérance envers l’homosexualité et pour être peut-être le plus grand des hommes favorables au pape François, avait proposé cet assistant de confiance pour un évêché.
La signification plus large de cette infiltration est que le lobby homosexuel travaille à changer l’enseignement moral de l’Église dans son propre intérêt, et il s’est développé avec la tendance libéralisante introduite par le Pape François. Par exemple, l’Archevêque Bruno Forte a écrit pour le Synode sur la Famille en 2014 le texte qui tente d’assouplir l’enseignement catholique sur l’homosexualité. Son texte a été rejeté par le Synode, mais pas par manque d’effort de la part du Pape François pour faire avancer la cause de la libéralisation. Un cas peut-être encore plus scandaleux est celui de l’Archevêque Vincenzo Paglia, qui est incroyablement Président du Conseil Pontifical pour la Famille et que le Pape François a récemment nommé Président de l’Institut Jean-Paul II d’Études sur le Mariage et la Famille, organe que Jean Paul entendait être le chien de garde de l’enseignement de l’Église.
En décembre 2014, le Pape François profita de la rencontre de la Curie pour présenter les vœux de Noël et leur livrer une harangue dans laquelle il exposa, de façon inventive et détaillée, quinze manières dont ils étaient corrompus. Cette approche de la réforme curiale illustre le goût pour les incessantes railleries et les insultes recherchées qui l’ont distingué dans ses premières années (il semble s’en être rendu compte maintenant que les gens en sont fatigués) ; mais elle s’inscrit aussi dans un schéma familier de rhétorique visant à le montrer comme un réformateur radical, mais sans aucune mesure pratique qui lui corresponde. La véritable corruption de la Curie Romaine, qu’elle soit administrative ou morale, n’est pas quelque chose pour laquelle François a jusqu’à présent montré des signes de réforme ; au contraire, c’est une faiblesse qu’il a exploitée et qui s’est développée sous son gouvernement.
(48) Voir H.J.A. Sire, "Phoenix from the Ashes" (Le Phénix des Cendres), Ohio, 2015, p.370 etc., qui donne un compte rendu du contexte historique.
(49) "The Spectator", 14 janvier 2017 : Damian Thompson, "Why more and more priests can’t stand Pope Francis." (« Pourquoi de plus en plus de prêtres ne supportent pas le Pape François »)
(50) Gianluigi Nuzzi, "Merchants in the Temple" (Les Marchands du Temple), 2015, p.198-199. [titre italien : "Via Crucis", p.259-261]
(51) Aldo Maria Valls, "266". (Macerata, 2016), p.106. Le titre mystérieux de ce livre est le numéro de François dans la liste des papes.
(52) Aldo Maria Valls, "266". (Macerata, 2016), p.107. Le titre mystérieux de ce livre est le numéro de François dans la liste des papes.
(53) Cité dans un article de NDTV, 11 juin 2013 : "Pope Francis admits to ’gay lobby’ in Vatican administration : report." (« Le Pape François admet le lobby gay dans l’administration du Vatican : reportage »)
(54) Gianluigi Nuzzi, "Merchants in the Temple" (Les Marchands du Temple), 2015, p.153. ["Via Crucis" p.197]
(55) Marco Tosatti, "waiting for Vatican Reform" (En attente de la Réforme du Vatican), dans First Things du 6 juin 2017, d’où sont extraits les détails des trois paragraphes suivants.
(56) Ces événements ont été décrits en détail par Sandro Magister dans l’article "Il prelato del lobby gay" (Le prélat du lobby gay) dans "L’Espresso" du 18 juin 2013.
(57) Article paru dans "Il Fatto Quotidiano" du 28 juin 2017 : Francesco Antonio Grana, "Vaticano, fermato un monsignore : festini gay e droga al Palazzo dell’ ex Sant’ Uffizio." (« Vatican, un monsignor arrêté : fêtes gays et drogues à l’ancien Palais du Saint-Office. »)
La Curie Romaine est le gouvernement central de l’Église Catholique. C’est une grande organisation, comprenant neuf Congrégations, douze Conseils Pontificaux, six Commissions Pontificales et trois Tribunaux. Comme on pourrait s’y attendre, la question de sa réforme n’est pas nouvelle. En considérant son histoire, nous pouvons laisser de côté la période où la Curie a dû administrer les États pontificaux ainsi que l’Église. Après la chute du Pouvoir Temporelle en 1870, la Curie s’est développée en une institution qui, dans l’ensemble, était honnête et efficace, et non indigne de sa fonction d’organisme directeur de l’Église universelle. Il avait les faiblesses naturelles de toute bureaucratie, ajoutées aux défauts locaux qu’il était majoritairement italien dans le personnel et incliné à un népotisme traditionnel, en particulier dans les petits postes non cléricaux comme ceux de portier ou de chauffeur.
Si l’on devait pointer du doigt une époque où un parti-pris matériel indu commençait à apparaître, c’était peut-être les dernières années du règne de Pie XII, lorsque ce pape très habile commença à perdre le contrôle personnel de ses affaires. En 1953, on avait le sentiment que la Curie s’était glissée entre les mains d’une clique de cinq cardinaux, que l’on appelait irrespectueusement le Pentagone. Leur chef était Nicola Canali, le ministre des finances du Vatican, connu pour son étroite alliance avec les banquiers pontificaux de l’époque et avec le neveu du Pape, le Prince influent Carlo Pacelli.
Le problème n’a pas été abordé par le pape suivant, Jean XXIII, dans ses cinq brèves années ; pour toute sa réputation de réformateur, le Pape Jean n’a rien fait pour la Curie. Paul VI, qui avait passé presque toute sa carrière cléricale à Rome, vint sur le trône en 1963 avec un désir louable de réformer la Curie, mais ses réalisations n’atteignirent pas ses intentions. Une chose qu’il a réussi à faire, c’est d’internationaliser son personnel, mais cela s’est accompagné d’un grand bond en nombre, de 1 322 à 3 150, avec toutes les implications d’une bureaucratie débordante (48). Pire encore, le Pape Paul décide de placer toute la Curie sous l’autorité générale de la Secrétairerie d’État. Il s’agissait sans doute d’introduire une certaine coordination, mais cela signifiait aussi que la grande majorité des départements, dont la fonction était purement religieuse, étaient soumis au bras politique du Vatican. Et la pire erreur de toutes fut ce que le Pape Paul a fait avec les finances de l’Église. Celles-ci ont été placées sous la direction de l’Archevêque Paul Marcinkus, un clerc de Chicago sans scrupules qui, malheureusement, n’était pas dans le monde de la finance internationale dans lequel sa nomination l’avait plongé. Son approche pragmatique du maintien à flot de l’économie du Vatican l’a conduit à s’associer aux banquiers mafieux Michele Sindona et Roberto Calvi, avec des conséquences désastreuses lorsque ceux-ci sont démasqués. En 1987, un mandat d’arrêt a été émis contre Marcinkus, mais le Pape Jean-Paul II, dans une préférence extraordinaire pour les prérogatives mondaines de l’Église par rapport à son devoir moral, a choisi de l’abriter sous la souveraineté du Vatican. Les leçons n’ont pas été tirées sous le successeur de Marcinkus, l’Évêque Donato de Bonis, qui a été congédié en 1993 après d’autres scandales et nommé incongrûment Prélat (c’est-à-dire aumônier en chef) de l’Ordre de Malte, également pour bénéficier du privilège extraterritorial de cet organisme. Enfoui pendant des années dans les quartiers généraux romains de l’Ordre, il n’ose pas descendre dans la rue de peur d’être arrêté par la police italienne.
Jean-Paul II avait été élu en 1978 comme jeune et vigoureux Pape qui devait s’occuper des problèmes de l’Église, mais le gouvernement interne n’était pas son fort. Dès le début, il s’est consacré à des visites de globe-trotting de haut niveau et il a négligé les exigences quotidiennes de l’organisation qui le servait. Sa nomination du Cardinal Angelo Sodano au poste de Secrétaire d’État en 1991 a aggravé une situation déjà délabrée. Le copinage et la corruption que le régime du Cardinal Sodano a aggravé comprenaient parmi ses scandales la dissimulation des immoralités sexuelles du fondateur des Légionnaires du Christ, le Père Marcial Maciel, à cause des sommes importantes que cette puissante organisation a pu apporter au Vatican. Avec le Cardinal Tarcisio Bertone, Secrétaire d’État de 2006 à 2013, la situation a pris une autre direction. Le Pape Benoît XVI, qui le nomma, se distancia des affaires curiales dès le début de son règne, même s’il avait lui-même servi au cœur de la Curie pendant 24 ans avant son élection. Les craintes que les libéraux avaient qu’il aurait du ressentiment pour ses expériences passées ne se réalisèrent pas, et il devint un ermite virtuel, avec le résultat que la Curie descendit dans le chaos des factions (49). Dans ces conditions, le Cardinal Bertone avait la liberté de poursuivre ses propres intérêts ; il a considérablement accru le pouvoir déjà exagéré de la Secrétairerie d’État en plaçant ses candidats à des postes clés dans chaque Congrégation, Conseil ou Commission, et ce sont eux qui étaient les responsables au moment de l’élection du Pape François. Ils formèrent un énorme potentiel acquis dont la capacité à bloquer les souhaits du Pape lui-même avait été l’un des facteurs qui avaient convaincu Benoît XVI de renoncer, convaincu qu’il ne pouvait plus y faire face. Nous avons vu plus haut comment le Cardinal Bertone a choisi d’annuler le projet de Benoît XVI de faire élire le Cardinal Scola comme son successeur – juste un exemple du monstre curieux de Frankenstein auquel un pape régnant a été confronté.
Cette situation avait été mise en lumière de façon dramatique par le scandale "Vatileaks" de 2012. L’affaire a été précipitée par le majordome du Pape, Paolo Gabriele, qui a décidé d’exposer à la presse la corruption qu’il a vue autour de lui. Il n’a pu que ramasser les documents sensibles laissés dans son bureau de travail et les remettre au journaliste Gianluigi Nuzzi. Parmi les documents figuraient des lettres échangées entre Monseigneur Carlo Maria Viganò, le Cardinal Bertone et le Pape lui-même, qui révélaient les protestations de Monseigneur Viganò, qui avait été démis de ses fonctions de Secrétaire du Gouvernorat en raison de son manque d’ardeur à la réforme. Les fuites ont été rendues publiques à la télévision italienne dans l’émission Gli intoccabili en janvier 2012, et Nuzzi l’a suivie en mai avec son livre Sua Santità : Le carte segrete di Benedetto XVI. Le majordome a été jugé par la cour du Vatican et condamné à dix-huit mois de prison, mais Benoît XVI l’a gracié le 22 décembre, reconnaissant que Gabriele avait agi par crainte du réseau de manipulations et d’intrigues dans lequel le Pape était mêlé.
Le moment du pardon n’était pas fortuit. Cinq jours plus tôt, le Pape Benoît XVI avait reçu un rapport secret, préparé pour lui par les Cardinaux Herranz, de Giorgi et Tomko, qu’il avait chargé en mars d’enquêter sur les fuites. Le mandat des cardinaux était d’interroger une douzaine de témoins et d’étudier la situation au Vatican que les documents divulgués révélaient, et ce qu’ils trouvèrent était épouvantable. Ils montraient une image non seulement d’une machine du Vatican qui suivait son propre chemin sans tenir compte des souhaits du Pape, mais aussi d’une corruption morale connue depuis longtemps des initiés, mais à laquelle personne n’avait jusque-là mis de noms. Le rapport lui-même n’a jamais été rendu public, mais la teneur de ses accusations a été divulguée à plusieurs reprises au cours des années suivantes. Des détails ont émergé d’un réseau homosexuel au sein du Vatican qui était en collusion pour promouvoir ses propres intérêts. Les prélats employaient des laïcs avec casiers judiciaires qui se promenaient dans les bars romains et les boîtes de nuit pour se procurer des garçons, et ils étaient récompensés par des carrières protégées au Vatican. Un monseigneur a été suivi lors de visites dans des salons de massage homosexuel et a été victime de chantage avec des photographies des rencontres. Des récits de prélats connus sous des noms féminins, avec de larges allusions à leurs penchants, et de secrétaires payés 15 000 euros par mois, pour des services qui ne se limitaient évidemment pas au bureau (50).
C’est la situation dont le pape François a hérité, et il a été élu en pleine connaissance de la nécessité d’une réforme et dans l’espoir de la mener à bien. En particulier, il a été jugé nécessaire de réformer la Secrétairerie d’État, devenue beaucoup trop puissant et qui est le principal facteur de la sécularisation excessive de la Curie. Nous devons examiner comment François a réussi, cinq ans plus tard, à satisfaire les espoirs qui ont été placés en lui.
Un mois après son élection, le Pape François nomma un conseil de huit cardinaux pour superviser le processus de réforme ; ils furent par la suite portés à neuf et sont maintenant connus sous le nom de C9. Jusqu’en juin 2017, il y a eu dix-huit réunions de ce conseil, mais les réformes qu’il a proposées jusqu’à présent ne sont que du bricolage. Il y a eu une petite fusion des Conseils Pontificaux, mais l’impact sur les plus grands organismes du Vatican a été nul. Le secrétaire d’un Dicastère a commenté : « François a fait rouler beaucoup de têtes, peut-être trop, mais les résultats sont rares. Il y a des commissions de travail, des groupes d’étude, il y a des cabinets de consultants, mais personne ne sait quand on verra quoi que ce soit de concret, ou si on le verra un jour. » (51)
En ce qui concerne les finances papales, le même fonctionnaire dit : « C’est Ratzinger qui était le pape du revirement, François s’est glissé dans ce sillon, mais d’une manière un peu confuse... Le conseil des neuf cardinaux, le soi-disant C9, nommé par lui pour mettre en œuvre les plans de réforme, a tenu de nombreuses réunions sans parvenir à des décisions importantes. Et puis il y a la question du gouvernement synodal. Le Synode des Évêques, a dit François, est en train d’être re-conçu, sur le modèle du Concile Vatican II, mais en pratique personne ne sait comment. » (52)
La clé de cet échec se trouve peut-être dans une remarque du Pape François lui-même : « Je ne peux pas mener les réformes moi-même parce que je suis très désorganisé. » (53) C’est une manière euphémistique d’exprimer le fait que le penchant de Bergoglio a toujours été pour les perturbations plutôt que pour la construction. Son célèbre slogan pour les fidèles était "Hagan lío" – faites le bordel. Il s’agit peut-être (ou non) d’une exhortation fructueuse aux âmes zélées à sortir de la paresse et de la complaisance, mais ce n’est pas un très bon principe pour gouverner l’Église, et encore moins un projet de réforme administrative d’une organisation dont l’ennui était précisément qu’elle était déjà un désordre sacro-saint avant l’arrivée de François.
Le Pape François délègue donc le processus de réforme au C9, mais là aussi il y a un problème. Ces neuf cardinaux forment un groupe extrêmement disparate ; ils ne se distinguent pas par de grands records personnels en tant qu’administrateurs, et pour la plupart ils ont peu d’expérience de la Curie. Ils apportent donc à leur travail une connaissance quelque peu superficielle de l’organe complexe qu’ils doivent réformer. S’ils étaient sous un pape qui ferait preuve d’une grande capacité administrative, ils pourraient se vanter d’apporter une vision extérieure nouvelle ; mais sous un pape qui est également un étranger à la Curie, ils montrent toutes les faiblesses d’un comité sans leadership clair. Par-dessus tout, leur travail est entravé par un pape qui s’intéresse davantage aux jeux de pouvoir qu’à la supervision des réformes. Un aspect de ceci est que beaucoup des changements du Pape François ont été motivés par l’idéologie plutôt que par l’efficacité (par exemple, personne ne pourrait dire que la destitution du Cardinal Burke en tant que Préfet de la Signature Apostolique était justifiée par des considérations d’intégrité ou de compétence), mais le phénomène va beaucoup plus loin que cela, comme nous le verrons au chapitre 6.
L’absence de bon jugement administratif a pour conséquence que les réformes proposées alternent entre l’inertie, d’une part, et un radicalisme malavisé, d’autre part. Un exemple en est la proposition qui a été faite dans les premiers mois du pontificat de François de démanteler la Secrétairerie d’État de nombreux postes et de renommer son chef le Secrétaire du Pape – qui est un office complètement différent (54). Plus récemment, le Cardinal Rodríguez Maradiaga a proposé de fusionner les trois tribunaux du Vatican, la Pénitencerie, la Rote et la Signature, en un seul Dicastère de Justice. Mais l’une des fonctions de la Signature est d’entendre les appels de la Rote, de sorte que les mêmes juges seraient en charge de la première et de la deuxième instance. Un système juridique qui ne comprend qu’un seul tribunal est un phénomène que l’on ne trouve que dans les pays totalitaires, et la proposition montre le manque de connaissance et de réflexion des personnes concernées. D’autre part, le plan de démembrement et de compartimentation de la Secrétairerie d’État, initialement proposé, était une réforme très nécessaire d’un organe trop puissant. Son abandon n’est pas dû à une impraticabilité mais aux intérêts particuliers de la Secrétairerie d’État elle-même. Les questions des grandes Congrégations n’ont pas non plus été examinées par le C9.
Quelques exemples de la confusion et de l’inefficacité qui ont été les notes de la "réforme" ont été donnés dans un article paru en juin 2017 (55). En septembre 2016, le Conseil pour les Laïcs, la Famille et la Vie a officiellement cessé d’exister et a été fusionné dans un nouveau Dicastère sous le Cardinal Kevin Farrell. Mais son secrétaire n’a été nommé qu’en juin 2017 ; il vit au Brésil et ne pourra pas venir à Rome avant plusieurs mois. Le Secrétaire adjoint n’a pas encore été nommé. Ce sont les postes clés, et sans eux le Dicastère ne peut pas commencer à travailler. Le personnel de l’ancien Conseil est toujours là, attendant d’être licencié, dans ce que l’un d’entre eux a décrit comme « un chaos calme et tranquille ».
En août 2016, le nouveau Dicastère pour la Promotion du Développement Humain Intégral a été créé, avec effet au 1er janvier 2017 et avec le Cardinal africain Peter Turkson comme Préfet. Le Dicastère est censé être une fusion des Conseils Pontificaux pour la Justice et la Paix, pour la Pastorale des Migrants et des Personnes Itinérantes, et pour l’Assistance Pastorale aux Travailleurs de la Santé, avec Cor Unum. Mais le Cardinal Turkson (qui est un érudit biblique sans expérience administrative) dit qu’il ne sait pas très bien ce que le Dicastère est censé faire, et qu’il attend toujours ses ordres de marche.
Résumant les maigres résultats de ce que le C9 a accompli, le journaliste cite le commentaire d’un cardinal et d’un archevêque qui travaillent à la Curie depuis de nombreuses années : « Quelle réforme ! Nous aurions pu la préparer nous-mêmes, en l’espace d’un matin, assis à une table. »
Un autre pas dans la mauvaise direction est le résultat de la manière désinvolte du Pape François. Dans le passé, il existait un système qui permettait à chaque chef d’un corps du Vatican de voir le Pape régulièrement, généralement deux fois par mois ; il s’appelait l’udienza di tabella. Cette base a maintenant été abolie ; les fonctionnaires doivent prendre des rendez-vous spéciaux, et on leur dit souvent que le Pape est trop occupé. Dans le cas de la révocation des trois responsables de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (28 octobre 2016), le Cardinal Müller a demandé à plusieurs reprises une audience pour plaider en leur faveur et, lorsqu’il a finalement obtenu l’une d’entre elles, elle est arrivée avec deux ou trois mois de retard.
Il en résulte que la Secrétairerie d’État est devenue un gardien de la porte par lequel doivent passer toutes les affaires et un filtre entre le Pape et la Curie. La Secrétairerie est donc devenue plus puissante que jamais. Tant que cela dure, la réforme est impossible.
Une idée fausse qui doit être corrigée est encouragée par les journalistes qui aiment représenter un pape libéral luttant contre une phalange de clercs et de fonctionnaires centralisateurs. C’est une notion dépassée que la Curie se compose de conservateurs dont le but est de préserver le pouvoir papal et qui s’opposent aux réformes libérales. Il aurait été vrai, si l’on se référait à l’esquisse historique donnée plus haut, du régime que le Cardinal Canali a dirigé dans les années 1950, et que le Cardinal Ottaviani a essayé de maintenir après lui ; mais Ottaviani a été complètement rejeté par le Pape Paul VI. Au lieu de cela, Paul VI fit venir comme Secrétaire d’État un prélat français de l’extérieur de la Curie, Jean-Marie Villot (1969-79). Villot introduisit un régime que l’on pourrait qualifier de bureaucratique sur le modèle français, mais qui n’était certainement pas papaliste conservateur, et l’ancien établissement fut dissous pour toujours. Ce n’était pas nécessairement une amélioration, car l’ancien système, quels que soient ses défauts, reposait au moins sur un principe moral, celui de la monarchie papale traditionnelle. Les cardinaux qui ont occupé une place importante dans la Curie depuis lors n’ont pas fait preuve d’un conservatisme marqué et n’ont pas manifesté un intérêt particulier pour le maintien de l’autorité papale en tant que principe théologique. Si nous regardons ce qui a remplacé cela, c’est le principe de leur propre intérêt en tant que bureaucrates, et cette caractéristique règne sans être dérangée sous le Pape "libéral" François.
Les fautes qui ont été décrites jusqu’à présent sont relativement futiles et, au pire, elles ne feraient qu’illustrer le manque de compétence de François en tant que réformateur. Mais la réalité est en fait beaucoup plus noire. Il inclut l’état de rivalité et de conflit chaotique qui a été produit par les méthodes manipulatrices du Pape François, et qui sera décrit dans la section 3 ci-dessous car il affecte la Secrétairerie d’État, le Secrétariat de l’Économie et les différents organismes financiers du Vatican. Et elle s’étend à l’état moral de la Curie, dont un tableau aussi impressionnant a été présenté à Benoît XVI deux mois avant son abdication. Toute idée selon laquelle le Pape François s’est appliqué à réformer cet aspect serait une grave erreur.
L’existence d’un lobby homosexuel au Vatican, révélée par le rapport des cardinaux de décembre 2012, est un scandale que le Pape François n’a pris aucune mesure pour corriger, et qu’il a en outre accentué. L’un des cas les plus notoires est celui de Monseigneur Battista Ricca, Prélat de l’Institut des Œuvres de Religion. Monseigneur Ricca a fait carrière comme membre du service diplomatique papal. Après une affectation à Berne, il fut envoyé en Uruguay en 1999 et amena avec lui son petit ami Patrick Haari, un mauvais capitaine de l’Armée Suisse. Profitant d’un intervalle entre la retraite du nonce et l’arrivée de son successeur, quand Ricca était chargée d’affaires, il installa Haari dans la nonciature elle-même, avec un emploi, un salaire et un logement. Le nouveau nonce, arrivé à Montevideo au début de l’an 2000, tenta de faire sortir Ricca et Haari, mais le premier fut protégé par son amitié avec l’Archevêque (plus tard Cardinal) Re, qui était alors Substitut à la Secrétairerie d’État. Le ménage était un scandale ouvert pour le clergé et les religieuses qui fréquentaient la nonciature de Montevideo, mais rien ne pouvait être fait, même après que Haari ait été ramené chez lui un soir par des prêtres d’une maison de rencontres homosexuelles où il avait été battu brutalement par un commerçant. Ce n’est que lorsque Monseigneur Ricca lui-même a été pris dans un ascenseur avec un jeune qui était connu de la police, en août 2001, que le nonce qui en souffrait depuis longtemps a pu se débarrasser de son subordonné. (Dans les bagages de Haari quand il est parti, on a découvert qu’il était bourré de préservatifs et de matériel pornographique.) Après une nouvelle affectation à Trinidad et Tobago, où il s’est disputé avec son nonce, Ricca a finalement été démis de ses fonctions diplomatiques en 2005, lorsqu’il a obtenu un emploi à Rome avec le statut de conseiller d’une nonciature de premier rang. Ses responsabilités incluaient la gestion de la maison d’hôtes des cardinaux à Via della Scrofa, où le Cardinal Bergoglio avait l’habitude de séjourner, et où il se rendit pour payer sa facture le matin suivant son élection. Étant donné que Montevideo fait face à Buenos Aires par l’embouchure de la Rivière de la Plata, il semble peu probable que le Cardinal Archevêque de l’époque n’avait pas été au courant de ce qui se passait dans la nonciature au-delà de la Rivière, mais cela ne l’empêchait pas d’établir une amitié étroite avec Monseigneur Ricca, qui tenait ce dernier en bonne place lorsque Bergoglio fut élu Pape. Trois mois après cet événement, en juin 2013, Monseigneur Ricca fut nommé Prélat de l’IOR, la Banque du Vatican (56). La nomination a fait l’objet d’une question d’un journaliste au Pape quelques semaines plus tard, lors d’une de ses conférences de presse à bord d’un avion, quand il a été interrogé sur cette promotion d’un homosexuel notoire, et est sortit le célèbre propos du Pape, « Qui suis-je pour juger ? ». En fait, son patronage de Monseigneur Ricca correspond au modèle qui était bien établi quand il était Archevêque de Buenos Aires, où il s’entoure de personnes moralement faibles pour les avoir sous sa main.
On peut dire que le pieux catholique moyen serait scandalisé de savoir que les hautes sphères de l’Église sont occupées par des hommes qui violent de façon si flagrante leurs obligations de chasteté comme l’a fait Monseigneur Ricca, et trouverait incroyable qu’ils soient non seulement tolérés mais protégés et promus. Or, cette situation n’a pas seulement continué sans retenue sous le pape François, elle s’est visiblement aggravée. En octobre 2015, nous avons eu droit au spectacle d’un fonctionnaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Mgr Krzysztof Charamsa, qui a démissionné ostensiblement de son poste, a annoncé qu’il était un homosexuel actif et a lancé, au profit de la presse, une tirade contre l’enseignement moral de l’Église. Il a également "révélé" l’existence d’un lobby homosexuel à la Curie, qui était certes bien connu mais qui a été ainsi confirmé de l’intérieur. Les faits marquants de cette affaire étaient que Monseigneur Charamsa travaillait depuis des années en tant qu’opposant acharné à l’enseignement de l’Église dont il était soi-disant le porte-parole, et qu’avec tout ce qu’on a dit sur le nettoyage de la Curie, on n’a jamais tenté de déranger de telles personnes ; il a fallu un geste de défi de sa part pour le retirer du bureau qu’il avait si clairement trahi.
Monseigneur Luigi Capozzi, secrétaire du Cardinal Coccopalmerio, était un autre prélat qui a connu une sortie moins volontaire. En juin 2017, il fut surpris par la Gendarmerie du Vatican organisant une fête homosexuelle dans son appartement luxueux du Palazzo del Sant’Uffizio, et on découvrit qu’il avait utilisé sa voiture avec des plaques du Vatican pour transporter de la drogue sans être arrêté par la police italienne (57). Le Cardinal Coccopalmerio, qui est tout aussi connu pour avoir prôné la tolérance envers l’homosexualité et pour être peut-être le plus grand des hommes favorables au pape François, avait proposé cet assistant de confiance pour un évêché.
La signification plus large de cette infiltration est que le lobby homosexuel travaille à changer l’enseignement moral de l’Église dans son propre intérêt, et il s’est développé avec la tendance libéralisante introduite par le Pape François. Par exemple, l’Archevêque Bruno Forte a écrit pour le Synode sur la Famille en 2014 le texte qui tente d’assouplir l’enseignement catholique sur l’homosexualité. Son texte a été rejeté par le Synode, mais pas par manque d’effort de la part du Pape François pour faire avancer la cause de la libéralisation. Un cas peut-être encore plus scandaleux est celui de l’Archevêque Vincenzo Paglia, qui est incroyablement Président du Conseil Pontifical pour la Famille et que le Pape François a récemment nommé Président de l’Institut Jean-Paul II d’Études sur le Mariage et la Famille, organe que Jean Paul entendait être le chien de garde de l’enseignement de l’Église.
En décembre 2014, le Pape François profita de la rencontre de la Curie pour présenter les vœux de Noël et leur livrer une harangue dans laquelle il exposa, de façon inventive et détaillée, quinze manières dont ils étaient corrompus. Cette approche de la réforme curiale illustre le goût pour les incessantes railleries et les insultes recherchées qui l’ont distingué dans ses premières années (il semble s’en être rendu compte maintenant que les gens en sont fatigués) ; mais elle s’inscrit aussi dans un schéma familier de rhétorique visant à le montrer comme un réformateur radical, mais sans aucune mesure pratique qui lui corresponde. La véritable corruption de la Curie Romaine, qu’elle soit administrative ou morale, n’est pas quelque chose pour laquelle François a jusqu’à présent montré des signes de réforme ; au contraire, c’est une faiblesse qu’il a exploitée et qui s’est développée sous son gouvernement.
(48) Voir H.J.A. Sire, "Phoenix from the Ashes" (Le Phénix des Cendres), Ohio, 2015, p.370 etc., qui donne un compte rendu du contexte historique.
(49) "The Spectator", 14 janvier 2017 : Damian Thompson, "Why more and more priests can’t stand Pope Francis." (« Pourquoi de plus en plus de prêtres ne supportent pas le Pape François »)
(50) Gianluigi Nuzzi, "Merchants in the Temple" (Les Marchands du Temple), 2015, p.198-199. [titre italien : "Via Crucis", p.259-261]
(51) Aldo Maria Valls, "266". (Macerata, 2016), p.106. Le titre mystérieux de ce livre est le numéro de François dans la liste des papes.
(52) Aldo Maria Valls, "266". (Macerata, 2016), p.107. Le titre mystérieux de ce livre est le numéro de François dans la liste des papes.
(53) Cité dans un article de NDTV, 11 juin 2013 : "Pope Francis admits to ’gay lobby’ in Vatican administration : report." (« Le Pape François admet le lobby gay dans l’administration du Vatican : reportage »)
(54) Gianluigi Nuzzi, "Merchants in the Temple" (Les Marchands du Temple), 2015, p.153. ["Via Crucis" p.197]
(55) Marco Tosatti, "waiting for Vatican Reform" (En attente de la Réforme du Vatican), dans First Things du 6 juin 2017, d’où sont extraits les détails des trois paragraphes suivants.
(56) Ces événements ont été décrits en détail par Sandro Magister dans l’article "Il prelato del lobby gay" (Le prélat du lobby gay) dans "L’Espresso" du 18 juin 2013.
(57) Article paru dans "Il Fatto Quotidiano" du 28 juin 2017 : Francesco Antonio Grana, "Vaticano, fermato un monsignore : festini gay e droga al Palazzo dell’ ex Sant’ Uffizio." (« Vatican, un monsignor arrêté : fêtes gays et drogues à l’ancien Palais du Saint-Office. »)
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Re: Le Pape Dictateur (Marcantonio Colonna)
2) Qu’est-il advenu de la "Tolérance Zéro"
pour les délinquants sexuels dans le clergé ?
Au moment où le public a été mis au courant du rapport de Herranz et Tomko, ce que l’on appelait dans la presse la « mafia gay » ou « lobby gay » au Vatican était déjà largement présumé. Le phénomène de l’homosexualité répandue parmi le clergé et les évêques était connu du public depuis 2001, lorsque le Boston Globe a lancé une série d’exposés, lançant les « scandales d’abus sexuels du clergé » qui ont constitué une grande partie du paysage catholique depuis lors. La nature de l’abus a été confirmée par le rapport John Jay, une enquête commandée par la Conférence des Évêques Catholiques des États-Unis, publié en 2004, qui a révélé que plus de 80% des victimes étaient des adolescents de sexe masculin (58). En 2004, des rapports avaient également commencé à sortir des diocèses du monde entier, avec des résultats similaires ; l’Église, de quelque niveau que ce soit, avait un énorme problème. En 2012, les diocèses et les conférences épiscopales nationales de l’Australie, du Canada, de l’Argentine, du Brésil, du Chili et du Mexique, des Philippines, de l’Inde et de la plupart des pays d’Europe avaient tous fait état de cette tendance désormais bien connue.
Le Rapport de John Jay couvrait la période 1950-2002 et concluait que les plaintes avaient atteint un sommet à une période coïncidant avec la mode d’ignorer ou de réécrire les directives d’admission au séminaire pour permettre aux homosexuels d’étudier et d’être ordonnés prêtres – les années 1960 à 1980 – une période qui peut être comparée à la Révolution Sexuelle interne de l’Église Catholique. Cette vague mondiale de permissivité sexuelle à la mode qui s’est manifestée dans les années 70 aurait fait perdre la crédibilité du Vatican. Bien que François ait enterré le rapport Herranz et Tomko, les paramètres généraux du problème sont devenus clairs avec le Vatileaks de 2012, révélant un réseau homosexuel étendu et bien financé, fonctionnant à partir de la Curie. Les documents révélaient que des fonctionnaires de la Curie avaient approuvé à Rome l’utilisation de propriétés appartenant au Vatican comme maisons closes gays destinées à la clientèle sacerdotale. Les récits à Rome des prélats du Vatican proposant des séminaristes et faisant pression sur le jeune clergé sont légion. Compte tenu de cette situation, il n’est pas surprenant qu’un homme aussi dévoué aux machinations populistes que Jorge Bergoglio prenne publiquement la ligne du « qui suis-je pour juger ».
Malgré les tentatives de la presse laïque d’accuser rétroactivement le Pape Benoît XVI, les archives montrent que l’ancien chef de la CDF avait entrepris des réformes importantes et efficaces, décrites aux États-Unis comme une « politique de tolérance zéro ». Les abus sexuels à l’égard de mineurs, du moins en 2001, étaient encore un sujet susceptible de susciter l’indignation du public, et les demandes de réforme étaient fortes. Mais même à cette époque, le lobby homosexuel, devenu mondial après son adoption par les ONG de l’ONU et de l’UE, avait déjà fait d’énormes progrès dans la gestion de son image. Les médias séculiers ont collaboré, créant une distinction artificielle entre les « pédophiles du clergé » sinistres et effrayants qui s’attaquent aux enfants préadolescents, garçons et filles, et la nouvelle image fraîchement épurée de « l’homme gay » moralement acceptable. La preuve était démontrée que le lobby LGBT travaillait également à abaisser l’âge légal du consentement au niveau des garçons à 14 ans, ceux-ci étant préférés par les agresseurs homosexuels du clergé (59). Dans le contexte de ces grands bouleversements culturels et de la réalité du Vatican, il est peut-être compréhensible que les réformes du Pape Benoît XVI – qui incluaient l’interdiction des hommes homosexuels au sacerdoce (60) – aient si peu profité, avant même qu’elles ne soient renversées par son successeur.
Selon les données présentées par la CDF à la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies en janvier 2014, Benoît XVI avait défroqué ou suspendu plus de 800 prêtres pour abus sexuels passés entre 2009 et 2012. Il s’agissait notamment du célèbre Père Marcial Maciel, le fondateur influent des Légionnaires du Christ qui, sous le pape précédent, avait bénéficié de l’immunité d’investigation. En 2011, la CDF a adressé une lettre aux Conférences épiscopales du monde entier pour leur demander d’adopter des lignes directrices rigoureuses sur la manière de répondre aux allégations qui incluraient l’aide aux victimes, la protection des mineurs, l’éducation des futurs prêtres et religieux, et la collaboration avec les autorités civiles. Les lignes directrices exigeaient que les évêques transmettent tous les nouveaux cas aux autorités civiles et à la CDF. Dans une lettre pastorale adressée en mars 2010 aux Catholiques d’Irlande, Benoît XVI a critiqué l’application laxiste des lois de l’Église par les évêques, dont les échecs avaient « sérieusement miné votre crédibilité et votre efficacité ». Il a noté une « tendance malavisée » contre l’application de châtiments canoniques qui, selon lui, était due à « des interprétations erronées du Concile Vatican II ».
Mais ces lignes directrices n’étaient que des réitérations de réformes antérieures sur lesquelles Ratzinger avait insisté en tant que chef de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. En avril 2001, quelques mois seulement après que les scandales eurent commencé à éclater, le Pape Jean-Paul II publia des normes (61) qui imposaient aux évêques l’obligation de rapporter toutes les accusations de « delicta graviora » (délits graves) commis par les clercs contre le sixième Commandement à la CDF, une compétence retirée à la Congrégation pour le Clergé et à la Rote Romaine. Trois semaines plus tard, Ratzinger avait envoyé une lettre à tous les évêques du monde catholique, leur rappelant les normes et insistant sur leur mise en œuvre.
L’action la plus décisive du Pape Benoît XVI a été prise dans le cas longtemps négligé du Père Marcial Maciel, fondateur de l’ordre sacerdotal immensément riche, les Légionnaires du Christ. Les plaintes et les accusations s’étaient accumulées contre Maciel depuis des décennies, mais le public n’était guère préparé à l’horrible réalité – la tromperie que Maciel avait perpétrée pendant des décennies – qui a finalement émergé. Pendant le pontificat de Jean-Paul II, les Légionnaires et Maciel ont bénéficié de la faveur du pape et de l’appui de son puissant Secrétaire d’État, le Cardinal Angelo Sodano, qui aurait reçu des sommes énormes de la part du groupe. En 2004, près de la fin du pontificat de Jean-Paul II, Ratzinger avait ordonné la réouverture de l’enquête de la CDF sur Maciel et était finalement convaincu que les allégations étaient fondées après que son bureau eut interrogé plus de 100 anciens séminaristes et prêtres. Maciel a quitté la tête de la Légion quelques jours seulement avant la mort de Jean-Paul II, à l’occasion des funérailles duquel le Cardinal Ratzinger a sévèrement critiqué la "crasse" de l’abus sexuel clérical qui s’était développé dans l’Église.
L’enquête s’est poursuivie après l’élection du Pape Ratzinger et, en mai 2006, la CDF a ordonné à Maciel de « renoncer à toute forme de ministère public » et de se retirer à « une vie consacrée à la pénitence et à la prière » ; Maciel est mort en 2008. En fin de compte, il s’est avéré que le fondateur de la Légion avait mené une double vie pendant des décennies ; dépendant de la morphine, abusant sexuellement de garçons et de jeunes hommes, gardant trois maîtresses dans deux pays et engendrant six enfants d’elles, le tout à l’abri de la dévotion cultuelle de l’ordre au fondateur ; soutenu par de l’argent donné à la Légion pour des œuvres de religion.
Avec la succession de Benoît XVI, même ceux qui n’étaient pas enclins à soutenir le côté "conservateur" de l’Église ont ressenti un profond changement. Michael Sean Winters, chroniqueur au National Catholic Reporter, a félicité Benoît XVI pour avoir mis l’accent sur ceux qui avaient couvert les coupables. Il a qualifié l’accent mis précédemment sur les agresseurs « d’approche totalement inefficace ». La maltraitance des mineurs, a-t-il dit, « était horrible », mais « ce qui a vraiment donné lieu à un sentiment de trahison, c’est que les évêques n’ont pas réagi à cet abus avec l’horreur appropriée ».
« La volonté de Benoît XVI de demander des comptes aux évêques est ce qu’il faut pour redresser l’Église », a dit Winters. « Le pape Benoît le comprend. Et il a prévenu que les évêques qui ne le feraient pas seront remplacés. » Cela a été confirmé quelques jours avant que la démission de Benoît XVI ne prenne effet par un haut responsable du corps diplomatique du Vatican, l’Archevêque Miguel Maury Buendia, qui a dit (62) : « Ce Pape a enlevé deux ou trois évêques par mois à travers le monde... Il y a eu deux ou trois fois où ils ont dit non, et le Pape les a simplement retirés. »
Malgré les déclarations verbales du nouveau pape, cette réforme de la responsabilité semble s’être évaporée avec la démission de Benoît XVI. En fait, pour ceux qui étaient attentifs, François commença immédiatement à signaler la nouvelle direction en choisissant d’honorer l’un des plus célèbres évêques responsables ; comme on l’a noté plus haut, le Cardinal Danneels apparut avec le nouveau pape sur le balcon de la Basilique Saint-Pierre le soir de l’élection.
Anne Barrett Doyle, co-directrice de Bishop Accountability, a fait remarquer : « Aucun autre pape n’a parlé aussi passionnément du mal de l’abus sexuel des enfants que François. Aucun autre pape n’a invoqué aussi souvent la tolérance zéro. » (63) Pourtant, au nom de son thème préféré, la « miséricorde », François rompt résolument avec le programme de réforme Ratzinger/Benoît XVI, réduisant la peine pour les prêtres abuseurs à « une vie de prière » et à des restrictions sur la célébration de la Messe. En février 2017, il fut révélé que François avait « tranquillement réduit les sanctions contre une poignée de prêtres pédophiles, appliquant sa vision d’une église miséricordieuse même à ses pires contrevenants » (64).
Un cas particulièrement notoire a été la décision de François d’annuler les peines infligées par la CDF au prêtre Italien Mauro Inzoli, qui a été reconnu coupable en 2012 par un tribunal ecclésiastique d’avoir abusé de garçons dès l’âge de douze ans et suspendu a divinis. Inzoli avait particulièrement irrité les Italiens pour l’impudence de son comportement – il a abusé des garçons dans le confessionnal et les a convaincus que sa maltraitance était approuvée par Dieu – et son amour d’un style de vie cher, ce qui lui a valu le surnom de « Don Mercedes » dans la presse.
Mais en 2014, à la suite d’un appel lancé par les amis d’Inzoli à la Curie, François réduisit la peine du prêtre à une « vie de prière » et à une promesse de ne pas s’approcher des enfants, lui donnant la permission de célébrer la Messe en privé. François lui ordonna également de suivre cinq ans de psychothérapie, une approche médicalisée privilégiée par les évêques au plus fort de la crise de l’abus sexuel qui démontra qu’elle avait peu d’effet.
Les deux amis curiaux d’Inzoli devinrent des personnages importants dans les altercations ultérieures entre François et ses critiques au sein du collège des cardinaux sur Amoris Laetitia : le Cardinal Coccopalmerio, ancien évêque auxiliaire du Cardinal Martini, qui est président du Conseil Pontifical pour les Textes Législatifs et Monseigneur Pio Vito Pinto, aujourd’hui doyen de la Rote Romaine (65). Ces deux prélats ont joué un rôle clé dans le soutien de François contre les critiques de son Exhortation Apostolique, Amoris Laetitia, dont le Cardinal Müller, préfet de la CDF. Un journaliste a commenté : « Le Pape François, suivant les conseils de son groupe d’alliés formant club dans la curie, insiste pour annuler les réformes qui ont été instituées par ses prédécesseurs Jean-Paul II et Benoît XVI dans le traitement des cas de prêtres abuseurs. » (66)
Cette clémence, cependant, a échoué et après des plaintes de la ville natale d’Inzoli, Crémone, la police a rouvert le dossier contre lui. Il a été jugé et condamné à quatre ans et neuf mois de prison pour « plus d’une centaine d’épisodes » de violence contre cinq garçons âgés de 12 à 16 ans. Quinze autres infractions dépassaient le délai de prescription. Après la condamnation d’Inzoli devant les tribunaux civils, le Vatican entama tardivement un nouveau procès canonique.
Les rumeurs selon lesquelles François a l’intention de rétablir la compétence pour les cas d’abus sexuels du Cardinal Müller à la Rote et à la Congrégation pour le Clergé ont continué à circuler jusqu’au renvoi du cardinal en juillet 2017. Nicole Winfield, d’Associated Press, a noté que François avait également annulé un projet de tribunal d’évêques, demandé par sa propre commission d’abus sexuels, et avait renvoyé sommairement deux des membres du personnel de la CDF chargés de ces affaires, refusant de donner des raisons au Cardinal Müller. L’autre suggestion de la commission, des lignes directrices pour les diocèses sur le traitement des réclamations pour abus, n’a jamais été envoyée aux conférences épiscopales, ni même publiée sur les sites Internet du Vatican. La nouvelle approche de François a également été critiquée par une victime survivante dans le cadre de sa propre commission consultative sur l’abus sexuel. Marie Collins, qui a par la suite démissionné de la commission, citant une culture vaticanienne d’obstruction et d’inaction bureaucratique, a déclaré que la solution médicale était inappropriée. « Tous ceux qui commettent des abus ont pris la décision consciente de le faire », a déclaré Collins à Associated Press. « Même ceux qui sont pédophiles, vous diront les experts, sont toujours responsables de leurs actes. Ils peuvent résister à leurs inclinations. »
Le cas d’Inzoli n’est pas isolé. Winfield a écrit que « deux avocats canonistes et un fonctionnaire de l’église » lui ont dit que le pape qui met l’accent sur la « miséricorde » a créé un environnement dans lequel « plusieurs » prêtres en vertu de sanctions canoniques imposées par la CDF ont fait appel avec succès à François pour la clémence par le biais de puissants liens curiaux. L’official anonyme a noté que de tels appels avaient rarement été couronnés de succès avec Benoît XVI, qui avait retiré plus de 800 prêtres du ministère.
Des questions subsistent quant aux connaissances et à l’implication de Bergoglio dans le cas de décennies d’abus sexuels commis par des prêtres à l’Institut Antonio Provolo, une école pour enfants sourds en Argentine et à Vérone, en Italie. Nicola Corradi et Horacio Corbacho ont été arrêtés en 2016 en Argentine, après que 24 anciens étudiants de l’institut eurent déposé plainte, à partir de 2009. Bien que le diocèse de Vérone se soit officiellement excusé auprès des victimes italiennes du même prêtre à l’école de l’institut de Vérone, après que le Vatican de Benoît ait ordonné une enquête, le Vatican de François n’a rien fait depuis. Ceci même après que les étudiants aient nommé Corradi de nouveau dans une lettre à François en 2014 lui demandant une commission d’enquête. La seule réponse que le groupe ait jamais reçue de Rome a été une note de l’Archevêque Angelo Becciu qui a dit que la demande d’une commission avait été transmise à la Conférence épiscopale italienne. L’Association Provolo a déclaré à Associated Press en 2016 : « À ce jour, rien ne s’est passé. »
« Nous devons nous demander : le Pape, qui a été pendant de nombreuses années le primat de l’Église Argentine, ne savait-il rien des abus commis dans son pays ? » Un avocat canoniste du groupe, Carlos Lombardi, a déclaré à la presse : « Soit il vit en dehors de la réalité, soit c’est extrêmement cynique... c’est une moquerie. » (67)
(58) Dans une déclaration lue par l’Archevêque Silvano Maria Tomasi au Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies le 22 septembre 2009, le Saint-Siège a déclaré que la majorité des membres du clergé catholique qui avaient commis des actes d’abus sexuels ne devraient pas être considérés comme des pédophiles, mais comme des homosexuels attirés par les rapports sexuels avec des adolescents de sexe masculin. La déclaration disait qu’au lieu de la pédophilie, « il serait plus juste de parler d’éphébophilie ; étant une attirance homosexuelle pour les adolescents de sexe masculin... De tous les prêtres impliqués dans les abus, 80 à 90 % appartiennent à cette minorité d’orientation sexuelle qui est sexuellement engagée avec des adolescents de 11 à 17 ans. »
(59) Peter Tatchell, le militant homosexuel le plus en vue du Royaume-Uni, a été l’un des critiques les plus virulents des "prêtres pédophiles" catholiques. En 2010, il était parmi ceux qui s’opposaient à la visite du Pape Benoît XVI en Grande-Bretagne, l’accusant d’avoir couvert les agresseurs. La même année, Tatchell, qui a écrit que « tous les rapports sexuels impliquant des enfants ne sont pas forcément désirés, abusifs et nocifs », préconisait de réduire l’âge légal du consentement pour permettre aux hommes adultes de s’engager dans des activités homosexuelles avec des jeunes de 14 ans.
(60) « L’Instruction concernant les critères de discernement des vocations à l’égard des personnes homosexuelles en vue de leur admission au séminaire et aux ordres sacrés » de la Congrégation pour l’Éducation Catholique, approuvée par le Pape Benoît XVI le 31 août 2005.
(61) Le Motu Proprio "Sacramentorum Sanctitatis Tutela" était une reformulation de la Constitution Apostolique sur la Curie Romaine, "Regimini Ecclesiae Universae", de Paul VI, publiée en 1967, qui « confirmait la compétence judiciaire et administrative de la Congrégation [CDF] dans la procédure selon ses normes modifiées et approuvées ».
(62) Article paru dans EWTN le 22 février 2013, "Pope has ’cleaned up episcopate’, nuncio says." (Le Pape a « nettoyé l’épiscopat », dit le nonce.) http://www.ewtnnews.com/catholic-news/World.php?id=7089
(63) Article dans Crux du 24 décembre 2016, "Argentina probes sex abuse at deaf school, what Vatican knew". (L’Argentine enquête sur les abus sexuels à l’école des sourds, ce que le Vatican savait)
https://cruxnow.com/global-church/2016/12/24/argentina-probes-sex-abuse-deaf-school-what-vatican-knew/
(64) Article dans Associated Press, 25 février 2017, Nicole Winfield, "Pope quietly trims sanctions for sex abusers seeking mercy". (Le Pape rompt discrètement les sanctions pour les agresseurs sexuels qui demandent grâce) https://apnews.com/64e1fc2312764a24bf1b2d6ec3bf4caf/pope-quietly-trims-sanctions-sex-abusers-seeking-mercy
(65) Le nom de Pinto figure sur la fameuse "Liste Pecorelli", une liste des francs-maçons présumés au sein de l’Église, compilée dans les années 1970 par Carmine "Mino" Pecorelli, Directeur de L’Osservatorio Politico, une agence de presse spécialisée dans les scandales et crimes politiques. La Liste Pecorelli a été publiée dans le Magazine L’Osservatorio Politico Internazionale, le 12 septembre 1978, pendant le bref pontificat du Pape Jean-Paul Ier.
(66) Article de Michael Brendan Dougherty, "A child abuse scandal is coming for Pope Francis" (Un scandale de maltraitance d’enfants est à venir pour le Pape François), dans The Week du 3 janvier 2017.
(67) Article dans Crux du 24 décembre 2016, "Argentina probes sex abuse at deaf school, what Vatican knew". (L’Argentine enquête sur les abus sexuels à l’école des sourds, ce que le Vatican savait) https://www.cnsnews.com/news/article/argentina-probes-sex-abuse-deaf-school-what-vatican-knew
pour les délinquants sexuels dans le clergé ?
Au moment où le public a été mis au courant du rapport de Herranz et Tomko, ce que l’on appelait dans la presse la « mafia gay » ou « lobby gay » au Vatican était déjà largement présumé. Le phénomène de l’homosexualité répandue parmi le clergé et les évêques était connu du public depuis 2001, lorsque le Boston Globe a lancé une série d’exposés, lançant les « scandales d’abus sexuels du clergé » qui ont constitué une grande partie du paysage catholique depuis lors. La nature de l’abus a été confirmée par le rapport John Jay, une enquête commandée par la Conférence des Évêques Catholiques des États-Unis, publié en 2004, qui a révélé que plus de 80% des victimes étaient des adolescents de sexe masculin (58). En 2004, des rapports avaient également commencé à sortir des diocèses du monde entier, avec des résultats similaires ; l’Église, de quelque niveau que ce soit, avait un énorme problème. En 2012, les diocèses et les conférences épiscopales nationales de l’Australie, du Canada, de l’Argentine, du Brésil, du Chili et du Mexique, des Philippines, de l’Inde et de la plupart des pays d’Europe avaient tous fait état de cette tendance désormais bien connue.
Le Rapport de John Jay couvrait la période 1950-2002 et concluait que les plaintes avaient atteint un sommet à une période coïncidant avec la mode d’ignorer ou de réécrire les directives d’admission au séminaire pour permettre aux homosexuels d’étudier et d’être ordonnés prêtres – les années 1960 à 1980 – une période qui peut être comparée à la Révolution Sexuelle interne de l’Église Catholique. Cette vague mondiale de permissivité sexuelle à la mode qui s’est manifestée dans les années 70 aurait fait perdre la crédibilité du Vatican. Bien que François ait enterré le rapport Herranz et Tomko, les paramètres généraux du problème sont devenus clairs avec le Vatileaks de 2012, révélant un réseau homosexuel étendu et bien financé, fonctionnant à partir de la Curie. Les documents révélaient que des fonctionnaires de la Curie avaient approuvé à Rome l’utilisation de propriétés appartenant au Vatican comme maisons closes gays destinées à la clientèle sacerdotale. Les récits à Rome des prélats du Vatican proposant des séminaristes et faisant pression sur le jeune clergé sont légion. Compte tenu de cette situation, il n’est pas surprenant qu’un homme aussi dévoué aux machinations populistes que Jorge Bergoglio prenne publiquement la ligne du « qui suis-je pour juger ».
Malgré les tentatives de la presse laïque d’accuser rétroactivement le Pape Benoît XVI, les archives montrent que l’ancien chef de la CDF avait entrepris des réformes importantes et efficaces, décrites aux États-Unis comme une « politique de tolérance zéro ». Les abus sexuels à l’égard de mineurs, du moins en 2001, étaient encore un sujet susceptible de susciter l’indignation du public, et les demandes de réforme étaient fortes. Mais même à cette époque, le lobby homosexuel, devenu mondial après son adoption par les ONG de l’ONU et de l’UE, avait déjà fait d’énormes progrès dans la gestion de son image. Les médias séculiers ont collaboré, créant une distinction artificielle entre les « pédophiles du clergé » sinistres et effrayants qui s’attaquent aux enfants préadolescents, garçons et filles, et la nouvelle image fraîchement épurée de « l’homme gay » moralement acceptable. La preuve était démontrée que le lobby LGBT travaillait également à abaisser l’âge légal du consentement au niveau des garçons à 14 ans, ceux-ci étant préférés par les agresseurs homosexuels du clergé (59). Dans le contexte de ces grands bouleversements culturels et de la réalité du Vatican, il est peut-être compréhensible que les réformes du Pape Benoît XVI – qui incluaient l’interdiction des hommes homosexuels au sacerdoce (60) – aient si peu profité, avant même qu’elles ne soient renversées par son successeur.
Selon les données présentées par la CDF à la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies en janvier 2014, Benoît XVI avait défroqué ou suspendu plus de 800 prêtres pour abus sexuels passés entre 2009 et 2012. Il s’agissait notamment du célèbre Père Marcial Maciel, le fondateur influent des Légionnaires du Christ qui, sous le pape précédent, avait bénéficié de l’immunité d’investigation. En 2011, la CDF a adressé une lettre aux Conférences épiscopales du monde entier pour leur demander d’adopter des lignes directrices rigoureuses sur la manière de répondre aux allégations qui incluraient l’aide aux victimes, la protection des mineurs, l’éducation des futurs prêtres et religieux, et la collaboration avec les autorités civiles. Les lignes directrices exigeaient que les évêques transmettent tous les nouveaux cas aux autorités civiles et à la CDF. Dans une lettre pastorale adressée en mars 2010 aux Catholiques d’Irlande, Benoît XVI a critiqué l’application laxiste des lois de l’Église par les évêques, dont les échecs avaient « sérieusement miné votre crédibilité et votre efficacité ». Il a noté une « tendance malavisée » contre l’application de châtiments canoniques qui, selon lui, était due à « des interprétations erronées du Concile Vatican II ».
Mais ces lignes directrices n’étaient que des réitérations de réformes antérieures sur lesquelles Ratzinger avait insisté en tant que chef de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. En avril 2001, quelques mois seulement après que les scandales eurent commencé à éclater, le Pape Jean-Paul II publia des normes (61) qui imposaient aux évêques l’obligation de rapporter toutes les accusations de « delicta graviora » (délits graves) commis par les clercs contre le sixième Commandement à la CDF, une compétence retirée à la Congrégation pour le Clergé et à la Rote Romaine. Trois semaines plus tard, Ratzinger avait envoyé une lettre à tous les évêques du monde catholique, leur rappelant les normes et insistant sur leur mise en œuvre.
L’action la plus décisive du Pape Benoît XVI a été prise dans le cas longtemps négligé du Père Marcial Maciel, fondateur de l’ordre sacerdotal immensément riche, les Légionnaires du Christ. Les plaintes et les accusations s’étaient accumulées contre Maciel depuis des décennies, mais le public n’était guère préparé à l’horrible réalité – la tromperie que Maciel avait perpétrée pendant des décennies – qui a finalement émergé. Pendant le pontificat de Jean-Paul II, les Légionnaires et Maciel ont bénéficié de la faveur du pape et de l’appui de son puissant Secrétaire d’État, le Cardinal Angelo Sodano, qui aurait reçu des sommes énormes de la part du groupe. En 2004, près de la fin du pontificat de Jean-Paul II, Ratzinger avait ordonné la réouverture de l’enquête de la CDF sur Maciel et était finalement convaincu que les allégations étaient fondées après que son bureau eut interrogé plus de 100 anciens séminaristes et prêtres. Maciel a quitté la tête de la Légion quelques jours seulement avant la mort de Jean-Paul II, à l’occasion des funérailles duquel le Cardinal Ratzinger a sévèrement critiqué la "crasse" de l’abus sexuel clérical qui s’était développé dans l’Église.
L’enquête s’est poursuivie après l’élection du Pape Ratzinger et, en mai 2006, la CDF a ordonné à Maciel de « renoncer à toute forme de ministère public » et de se retirer à « une vie consacrée à la pénitence et à la prière » ; Maciel est mort en 2008. En fin de compte, il s’est avéré que le fondateur de la Légion avait mené une double vie pendant des décennies ; dépendant de la morphine, abusant sexuellement de garçons et de jeunes hommes, gardant trois maîtresses dans deux pays et engendrant six enfants d’elles, le tout à l’abri de la dévotion cultuelle de l’ordre au fondateur ; soutenu par de l’argent donné à la Légion pour des œuvres de religion.
Avec la succession de Benoît XVI, même ceux qui n’étaient pas enclins à soutenir le côté "conservateur" de l’Église ont ressenti un profond changement. Michael Sean Winters, chroniqueur au National Catholic Reporter, a félicité Benoît XVI pour avoir mis l’accent sur ceux qui avaient couvert les coupables. Il a qualifié l’accent mis précédemment sur les agresseurs « d’approche totalement inefficace ». La maltraitance des mineurs, a-t-il dit, « était horrible », mais « ce qui a vraiment donné lieu à un sentiment de trahison, c’est que les évêques n’ont pas réagi à cet abus avec l’horreur appropriée ».
« La volonté de Benoît XVI de demander des comptes aux évêques est ce qu’il faut pour redresser l’Église », a dit Winters. « Le pape Benoît le comprend. Et il a prévenu que les évêques qui ne le feraient pas seront remplacés. » Cela a été confirmé quelques jours avant que la démission de Benoît XVI ne prenne effet par un haut responsable du corps diplomatique du Vatican, l’Archevêque Miguel Maury Buendia, qui a dit (62) : « Ce Pape a enlevé deux ou trois évêques par mois à travers le monde... Il y a eu deux ou trois fois où ils ont dit non, et le Pape les a simplement retirés. »
Malgré les déclarations verbales du nouveau pape, cette réforme de la responsabilité semble s’être évaporée avec la démission de Benoît XVI. En fait, pour ceux qui étaient attentifs, François commença immédiatement à signaler la nouvelle direction en choisissant d’honorer l’un des plus célèbres évêques responsables ; comme on l’a noté plus haut, le Cardinal Danneels apparut avec le nouveau pape sur le balcon de la Basilique Saint-Pierre le soir de l’élection.
Anne Barrett Doyle, co-directrice de Bishop Accountability, a fait remarquer : « Aucun autre pape n’a parlé aussi passionnément du mal de l’abus sexuel des enfants que François. Aucun autre pape n’a invoqué aussi souvent la tolérance zéro. » (63) Pourtant, au nom de son thème préféré, la « miséricorde », François rompt résolument avec le programme de réforme Ratzinger/Benoît XVI, réduisant la peine pour les prêtres abuseurs à « une vie de prière » et à des restrictions sur la célébration de la Messe. En février 2017, il fut révélé que François avait « tranquillement réduit les sanctions contre une poignée de prêtres pédophiles, appliquant sa vision d’une église miséricordieuse même à ses pires contrevenants » (64).
Un cas particulièrement notoire a été la décision de François d’annuler les peines infligées par la CDF au prêtre Italien Mauro Inzoli, qui a été reconnu coupable en 2012 par un tribunal ecclésiastique d’avoir abusé de garçons dès l’âge de douze ans et suspendu a divinis. Inzoli avait particulièrement irrité les Italiens pour l’impudence de son comportement – il a abusé des garçons dans le confessionnal et les a convaincus que sa maltraitance était approuvée par Dieu – et son amour d’un style de vie cher, ce qui lui a valu le surnom de « Don Mercedes » dans la presse.
Mais en 2014, à la suite d’un appel lancé par les amis d’Inzoli à la Curie, François réduisit la peine du prêtre à une « vie de prière » et à une promesse de ne pas s’approcher des enfants, lui donnant la permission de célébrer la Messe en privé. François lui ordonna également de suivre cinq ans de psychothérapie, une approche médicalisée privilégiée par les évêques au plus fort de la crise de l’abus sexuel qui démontra qu’elle avait peu d’effet.
Les deux amis curiaux d’Inzoli devinrent des personnages importants dans les altercations ultérieures entre François et ses critiques au sein du collège des cardinaux sur Amoris Laetitia : le Cardinal Coccopalmerio, ancien évêque auxiliaire du Cardinal Martini, qui est président du Conseil Pontifical pour les Textes Législatifs et Monseigneur Pio Vito Pinto, aujourd’hui doyen de la Rote Romaine (65). Ces deux prélats ont joué un rôle clé dans le soutien de François contre les critiques de son Exhortation Apostolique, Amoris Laetitia, dont le Cardinal Müller, préfet de la CDF. Un journaliste a commenté : « Le Pape François, suivant les conseils de son groupe d’alliés formant club dans la curie, insiste pour annuler les réformes qui ont été instituées par ses prédécesseurs Jean-Paul II et Benoît XVI dans le traitement des cas de prêtres abuseurs. » (66)
Cette clémence, cependant, a échoué et après des plaintes de la ville natale d’Inzoli, Crémone, la police a rouvert le dossier contre lui. Il a été jugé et condamné à quatre ans et neuf mois de prison pour « plus d’une centaine d’épisodes » de violence contre cinq garçons âgés de 12 à 16 ans. Quinze autres infractions dépassaient le délai de prescription. Après la condamnation d’Inzoli devant les tribunaux civils, le Vatican entama tardivement un nouveau procès canonique.
Les rumeurs selon lesquelles François a l’intention de rétablir la compétence pour les cas d’abus sexuels du Cardinal Müller à la Rote et à la Congrégation pour le Clergé ont continué à circuler jusqu’au renvoi du cardinal en juillet 2017. Nicole Winfield, d’Associated Press, a noté que François avait également annulé un projet de tribunal d’évêques, demandé par sa propre commission d’abus sexuels, et avait renvoyé sommairement deux des membres du personnel de la CDF chargés de ces affaires, refusant de donner des raisons au Cardinal Müller. L’autre suggestion de la commission, des lignes directrices pour les diocèses sur le traitement des réclamations pour abus, n’a jamais été envoyée aux conférences épiscopales, ni même publiée sur les sites Internet du Vatican. La nouvelle approche de François a également été critiquée par une victime survivante dans le cadre de sa propre commission consultative sur l’abus sexuel. Marie Collins, qui a par la suite démissionné de la commission, citant une culture vaticanienne d’obstruction et d’inaction bureaucratique, a déclaré que la solution médicale était inappropriée. « Tous ceux qui commettent des abus ont pris la décision consciente de le faire », a déclaré Collins à Associated Press. « Même ceux qui sont pédophiles, vous diront les experts, sont toujours responsables de leurs actes. Ils peuvent résister à leurs inclinations. »
Le cas d’Inzoli n’est pas isolé. Winfield a écrit que « deux avocats canonistes et un fonctionnaire de l’église » lui ont dit que le pape qui met l’accent sur la « miséricorde » a créé un environnement dans lequel « plusieurs » prêtres en vertu de sanctions canoniques imposées par la CDF ont fait appel avec succès à François pour la clémence par le biais de puissants liens curiaux. L’official anonyme a noté que de tels appels avaient rarement été couronnés de succès avec Benoît XVI, qui avait retiré plus de 800 prêtres du ministère.
Des questions subsistent quant aux connaissances et à l’implication de Bergoglio dans le cas de décennies d’abus sexuels commis par des prêtres à l’Institut Antonio Provolo, une école pour enfants sourds en Argentine et à Vérone, en Italie. Nicola Corradi et Horacio Corbacho ont été arrêtés en 2016 en Argentine, après que 24 anciens étudiants de l’institut eurent déposé plainte, à partir de 2009. Bien que le diocèse de Vérone se soit officiellement excusé auprès des victimes italiennes du même prêtre à l’école de l’institut de Vérone, après que le Vatican de Benoît ait ordonné une enquête, le Vatican de François n’a rien fait depuis. Ceci même après que les étudiants aient nommé Corradi de nouveau dans une lettre à François en 2014 lui demandant une commission d’enquête. La seule réponse que le groupe ait jamais reçue de Rome a été une note de l’Archevêque Angelo Becciu qui a dit que la demande d’une commission avait été transmise à la Conférence épiscopale italienne. L’Association Provolo a déclaré à Associated Press en 2016 : « À ce jour, rien ne s’est passé. »
« Nous devons nous demander : le Pape, qui a été pendant de nombreuses années le primat de l’Église Argentine, ne savait-il rien des abus commis dans son pays ? » Un avocat canoniste du groupe, Carlos Lombardi, a déclaré à la presse : « Soit il vit en dehors de la réalité, soit c’est extrêmement cynique... c’est une moquerie. » (67)
(58) Dans une déclaration lue par l’Archevêque Silvano Maria Tomasi au Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies le 22 septembre 2009, le Saint-Siège a déclaré que la majorité des membres du clergé catholique qui avaient commis des actes d’abus sexuels ne devraient pas être considérés comme des pédophiles, mais comme des homosexuels attirés par les rapports sexuels avec des adolescents de sexe masculin. La déclaration disait qu’au lieu de la pédophilie, « il serait plus juste de parler d’éphébophilie ; étant une attirance homosexuelle pour les adolescents de sexe masculin... De tous les prêtres impliqués dans les abus, 80 à 90 % appartiennent à cette minorité d’orientation sexuelle qui est sexuellement engagée avec des adolescents de 11 à 17 ans. »
(59) Peter Tatchell, le militant homosexuel le plus en vue du Royaume-Uni, a été l’un des critiques les plus virulents des "prêtres pédophiles" catholiques. En 2010, il était parmi ceux qui s’opposaient à la visite du Pape Benoît XVI en Grande-Bretagne, l’accusant d’avoir couvert les agresseurs. La même année, Tatchell, qui a écrit que « tous les rapports sexuels impliquant des enfants ne sont pas forcément désirés, abusifs et nocifs », préconisait de réduire l’âge légal du consentement pour permettre aux hommes adultes de s’engager dans des activités homosexuelles avec des jeunes de 14 ans.
(60) « L’Instruction concernant les critères de discernement des vocations à l’égard des personnes homosexuelles en vue de leur admission au séminaire et aux ordres sacrés » de la Congrégation pour l’Éducation Catholique, approuvée par le Pape Benoît XVI le 31 août 2005.
(61) Le Motu Proprio "Sacramentorum Sanctitatis Tutela" était une reformulation de la Constitution Apostolique sur la Curie Romaine, "Regimini Ecclesiae Universae", de Paul VI, publiée en 1967, qui « confirmait la compétence judiciaire et administrative de la Congrégation [CDF] dans la procédure selon ses normes modifiées et approuvées ».
(62) Article paru dans EWTN le 22 février 2013, "Pope has ’cleaned up episcopate’, nuncio says." (Le Pape a « nettoyé l’épiscopat », dit le nonce.) http://www.ewtnnews.com/catholic-news/World.php?id=7089
(63) Article dans Crux du 24 décembre 2016, "Argentina probes sex abuse at deaf school, what Vatican knew". (L’Argentine enquête sur les abus sexuels à l’école des sourds, ce que le Vatican savait)
https://cruxnow.com/global-church/2016/12/24/argentina-probes-sex-abuse-deaf-school-what-vatican-knew/
(64) Article dans Associated Press, 25 février 2017, Nicole Winfield, "Pope quietly trims sanctions for sex abusers seeking mercy". (Le Pape rompt discrètement les sanctions pour les agresseurs sexuels qui demandent grâce) https://apnews.com/64e1fc2312764a24bf1b2d6ec3bf4caf/pope-quietly-trims-sanctions-sex-abusers-seeking-mercy
(65) Le nom de Pinto figure sur la fameuse "Liste Pecorelli", une liste des francs-maçons présumés au sein de l’Église, compilée dans les années 1970 par Carmine "Mino" Pecorelli, Directeur de L’Osservatorio Politico, une agence de presse spécialisée dans les scandales et crimes politiques. La Liste Pecorelli a été publiée dans le Magazine L’Osservatorio Politico Internazionale, le 12 septembre 1978, pendant le bref pontificat du Pape Jean-Paul Ier.
(66) Article de Michael Brendan Dougherty, "A child abuse scandal is coming for Pope Francis" (Un scandale de maltraitance d’enfants est à venir pour le Pape François), dans The Week du 3 janvier 2017.
(67) Article dans Crux du 24 décembre 2016, "Argentina probes sex abuse at deaf school, what Vatican knew". (L’Argentine enquête sur les abus sexuels à l’école des sourds, ce que le Vatican savait) https://www.cnsnews.com/news/article/argentina-probes-sex-abuse-deaf-school-what-vatican-knew
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Re: Le Pape Dictateur (Marcantonio Colonna)
3) Qu’est-il advenu de la réforme des finances du Vatican ?
Un problème de corruption
Il n’est pas surprenant que les pires cas de corruption à la Curie se soient toujours produits dans les départements qui gèrent l’argent, à la fois à cause des tentations personnelles de la richesse et parce que les fonctionnaires de ces départements, ignorants du monde des affaires et de la finance, étaient constamment en danger d’être entraînés dans des méthodes de caractère douteux ou d’illégalité pure et simple. Les accusations criminelles auxquelles l’Archevêque Marcinkus et l’Évêque de Bonis se sont exposés dans les années 80 et 90 ont déjà été mentionnées, mais, étonnamment, les avertissements n’ont pas été entendus au Vatican. Au contraire, il y a tout signe qu’une culture d’avarice et de malhonnêteté s’est aggravée au cours des vingt années qui ont précédé l’élection du Pape François au Saint-Siège.
Un exemple flagrant est apparu dans les trois mois qui ont suivi cet événement. C’est le cas de Monseigneur Nunzio Scarano, le chef comptable de l’APSA (Amministrazione del Patrimonio della Sede Apostolica, Administration du Patrimoine du Siège Apostolique), qui a été arrêté en juin 2013 pour avoir tenté de faire entrer clandestinement 22 millions d’euros de Suisse en Italie dans un jet privé. Il s’est avéré que Monseigneur Scarano vivait depuis des années une vie de luxe financée par les avantages de sa nomination au Vatican. Il vivait dans un appartement de dix-sept pièces à Salerne rempli d’œuvres d’art, dont Van Gogh et Chagall, et était connu sous le nom de "Monseigneur 500" pour les billets de 500 euros par lesquels il faisait notoirement ses transactions.
Complice de son plan de contrebande d’argent liquide, Monseigneur Scarano a commis l’erreur de choisir un agent des services secrets italiens, Giovanni Mario Zito, qu’il a payé 217 000 euros pour son rôle. Lorsque Zito a révélé le complot aux autorités, Scarano a nié sa culpabilité et expliqué les 217 000 euros en accusant Zito de les lui voler. Lors du procès de Scarano en janvier 2016, l’accusation de trafic de drogue échoua simplement au motif que le plan n’avait pas été exécuté, mais Scarano fut condamné pour diffamation pour l’accusation qu’il avait portée contre Zito (68).
L’affaire Scarano fut explosive non seulement à titre individuel, mais aussi parce que Monseigneur commença aussitôt à porter des accusations de malversations financières généralisées au Vatican. Il a révélé que les responsables de l’APSA acceptaient régulièrement des cadeaux de banques cherchant à attirer l’argent du Vatican, y compris des voyages, des hôtels cinq étoiles et des massages. Ils ont pris l’habitude de transférer fréquemment des fonds d’une banque à une autre, en partie pour maintenir les avantages. Monseigneur Scarano a également parlé du truquage par les fonctionnaires de l’APSA des processus d’appel d’offres pour des contrats supposés concurrentiels (69).
Benoît XVI avait déjà entamé le processus de réforme : il avait créé l’Autorité d’Information Financière pour assurer la transparence, et il avait pris la décision de faire appel à Moneyval, l’agence du Conseil de l’Europe contre le blanchiment d’argent, pour auditer les organes financiers de la Curie, soumettant ainsi le Vatican à la première inspection extérieure de son histoire. Les choses se sont peut-être arrêtées là, mais les révélations de Scarano ont probablement été le déclencheur d’un examen plus approfondi. En juillet 2013, le Pape François a fondé la Pontificia Commissione Referente di Studio e di Indirizzo sull’Organizzazione della Struttura Economica-Amministrativa della Santa Sede (Commission Pontificale pour l’Étude et l’Adresse de l’Organisation de la Structure Économique et Administrative du Saint-Siège). Cette Commission a ordonné un certain nombre d’expertises, et ils ont analysé les organismes concernés, dont une brève description est nécessaire.
(68) Article paru dans "Crux" du 19 janvier 2016 : Inés San Martin, "Mixed verdicts for ex-Vatican official in corruption trial" (Verdicts mitigés pour un ancien fonctionnaire du Vatican dans un procès pour corruption)
(69) Article paru dans le "National Catholic Register" du 3 octobre 2013 : John L. Allen "Arrested monsignor charges corruption in Vatican finances." (Un monsignor arrêté accuse de corruption les finances du Vatican)
Un problème de corruption
Il n’est pas surprenant que les pires cas de corruption à la Curie se soient toujours produits dans les départements qui gèrent l’argent, à la fois à cause des tentations personnelles de la richesse et parce que les fonctionnaires de ces départements, ignorants du monde des affaires et de la finance, étaient constamment en danger d’être entraînés dans des méthodes de caractère douteux ou d’illégalité pure et simple. Les accusations criminelles auxquelles l’Archevêque Marcinkus et l’Évêque de Bonis se sont exposés dans les années 80 et 90 ont déjà été mentionnées, mais, étonnamment, les avertissements n’ont pas été entendus au Vatican. Au contraire, il y a tout signe qu’une culture d’avarice et de malhonnêteté s’est aggravée au cours des vingt années qui ont précédé l’élection du Pape François au Saint-Siège.
Un exemple flagrant est apparu dans les trois mois qui ont suivi cet événement. C’est le cas de Monseigneur Nunzio Scarano, le chef comptable de l’APSA (Amministrazione del Patrimonio della Sede Apostolica, Administration du Patrimoine du Siège Apostolique), qui a été arrêté en juin 2013 pour avoir tenté de faire entrer clandestinement 22 millions d’euros de Suisse en Italie dans un jet privé. Il s’est avéré que Monseigneur Scarano vivait depuis des années une vie de luxe financée par les avantages de sa nomination au Vatican. Il vivait dans un appartement de dix-sept pièces à Salerne rempli d’œuvres d’art, dont Van Gogh et Chagall, et était connu sous le nom de "Monseigneur 500" pour les billets de 500 euros par lesquels il faisait notoirement ses transactions.
Complice de son plan de contrebande d’argent liquide, Monseigneur Scarano a commis l’erreur de choisir un agent des services secrets italiens, Giovanni Mario Zito, qu’il a payé 217 000 euros pour son rôle. Lorsque Zito a révélé le complot aux autorités, Scarano a nié sa culpabilité et expliqué les 217 000 euros en accusant Zito de les lui voler. Lors du procès de Scarano en janvier 2016, l’accusation de trafic de drogue échoua simplement au motif que le plan n’avait pas été exécuté, mais Scarano fut condamné pour diffamation pour l’accusation qu’il avait portée contre Zito (68).
L’affaire Scarano fut explosive non seulement à titre individuel, mais aussi parce que Monseigneur commença aussitôt à porter des accusations de malversations financières généralisées au Vatican. Il a révélé que les responsables de l’APSA acceptaient régulièrement des cadeaux de banques cherchant à attirer l’argent du Vatican, y compris des voyages, des hôtels cinq étoiles et des massages. Ils ont pris l’habitude de transférer fréquemment des fonds d’une banque à une autre, en partie pour maintenir les avantages. Monseigneur Scarano a également parlé du truquage par les fonctionnaires de l’APSA des processus d’appel d’offres pour des contrats supposés concurrentiels (69).
Benoît XVI avait déjà entamé le processus de réforme : il avait créé l’Autorité d’Information Financière pour assurer la transparence, et il avait pris la décision de faire appel à Moneyval, l’agence du Conseil de l’Europe contre le blanchiment d’argent, pour auditer les organes financiers de la Curie, soumettant ainsi le Vatican à la première inspection extérieure de son histoire. Les choses se sont peut-être arrêtées là, mais les révélations de Scarano ont probablement été le déclencheur d’un examen plus approfondi. En juillet 2013, le Pape François a fondé la Pontificia Commissione Referente di Studio e di Indirizzo sull’Organizzazione della Struttura Economica-Amministrativa della Santa Sede (Commission Pontificale pour l’Étude et l’Adresse de l’Organisation de la Structure Économique et Administrative du Saint-Siège). Cette Commission a ordonné un certain nombre d’expertises, et ils ont analysé les organismes concernés, dont une brève description est nécessaire.
(68) Article paru dans "Crux" du 19 janvier 2016 : Inés San Martin, "Mixed verdicts for ex-Vatican official in corruption trial" (Verdicts mitigés pour un ancien fonctionnaire du Vatican dans un procès pour corruption)
(69) Article paru dans le "National Catholic Register" du 3 octobre 2013 : John L. Allen "Arrested monsignor charges corruption in Vatican finances." (Un monsignor arrêté accuse de corruption les finances du Vatican)
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Re: Le Pape Dictateur (Marcantonio Colonna)
Les organismes financiers du Vatican
L’Administration du Patrimoine du Siège Apostolique (APSA) était et est le département de trésorerie et de comptabilité générale du Vatican. Elle disposait d’une « section ordinaire », chargée d’administrer le patrimoine immobilier du Saint-Siège, avec un bureau d’achat, et d’une « section extraordinaire » qui gérait un important portefeuille d’investissement.
L’Institut pour les Œuvres de Religion (IOR) est populairement connu sous le nom de « Banque du Vatican », qui est la fonction qu’il exerce. Il gère des comptes qui sont censés être destinés à des organismes ou des particuliers liés au Vatican, mais l’enquête en 2013 a montré qu’un grand nombre ont été détenus par des personnes en dehors du Vatican, probablement pour des fins de fraude fiscale. Des milliers de comptes ont été brusquement fermés à ce moment-là. En juillet 2013, le chef de l’IOR, Ernst von Freyberg, a reconnu publiquement que le blanchiment d’argent faisait partie des activités permises par le laxisme du contrôle, et il a nommé Monseigneur Scarano comme « un véritable professionnel du blanchiment d’argent ».
Un autre organe qu’il faut considérer est le Gouvernorat de l’État de la Cité du Vatican, qui a la charge des importantes sommes d’argent provenant des musées et des divers magasins et supermarchés de la Cité du Vatican.
Au-delà, il y avait la Secrétairerie d’État qui, comme on l’a fait remarquer plus haut, avait acquis un pouvoir croissant au cours des cinquante dernières années en tant qu’organe ayant autorité sur tous les départements de la Curie. En particulier, le Cardinal Bertone, dans le cadre de la construction de son empire entre 2006 et 2013, avait pris soin d’établir le contrôle de tous les aspects des finances du Vatican. Les départements d’intérêt particulier étaient la Préfecture des Affaires Économiques du Saint-Siège (dont les responsabilités devaient être assumées par le nouveau Secrétariat à l’Économie en 2015), la Congrégation de la Propagande, qui dispose d’un énorme budget, et la Congrégation pour les Causes des Saints, en raison des sommes importantes qui affluent pour financer les procès de béatification et de canonisation – une activité qui devint une grande affaire avec l’augmentation de ces procès sous Jean-Paul II.
L’Administration du Patrimoine du Siège Apostolique (APSA) était et est le département de trésorerie et de comptabilité générale du Vatican. Elle disposait d’une « section ordinaire », chargée d’administrer le patrimoine immobilier du Saint-Siège, avec un bureau d’achat, et d’une « section extraordinaire » qui gérait un important portefeuille d’investissement.
L’Institut pour les Œuvres de Religion (IOR) est populairement connu sous le nom de « Banque du Vatican », qui est la fonction qu’il exerce. Il gère des comptes qui sont censés être destinés à des organismes ou des particuliers liés au Vatican, mais l’enquête en 2013 a montré qu’un grand nombre ont été détenus par des personnes en dehors du Vatican, probablement pour des fins de fraude fiscale. Des milliers de comptes ont été brusquement fermés à ce moment-là. En juillet 2013, le chef de l’IOR, Ernst von Freyberg, a reconnu publiquement que le blanchiment d’argent faisait partie des activités permises par le laxisme du contrôle, et il a nommé Monseigneur Scarano comme « un véritable professionnel du blanchiment d’argent ».
Un autre organe qu’il faut considérer est le Gouvernorat de l’État de la Cité du Vatican, qui a la charge des importantes sommes d’argent provenant des musées et des divers magasins et supermarchés de la Cité du Vatican.
Au-delà, il y avait la Secrétairerie d’État qui, comme on l’a fait remarquer plus haut, avait acquis un pouvoir croissant au cours des cinquante dernières années en tant qu’organe ayant autorité sur tous les départements de la Curie. En particulier, le Cardinal Bertone, dans le cadre de la construction de son empire entre 2006 et 2013, avait pris soin d’établir le contrôle de tous les aspects des finances du Vatican. Les départements d’intérêt particulier étaient la Préfecture des Affaires Économiques du Saint-Siège (dont les responsabilités devaient être assumées par le nouveau Secrétariat à l’Économie en 2015), la Congrégation de la Propagande, qui dispose d’un énorme budget, et la Congrégation pour les Causes des Saints, en raison des sommes importantes qui affluent pour financer les procès de béatification et de canonisation – une activité qui devint une grande affaire avec l’augmentation de ces procès sous Jean-Paul II.
VotreServiteur- Troisième Demeure : J'évite tous les péchés.
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