Témoignage d'un prêtre (1997)

Ainsi commence la prière d'oraison de la Messe en l'Honneur de la Croix Glorieuse. Tout le Mystère d'Amour de Dieu pour Son Humanité se trouve ici dévoilé dans" le scandale de la Croix".

Jusqu'à présent les hommes n'ont cessé de regarder le monde avec le souci constant de dominer les forces adverses et de guider leurs destinées vers des voies de salut, de bonheur et de prospérité inspirées de leur science, de leur raison et de l'expérience. Et voici qu'il est demandé à l'homme d'accepter un salut qui ne soit plus son oeuvre, mais l'œuvre du Père et d'admettre que ce même Salut se réalise dans l'humiliation de JESUS sur la Croix. Il n'est pas étonnant que se dressent alors des formes contestataires, parfois virulentes, du signe qu'elle représente dans la conscience et dans l'évolution humaines.

Les progrès enregistrés dans l'Histoire humaine et particulièrement dans ce siècle, traduisent clairement une réalité qui ne peut échapper à quiconque veut poser une réflexion sérieuse sur la modernité. Les capacités humaines, les découvertes, les progrès de toutes sortes, ont donné une telle amplitude à l'orgueil de notre espèce qu'il était facilement admis, dans l'inconscience autant que dans la conscience, que le temps viendrait où l'homme serait son propre sauveur et n'aurait donc pas besoin d'un Dieu qui lui tendrait la main.

Dès lors, l'idée de la Croix et du Salut de toute l'Humanité par la Mort de JÉSUS, apparaît comme la réminiscence d'une religiosité démodée, archaïque, en complet décalage avec l'évolution des temps modernes. Par ailleurs l'acceptation d'un salut qui ne serait pas l'oeuvre des hommes, constituerait le meilleur aveu de faiblesse et d'impuissance d'une génération qui a cru pouvoir résoudre tous les grands problèmes de son existence par sa propre sagesse. Refuser aujourd'hui la Croix, c'est refuser ses limites, ses échecs, ses erreurs et se maintenir avec obstination sur le chemin des plus graves impasses.

Que sont devenues les belles envolées discursives des philosophes totalitaires imbus de socialisme égalitaire ou d'idéologie universelle ? Ni les discours, ni les armes, ni la patience, ni la force, n'ont pu réaliser un monde nouveau. Chacun croyait aussi l'espace terrestre plus paisible et l'intelligence humaine plus aiguisée, pour oser affirmer qu'un temps nouveau de justice et de paix était arrivé : mais qui peut, en ces temps d'angoisse et d'incertitude, tenir des propos aussi naïfs ? La démocratie elle-même est objet de discussion et de doute. Les maladies nouvelles se jouent de toutes les compétences et de toutes les recherches. L'incertitude est réelle. Ce n'est pas manquer d'espérance que de faire ce constat, mais c'est manquer de réalisme de le nier.

L'homme, aujourd'hui, attend un SALUT et il attend un SAUVEUR. Malheureusement, il attend encore un Salut de sa science et il attend un sauveur à la mesure de son espèce qui donnerait un nouveau souffle à la société de consommation et nourrirait son appétit de jouissance terrestre sans les risques de la maladie, de la guerre, de la violence et de la mort. Parler d'un Dieu et d'un SAUVEUR mort sur la Croix, dans un tel contexte ne peut qu'engendrer la peur, la méfiance et le refus.

La Croix n'est pas ce que les hommes attendent; c'est pourtant la seule vérité qu'il faille annoncer pour que, demain, nous soyons tous sauvés et que nos coeurs retrouvent en plénitude une espérance jusqu'alors trop tiède ou absente.

L'heure n'est plus aux discours simplistes qui consisteraient à dire :
"II faut du travail, il faut guérir le SIDA ou se protéger, il faut des instances puissantes pour enrayer les génocides et les racismes, il faut protéger l'univers de tous les déchets chimiques et radioactifs, il faut faire ceci ou cela... ".

Aujourd'hui, l'urgence est claire : VOUlONS-NOUS ENCORE UN JÉSUS CRUCIFIÉ QUI APPORTE LE SAlUT AU MONDE ? S'il en est ainsi, alors la Croix reprend sa place dans nos coeurs, dans nos maisons, dans nos cités; elle s'élève et devient Signe de la Puissance de Dieu au milieu des limites humaines. Et tout homme verra le Salut de Notre Dieu : il connaîtra son SAUVEUR et deviendra le TÉMOIN DE LA CROIX.

Plusieurs milliers de Croix viennent de s'élever de terre, comme des rameaux nouveaux, des germes lumineux d'une espérance fondée dans le Christ. C'est le Signe de notre Salut. Il n'est pas le fruit d'une volonté humaine, ou le caprice d'une femme comme JNSR : il est vraiment la marque du Christ sur notre Terre; par son altitude, il est le lien qui unit au premier Calvaire; par sa luminosité, il est le signal de victoire dans un monde chaotique et ténébreux.

Tant de nos monuments créés par la main des hommes, sont devenus aujourd'hui le symbole du triomphe et de l'orgueil, de la puissance et de la suprématie. Ces nouveaux temples, soulignés par leur hauteur et soutenus par l'éclairage de puissants projecteurs, semblent faire l'approbation de chacun, sans contestation aucune, alors que l'élévation des Croix lumineuses de 7 m,38 en lien avec le Calvaire du Seigneur, crée au sein de nos communautés des signes de désaccord injustifiés.

La Croix ne peut être le signe ou le fétiche d'une secte. Elle ne peut être le fruit de nos déchirements. Elle est la manifestation de notre Salut en Celui qui a cloué sur le Bois de la Croix les péchés du monde entier. Il nous revient donc de puiser notre force et notre espérance en Celui qui doit revenir sur notre Terre pour que tous les yeux, qui se lèvent vers Lui, connaissent le Salut.

Trop longtemps, les chrétiens n'ont-ils pas été marqués par la peur du témoignage, une sorte de prudence qui aboutit au silence de l'Evangile et à la tiédeur de la Foi. Peut-être avons-nous laissé à l'esprit du Monde la liberté d'agir dans le monde. Toutes nos craintes pouvaient même trouver leur justification dans cet élan nouveau qui est celui de la tolérance, du respect des différences et de la liberté religieuse. Pourtant, rien ne nous autorise aujourd'hui à cacher le Mystère de notre Foi ou à empêcher les Croix lumineuses de s'ériger au coeur de nos cités pour les marquer de la Présence de Celui qui nous a aimés jusqu'à donner Sa Vie par Amour pour nous. Le Christ n'est pas divisé et il n'existe aucune ambiguïté d'ordre spirituel au sujet de la Croix du Seigneur : tout discours et toute contestation à son sujet ne font que nous éloigner de l'essentiel pour nous diviser sur le superficiel.

Les premiers chrétiens se sont unis autour de la Croix du Seigneur : il nous revient aussi de retrouver ce même chemin de paix, d'amour et d'unité, dans un Monde assoiffé de grandes valeurs et appesanti par l'épaisseur des confusions et des ténèbres. Ne blessons pas le Corps du Seigneur par nos querelles futiles : le Seigneur a tant besoin du regard des hommes vers la Croix de Son Fils pour qu'ils soient TOUS sauvés et parviennent à la connaissance de la Vérité."